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Citations de Ernest Pépin (40)


Nous sommes
Si peu de chose face à l'amour
Si peu de paille face au feu
Si peu de chair face au plaisir
Si peu
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Ernest Pépin
Né de tes yeux (extrait)


Femme
Je recueille la lumière au midi de tes yeux
Je suis né de tes yeux
Où viennent boire les lucioles
Tes yeux de lune montante
Tes yeux d'îles rebelles
Tes yeux d'insomnies
Berçant un corail rouge
Je suis né d'une boîte à bijoux
D'une Atlantide rose
De l'aimant de la lune
Et d'un trop - plein d'étoiles
Je suis né de la prophétie de tes yeux
Où le temps vient mourir
Sans crier gare

( " Printemps des poètes 2007")
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Cuba me hélait d'un grand cri rouge. La Jamaïque descendait des montagnes bleues. Puerto Rico picorait des étoiles. Santo Domingo buvait du sang aux frontières. Saint-Vincent émigrait au Honduras. La Martinique broutait ses laminaires. La Guadeloupe refusait son double sous prétexte de mauvaises manières. Sainte-Lucie récoltait des prix Nobel. Trinidad cousait inlassablement des costumes de carnaval. Et toutes ces îles, comme des graines dans la calebasse de la mer, répandaient des rythmes, des bibliques créoles, des odyssées, des chants de griots, des nostalgies, des emmêlements de langues et de dieux, des aboiements de volcan, des coumbites de poètes, des envols de mangroves. Et toutes ces îles, pays d'hivernage tendre, de sécheresse rouge, de cyclone partagé, soudés au piment du soleil, fêtaient le monde en un seul lieu. Un archipel de saveurs et de douleurs. Un archipel des métissages.
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Le vent essoufflé poussait sans y croire des morceaux de nuages. La mer remuait ses mauvais souvenirs. La terre hélait en vain miséricorde. Les femmes et les hommes ruminaient leur silence. Tout semblait à part, vampirisé par une désolation que même les rires d'enfants n'arrivaient pas à conjurer. Et dans tout Paulette une question se chuchotait. Que cherchait l'étranger ? Ainsi m'avait-on nommé. Il est vrai que je m'étais déposé là comme se déposent sur les rivages les os blanchis de la mer. Nul ne savait d'où ils venaient. On trouvait un matin un tronc d'arbre sans mémoire, les débris d'une barque, des crânes d'animaux et tout un lot de mystères échappés de derrière l'horizon. Et même des squelettes humains ! « La mer s'est tournée à l'envers », disait-on en se signant. J'étais pour les habitants une pièce à l'envers même si j'avais débarqué de la terre ferme. Ils m’observaient en personnes habituées à ne rien attendre de bon des Marie-Soleil errantes. Je sentais l'odeur de leur méfiance et les mots qu’ils risquaient en ma présence se dispersaient comme des mouches dérangées. J'avais beau gratter sous l'écale de leurs yeux, sonder les intonations, examiner les visages, je n'arrivais pas à comprendre l'en-dedans de leurs dires. Un secret gisait là. Une ancre recouverte d'algues et de caillots de rouille, épaissie par la fantaisie des mollusques en une architecture que seuls les fonds marins savent créer. J'avais beau tirer sur la chaîne, l'ancre ensouchée dans son cocon de sable refusait de bouger. Je ne ramenais que des bribes de vent, des parures d'écume, des éclats de coquilles vides. Je pressentais pourtant qu’un vaisseau m'attendait. Je veux dire une vérité. Il me fallait donc utiliser la méthode des pécheurs. Je fis l'expérience d'une caye isolée que la mer respectait. Les vagues dansaient inutilement et je guettais les passages des oiseaux. Je devenais une longue patience, mâchonnant l'air sans m'en rendre compte, dérivant dans un temps insaisissable. Je devenais aussi un bloc de vigilance. La moindre lueur, le moindre reflet me faisaient tressaillir. Tout n'était que présences, flammes de vie. Je découvris la vrille de la concentration. Une aisance m'ouvrait à des complicités nouvelles. Au bout de ma ligne le jeu du monde se jouait. Chaque vague reliait les iles aux continents et les continents à des planètes lointaines. Et soudain la Caraïbe vint à moi comme une pêche miraculeuse.
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J'ai pris un de ces transports en commun qui luttent contre le mauvais état des routes, contre les rivières à traverser, contre les passes boueuses et les nids-de-poule. Il allait son chemin en brinquebalant sous la charge posée sur son toit. On y trouvait des cabris, de la volaille, des énormes paniers, des bicyclettes, des mallettes, des sacs de charbon, de riz, d'ignames. Il geignait dans les montées, dérapait dans les virages, s'agrippait au vent, mais il avançait. Le paysage changeait souvent. A des fêtes de verdure succédaient des échancrures torturées. A des flancs cassés par l'érosion suivaient les nappes des plaines. Des rivières s'égaraient. On y voyait parfois des lavandières, torse nu, courbées au-dessus des pierres. Des plantations surgissaient. Terre et mer se contrariaient. Combats d'odeurs. Des villages rappelaient l'Afrique. Cris des couleurs. Un pays, montagne debout, déchirait le ciel et convoquait les divinités au grand banquet de la miséricorde, et des crevasses embrumées montaient les fantômes d'une grande épopée. Je les devinais au bord des routes, saluant ceux qu'ils avaient libérés, estimant que, désormais, ils étaient riches d'un défi à relever et d'un pays à rêver. Le camion avançait. A bord. les passagers riaient, s'invectivaient, mangeaient, pleuraient, se courtisaient, racontaient des histoires de veau à deux têtes, d'ignames géantes, de trésor caché, de reine-chanterelle et de baka. Le chauffeur, tout en conduisant d'une seule main, répondait aux uns et aux autres, s'esclaffait, donnait de grands coups de volant. Maître à bord, il décrétait que c'était l'arrêt-pipi. Tout le monde descendait dans une belle pagaille.
Dégourdir les jambes.
Pisser debout.
Manger une banane ou une cassave.
Respirer.
Délier encore les langues.
On reprenait la route dans une ambiance déchaînée.
Je suis arrivé l'après-midi à Port-au-Prince. Pour moi, c'était rentrer dans la chaudière d'un volcan. Port-au-Prince m'a pris à la gorge, m'a secoué, m'a largué dans un chaudron bouillant d'odeurs et de sons.
Quelle ville !
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Quand le malheur ouvre sa gueule de caïman, ses dents sont sans pitié !
Pardon pour Marie-Soleil ! Miséricorde Seigneur ! Qui veut comprendre doit tenter de reconstruire une histoire qu'elle porte en elle comme un boulet de silence. Il faudra piéter des mangroves de choses non dites, récolter des bribes. Sonder l'impénétrable d'Haïti et plonger dans l'obscur. Je ne suis là que pour emboîter des paroles rapporter. C'est mon travail. J'effile ma langue sur des mensonges et je bobine le tout pour obtenir un racontage plausible. Nous savons tous que la vérité est une mendiante. Belle parole n'a pas de maître mais la mauvaise a toujours un visage. Loués soient les raconteurs !
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Ernest Pépin

Un oiseau passe
éclair de plume
dans le courrier du crépuscule
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En amour il ne suffit pas d'aimer
Il faut savoir éclore
Trouver le son
Inventer l'autre pour l'enfanter
Mourir
Renaître
Plonger dans la souffrance des torrents
Vivre pour deux comme une femme enceinte
Atteindre l'autre rivage
Le beau pays de l'autre
Oublier le chemin pour dessiner sa route
Accueillir le temps
Etre le septième jour
Devenir l'araignée qui tisse la lumière
En amour il ne suffit pas d'aimer
Il faut aimer à travers
Savoir que le corps n'a rien à donner
Sinon un coeur qui bat
Sinon un coeur qui bat
Quelque part dans l'univers
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Nous les chiens, lorsque nous avons appris cette abomination, nous nous sommes regroupés pour débattre et trouver une solution. Si les hommes s'avéraient incapables de régler leurs problèmes, il nous appartenait de le faire à leur place. Nous nous sommes réunis un soir de pleine lune dans un carrefour sacré des hauteurs de Pétion-Ville. Il y avait là le général Granzo, les officiers parmi lesquels on pouvait distinguer l'illustre Queue Coupée. Son prestige était grand depuis qu'il avait, par la science divinatoire des aboiements, annoncé la mort de François Duvalier. Un mois durant, il avait parcouru le pays, du nord au sud, d'est en ouest, en hurlant chaque nuit la sinistre nouvelle. Évidemment, personne n'avait voulu le croire puisqu'il était dit que Son Excellence était éternelle, composée d'une matière imputrescible, depuis que de grands prêtres, parmi les plus redoutés, l'avaient initié aux secrets de Baron Samedi. Baron Samedi faisait mourir mais il ne mourait pas. Queue Coupée appartenait a l’espèce des chiens sans poils que les Martiniquais appelaient chien-fer à cause de sa couleur métallique, et sa voix pouvait non seulement prendre des intonations humaines mais encore chanter des airs d'opéra. Pour François Duvalier, il n'eut pas recours à son répertoire habituel. II chercha plutôt du côté de l'Afrique. Et l'on entendit aux quatre coins d’Haïti des lamentos de kora. des solos de flûtes taillées dans les os des ancêtres, des musiques réservées à la cérémonie des morts, des prouesses sonores tirées du rituel vodou. Grand était Queue Coupée dans l'exercice de son annonciation, d'autant que, partout où il passait, il semait le prodige d'une mort spectaculaire. Duvalier, en effet, ne voulait pas partir seul et il précédait son départ d'une cueillette d'âmes dignes de l'escorter dans le royaume des morts. Les élus s'enflammaient soudainement, se transformaient en torches vivantes que l'on voyait flotter dans le ciel parmi les étoiles. D'autres perdaient leur chair sans crier gare et promenaient les os de leur squelette à l'entrée des cimetières. D'autres encore allaient tout seuls d'un pas décidé s'installer dans un cercueil où on les retrouvait raidis comme des blocs de glace. Sans compter ceux qui avalaient leur langue. Il y eut même le cas d'un nouveau-né qui se dévora lui-même au grand désespoir des infirmières. La police donna en vain le signalement du Très Craint et Très Puissant Queue Coupée mais par un procédé non expliqué à ce jour, il apparaissait ou disparaissait sans laisser d'autres traces que ces mortalités qualifiées d'infernales.
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Le soleil pissait une chaleur impitoyable sur le grand désordre de la ville.
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Les hommes me remplissent d'odeurs crues.
Sueur.
Poussière.
Tabac.
Aisselles.
Sexe.
Fantasme.
Ciment.
Huile de moteur.
Alcool.
Vaseline.
Prison.
Eau de Cologne.
Tout cela compose la chimie secrète de leurs épreuves. Ils se veulent désir. Ils n'apportent que la peau de la ville. Ils viennent s'exiler, à la Maison, afin de retrouver une forme humaine.
Ils ricanent bêtement. Moi seule, je dois tenir pour eux tous. Oublier les barbaries. Traverser les barricades. Huiler les gonds de leurs os. Moi seule ! Moi seule peut transformer leur odeur en parfum. Ils se lavent dans mon corps et puisent en moi une impossible lumière. Après ils titubent comme des marins au contact de la terre ferme. Je joue à être leur océan. C'est pourquoi ils m'aiment. J'ai mis toute ma douleur dans mon sexe de femme. Toute ma révolte aussi...
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- Les hommes me parlent. Je devine leurs lâchetés. Je renifle leur désarroi. Je flaire leurs trahisons. Ils sont prêts à tout pour survivre, sauf à réaliser une... révolution. Ils parlent. Ils écrivent. Ils fuient. Ils violent. Ils tuent. Rien pour débarquer la misère !
Ils chantent : "Lumé difé an deu jamb yo ! Lumé difé an tyou a yo ! Lumé difé !" en se trompant de champ de bataille. J'allume le feu dans leurs testicules. Je mets en route mon moulin à cannes. Ils croient, pour de bon, que ce sont eux qui font chanter mon amande douce-amère. Mais Bon Dieu ! Pourquoi tiennent-ils tant à punir les femmes ? D'où vient leur besoin de vengeance ? Où est leur victoire ? Est-ce parce que nous les avons mis sur terre ?
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Ernest Pépin
Lire c’est recréer l’âme des choses, écrire c’est fabriquer un nid pour les œufs de la mémoire.
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Il n’y a plus de jour
L’univers ne connaît que le temps des étoiles
Qui viennent mourir
Au fond de nos yeux
Ainsi meurt l’amour
À peine né
Né pour rien
Au bal des poussières
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Femme
Qui chante la soif de l'ombre
L'émotion intime de l'aile
L'indicible
La vie toujours à ramasser
L'honneur d'aimer
L'amant aux doigts de pluie
Les jeux interdits
La première pierre
Tout ce qui fait du monde une femme
Haut perché sur une goutte de sang
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C'est cadencer le monde qu'il faut
dans son chemin d'errance
nous qui venons de si loin
d'une crinière d’écume d'eau salée
nous qui venons de si loin
que nous avons fatigué les requins ....
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J'ai avalé deux ou trois verres de rhum.
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Contrairement à nous, Rosan s'enorgueillit d'avoir un nez pointu c'est-à-dire, insiste-il, un nez de Blanc-France! Pour l'affiner d'avantage Rosan pétrit son nez toute la journée. Il nous explique qu'à force, il atteindra la perfection d'une beauté interdite aux Nègres. Moi aussi, en cachette, je tire sur mon nez pour l'allonger. Je le presse pour le rendre plus étroit mais le miroir me renvoie toujours l'image d'un bout de chair rond où s'élargissent deux trous sans pitié pour mon fantasme.
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Le vent caressait les feuilles de sisal et la mer roulait des vagues molles qui agonisaient sur la mince frange du rivage. Quelques pêcheurs allaient au large sous un soleil-pilon et rapportaient de temps à autre des bonheurs de poissons.
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J'entends ceux qui se justifient en s'écriant: "an pa té ni tune, an té oblijé mannyé biten a moun"! (je n'avais pas d'argent, j'étais obligé de voler). S'ils étaient honnêtes, ils devraient reconnaître qu'ils ont choisi une existence de voleurs.

J'entends ceux qui s'abritent derrière: "yo pa ka fè ayen pou le jénès" (ils ne font rien pour la jeunesse). Je leur demande : "et vous, qu'est-ce que vous faites pour vous?".

Je vois ceux qui brandissent une pancarte marquée "chômage" pour excuser leur démission. Le chômage est un grave problème. Cependant, il ne peut être un alibi pour la délinquance et la barbarie.
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