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Critiques de Etaf Rum (152)
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Le Silence d'Isra

Dans le silence d’Isra résonne le silence de toutes les femmes soumises aux diktats de coutumes et religions et qui paient au prix fort une vie réduite à rien.



Isra n’a que dix-sept ans en Palestine quand sa mère la marie de force à Adam. Le jeune couple immigre en Amérique auprès de la mère d’Adam, Farida. Isra n’était alors qu’une enfant qui aimait lire et rêver à un grand amour. Malgré ses envies de s’acclimater à sa nouvelle vie, rien ne lui sourira. L’amour ne sera pas au rendez-vous et elle n’enfantera que de filles au grand désespoir de sa nouvelle famille. Progressivement, Isra va sombrer plus bas que terre partagée entre les traditions et l’envie d’une autre vie pour ses filles. Sarah, la sœur d’Adam sera la lumière de cette histoire à travers sa lucidité et ses ailes déployées. Les livres seront pour ces deux amies le pont vers des rêves plus cléments, réveillant une imagination et une fascination des plus salvatrices.



Ce roman oscille entre la vie d’Isra et des années plus tard de Deya, l’aînée de ses filles.

Etaf Rum décrit ici avec un réalisme effrayant et effarant les barrières et prisons qui s’abattent dés la naissance sur une fille arabe prise aux pièges dans les marasmes d’une religion dépassée et toxique. Les mères ici n’ont qu’un but, marier leur fille avec le premier venu, ne plus les revoir et souhaiter un fils à qui reviendra tous les droits, y compris celui de battre et de museler sa femme.



Ce roman est un coup de cœur. Il m’a chamboulée tant il est inimaginable de voir que de telles coutumes sont encore à la mode. Que l’amour et la liberté n’ont aucune valeur dans certains pays. J’ai eu mal au ventre durant toute ma lecture tant ce livre m’a oppressée. Ces hommes qui utilisent leur femme pour cuisiner, enfanter, élever les enfants, accuser de brimades et de coups ces femmes innocentes. C’est d’une réalité glaçante. J’espère que ce livre permettra à de nombreuses jeunes filles de trouver le courage et la force de sortir de ce carcan aliénant.



Impensable et inoubliable, un livre qui saigne, qui hurle, qui fait mal, qui marque.
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Le Silence d'Isra

Isra, Sarah, Deya, trois Palestiniennes confrontées à la tradition qui a fait d'elles des enfants traitées différemment de leurs frères parce que nées filles. Trois jeunes femmes éduquées dans la croyance qu'elles sont des créatures honteuses et sans valeur qui méritent d'être battues. Des futures épouses et mères, dressées à être totalement dépendantes d'hommes — pères, frères ou maris — qui peuvent aller jusqu'à les tuer sans que leur famille et leur communauté n'y trouvent à redire. Pourtant Isra, Sarah, et Deya vont avoir le courage, au péril de leur vie, de tenter de se libérer de cet épouvantable carcan. Pour elles, pour leurs filles, pour toutes les générations de femmes à venir. Une libération où la lecture et les études, elles l'ont bien compris, sont essentielles. Largement autobiographique un roman que je termine attristée et révoltée contre tant de violence faite aux femmes, et qui m'a fait prendre conscience, si besoin en était, à quel point le chemin de l'égalité homme-femme est encore long.
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Le Silence d'Isra

3 voix, 3 époques et une même condition : se taire et obéir.

Un seul rôle : servir et enfanter (des garçons de préférence), seule voie possible offerte à Farida, Isra et Deya, 3 femmes palestiniennes émigrées à New York, soumises au poids de leur culture et des traditions.

La première arrivée (et à se raconter) est Farida, mère de Sarah et d'Adam et belle-mère d'Isra, seconde et principale narratrice de ce texte intense. Mariée à 17 ans en Palestine par ses parents à un homme qu'elle a vu 2 fois et qui l'emmène dans la foulée vivre à Brooklyn, elle n'est que réserve et silence. Totalement soumise mais aspirant à l'amour et la liberté, ses désillusions seront à la hauteur de ses attentes à son arrivée en Amérique. Seuls les livres sauront combler son besoin d'ailleurs (tout comme ils seront également les compagnons de route de Sarah et de Deya).

Deya est la fille aînée d'Isra , elle est celle par qui les questions arrivent et la dernière à se dévoiler. Farida, sa grand-mère, cherche absolument à la marier alors qu'elle aspire à aller à l'université. Mais américaine par le sol et palestinienne par la culture, arrivera-t-elle à se faire entendre ?

J'ai dévoré ce roman polyphonique en un après-midi, totalement fascinée par l'histoire de ces femmes. J'ai frémi avec elles et aimé leurs velléités d'indépendance. J'ai espéré (parfois vainement), j'espère encore. Un très beau roman. Puissant. Une nécessité.

Un coup de coeur.









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Le Silence d'Isra

Je pense que si j’avais pu mettre plus de 5 étoiles je l’aurai fait. Pourquoi ? Parce que ce roman m’a tout simplement bouleversée. Il n’y a pas d’autre mot pour définir ce que j’ai ressenti à la fin de ma lecture. « Le silence d’Isra » est tout simplement un roman effrayant sur l’histoire de ces femmes soumises aux coutumes familiales et diktats religieux qui leur sont imposés tout le long de leur vie.



Etaf Rum nous raconte le destin de trois générations de femmes palestiniennes : Isra, Farida et Deya.



En 1990, Isra jeune palestinienne de 17 ans n’a pas le choix lorsque sa famille l’oblige à se marier avec Adam et l’envoie à Brooklyn vivre au sein de sa belle-famille. Malgré tout, jeune fille rêveuse grâce aux livres qu’elle lit en cachette, elle veut encore croire que l’amour existe ainsi qu’au bonheur qui va avec. Malheureusement, Isra va vite déchanter et perdre une à une ses illusions du rêve américain. Par sa belle-mère Farida, hautement attachée aux traditions archaïques, elle sera immédiatement soumise à la tyrannie et à la pression étouffante de devoir donner naissance à un fils. Adam, son mari ne fera rien pour l’aider car comble du déshonneur, Isra ne met au monde que des filles, dont Deya, sa fille ainée qu’elle rêve de sauver de ce destin déjà écrit pour elle.

Petit à petit, la jeune fille autrefois rêveuse va vivre cloitrée, recluse, silencieuse par la force des choses. Seule lueur dans ce monde de ténèbres, les livres que lui donne Sarah, sa belle-sœur révoltée et rebelle au sort qu’on lui réserve également.



En 2008, dix-huit ans plus tard, Deya est arrivée en âge de se marier et sa grand-mère, Farida y veille ! Il est grand temps de lui chercher un prétendant.

La jeune fille aura-t-elle le courage de s’extraire de cette fatalité et de ce carcan familiale ? Écartelée entre la tradition et sa soif de liberté, Deya prendra elle la bonne décision pour sa vie future ?



Dans ce magnifique premier roman, Etaf Rum décrit avec une force incroyable et un réalisme effrayant le combat que doivent livrer certaines femmes pour vivre libres et sortir de ces coutumes absolument révoltantes qu’elles soient religieuses ou familiales. Et ceci encore de nos jours !

C’est tout simplement un coup de poing que l’on reçoit en pleine face : captivante de bout en bout, il est tout simplement impossible de lâcher ce livre.



Mais c’est également un poignant hommage aux livres et à la littérature. Oui j’en suis sûre les livres peuvent sauver. Outre qu’ils nous font voyager, rêver, rire, pleurer… ils peuvent cela aussi ! Lorsque l'on a y a complètement accès, ils font partis de nous…. en tous les cas ils font partis de moi.



Véritable ode aux femmes et à la lecture, ce roman est à lire absolument parce que cette histoire est tout simplement inoubliable une fois lue même si vous en ressortez totalement chamboulée.



Puisse t-il être lu et servir à toutes ces jeunes filles afin de les aider à sortir du sort qui les attends encore de nos jours !

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Le Silence d'Isra

Plantons déjà le décor, dans les grandes lignes:

Entre la Palestine des années 1990 aux années 2000

aux Etats-Unis. le récit se déploie sur plus de vingt-ans...à travers trois générations de femmes...



Un grand coup de coeur pour ce premier roman...avec des résonances

autobiographiques; Un hommage à la littérature et au courage incroyable de toutes les femmes écrasées, empêchées dans leur liberté et leurs capacités...



On fait connaissance du premier personnage féminin, centre de l'histoire, Isra, jeune fille aimant lire mais devant, étant une fille , se cacher pour le faire...



"- Les Contes des mille et une nuits. C'est celui que je préfère. (...)

- C'est plein de génies et de vizirs, des choses qui n'existent pas. Je préfère les histoires qui parlent de la vraie vie.

-Mais ça parle de la vraie vie, insista Isra. ça parle de la force et de la ténacité des femmes. Personne ne demande à Schéhérazade d'épouser le roi. C'est elle qui se propose, au nom de toutes les femmes, afin de sauver toutes les musulmanes en âge de se marier. Ces histoires qu'elle raconte pendant mille et une nuits, c'est la résistance. Sa voix est une arme, qui illustre le pouvoir extraordinaire des histoires en général, et la force des

femmes en tant qu'individus." (p. 134)



Isra sera mariée de force...De Palestine, elle émigrera, un mari acculé, mis sous pression par une mère terrifiante, gardienne inflexible des traditions les plus oppressantes... L'exploitation de sa belle-fille dévouée à son service, son obligation de faire au plus vite...un héritier...Mais Isra, se dévalorisant, se croyant maudite, ne mettra au monde que des filles !!...

Les pressions, humiliations... seront telles qu'elles mèneront au drame... mais je n'en dirai pas plus....



Le récit se fait à trois voix, alternance de trois générations... de femmes: Isra, sa fougueuse fille, Deya, et Farida, la grand-mère paternelle, mégère absolue !!... sans oublier un quatrième personnage féminin très, Sarah, la jeune tante paternelle de Deya, la première rebelle de cette famille palestinienne, qui s'enfuira pour éviter le mariage arrangé, deviendra libraire... et sera le soutien précieux de Deya, à l'approche du temps, où Deya, à son tour, sera dans l'angoisse de la présentation des prétendants selon les critères de sa grand-mère, qui l'a élevée et qui, au fil de ses années, ne s'est pas adoucie... dans sa rigidité aux règles ancestrales ...



Dans ce quotidien...la seule échappée pour ces femmes recluses, interdites d'exister, est le refuge dans la Lecture, pour tenter de garder la tête hors de l'eau !!



"Elle avait enfin compris. La vie n'était rien de plus qu'une méchante blague pour les femmes.

Une blague qui était loin de la faire rire.

"tu sais ce que c'est ton problème ? reprit Sarah.

-Dis-moi.

-Tu ne lis plus.

Je n'ai pas le temps de lire.

- Eh bien, tu devrais en trouver, du temps. ça te ferait beaucoup de bien. " (...)

-Alors lis en secret, comme moi. Ce n'est pas comme ça que tu faisais, en Palestine ?

-Si." Isra se laissa brièvement séduire par cette idée, avant de la rejeter, et sa propre soumission à l'ordre familial la frappa." (p. 208)



Ce qui est frappant toujours dans ces sociétés où les femmes sont des marchandises... les hommes sont terribles... mais les vrais poisons insidieux et toxiques sont les belles-mères, les mères des "Fils".... perdurant avec hargne à maintenir les règles d'enfermement de leurs belles-filles, ayant pourtant , elles-mêmes supporté brimades , dévalorisation, et harcèlement divers...



" Deya la dévisageait, impassible. Farida savait que sa petite-fille ne pouvait comprendre comment le déshonneur pouvait croître, muter et engloutir quelqu'un, ne lui laissant d'autre choix que de transmettre sa honte afin de ne plus être le seul à la supporter" (p. 359)



Mais l'histoire de notre famille palestinienne va devoir ouvrir les horizons, grâce à la détermination farouche de la petite fille, Deya et de sa tante, Sarah, qui lui ouvrira les yeux, lui fera profiter de ses propres expériences traumatisantes....



Un magnifique premier roman bouleversant, révoltant...captivant... qui nous offre un récit haletant... mais aussi, au terme du roman , des lumières d'espoir et de changements inespérés... dont la victoire de Deya , qui est parvenue à fléchir sa grand-mère pour obtenir le droit de s'inscrire à l'Université... [mais pas que...! ]. Une vraie pépite... merveilleusement habillée d'une jaquette très réussie et fortement symbolique { un ensemble de silhouettes féminines, colorées, voilées, de dos...) de Helen Zughaib " Women against the night"...
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Le Silence d'Isra

Le silence d'Isra est paradoxalement une voix, la voix d'une femme descendante d'immigrés palestiniens, qui par ce livre, a voulu faire entendre la voix de toutes ces femmes, réduites au silence.

Ce livre nous conte des histoires de femmes, toutes palestiniennes, même si elles vivent à Brooklyn. Il y a Isra, jeune palestinienne arrivée à la suite de son mariage, perdue dans un pays et au milieu de gens qu'elle ne connait pas. Il y a Farida, sa belle-mère, qui perpétue la tradition. Il y a Sarah fille de Farida qui n'accepte pas le destin qu'on lui propose, mais aura-t-elle le choix. Il y a enfin Deya fille ainée d'Isra qui cherche sa voie (voix). Leur histoire est racontée sur deux époques : la première décrit le début du mariage d'Isra, son désespoir qui augmente au fur et à mesure qu'elle engendre des filles, la seconde se situe à l'adolescence de Deya quand elle cherche à la fois à échapper à un mariage arrangé comme le veut la tradition et à comprendre ce qui est arrivé à sa mère.

Le livre se passe à Brooklyn, dans les années 1990 et au-delà. Il pourrait se passer dans n'importe quel pays musulman conservateur (j'ai malheureusement tendance à penser que de nos jours, ceci est un pléonasme). C'est une des choses qui m'ont le plus marqué dans ce livre, le fait que ces femmes vivant dans un pays qui a symbolisé une terre d'espoir pour des millions d'émigrants au cours des siècles y vivent comme elles vivaient en Palestine, dans le même enfermement au milieu de leurs familles. Comment ces familles ont-elles réussi à maintenir la tradition, même si quelques brèches apparaissent ici et là : l'une des raisons, c'est que les femmes sont les premières à vouloir le faire, à ne pas laisser leurs filles envisager une vie différente. C'est une réalité qui m'avait déjà frappée dans le magnifique : Que sur toi se lamente le Tigre.

L'auteure décrit avec beaucoup de force la difficulté de ces femmes à faire des choix différents, et le sort funeste souvent réservé à celles qui osent. Être une femme est une malédiction, n'enfanter que des filles est un tort, qui vaudra à Isra de perdre le peu de considération que son mari et sa belle-famille avaient pour elle, de subir les coups, l'asservissement.

Et pourtant, au milieu de cet univers fermé, un moyen d'évasion existe, partagé par Isra, Sarah et Deya : la lecture. Les livres qui leur ouvrent des horizons qu'elles n'ont pas le droit de connaitre. Ce roman rend aussi hommage aux livres.

Une lecture forte, qui remue, malgré quelques pages parfois redondantes, un style parfois un peu maladroit. Peu importe, j'ai été fascinée, révoltée, emportée. Quatre cent pages dévorées en moins d'une journée (mais quelques heures de la nuit).
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Le Silence d'Isra

Ce que j’ai ressenti:



Personne n’a pu vous raconter une histoire telle que celle-ci. Personne. Parce que sinon, le déshonneur serait absolu. Personne n’a pu vous parler de ce mal, parce qu’il reste secret, bien enfermé dans les foyers. Personne ne peut vraiment dire ce qu’il se passe derrière la façade des maisons…À moins que l’une de ces filles, issue d’une famille d’immigrés palestiniens, décide de faire entendre sa voix, d’écrire pour ces femmes, de briser les silences…Parce que le silence n’a jamais sauvé personne, Etaf Rum puise dans les mots, une magie bienfaitrice. Ce roman est puissant, et parce qu’il est un hommage à la littérature et à la sororité, il me paraît essentiel de vous dire que c’est un coup de cœur!



Elles auraient pu connaître l’amour, la liberté, le bonheur. Elles en rêvaient. Les livres leur avaient donné cet espoir. Elles y croyaient….Mais la vraie vie, n’est pas une jolie histoire à l’eau de rose. Isra, Deya, Sarah, Farida, Nora, Hannah…Elles sont femmes, mères, sœurs, tantes, amies…Leur seul malheur, c’est d’être né femme mais elles ne le savaient pas encore…Elles vont comprendre au fur et à mesure de l’avancée de leur puberté, qu’elles seront bientôt mariées, qu’elles ne seront destinées qu’à procréer et servir un homme qu’elles n’auront pas eu la chance de choisir, qu’elles ne pourront pas suivre des études, qu’elles resteront exclusivement dans l’enceinte de leur foyer, cloîtrées. C’est comme ça que le veut la tradition, et c’est comme ça qu’elle se perpétue de génération en génération, et la femme n’a pas voix au chapitre…Quel que soit le pays où elles se trouvent, aussi libre soit-il, elles ne connaissent que les quatre murs qui les enferment…Mais quelques unes, résistent, grâce à ce petit objet carré, qu’elles tiennent dans leurs mains…



Le silence d’Isra, c’est l’histoire de ces femmes confinées qui cherchent une voie salvatrice. Lire ce roman, c’est d’abord entrevoir la détresse de ces femmes recluses, la ressentir jusque dans les os, avoir le cœur qui se déchire dans le silence qui les entoure, toutes et chacune d’entre elles. Quoi qu’il arrive la contrainte de la famille et le poids des traditions sont si accablants, qu’aucune n’entrevoit la possibilité d’une libération…Et pourtant, sans trop spoiler, on voit un mince espoir s’infiltrer dans cette étrange captivité. Le pouvoir des mots. Lire et écrire devient une aide. Avec cette histoire poignante Etaf Rum, on peut entendre de l’intérieur ces femmes victimes de mutisme et d’invisibilité. Et s’il ne tenait qu’à nous de leur faire un peu lumière et de bruit, de les aider à faire éclater leur silence? Et puisque, j’ai la chance d’avoir le choix, je vais une prophétie auto-réalisatrice, je vais croire de toutes mes forces que c’est possible…





Ma note Plaisir de lecture 10/10


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Le Silence d'Isra

« Il n'est pas de plus grande agonie que de garder une histoire tue en soi. » MAYA ANGELOU



Et quelle histoire encore ici !

Dans certaines cultures, naître femme n'est pas une bonne idée, vraiment pas une bonne idée.

Naître femme, c'est vivre bâillonnée, être à la merci de son mari parce qu'avoir un mari c'est la destinée de la jeune fille, tout comme mettre au monde un fils au risque de couvrir la communauté d'opprobre .

Devenues mères, belle-mères, elles se font les gardiennes de ce monde et bâillonnent à leur tour leurs propres filles, belle-filles. Le silence est pour elles la seule voix. Elles pensent qu'il est « plus sûr de se soumettre que de se faire entendre. ». La lutte est si dure. L'honneur, une excuse légitime.



Etaf Rum décrit ce monde (hypocrite) dans lequel vivent des femmes opprimées par les limites et les interdits, et des hommes qui doivent apprendre à leur femme quelle est leur place.



🎵🎵 Si la voisine crie très fort, c’est qu’elle a pas bien entendu

Si elle a du bleu sur le corps, c’est qu’elle a joué dans la peinture

Et si un jour elle a disparu, c’est qu’elle est partie en lune de miel

En attendant, les jours de pluie elle met ses lunettes de soleil



Tout va bien, tout va bien

Petit tout va bien 🎵🎵



Isra, Deya, Sarah ... ont compris que le silence ne sauve pas. Elles aimeraient avoir prise sur leur vie, décider par elle-même, s'affranchir du rôle de la poule pondeuse au masculin, de l'oppression et de la voix de la peur qui n'est pas celle de la vérité, écrire leur propre page, ne plus faire semblant que tout va bien...Je leur ai souhaité, au plus profond de moi-même, tout au long de ce récit, de trouver l'étincelle qui brillera dans leur vie et qui les fera changer de destinée.



Parfois, les mots pèsent une tonne.



Une lecture inconfortable, exténuante mais pas décourageante qui fait briller les yeux et mouille les joues, inévitablement.
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Le Silence d'Isra

Le roman suit trois générations de femmes palestiniennes immigrées à Brooklyn, des années 90 aux années 2000.

Isra, la première, est une jeune fille qui vit en Palestine, ses parents lui trouvent un mari et elle part vivre à Brooklyn dans sa belle famille, elle n'y connaît personne, elle ne reverra jamais les siens. C'est une jeune femme qui parle peu, renfermée sur elle-même. Dans son nouveau foyer, elle tombe sous le joug de Fatima sa belle mère, tyran domestique, gardienne des traditions séculaires qui résistent au temps. Celle-ci la traite comme une domestique. Son mari fuyant qui lui parle quasiment pas, part le matin tôt travailler dans l'épicerie familiale et rentre tard le soir. Il passe ses nerfs sur elle et la frappe. Dans ce quartier de Brooklyn, tous les voisins se connaissent et beaucoup viennent de Palestine. Tout le monde craint le déshonneur pour les femmes et les filles qui doivent être tenues d'une main de fer, impossible à une femme de sortir dans les rues non accompagnée. Les femmes sont cloîtrées dans leur foyer. Isra, par comble de malchance, ne mettra au monde que des filles, au grand dan de sa belle mère et de son mari. Elle se retranche de plus en plus, s'isole dans sa chambre,perd le goût de vivre.

Fatima, la belle mère, a eu une enfance difficile, elle a vécu dans un camp en Palestine. Mais avec son caractère fort et dominateur, elle a su s'imposer face à son mari et ses enfants. Au lieu de protéger sa belle fille, elle lui fait subir ce qu'elle a subit. C'est une femme dure, qui ne s'appitoie pas

Deya, une des filles d'Isra, est née en Amérique. On est dans les années 2000, les choses ont évolué doucement. Elle veut aller à l'université, alors qu'en principe les filles se marient et n'y vont pas. Elle va résister à sa grande mère qui l'élève, car celle ci veut la marier.

J'ai beaucoup aimé ce roman que je trouve très maîtrisé pour un premier roman. L'histoire est passionnante, et se lit comme un page Turner. On ne peut qu'être révolté de voir comment les femmes sont traitées dans une société formatée où elles n'ont aucun droit. Où elles sont battues régulièrement par leurs pères et maris en toute légalité.

Etaf Rum, étant elle même palestinienne immigrée aux usa, nous livre certainement une petite partie de son histoire dans ce roman.
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Le Silence d'Isra

Très beau roman sur la condition de la femme dans la culture palestinienne.

On suit Isra, mariée de force à 17 ans à un Palestinien vivant à Brooklyn. Elle part de son village natal pour l’Amérique et la vie y sera dure pour elle. Seul échappatoire les livres et les quelques liens avec sa belle-sœur.

En parallèle, plusieurs année après, sa fille prend la parole et lutte pour trouver sa place de femme dans cette double culture américano-palestinenne.

Un roman intense, saisissant mais très dur. Malheureusement, ce récit dépeint une triste réalité encore trop vécu par de nombreuse femme.

Un roman nécessaire
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Le Silence d'Isra

Il y a des chances que vous refermiez ce livre avec des sentiments mélés de révolte et de compassion. Ce roman/ récit fortement inspiré de l'histoire familiale de l’auteure est une tragédie mortifère et obscurantiste.



Trois générations de femmes illustrent le quotidien de la communauté palestinienne réfugiée à Brooklyn, reproduisant les règles précises de vie sociale: femmes au foyer cloîtrées et volontiers battues, soumises à la honte de leur statut d’épouses et de mères, après des mariages arrangés afin de donner des fils pour l’orgueil de la famille.



Un livre poignant qui interroge les dogmes sociaux, les coutumes ancestrales, l’emprise de la religion, le déracinement et la confrontation à une autre culture.



Comment ne pas être satisfaite de son propre sort dans le pays des Lumières après une telle lecture !

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Le Silence d'Isra

Ce livre, vous pourriez le choisir d'abord pour sa magnifique couverture affichant une œuvre d'Helen Zughaib intitulée Women against the night. Par curiosité également pour sa qualité de premier roman et les promesses de la quatrième de couverture. Vous pourriez lire les premiers mots "Je suis née sans voix, par un jour nuageux et froid à Brooklyn", mesurer tout le poids de ce qu'ils disent de la condition des femmes et particulièrement de celles dont il est question ici. D'origine palestinienne, émigrées aux États-Unis pour fuir des conditions dramatiques mais certainement pas pour en épouser la culture ni les mœurs. Dès lors, vous êtes happé, attaché aux pas de ces héroïnes du quotidien, à leurs rêves trop tôt étouffés sous le joug des traditions, à leurs aspirations qui tentent de se frayer tout de même un chemin, comme la flamme d'une bougie s'accroche au moindre souffle d'oxygène pour continuer à brûler. Isra, Deya, Sarah. Trois femmes inoubliables.



L'histoire débute en Palestine, en 1990. Isra est une jeune fille de 17 ans qui ne connaît rien d'autre que les terrains qui entourent la maison de ses parents à Bir Zeit. Son mariage avec Adam, arrangé comme il se doit par les deux familles va la transporter à des milliers de kilomètres, à Brooklyn. Isra, dont l'imagination est nourrie par ses lectures va très vite déchanter. Dans le quartier de Brooklyn où elle est confinée, au service de sa belle-mère à la fois tyrannique et gardienne des traditions, ainsi que de son mari, Isra ne fait qu'entrapercevoir la réalité de l'Amérique. Ce que l'on attend d'elle : qu'elle mette au monde des garçons. Au rythme des naissances de filles, sa relation avec son mari se complique et la jeune femme semble sombrer dans la mélancolie. Seule son amitié avec Sarah, sa jeune belle-sœur et les livres qu'elle lui fait découvrir lui apportent un peu de baume au cœur. Dix-huit ans plus tard, Deya, la fille ainée d'Isra subit les assauts répétés de sa grand-mère pour la marier. Mais la jeune fille se pose beaucoup de questions et pressent que son histoire familiale a encore beaucoup de choses à lui révéler. Elle voudrait aller à l'université, trouver le courage de résister à la redoutable Farida, échapper au poids de la peur...



Par une construction subtile, l'auteure nous offre des allers-retours dans le temps et des cheminements auprès d'Isra et de Deya, la mère et la fille pour mieux nous faire comprendre le poids d'une culture et de traditions séculaires, dont les femmes se font elles-mêmes les vecteurs par crainte de leur impuissance à changer les choses. En cela, le personnage de Farida est terriblement révélateur tandis que celui de Sarah, à l'inverse montre qu'il n'est pas non plus facile d'assumer la rupture totale. En tentant de mieux comprendre le cheminement d'Isra, Deya va puiser la force nécessaire pour enfin briser cette chaîne de soumission et faire en sorte qu'être aux commandes de sa vie ne soit pas uniquement une idée cantonnée à la fiction.



Grâce à la densité de son propos, Etaf Rum nous donne à voir toute la complexité de cette quête polyphonique d'émancipation et de liberté ; le pouvoir à double tranchant de la littérature qui montre d'autres façons de vivre à celles qui n'y accèderont jamais et qui est également une formidable source d'inspiration ; le tiraillement constant entre la culture de l'obéissance, inculquée à coups de fouets d'abord par un père puis par un mari et l'aspiration à la rébellion. Tout ceci accentué par l'exil et le maintien à l'écart. On mesure ainsi tout le courage nécessaire pour simplement s'autoriser à faire entendre sa voix, ce qui est tout l'objet du cheminement de Deya que l'on comprend comme étant très proche de celui de l'auteure. Qui fait ici acte de libération, comme annoncé dans le choix de l'exergue signé Maya Angelou "Il n'est de plus grande agonie que de garder une histoire tue en soi".
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Le Silence d'Isra

Un roman puissant nous confie Etaf Rum avec Le silence d'Isra.

Sensible j'ai été au fil de toutes ces pages aux côtés d'Isar, de sa fille Deya, de Farida et de tous les autres.

Cette lecture m'a donné à réfléchir sur le fait, je pense, qu'il n'y a pas de gentils et de méchants, de frontières, de pays, il y a juste, à mon sens, des barrières que nous nous infligeons à ne pas outre passer, des codes imposés, des règles à respecter, au nom de quoi ?

Trop souvent du regard de l'autre, d'une communauté, d'un système politique, sociologique et culturel......

Notre mission de chaque jour ne serait -elle pas d'être en veille afin de ne pas nous laisser d'une certaine façon enfermé dans des idées, des façons d'être au monde transmises de générations en générations.

Ne pensez vous pas que des traditions, peuvent ainsi créer des cycles atroces comme le comprend enfin Fatima, un jour.

Puis d'autres parviennent par des énergies différentes à détruire les murs de leurs prisons pour gagner une liberté d'être.

C'est cela la LIBERTE d'être ce que je suis, ce que sommes.

Même l'homme le plus violent répond à un système dans lequel il s'est laissé enfermer, ne suffirait-il pas juste de laissé entrer la lumière pour voir combien la vie peut être différente. Si les parents d'Adam, eux même victimes de la guerre en Palestine, avaient su écouter les appels de leur fils Adam, le destin d'Isra aurait pu être différent.

Pour cela les livres ont leur mission dans le monde, tout autour de nous et pour chacun d'entre nous, Sarah l'a compris tout autant qu'Isra et sa fille.

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Le Silence d'Isra

J'ai la chance d'habiter une grande ville qui n'est pas dépourvue de librairies ; de grandes, très grandes librairies, là où vous êtes quasiment sûr de trouver LE bouquin que vous cherchez, que ce soit un roman, un essai, une BD ou un ouvrage religieux ou dédié au voyage ; puis, aussi, de nombreuses librairies indépendantes où j'aime me rendre régulièrement, rien que pour le plaisir de fouiner dans les rayons. Et lors de ces occasions, lorsqu'il n'y a pas beaucoup de monde et que le ou la libraire est disponible, je demande un conseil de lecture sur un des derniers romans qu'il ou elle a lu. C'est ce qu'il s'est passé pour le silence d'Isra. La libraire, très accueillante, souriante et ravie de discuter littérature, m'avait parlé de ces trois dernières lectures coup de coeur, j'ai opté pour celui-ci car je n'en avais pas du tout entendu parler, contrairement aux deux autres. Et que dire si ce n'est que j'ai adoré ma lecture.



1990 : Isra est une jeune Palestinienne dont la seule perspective d'avenir est le mariage, s'occuper de son mari et faire des enfants. Sa future belle-famille, des Palestiniens qui ont émigré aux Etats-Unis, vient la chercher pour la ramener à New York. Il va de soi qu'elle n'a pas son mot à dire et qu'elle se retrouvera bientôt, à 17 ans, loin des siens mais aussi loin des rêves qu'elle espérait en secret grâce aux livre qu'elle dévore en cachette. Très rapidement, elle tombe enceinte ; mais elle ne donne pas naissance au fils espéré mais à une fille. Trois autres suivront.



2008 : Deya, fille aînée d'Isra, est une jeune Arabe élevée dans l'Amérique occidentale. Elle a 18 ans et sa grand-mère souhaite la marier à tout prix, et rapidement. Mais Deya a quant à elle d'autres ambitions, notamment celle d'aller à l'université.



Je n'en dirai pas davantage sur l'histoire, c'est à sa lecture que vous découvrirez la vie de ces femmes, Isra, Deya, Farida et bien d'autres encore. En dire davantage serait « divulgâcher ».



Je suis sortie pour ma part totalement bouleversée par ce roman. J'étais à côté de ces femmes et suis passée par tous les sentiments possibles et inimaginables.

L'incompréhension (mais pourquoi accepter ces traditions archaïques?)

La colère (mais pourquoi ne se rebellent-elles pas davantage?)

La peur, pour Isra particulièrement.

La joie quand de petites avancées pointaient le bout de leur nez.

La tristesse, enfin, quand j'ai tourné la dernière page de ce livre.



J'ai compris surtout qu'il serait très difficile pour moi de comprendre ces traditions d'une autre culture mais surtout d'un autre temps. J'ai une soeur et nous sommes nées au sein d'une famille où nos parents voulaient avant tout des enfants et, en prime, à choisir, préféraient avoir des filles. Là, je n'avais qu'une envie, serrer Isra et ses quatre filles dans mes bras et leur dire que ça allait bien se passer, qu'elles étaient légitimes et aimables, au sens premier du terme.



J'ai aimé ce lien entre toutes ces femmes, enfermées dans un carcan dont certaines ne pouvaient pas s'extraire pour des raisons d'éducation ou de condition qu'elles estimaient justes et normales. Encore une fois, l'éducation, les livres, l'ouverture aux autres sont des clefs permettant de sortir de ce schéma mortifère.



Quant à l'écriture, je l'ai trouvé très maîtrisée pour un premier roman, et très juste. Il y a certes à quelques moments des répétitions mais, pour ma part, elles ne m'ont pas gênée d'autant que je ne les avais pas nécessairement repérées. Elles servaient l'histoire selon moi.

Si le récit alterne entre présent et passé et d'une protagoniste à une autre, il est néanmoins assez linéaire et les chapitres s'enchaînent à la perfection, jusqu'au final où tout prend sens. La toute dernière phrase de l'histoire résonne encore en moi au moment d'écrire ces quelques lignes.



Un dernier point, le livre objet. Je loue une nouvelle fois les éditions de l'Observatoire, la police d'écriture est agréable, le grain du papier aussi et la couverture très belle.



En résumé, j'ai commencé à pleurer trois ou quatre pages avant de fermer définitivement le livre. Parce que j'étais entrée totalement en empathie avec les personnages; parce que je n'avais pas envie de les quitter: signe que ce fut un beau coup de coeur. A lire, à faire lire, aux femmes, aux hommes, aux filles, aux garçons, aux jeunes, aux vieux ; à prêter, à faire voyager.
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Le Silence d'Isra

Il est des livres qui sont comme des cris trop longtemps retenus.

Des livres qui ressemblent à de longs sanglots et plus encore à des gémissements, à des râles qui se muent en hurlements.

Il est des livres dont les silences écorchent comme autant d'épines, des livres dont on ne sait plus quel est le feu qui les brûle et les consume, s'ils sont pétris de colère et de révolte ou de renoncement...

Il est des livres au creux desquels danse parfois un peu d'espoir, ou perce l'indignation. Des livres qui veulent donner une voix aux cris et aux silences. Une voix à la souffrance.

"Le Silence d'Isra" est de ceux-là qui grâce à un récit douloureux entre en résistance, chantant en creux le pouvoir libérateur de la littérature et des histoires.

Si je n'ai pas toujours trouvé la langue (la traduction) de ce très beau roman d'Etaf Rum à la hauteur de la beauté de ses personnages et de son engagement, de la force de son sujet même, j'ai tout de même été happée et émue et poignardée par les histoires conjointes d'Isra et de sa fille Deya.



Isra n'est encore qu'une adolescente qui n'a connu que son bout de terre en Palestine quand en 1990 son père la marie à Adam qui vit à New-York avec sa famille, contrainte à l'exil par la situation politique tragique du pays. La jeune fille rêvait de cette vie américaine, imaginait un destin qui ne ressemblerait pas à celui de sa mère ou de ses voisines... Mais les rêves n'engagent que ceux qui y croient, pas vrai?



Deya a dix-huit en 2008, elle a grandi à Brooklyn, mais elle ne sait rien de New-York, ni de ses parents qu'elle a à peine connue. Ce qu'elle voudrait, c'est aller à l'université, être libre. Libre de fréquenter un autre quartier, d'autres gens, de voyager. D'aimer aussi peut-être.

Mais elle doit se marier. Question d'honneur et de tradition.



Grâce à une narration qui alterne les points de vue et les époques, "Le Silence d'Isra" nous dévoile par bribes les vies de Deya et d'Isra, lourdes de silences et d'énigmes, jusqu'à l'ultime chapitre où chacune des pièces s'emboîtent pour nous révéler le motif qui unit ses deux femmes au-delà du lien de sang.

Comme un tapis qui se tisserai sous nos yeux, un tapis dont on suivrait les fils pour le comprendre enfin.

Comme Pénélope, l'amour en moins, comme un conte, la fin heureuse en moins.



"Le Silence d'Isra" est un roman qui se dévore fiévreusement, l'angoisse chevillée au corps et les sanglots dans la gorge, un poignant portrait de femme en même temps qu'un hommage bouleversant à la littérature et qui a le bon ton de ne pas sombrer dans le manichéisme, comme en témoignent les très beaux personnages d'Adam et de Farida, d'une richesse et d'une complexité rare.

Par ailleurs, Etaf Rum a eu le talent et l'intelligence d'aller au-delà de la question de la condition de la femme et du poids des traditions en auscultant un autre sujet tout aussi douloureux: celui de la guerre, celui de l'exil, celui des gens qui ne sont plus d'ici mais qui ne seront jamais de là-bas.

Cela n'excuse rien, mais ceci explique peut-être cela.



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Le Silence d'Isra

Un tout grand merci aux Editions de l'Observatoire d'avoir publié ce livre, j'hésite même à écrire ‘osé publier'. Ce livre a été classé parmi les meilleures ventes du New York Times et applaudi par la critique. On aurait pu croire qu'une grande maison d'édition française aurait remporté le morceau, mais non, le sujet est difficile : la condition de la femme et l'islam. « Prenons nos responsabilités et restons neutres… »



Merci tout d'abord à Etaf Rum d'oser briser les codes, les traditions, les coutumes. Parler de la condition de la femme dans l'Islam, la décrire, la critiquer : voilà le défi que propose cette auteure issue d'une famille d'immigrés palestiniens dans son premier roman.



Palestine 1990, Isra a 17 ans et sera bientôt mariée à un prétendant choisi par ses parents et devra s'exiler en Amérique.



« Les sentiments d'Isra étaient partagés lorsqu'elle s'imaginait partir en Amérique, ce pays qu'elle ne connaissait que par le journal télévisé et quelques brèves lectures à la bibliothèque de son école. Elle avait déduit de ces bribes d'informations que la culture occidentale n'était pas aussi stricte que la leur. Et cela l'emplissait à la fois d'enthousiasme et de crainte. Qu'adviendrait-il de sa vie si elle partait s'installer en Amérique ? Comment une fille comme elle, si respectueuse des traditions, pourrait-elle s'acclimater à ce pays, si libre ? » p. 19



Elle découvrira petit à petit que l'Amérique ce n'est pas le Pérou. Les coutumes y sont les mêmes qu'en Palestine. La femme travaille à la maison et s'occupe de ses enfants – de préférence des garçons. Elle est soumise à son mari et à sa belle-mère. Isra aura 4 filles.



« Je pensais que les choses seraient différentes, ici », avoua Isra. Farida releva la tête. « Comment ça différentes ?

- Je croyais que ce n'était qu'en Palestine que les femmes avaient la vie dure, à cause des vieilles coutumes, des anciennes traditions.

- Ah ! s'exclama Farida. Tu as cru que les femmes menaient la belle vie en Amérique à cause de ce que tu as pu voir à la télévision ? » Ses yeux en amande se plissèrent en meurtrières. « Je vais te dire une bonne chose. Les hommes sont les seuls à pouvoir s'arracher à leur condition, et pour y arriver, ils n'ont aucun mal à nous grimper sur les épaules, nous les femmes. Ceux qui te diront le contraire sont des menteurs. » p. 106



Brooklyn 2008, Deya, la fille aînée d'Isra a 18 ans et est en âge d'être mariée (pas de se marier). Elle est en terminale et son avenir est tout tracé : elle se marie, a des enfants, obéit à son mari, s'occupe du ménage, le pied quoi.



Oui oui vous avez bien lu, nous sommes en 2008 et rien n'a changé dans ce microcosme arabe où tout tourne autour des coutumes et de la réputation.



« Farida était si obnubilée par la honte encourue par leur famille qu'elle n'avait jamais remis en cause sa propre attitude. » p. 345



Tout en douceur, Etaf Rum nous décrit le parcours de ces deux femmes qui essaient chacune à leur manière de sortir de ce carcan. Il faut respecter les traditions et celles-ci n'accordent pas la place au changement.



« Cette vie était cruelle, et d'autant plus cruelle lorsqu'on était une femme : nul ne pouvait le nier. » p. 385



« Il se tut un instant et regarda Isra. " Mais pour ce qui est du bonheur… le bonheur, ça n'existe pas, pour les gens comme nous. Les devoirs familiaux l'emportent. " » p. 276



N'hésitez pas une seule seconde : lisez ce livre, il changera votre vie, votre vision du monde, réduira vos petits problèmes à néant. C'est un roman dur car il décrit une vraie réalité (OK c'est un pléonasme, mais la redondance est absolument nécessaire pour bousculer les coutumes).

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Le Silence d'Isra

Une gifle. Une merveille. Une nécessité absolue.



Comment écrire après cette lecture ? Comment trouver les mots justes ? Ceux qui parviendront à tourner le couteau dans la plaie et hurler la vérité aux quatre vents ? Ceux qui ne minoreront rien de cette violence inouïe, de cette solitude infinie, de cette injustice criante ?

Comment être certaine que mes phrases n’ôteront rien de la puissance du Silence d’Isra ? De sa force destructrice et édifiante ?



Palestine, 1990. Isra, 17 ans, préfère lire en cachette et s’évader dans les méandres de son imagination plutôt que de s’essayer à séduire les prétendants que son père a choisi pour elle. Mais ses rêves de liberté tournent court : avant même son dix-huitième anniversaire, la jeune fille est mariée et forcée de s’installer à Brooklyn, où vivent son époux et sa nouvelle famille.

La tête encore pleine de chimères adolescentes, Isra espère trouver aux Etats-Unis une vie meilleure mais déchante vite : les femmes sont cloîtrées à la maison, avec les enfants ; les maris peu loquaces, travaillent jours et nuits. Invisible aux yeux du monde, la jeune fille autrefois rêveuse disparaît peu à peu face à la tyrannie de sa belle-mère et la pression étouffante de devoir donner naissance à un fils. Mais comble du déshonneur, Isra ne met au monde que des filles, dont la fougueuse Deya.

Brooklyn, 2008. Deya, 18 ans, est en âge d’être mariée. Elle vit avec ses sœurs et ses grands-parents, qui lui cherchent déjà un fiancé. Mais la révolte gronde en Deya, qui rêve d’aller à l’université et se souvient combien sa mère était malheureuse, recluse et seule. Alors qu’est révélé un secret bien gardé, Deya découvre que les femmes de sa famille sont bien plus rebelles que ce qu’elle croyait et y puise la force de changer enfin le cours de son destin.



Si le synopsis rédigé ici peut sembler sortir tout droit du conte de fée, crois-moi, il n’en n’est rien. Ce roman n’est, de prime abord, que noirceur, souffrance, horreur et désespoir. A-t-on déjà lu, avec cette grâce mêlée de sévérité, les réalités de la condition de femme dans les milieux traditionnels palestiniens ? Nous a-t-on déjà donné à imaginer l’horreur d’une vie entre quatre murs, sans possibilité aucune de sortir de la maison, condamnée à obéir en chaque seconde, à récurer les sols, s’occuper des enfants, de la belle-mère, du mari et des oncles, à être violée tous les soirs et battue tous les jours. A-t-on déjà lu l’effroi et la solitude comme ici, entre les pages du Silence d’Isra ? Le désarroi absolu? L’envie de mourir? La honte permanente et intrinsèquement liée à la condition de femme? A-t-on déjà réellement saisi l’ampleur du mot liberté? L’immensité qu’il implique lorsqu’une vie n’a, jusque là, été qu’obéissance, honte et douleur?

Et mort. Lorsqu’une fois. Une seule fois, on a désobéi.



Ce roman, aux accents autobiographiques, est d’une force inouïe. Avec panache et affliction, il pose un regard instructif, terrible et passionnant sur les conflits intérieurs qui parcourent les femmes d’aujourd’hui, prises en étau entre aspirations et traditions.

Tout en nous livrant un panorama aussi effroyable qu’absolu, Etaf Rum transmet, par petites touches toujours nuancées, des notes d’espoir. Celui-ci passe par la force libératrice de la Littérature, qui, donnée aux plus faibles et aux opprimés, peut se révéler l’ultime recourt dans un océan de solitude.



Car comment s’évader autrement qu’entre les pages d’un roman, lorsque l’on a 18 ans, que l’on élève seule quatre filles dans un pays dont on ne parle pas la langue et dans les rues duquel on n’a jamais pu sortir, qu’en chaque minute que dieu fait on doit obéir, quoiqu’il en soit? Baisser la tête, concevoir un fils et supporter les coups? Quand on n’a rien ? Pas d’argent. Pas de racine. Pas de sève.

Rien.

Rien que la honte.



Le Silence d’Isra est un premier roman. Il est, depuis sa sortie encensé par la critique et classé parmi les meilleures ventes du New York Times.

Et c’est tant mieux. Car ce livre est nécessaire. Il faut le mettre entre toutes les mains. Celles des femmes et des filles en devenir, celles des hommes, des pères, des maris.

Entre les mains de celles qui, encore aujourd’hui, souffrent du fait d’être femme,

Et entre les mains de celles qui se doivent, chaque seconde de leur vie, de défendre la moindre parcelle de liberté qu’elles possèdent. Pour les elles et pour les autres.

Toutes les autres.
Lien : https://www.mespetiteschroni..
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Le Silence d'Isra

Un roman découvert grâce au challenge Globe trotter des lecteurs de Babelio, il allait en effet me permettre de partir en Palestine, destination dont je n'avais pas encore trouvé d'auteur ! 



Mais je ne pensais pas trouver un roman d'une telle force, un roman que je lirais d'une traite ou presque, en moins de 24 heures, tant il était passionnant.



Etaf Rum nous raconte l'histoire d'Isra, jeune fille de Palestine qui a 17 ans en 1990 quand elle est mariée à Adam, dont les parents sont spécialement venus d'Amérique pour trouver une bonne épouse pour le fils aîné.



Isra est une jeune fille accomplie qui aide sa mère à tenir la maison, cuisiner, servir les hommes ... mais elle aime lire (en cachette, à la lumière de la lune), rêver tout en cueillant les fruits qui poussent dans les champs autour de leur maison. 



A priori contente de partir dans une Amérique rêvée, elle se retrouve à Brooklyn, dans une chambre en sous-sol de l'appartement de ses beaux-parents à aider sa belle-mère, Farida, encore davantage qu'elle n'aidait sa mère à tenir sa maison. Son mari s'épuise à seconder son père et à subvenir aux besoins de la maisonnée, alors que ses jeunes frères profitent ...



Mais l'opprobre tombe quand Isra donne naissance à une fille puis à une autre ... 



Les chapitres décrivant la vie d'Isra alternent avec ceux évoquant Deya, 18 ans en 2008, fille aînée d'Isra, qui commence à regimber quand Farida songe à la marier.



Trois générations de femmes, sous la coupe des traditions, de l'asservissement aux hommes qui ont sur elles tous les droits.



Trois femmes qui sauront ou pas se sortir de l'emprise des traditions, des lois de la famille, du bon plaisir des hommes. 



Trois femmes puissantes, même si elles ne le semblent pas au premier abord.



Un premier roman qui est déjà un très grand roman. 



Une auteur que je découvre et dont je vais guetter avec attention les prochaines productions !   
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Le Silence d'Isra

Magnifique ! Je pressentais que ce livre serait un coup de coeur et je n'ai pas été déçue ! "Le silence d'Isra" est un livre d'une grande force romanesque qui nous rappelle combien être une femme est encore et toujours un combat pour beaucoup d'entre nous.



Entre la Palestine et Brooklyn, de 1990 à 2008, nous suivons les destin de trois femmes, membres d'une même famille: Isra, mariée à 17 ans à un homme qu'elle n'a pas choisi, Farida, sa belle-mère et Deya, la fille aînée d'Isra. Soumises au poids des traditions, elles n'ont d'autre horizon que l'enfantement (de garçons de préfèrence!), l'accomplissement des tâches domestiques et l'asservissement aux hommes dont la violence est légitimée. Et le fait qu'elles vivent au pays de la Liberté n'y change rien parce qu"une femme reste une femme où qu'elle soit"... Mais pour Deya, née et élevée aux États-Unis, cette fatalité va être remise en cause lorsqu'un secret de famille va lui être révélé.



Issue d'une famille d'immigrés palestiniens, Etaf Rum est née à Brooklyn et ce premier roman s'inspire très probablement de l'histoire de sa famille. C'est un livre très bien écrit qui m'a beaucoup émue mais aussi révoltée sur les conditions de ces femmes qui vivent encore ainsi de nos jours. Mais comment rompre le silence et libérer la parole lorsque l'on obéit à des coutumes ancestrales qui se transmettent de génération en génération? le début de l'émancipation passera peut-être par la lecture et l'enseignement...

Il faut lire "Le silence d'Isra", c'est une petite merveille !

Je remercie vivement Babelio et les Éditions de l'Observatoire pour ce livre reçu dans le cadre de la masse critique rentrée littéraire !
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Le Silence d'Isra

Comment sortir des règles mortifères de sa communauté lorsque celle-ci est refuge pour survivre ? Comment avoir une voix, sa voix, quand les anciens lèguent avec tant d'ardeur un "c'est comme ça" à coups d'honneur à sauvegarder (d'autant plus lorsque l'honneur a été mis à mal par des soldats étrangers obligeant votre famille à aller dans un camp de réfugiés...), et à coups de gifles, mépris et autres violences ?

Le Silence d'Isra est un gros roman qui se lit facilement, assez cinématographique. C'est à la fois l'histoire individuelle d'une famille palestinienne à Brooklyn, famille enfermée sur elle-même, et celle du "être fille" de manière plus générale. C'est assez classiquement 'la liberté passe par la connaissance" mais une approche de la honte et de la culpabilité que je n'avais jamais lue ainsi et qui peut trouver des échos plus vastes que le cas particulier de filles mariées trop tôt à des inconnus (sujet qui se suffit à lui-même bien entendu).
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