Citations de Eugène Guillevic (854)
Dans les brisants,
Dans les cris des goélands,
Dans l’écume qui retombe en eau,
Dans la marée qui commence à monter,
Dans le goémon qui s’accroche aux rochers,
Je me convie.
Je m’y retrouve.
Pas d'aile, pas d'oiseau, pas de vent, mais la nuit
Rien que le battement d'une absence de bruit
RECETTE
Prenez un toit de vieilles tuiles
Un peu avant midi.
Placez tout à côté
Un tilleul déjà grand
Remué par le vent.
Mettez au-dessus d'eux
Un ciel bleu, lavé
Par des nuages blancs.
Laissez-les faire.
Regardez-les.
La poésie est le seul moyen d’aborder par les mots, quand on sait le faire, le son intérieur de tout réel.
On peut rêver
de partir.
On peut rêver
de rester.
Le mieux
est de partir dans le rester.
Comme le soleil
Comme la source.
Comme les racines.
TA MAIN
Toutes les mains
Sont aventure,
Partent pour toucher,
Se savoir alors,
Se résumer.
Dans toutes les mains
Gronde la fureur
Qui permet aux rocs
De tenir encore.
Toutes les mains ruminent
L’histoire de la terre,
Tremblent de cette histoire.
Parmi ces mains, la tienne
Émerge de l’histoire
Et se souvient de moi.
Ce n'est pas vrai que tout amour décline,
Ce n'est pas vrai qu'il nous donne au malheur,
Ce n'est pas vrai qu'il nous mène au regret,
Quand nous voyons à deux la rue vers l'avenir.
Ce n'est pas vrai que tout amour dérive,
Quand les forces qui montent ont besoin de nos forces.
Ce n'est pas vrai que tout amour pourrit,
Quand nous mettons à deux notre force à l'attaque.
Ce n'est pas vrai que tout amour s'effrite,
Quand le plus grand combat va donner la victoire.
Ce n'est pas vrai du tout,
Ce qu'on dit de l'amour,
Quand la même colère a pris les deux qui s'aiment,
Quand ils font de leurs jours avec les jours de tous
Un amour et sa joie.
Je t’ai cherchée
Dans tous les regards,
Et dans l’absence des regards,
Dans toutes les robes, dans le vent,
Dans toutes les eaux qui se sont gardées,
Dans le frôlement des mains,
Dans les couleurs des couchants,
Dans les mêmes violettes,
Dans les ombres sous les hêtres,
Dans mes moments qui ne servaient à rien,
Dans le temps possédé,
Dans l’horreur d’être là,
Dans l’espoir toujours
Que rien n’est sans toi,
Dans la terre qui monte
Pour le baiser définitif,
Dans un tremblement
Où ce n’est pas vrai que tu n’y es pas.
Il allait seul
Dans les allées,
Abandonné par son enfance.
Est-ce que l'océan
Dans ses profondeurs
Possède autant de silence
Que j'en ai en moi ?
Sinon, est-ce
Pour se libérer de son bruit
Qu'il vient sur nos côtes
Faire tout ce tapage
Ravager ce qu'il peut
Pour enfin s'affaler
Comme sur un lit
Fait de douceur ?
Du silence
Sous les herbes, ça se cajole,
Ça s'ébouriffe et se tripote,
Ça s'étripe et se désélytre,
Ça s'entregrouille et s'entrefouille.
Autour du tilleul,
Près de la pervenche,
Dans l'air qui s'émeut
D'être à leurs côtés,
Il doit y avoir un chemin
Pour aller vers eux,
Les accompagner.
(" Sphère ")
Vivre est une sensation. La poésie aussi.
Douceur,
Je dis : douceur.
Je dis : douceur des mots
Quand tu rentres le soir du travail harassant
Et que des mots t'accueillent
Qui te donnent du temps.
Car on tue dans le monde
Et tout massacre nous vieillit.
Je dis : douceur,
Pensant aussi
À des feuilles en voie de sortir du bourgeon,
À des cieux, à de l'eau dans les journées d'été,
À des poignées de main.
Je dis : douceur, pensant aux heures d'amitié,
À des moments qui disent
Le temps de la douceur venant pour tout de bon,
Cet air tout neuf,
Qui pour durer s'installera.
Comme certaines musiques
Le poème fait chanter le silence,
Amène jusqu’à toucher
Un autre silence,
Encore plus silence.
Vivre tout événement quotidien dans les coordonnées de l’éternité, c’est pour moi la poésie.
C'est
ainsi
que
font
les
pupitres
Qui ne sont pourtant des pitres :
Ils feraient penser aux enfants
Qu'ils sont de petits éléphants.
(p. 35)
Étrange,
Incompréhensible,
Voici que ces forêts,
Ces routes, ces champs
Et les couteaux sur la table
Et aussi la tasse,
Tout ce que je vois,
Je sens que c'est
Avec les yeux de la guêpe
Que j'ai vue
Posée sur une fleur
Et me fixant.
Avoue toujours.
Plus tu en diras,
Plus tu en garderas.
Le jeu du soleil
Sur le tronc du chêne,
Le temps d'un bonheur.