Citations de Emma Becker (222)
Qui de nous deux produira l'exposé philosophique le plus à même d'isoler la seule vérité qui compte, celle de cette minute qui se transforme en obsession?
Je ne comprends pas que le souvenir du plaisir puisse n'être que ça, qu'un souvenir, qu'on puisse être assez raisonnable, assez adulte, pour renoncer à la possibilité, même dérisoire, que la même recette et les mêmes ingrédients puissent donner toujours le même résultat.
Et puis je me dis que Gaspard fait le choix de ne pas me parler des moments où il a été triste ; il saute directement de la rupture à ces retrouvailles joyeuses, sans évoquer ce qu'il lui aura fallu de sacrifices, de journées à se traîner du boulot à l'appartement, de faux sourires, pour ne rien laisser percer. Il fait ce choix par amitié pour moi, et peut-être parce qu'il se souvient de ces heures abominablement mortes où tout conseil, tout mot d'espoir devient une insulte au malheur qu'on rumine, que ces heures, on ne peut pas en parler, on ne peut que les vivre, seul dans son coin, on ne peut pas décrire convenablement ce malheur aux autres, pourtant les autres vivent exactement la même chose, mais les mots qu'ils utilisent et les nôtres, s'ils sont identiques, parlent de radicalement autre chose.
j'ai pris la résolution de ne plus toucher aux allemands sans rétribution financière
Ecrire et vivre sont deux choses distinctes. Oui, mais pas quand on écrit comme moi. Pas quand on vit dans la perspective d'écrire
Si même les seniors n'y touchent pas, ça doit être frelaté
j'étais tombée amoureuse de lui en l'écrivant, ou bien de moi, mais suis-je même capable de faire la différence?
Quelque chose d’impalpable doit le retenir, il ne comprend pas lui-même mais rien ne l’attire, c’est un instinct de bête qui lui murmure Si même les seniors n’y touchent pas, ça doit être frelaté. Ouais, d’accord, j’ai des bas couture, mais ça ajoute une touche un peu pathétique à l’ensemble, comme si je le croyais capable de tomber dans un tel panneau.
Il est tant de choses qui justifient de vivre qu'il serait fastidieux d'en faire la liste (...) mais quelque part sur cette liste infaisable se trouve la certitude de vivre dans un homme, à cet instant même, et de sentir cet homme vivre en moi, et l'envie pressante de lui dire, la gorge serrée, que s'il m'était donné la possibilité de me téléporter en un claquement de doigts, ce serait pour me retrouver dans son salon que je l'utiliserais et pour sentir mon cœur battre bêtement tout près du sien.
J'aimerais bien être la Jane Birkin de quelqu'un, pour une fois. C'est trop demander, putain, un type qui me regarde comme s'il n'avait jamais rien vu de plus beau? Je ne dis pas en permanence mais disons au moins un peu, le temps que ça prend pour s'en faire un souvenir, Et lui retourner ce regard, tous les deux enveloppés dans un chaud ravissement.
Si tous les couples restaient ensemble pour les enfants, ça se saurait. Il sera toujours temps de partir si les choses deviennent insupportables. Pour l’heure, il s’agit de prendre un peu de recul. Évidemment que la vie avec Jon, sans enfant, sans contraintes, assaisonnée du désir de bêtes malades que nous avons l’un pour l’autre, est plus excitante que la conjugalité.
J’étais piégée, alors, entre mon besoin de nouveauté et la conviction de ne jamais pouvoir trouver une quelconque satiété dans ces rencontres d’un soir. Si le plaisir m’intéressait, il me semblait évident que je ne pourrais avoir de révélation qu’au contact d’un amant plus ou moins régulier.
Je savais ne pas pouvoir décemment être nue en dessous, pas avec le manteau court que je me trouvais avoir, mais l’important c’était d’être couchée dans la neige sur une peau de bête, et possédée là au milieu de cette blancheur moelleuse (je tiens au terme possédée , à son sous-entendu presque désuet d’abdication). Jon trouvait l’image excellente. Et peut-être qu’à cette période-là de l’année, l’approbation de ce beau garçon brun me suffisait.
Il fut une époque, pas si lointaine, où nous nous mentions, et quand nous rentrions de vadrouille nous cherchions discrètement, sur nos cols de chemise, dans notre cou, des traces de ces mensonges mal ficelés.
Après tout, il n’est qu’un énième homme pour qui le risque quotidien d’être violé ou tué est quasi nul. « Ça me rappelle un peu le chanteur d’INXS, je glousse, ce qui n’est pas la plus rassurante des comparaisons. – Hutchence est mort. A priori tu n’as pas envie de mourir, et moi je n’ai pas envie d’un cadavre chez moi. – Pas faux. – Et puis l’idée, c’est que je te détache, pas que tu t’étrangles. – D’accord. – Après, je pense que je te prendrais à quatre pattes.
La vie est vraiment mal faite, nom de Dieu. Ça me fait de la peine d’écrire ça, de rapporter cet échange, et de m’en être alors cognée à ce point. Quand je pense à ce que j’aurais donné pour entendre Victor dire ces mots, manifester cette timidité. Je me serais retenue à grand-peine pour ne pas abandonner mon fils et son père sur-le-champ. Là, les deux me manqueraient presque. Je suis déchirée entre l’envie de rire et la consternation.
À moins de lui signifier sans doute possible l’ennui qu’il m’inspire, impossible de me barrer, comme ça, sous ce déluge. Si la baise avait été correcte, je serais sans doute restée de mon plein gré. J’aurais peut-être même roulé un joint, tiens. Mais cet interlude gênant a tué dans l’œuf l’intérêt que pouvaient m’inspirer Vassili et sa condition d’écrivain, jusqu’à son amour pour Nicholson Baker.
Quelle que soit sa conception de ce qui me fait envie, Vassili a senti qu’il ne fallait pas pousser non plus, et il me besogne avec une urgence palpable. Mais sa bite joufflue se fait la malle, elle est revenue au stade de bourgeon élastique, péniblement étranglée par la capote en tire-bouchon. Si nous étions dans une chambre, procédurière comme je suis, je mettrais tout mon art à le faire durcir à nouveau, mais nous sommes en pleine ville et franchement, mon expérience est faite : c’est nul, qu’on en finisse.
Maintenant qu’il bande, sa queue est absolument énorme. Je m’empare du préservatif qu’il me tend, le déroule et bave discrètement dessus, comme c’est l’usage lorsqu’on est résolue à laisser de bons souvenirs à des mecs dont on se fout.
Maintenant qu’il bande, sa queue est absolument énorme. Je m’empare du préservatif qu’il me tend, le déroule et bave discrètement dessus, comme c’est l’usage lorsqu’on est résolue à laisser de bons souvenirs à des mecs dont on se fout. Il faut se dépêcher, non pas à cause de l’orage – qui apparemment hésite –, mais parce que j’ai reconnu tout de suite le genre de grosse bite qui a le chic pour se dégonfler dès lors qu’on cesse de l’entreprendre.
L’impatience doit se sentir sous ma politesse, parce qu’au bout de dix minutes, lorsque je réalise que, selon mon planning fantasmatique, je devrais déjà être rentrée, il se lève et suggère qu’on attache nos vélos un peu plus loin. Un peu plus loin, c’est-à-dire à l’orée du chêne où j’ai poireauté un quart d’heure, là où s’étend une plaine vallonnée, à perte de vue. Pas âme qui vive aux alentours. Le tonnerre se rapproche dangereusement, alors que nous avançons dans l’herbe craquelante. L’air se déplace de mauvaise grâce autour de nous, lourd des effluves de foin sec et de fleurs piétinées, gâtées par la chaleur.