Citations de Emma Becker (222)
J'ignore autant que lui (Stéphane) la part de bravade qui m'a lancée dans cette entreprise. Je ne me sens plus l'audace naïve que j'avais à vingt ans. Tant de choses se sont passées depuis.
Se voir neuve, fraîche dans ces yeux sombres est comparable à une ivresse nouvelle. Elle avait oublié le frisson qu'il y a à regarder un homme qui vous regarde et ne sait pas qu'il vous aura. Qui l'espère. Qui prend son élan, tapi dans l'ombre.
... - elle était prise d'une pitié déchirante pour la bêtise insondable des hommes. Bêtes lorsqu'ils étaient en érection - ça, tout le monde le savait, eux compris - mais pas moins cons une fois vidés, encore plus cons en fait. Doux comme des agneaux. Rayonnants, domptés par l'illusion d'avoir fait jouir et tout prêts à reprendre une part du même mensonge.
- Ah, ne m'énerve pas, j'ai vu comme tu la regardais.
- Parce qu'elle était jolie !
- Je suis ravie de te l'entendre dire. Et tu me donnes raison ; peut-être que leur boulot, au fond, ce n'est que d'être jolies et désirables, mais la différence entre celles que tu regardes et celles que tu ignores, c'est le supplément d'âme qu'elles mettent à t'accrocher.
- Donc, ce sont des actrices.
- Potentiellement les plus grandes actrices. Une pute qui te donnerait l'impression de la posséder vraiment, une pute qui te ferait oublier ce qu'elle t'a coûté, c'est la quintessence de l'actrice, il n'en faut pas d'autre.
Et la petite rue découverte au hasard d'une balade sans but, parce qu'on cherchait autre chose qu'on a jamais trouvé, aura à jamais cet air de fulgurance qui ne frappe personne d'autre que soi.
Bien sûr que c'est moins tragique d'être à la Maison plutôt que chez Lidl à s'escrimer pour un salaire risible ; la seule supériorité de la caissière sur la pute, c'est de pouvoir dire sans rougir ce à quoi elle occupe ses journées. Quoique sans rougir... Peut-être que le jour où on offrira aux femmes des boulots convenablement payés, elles n'auront plus l'idée de baisser leur culotte pour compléter leurs fins de mois - et le monde ira mieux alors, non ? Ou la morale ?
(...) oui, d'accord, les hommes aiment les toutes jeunes filles mais, selon moi, ceux qui les préfèrent aux autres manquent cruellement de confiance en eux, il est d'une facilité déconcertante d'impressionner les jeunes filles à bas frais, il n'y a même pas besoin d'être bon en quoi que ce soit. Les hommes qui font une fixette sur les jeunes femmes sont des petites bites ou des impuissants, ou les deux, voilà ce que je pense. Et les vraies femmes n'ont que faire des nazes à qui il faut absolument des corps intouchés ou des seins qui regardent le ciel.
Il y a des minutes si légères dans une vie humaine, des grâces si brèves que les mots pourraient uniquement les alourdir.
Ce qui vous blesse dans la pute, c'est de savoir qu'elle simule, et que ça vous fasse jouir quand même.
Je ne suis jamais qu'une parenthèse dans la vie de Monsieur, et aussi accaparante ou passionnante que puisse être une parenthèse, après tout ça n'est jamais qu'un minuscule insert au milieu d'un texte déjà dense, une technique ornementale à laquelle on a recours lorsqu'il est impossible de rajouter une phrase en plus.
On peut toujours faire confiance aux enfants pour tourner de force des pages qu’on aimerait garder ouvertes.
Les trous des filles appartiennent au domaine public, on y ferait rentrer des mondes, des bras, des jambes, tant que ça rentre, mais deux doigts dans le cul d'un mec, cest triste à dire, mais c'est de l'ordre de l'indicible.
Il t'aurait suffi d'être souriant et aimable pour que je le sois aussi. Malotru. Tu ne saurais pas distinguer un œil mouillé de désir d'un moteur à explosion.
Peu importe combien de fois on baise avec d'autres, et peu importe les raisons, lorsqu'on le fait avec celui qui compte, c'est comme revenir au port.
Baiser et jouir sont indéniablement liés, la queue et le cerveau ne mènent pas une vie parallèle pendant l'acte - ils marchent main dans la main et fusionnent au moment de l'orgasme.
Hier, je suis avec mon fils qui vide méthodiquement le placard à vêtements pendant que je fais son lit. Je cherche un boutis assez grand pour couvrir son matelas - et dans la commode du couloir, le premier à me sauter aux yeux est le dessus-de-lit de trois mètres sur trois que j'ai acheté lorsque la Maison a fermé. Il patiente là depuis cinq mois, plié à la sauvage, jamais lavé.
« Parfois on extrait une écharde. Parfois on s’extrait d’une écharde. Le reste n’est que ce long processus de désamour qui ramène toutes les petites filles à des rivages où elles désapprennent la douleur, la compromission, l’abnégation, le tourment – où les chagrins sont moins poignants et le plaisir moins dense. »
Si je t'embrassais maintenant, comme je l'ai souvent rêvé, comme j'en meurs d'envie, ce serait avec toute la force du désespoir, parce que tu es le fils de cet homme que je ne parviens pas à oublier, et que tes baisers me feraient sans doute le même effet que la méthadone prescrite en pis-aller aux héroïnomanes repentants - si tu savais combien je les ai cherchés, ces Presque, ces Pas tout à fait, ces Oui mais non. Imagine quelle valeur tu as pour moi, qui me suis gorgée de copies imparfaites de ton père.
Il m'était insupportable de penser que peut-être, une fois encore, je serais la seconde roue d'un monocycle parfaitement fonctionnel.
Personne n'ira voir quelles femmes se cachent derrière les putes. Et il faut qu'on les écoute. Dans cette carapace vide que sont les putes, ces quelques carrés de peau loués à merci, auxquels on ne demande pas d'avoir un sens, il y a une vérité hurlant plus fort que chez n'importe quelle femme qu'on n'achète pas.