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Critiques de Eugenia Almeida (56)
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La Casse

Eugenia Almeida est une des grandes dames de la littérature argentine, de ses quatre livres traduits j’en ai lu deux , celui-ci en est le troisième, et la quatrième est acheté et non lu depuis longtemps, faute de temps. Tout ce baratin pour dire que je l’apprécie beaucoup dans le fond et la forme. La forme est toujours simple mais très efficace ( à mon avis le plus dur en Littérature ) et le fond raconte toujours le désespoir d’une société devenue criminelle au cours des décennies , suite à des révères économiques et gouvernementaux radicaux . Voilà pour le décor. Et bien sûr j’oubliais , tout ceci raconté sur un ton nonchalant, indifférent et un humour décapant mais subtil, subtil. Comment résister à Almeida ? Un style sec , concis, des descriptions de lieux et personnages très visuelles, comme dans ses précédents romans, on se croirait dans une pièce de théâtre.

Eh bien on ne résiste pas et nous voici embarqué dans une nouvelle épisode de l’Histoire de la corruption en Argentine avec “ Saladero” de son titre original, qu’on peut traduire comme « démantèlement », où Almeida démantèle minutieusement les rouages du pouvoir dans une petite ville d’Argentine, calme et paisible, à partir de l’histoire d’une voiture volée qui arrive à une Casse par un malheureux hasard 😊! D’autres de ces malheureux hasards renforcés par des malentendus funestes précipiteront cette déconstruction génialement orchestrée . Du petit dealer du coin la chaîne remonte verticalement tout au sommet du pouvoir et le pire est que le plus cruels des criminels est celui qui est tout en haut. On ne peut pas sortir de là , ou on n’en sort qu’en revenant au point de départ, si non terminé en cadavre dans un ravin ou une poubelle. Chez Almeida pas toujours facile de démêler les nombreux personnages qui s’entrecroisent mais on se prend au jeu de remettre méticuleusement chaque pièce de ce puzzle d’enfer à sa place, où l’horreur du système a broyé désirs, espoirs , tendresses et chances de rédemption de ces hommes et femmes pris dans un piège qui impitoyablement se referme sur eux.

C’est violent avec tension garantie jusqu’à la fin, le regard humain que pose Almeida sur ses personnages, émouvant, et la construction géniale !

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L'échange

Titre original: La tencion del umbral....la tension de seuil parlant par exemple d'un semi-conducteur, une tension minimum au-delà de laquelle il y a passage de courant.

Argentine, Buones Aires, les années récentes,

Dans le quartier du Bajo, place Herral, en plein jour, une jeune femme braque un type à la sortie d'un bar, avant de retourner l'arme contre elle-même et se suicide....

Guyot , un journaliste qui prend l'affaire au début comme une simple chronique,suite aux comportements bizarres qui s'ensuivent avec l'enquête et son enterrement hâtif , va s'y intéresser de plus près. Ses copains à la police qui lui donnent un coup de main au départ, vont vite essayer de l'en dissuader....mais il s'obstine, il veut comprendre pourquoi la fille s'est tuée?



Guyot joue avec le feu.Les déchets de la dictature des militaires des années 80 , plus de trente ans après, subsistent au cœur de toute la hiérarchie gouvernementale, et dés qu'on les remue à peine, tradition oblige, ils tuent.

Guyot arrivera-t-il à passer le seuil de l'immondice , dans un système qui reste dominé par le secret et la menace permanente ?



Deuxième livre d'Almeda que je viens de lire.Un style sec, concis, des descriptions de lieux et de personnages, très visuelles, on croirait lire une pièce de théâtre. Pas toujours facile de suivre les nombreux caractères impliqués dans la trame, surtout que les chapitres sont courts et on change de tableau à chaque fois. Mais avec très peu de mots, quelques détails, elle nous fait ressentir d'une façon forte, presque brutale, la psychologie des personnages et la tension du moment....extraordinaire.Un brin d'humour égaye de temps en temps cette atmosphère glaciale où personne ne se fie à personne, tout le monde a peur de tout le monde.....brrrrr.....



Tension garantie jusqu'à la fin, attention, ne pas dépasser la tension de seuil !
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L'autobus

« El colectivo », en V.O., s'ouvre sur cette phrase de Milan Kundera, qui résonne singulièrement pour le lecteur de de Beauvoir :

« Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde. »

Assis sur un banc, réfléchissant vaguement à cet épigraphe tchèque, alors que le tram me passe devant… J'en oublie tout ce qui m'apparaissait clair, un moment auparavant, à la lecture de ce court roman.

Sec, nerveux, poussiéreux, renfermé… traversé par une multitude de frontières… des images de notables de province étriqués… rafraichi par ces rares personnages doués d'un peu d'humanité, au milieu des autres…

Ce Collectif est économe, justifiant de l'absurde ces vies qui ne communiquent pas.

De son personnage principal, Ponce, nonchalant sociopathe, dont seule la petite soeur semble vivre réellement, à la figure de Gòmez, unique habitant de ce trou à circuler librement, en son coeur et à la face des autres, ce livre laisse une nette impression d'évidence, qui s'affadit une fois l'autobus passé, sans compromettre son efficacité.
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La Casse

N'espérez pas cerner l'intrigue de ce roman dès ses premières pages, ni même ses premiers chapitres, d'autant qu'ils sont très courts.



Eugenia Almeida ne s'embarrasse pas de préliminaires, de mises en contexte, de descriptions ou de portraits de personnages, elle nous plante directement au coeur de l'action, et c'est au lecteur qu'il appartient de reconstituer peu à peu, au fil des dialogues, de quoi il retourne exactement. Cela prend un certain temps, parce qu'il faut tisser les liens entre les nombreux personnages, déduire le rôle de chacun et ce qui s'est passé entre eux pour comprendre l'enchaînement d'actions-réactions des uns et des autres. Il est question, dans une ville anonyme d'Argentine, d'un trafic de voitures volées géré depuis une casse de banlieue et de deux jeunes idiots qui ont cru pouvoir faire cavalier seul à la marge de l'organisation et qui ont payé chèrement leurs velléités d'indépendance.



Ce qui ressemble à un règlement de compte quelconque entre petites frappes est en réalité un fameux dérapage qui met en danger l'autorité jusque là incontestable du chef des trafiquants précités. La chute de ce premier domino (mais est-ce vraiment le premier?) entraîne une cascade de violence et de mort, et l'onde de choc se propage à tous les niveaux de pouvoir de la ville, depuis les truands des quartiers malfamés aux bureaux des hommes politiques en passant par le commissariat central.



Eugenia Almeida nous montre alors comment tout ce beau monde tente de maintenir l'équilibre puis, une fois qu'il est trop tard, de ramener la couverture à soi, dans une surenchère de feu et de sang.



On s'y perd parfois, tout n'est pas expliqué ni résolu, mais la construction de ce récit est diaboliquement maîtrisée. le texte est fait presque exclusivement de dialogues, des phrases courtes et sèches qui rendent le rythme effréné et la tension palpable. Et, malgré cette concision de style, Almeida réussit à donner de l'épaisseur psychologique à ses personnages et à dresser un portrait sociologique crédible (et donc peu reluisant) d'une ville (d'un pays?) infiltrée à tous les niveaux par les organisations mafieuses et gangrenée par la corruption.



En partenariat avec les Editions Métailié.
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L'autobus

Un soir comme les autres dans une paisible bourgade perdue d'Argentine : un voyageur de commerce et sa compagne (un peu jeune pour lui, peut-être...) prennent un verre au café, attendant l'autobus qui les ramènera en ville. Depuis l'autre côté de la voie ferrée (le « mauvais » côté, celui des pauvres et de la racaille), Ponce arrive à pied avec sa femme et sa soeur, accompagnant cette dernière au même arrêt de bus. le « colectivo » arrive... mais ne s'arrête pas. Stupeur, incompréhension, colère, mais on finit par admettre que la seule chose à faire est d'attendre le passage du bus le lendemain. Les deux jours suivants, le même scénario se reproduit. Interrogations et conjectures vont bon train. Et d'ailleurs, à propos de train, pourquoi la barrière du passage à niveau est-elle bloquée ? Pourquoi un wagon vide est-il arrêté sur la voie non loin du village ? Pourquoi ne sait-on rien ? Ne supportant pas l'attente et son désoeuvrement, le voyageur et son amie décident de partir à pied, en longeant la voie ferrée.

Pendant que la tension monte, les informations arrivent au compte-gouttes, par la radio, par les journaux, déformées par la rumeur et, surtout, la propagande du régime. Parce que oui, forcément, en Argentine, en 1976, qui d'autre détient le pouvoir, les moyens de communication et le droit de vie et de mort, sinon la junte militaire qui vient de renverser le gouvernement d'Isabel Peron ? La chasse aux « subversifs » est désormais ouverte, par les moyens les plus tordus et dans une opacité complète (« Le silence, c'est la santé »).

Cette petite ville isolée où les ondes de choc du coup d'Etat se propagent depuis la capitale, même si elles sont amorties par la distance, est aussi le décor d'un autre drame, privé mais tout aussi opaque et silencieux, celui de Ponce, ou plutôt celui qu'il fait subir à sa femme. Lui, le brillant avocat qui a renoncé à une grande carrière à Buenos Aires pour s'enterrer dans ce bled, du mauvais côté de la voie ferrée, dans le seul but, monstrueusement pervers, de se venger de sa femme.

Dans un style sobre et vif, Eugenia Almeida nous emmène, subtilement mais résolument, au coeur d'une des pages les plus sinistres de l'histoire de son pays. En 120 pages, elle installe une ambiance malsaine et pesante, qui vous laisse un goût amer en bouche, tel un maté qui aurait infusé un peu trop longtemps. Amer, puissant et évocateur. Une fois à bord, vous ne pourrez plus en descendre avant le terminus. Alors ne laissez pas passer l'autobus.
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L'échange

« Il y a des choses qu'on ne comprend pas », et qui devraient peut-être rester incompréhensibles. Comme un suicide, par exemple. En l'occurrence, celui de Julia Montenegro, qui s'est tiré une balle dans la poitrine après avoir menacé un homme avec son revolver. A la sortie d'un café, en plein jour, devant plusieurs témoins. Pourtant, ceux-ci sont incapables de décrire l'homme en question, parti sans demander son reste. Mais après tout, quelle importance, c'est un suicide, « un épisode confus, sans danger pour les tiers », et sans enquête policière. Mais un homme veut comprendre : Guyot, journaliste, cherche à savoir qui était cette jeune femme qui semble n'avoir ni famille ni passé, et tente de remonter la piste de l'inconnu qu'elle a mis en joue avant de retourner son arme contre elle. Cet homme a la clé, est la clé...

Photos aux silhouettes découpées, journaux archivés aux pages arrachées, la vérité est dans les espaces vides, dans les silences : « Il restera dans la brume de ceux qui ont compris quelque chose d'essentiel, quelque chose qui se trouve à la racine, qui explique tout et qui, cependant, ou peut-être pour cela même, ne peut se traduire en mots ». Guyot s'entête, trouve le fil d'Ariane et le suit, sans se demander s'il va le mener vers la sortie du labyrinthe ou dans l'antre du Minotaure. Braqué sur son objectif et aveugle à tout ce qui n'explique pas la mort de Julia, il explore la limite entre suicide et meurtre et ne se rend pas compte que, dans sa quête, il réveille les fantômes du passé. Menaces, passages à tabac, assassinats, les victimes collatérales s'accumulent. Parce que le passé, en Argentine, n'est pas réellement passé, et nombreux sont ceux qui ont encore intérêt à garder leurs secrets bien enfouis dans la boue.



Cette histoire est sombre et oppressante comme l'atmosphère qui régna en Argentine pendant les années de dictature. Dans l'ombre, le terrorisme d'Etat à l'oeuvre pendant cette période a survécu à l'avènement de la démocratie, et tire encore les ficelles des institutions, engluant dans sa toile nauséabonde la police, la justice, la politique et les médias.

Ce roman magistralement construit fait la part belle aux dialogues secs, tendus, sans fioritures, et enchaîne les chapitres, assez courts, en alternant les points de vue, et crée ainsi une impression d'urgence à peine respirable. C'est à la fin du roman que le titre (français) prend tout son sens, qui vous glace le sang. le lecteur a observé les protagonistes avancer en parallèle vers leurs objectifs contradictoires, et, sur la ligne d'arrivée, contemple la photo-finish, qui est floue : qui a vraiment gagné ?

Dans un entretien au journal argentin Pagina/12 du 27 juillet 2015, Eugenia Almeida disait que pour elle, « le passé n'est pas passé. S'il explique notre présent et conditionne notre futur, il n'est pas passé ». C'est tout le malheur des protagonistes de ce roman, et de l'Argentine.
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L'autobus

« La solitude n'est pas si mauvaise. Elle protège. »



Vous auriez dû écouter Victoria, la « petite » soeur de Ponce a compris.



Ponce. Marta. Mariés pour le pire avant tout. Vous vous êtes rencontrés furtivement, un soir triste, une envie de rompre la solitude il y a des décennies de ça, pas la meilleure des idées.



Et ce couple anonyme, elle en robe blanche, lui avec sa valise, vagabond de passage dans ce village où personne ne peut être ombre…



En très peu de lignes, Eugenia Almeida a installé une ambiance très particulière, pesante, dans ce roman où les peurs se croisent et nourrissent l'aveuglement des gens, chacun se renfermant en lui-même, gratifiant sa propre ignorance.



Avec sobriété elle raconte des destins fracassés qui vont se croiser dans ce village au moment où L'autobus doit passer les prendre. Mais l'autobus ne s'arrêtera pas. Il ne ramènera ni la petite Victoria, ni ce couple venu sans doute s'encanailler loin des regards… peut-être plus tard, l'autobus repassera et emportera les souvenirs amers.



« Le silence, c'est la santé » ...dans un système détraqué, manifestement, et ce, qu'il soit familial ou politique. L'autobus ne s'arrêtera pas ce soir.

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L'échange

Si L'échange d'Eugenia Almeida était un film, il serait d'évidence tourné en noir et blanc, dans un style expressionniste, avec des ombres surdimensionnées se dressant à chaque coin de rue du vieux Buenos Aires. Le roman frappe par la brièveté de ses chapitres : beaucoup d'entre eux sont des dialogues directs où le nom des interlocuteurs n'apparait qu'avec retard, presque de façon accidentelle. L'histoire de L'échange est labyrinthique et prend racine des années plus tôt, le style du livre épouse cette incertitude et ressemble à une progression dans les ténèbres sans qu'il soit véritablement certain que la lumière apparaitra un jour. Un polar ? Un thriller ? Une oeuvre au noir plutôt, oppressante et fascinante, qui magnétise son lecteur avec une économie de moyens prodigieuse. Preuve s'il en est que la poésie peut surgir d'une forme condensée mais puissamment évocatrice. Inutile de préciser que le livre est profondément argentin et pas seulement parce que l'un des personnages principaux est psychanalyste à la retraite. Les autres sont journaliste, flic, mafieux, garçon de café ... Certains apparaissent, le roman les accompagne quelques instants et puis, il peut arriver qu'ils disparaissent aussi vite. Ou pas. C'est l'une des particularités du livre : tout peut arriver, ou presque, il y a ce sentiment que la fatalité est plus fort que tout. Du coup, oui, l'on revient à cette idée de caractère argentin, comme une triste rengaine de tango. Pas question de trop évoquer le passé et le sale air de la peur à l'époque de la dictature. Sauf que le procès n'en a jamais été fait et que certains acteurs de cette période courent toujours et n'hésitent pas à agir quand on fouine un peu trop. La fin de l'échange est ouverte. On peut craindre que le pire soit à venir. Il faut en tous cas le répéter le plus souvent possible : ce livre est une pépite noire !
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L'autobus

Un autobus qui ne s’arrête plus pour prendre des passagers, c’est quand même léger comme point de départ d’un roman.

Et pourtant, très rapidement, j’ai été happée par ce récit.

L’histoire se passe dans un village isolé en Argentine, et outre l’autobus qui circule mais ne s’arrête pas, d’autres évènements vont avoir lieu, rien de bien méchant, juste des détails, mais mis bout à bout, tout prendra un sens assez dramatique à la fin puisque le récit s’inscrit dans une période de dictature où de nombreuses personnes pouvaient disparaître soudainement sans qu’on ne les revoie jamais.

J’ai lu avec plaisir ce roman, mais quelques jours après, il s’estompe déjà de ma mémoire.

Peut-être que le mystère tant attendu n’était pas à la hauteur de mes attentes.
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L'autobus

Un village argentin : le bus de 7 heures 30 ne s'arrête plus et la barrière du passage à niveau est baissée. Nul ne peut partir désormais, toutes les voies de communications étant interrompues ou surveillées. Autour de ces faits insolites, un grand émoi saisit la population : l'avocat, le gérant du café, le facteur, le commissaire, qui ne sait plus à quelle chaîne hiérarchique obéir, et d'autres. Au bout de quelques jours, un couple décide néanmoins de partir à pied en suivant la ligne de chemins de fer.

A travers cette situation simple et habilement brossée, c'est la dictature militaire avec ses disparitions quotidiennes et ses assassinats qui est évoquée. Quelques drames personnels font la trame de ces évènements : le mariage malheureux de l'avocat, la folie de son épouse, l'engagement militant caché de sa soeur Victoria, seule porteuse d'espoir dans cette tourbe humaine.

Le mystère qui plane, angoissant, et les relations entre les personnages ("Le silence c'est la santé ") font de ce livre une oeuvre extrêmement prenante qui pourrait sans nul doute être interprétée au théâtre.

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L'autobus

Tandis que la dictature militaire s'affirme en Argentine, les habitants de ce petit village de la province de Cordoba se croient épargnés : la rumeur exagère sans doute les échauffourées dans les grandes villes, tout rentrera dans l'ordre. Mais les menaces se précisent lorsque l’autocar ne s’arrête plus, rendant infranchissable la frontière entre les deux côtés (riches et respectables vs pauvres et minables).



Ambiance pesante dans ce roman aux allures de fable, qui rappelle certaines pièces sombres de Sartre et de Tennessee Williams.

Les caractéristiques de la dictature argentine sont évoquées plus ou moins explicitement : censure, manipulation de l'information, "disparitions", arrestations et exécutions sauvages pour l'exemple, encouragement à la délation. Paranoïa du peuple attisée par le pouvoir en place. Ne faites plus confiance à personne, apprenez à suspecter chaque inconnu d’abord, puis vos voisins et même les membres de votre famille, autant de "subversifs" en puissance. Ne réfléchissez plus et taisez-vous.

Dans un petit coin de ce triste cadre, on découvre une autre histoire sordide, celle du couple Ponce. L’auteur l’esquisse en quelques pages au milieu du récit à travers le portrait de cet avocat « raide comme la justice ». Homme dur et froid comme un bloc de pierre, figé dans son orgueil démesuré, faisant payer cher à sa femme une humiliation (née d'un malentendu ?) et piégé lui-même par la punition qu’il lui inflige.

La destinée sinistre de ce couple n’est pas liée au régime politique en place, mais elle lui ressemble et l’auteur l’inscrit habilement dans l’histoire à la façon d’un emboîtement de poupées russes. Une dictature qui isole l’individu, le réduit au silence, au néant. Comme le fait cet homme en brisant sournoisement son épouse, petit oiseau en cage qui s’échappe par ses rituels rassurants (et flirtant avec la folie ?).



Même si (ou parce que ?) l’auteur lance cette histoire de domination au passage, mine de rien, et n'y revient pas ou si peu, c’est cet épisode qui m’a le plus marquée. Je referme ce roman oppressant et dérangeant sur l'image de cette femme brisée.
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L'autobus

Encore une occas' dénichée chez Gibert (il ne faut résolument pas me lâcher chez Gibert si l'on ne veut pas quitter Paris sur-sur-chargé !). Pourquoi L'autobus me direz-vous ? Déjà, parce que j'aime assez la ligne éditoriale de Métailié ; ensuite, parce que c'est de la littérature argentine.



Dans la campagne profonde argentine, la vie de village, avec ses cancans, ses rivalités internes, ses hiérarchies (mieux vaut ne pas habiter du mauvais côté de la voie ferrée), ses médisances (mieux vaut bien se tenir si l'on est une jeune fille). Cela fait maintenant quatre jours que l'autobus éponyme, celui qui dessert quotidiennement le village, passe sans marquer d'arrêt. Tout part à vau-l'eau ma bonne dame, et même la barrière du passage à niveau est bloquée en position abaissée sur ordre du commissaire. C'est donc qu'il se passe quelque chose, oui mais quoi ? Deux dangereux criminels sont recherchés dans la région : et si c'était ces deux voyageurs de passage à l'auberge ?



Chouette premier roman, alerte et bien écrit, qui rappelle assez irrésistiblement Le lieu perdu de Norma Huidobro. Même cadre (l'Argentine rurale des province du nord-ouest), même minimalisme, même allure de fable, mêmes soupçons et mêmes rumeurs. J'aime beaucoup la logique qui consiste à partir d'un évènement et d'un contexte apparemment banal, pour révéler, par petites touches suggestives et d'autan plus puissantes, l'horreur de la dictature militaire.
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La Casse

Archétype du roman noir urbain, cet ouvrage concentre les travers d’une société corrompue de la base jusqu’à la tête. Tous les rouages sont bien huilés et chacun connait son rôle, du truand au ministre en passant par toute la hiérarchie policière. Il suffit qu’un aspirant-gangster vole une voiture de sport très rare pour plaire à son patron gérant d’une casse automobile pour le bel équilibre soit brutalement rompu. Dès lors les règlements de compte s’enchaînent, provoquant des montagnes de cadavres et des remaniements en cascade. Le séisme frappe sans distinction de responsabilité…

L’écriture sèche et nerveuse de la romancière argentine Eugenia Almeida s’accorde à merveille avec ce récit particulièrement noir qui permet de suivre le destin de quelques personnages embarqués malgré eux dans ce tourbillon de violence.
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L'autobus

En exergue:

"Le roman n’est pas une confession de l’auteur, mais une exploration de ce qu’est la vie humaine dans le piège qu’est devenu le monde."

Milan Kundera



"Cela fait trois soirs que l’autobus passe sans ouvrir ses portes. Le village est sous une chape métallique. Grise et légèrement ondulée. Le seuil des maisons est maculé de terre et l’absence de pluie rend les chiens nerveux…"



C’est un village où le passage de l’autobus rythme les journées. Une voie ferrée le sépare en deux parties, qui ne sont pas destinées aux mêmes habitants. D’un côté il y a le vrai village, avec son hôtel, son docteur , ses habitants respectables, de l’autre "des putes, des voleurs, des vagabonds, des ivrognes. "

Un couple d’étrangers est à l’hôtel , des inconnus . La femme porte des sous-vêtements noirs, on a vu une bretelle de sa combinaison. Eux aussi attendent que l’autobus s’arrête, assez fébrilement. Mais l’autobus ne s’arrête pas, alors ils vont partir à pied, en suivant la foie ferrée.

Le décor de ce huis-clos étouffant est posé. Le reste, quelques questions, peu de réponses et beaucoup de silences. De l’obéissance aux ordres qui viennent du haut. Un peu de remue-ménage, l’armée, des échos de fusillade , et un mot qui résout le problème pour tous, « subversifs ».



Dans son commentaire, Kathel parle du film de Carlos Sorin, Historias minimas. C’est tout à fait cela. Une petite histoire, comme cela. Les auteurs argentins ont un don particulier, pour décrire et traduire à travers la description de lieux confinés, étranglés sans aucune possibilité de communication extérieure, l’oppression, l’angoisse de tout ce qui n’est pas dit. Circulez, il n’y avait rien à voir, l’autobus va bientôt pouvoir s’arrêter de nouveau.



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L'autobus

Un petit roman à la façon d'un huis-clos théâtral dans la pampa argentine des années 80.

Dans un petit village perdu de la région de Cordoba, l'autobus quotidien ne s'arrête plus depuis 4 jours et le village se perd en conjectures. Privés de toute information et de tout moyen de communication, les habitants s'interrogent , vaguement inquiets...

Un texte tout en non-dit pour évoquer la dictature militaire dans l'Argentine des années 80.

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L'échange

Ce livre est percutant, efficace, que ce soit dans son écriture, sèche et cruelle, ou dans la construction de son intrigue. Un livre dont je n’ai pas vu passer la lecture tant l’action va vite, très vite.

Nous sommes en Argentine, et la dictature, ce n’était pas si loin. Il est encore des personnes qui sont nostalgiques de cette période, des personnes qui ont encore de lourds secrets à cacher, et des personnes qui sont assez bêtes pour vouloir parler de leur passé, sans penser aux conséquences – pour eux, pour les leurs, pour les autres. Surtout quand leur ami, leur protecteur est froid, cynique, et prêt à tout pour être totalement tranquille.

Il faut dire que ceux-ci, ces nostalgiques, ces profiteurs, ceux qui s’en sont mis plein les poches et ont profité aussi pour faire à peu près tout ce qu’ils voulaient, sont partout, y compris dans la police : il est dur de revenir à une vie où tous les coups ne sont plus permis. Dans ce roman, on n’est plus au stade où l’on ramasse les pots cassés, l’on en est à celui où, si l’on survit, l’on se planque le plus loin et le plus vite possible. Si l’on parvient à survivre.
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L'autobus

Quelle belle découverte ! Et en plus c’est un premier roman, pour lequel Eugenia Almeida a reçu en 2005 en Espagne le prix Las Dos Orillas.

Dans un petit bourg perdu au fin fond de l'Argentine, depuis quatre jours l'avocat Ponce accompagne sa sœur pour prendre l’autobus. Un couple, client du café-hôtel du bourg l’attend aussi. Tous les jours l’autobus passe, mais sans s'arrêter. On se croirait au début d’une pièce de théâtre de l’absurde, mais peu à peu l’auteur nous révèle le drame intime du couple de l’avocat puis, encore plus progressivement la tension monte, les informations arrivent au compte-goutte,déformées par le bouche à oreille et la rumeur ou falsifiées par la censure, et le village se révèle le décor d’un autre drame, révélateur des injustices et des atrocités d’une dictature sous régime militaire. En à peine plus de cent pages l’auteur réussit à nous restituer l’ambiance malsaine de l’Argentine de 1976. Tout cela avec une grande finesse, tout en sobriété. C’est un roman qui invite à la réflexion, la situation d’une zone bouclée sans que l’on sache très bien pourquoi interpelle, l’ostracisme d’une partie du village par une autre aussi. Quelle serait notre réaction ?
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L'autobus

Dans une petite ville argentine, cela fait plusieurs soirs que l’autobus passe sans marquer l’arrêt, alors que des personnes l’attendent pourtant sur le bord de la route. Tout le monde au sein de la communauté, mais également les personnes de passage dans la bourgade et qui souhaitent la quitter, se demande ce qu’il peut bien se passer…

« L’autobus » est un court roman (moins de 130 pages) d’une grande retenue. L’atmosphère, déjà alourdie par l’orage qui menace, est rendue étrange, oppressante, par le fait que cet autobus passant le soir ne s’arrête plus, et ce, de façon délibérée. Que peut-il se tramer en dehors de la ville qui explique cette situation ? Quelle menace pèse sur ses habitants ? Coupés du monde, ceux-ci s’interrogent, cherchent à comprendre, les rumeurs circulent. Ce roman constitue en tout état de cause une subtile dénonciation de la dictature militaire argentine lors de la fin des années 70 / début des années 80, et de façon générale, de tout pouvoir autoritaire…

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L'échange

« Une gamine s’est suicidée. Voilà ce qui s’est passé. C’est triste. Plus triste que la pluie. Tu as eu la malchance de la voir. C’est tout. » La version officielle d’un fait divers que l’on situera dans une ville argentine ne laisse guère planer le doute sur cette mort devant témoins. Après avoir parlé avec un homme, puis l’avoir mis en joue, une jeune femme a subitement retourné l’arme contre elle.

Appelé sur les lieux, le journaliste Guyot va toutefois trouver cette affaire un peu bizarre, notamment parce que les autorités ainsi que son rédacteur en chef décident très vite qu’il ne s’est rien passé. La consigne est claire : « Ne fais pas de vagues, Guyot. Su tu deviens gênant et qu’on te chope en train de poser des questions, ça va mal tourner pour toi. »

Il n’en fallait bien entendu pas davantage pour exciter la curiosité de notre homme. Au début de son enquête, il ne cherche qu’à comprendre l’enchaînement des faits. Qui était cette Julia Montenegro ? Pourquoi n’a-t-elle pas tué l’homme qu’elle avait au bout de la gâchette ? Quelle raison supérieure a conduit les autorités à étouffer l’affaire ? Au fil des chapitres, on va voir le puzzle se mettre en place. Témoignages, bribes d’informations, coupures de presse, visite au domicile de la défunte vont permettre à Guyot de retracer la vie de Julia. Dans sa quête, il va être secondé par Vera, une psychanalyste à la retraire. Ensemble, ils vont dresser le profil d’un personnage peu recommandable qui voudrait retrouver sa virginité en confiant sa biographie à la jeune femme. Sauf que cette dernière n’entend pas non plus servir de porte-plume sans essayer de creuser un peu dans la vie de son commanditaire, « ajouter des détails à se rappeler, des idées à explorer.»

Erreur funeste ! Alors qu’« il serait très simple de résoudre le problème en pensant que Julia n’était qu’une femme chargée d’écrire des autobiographies» le journaliste s’entête et provoque de nouveaux drames. Après un chien, ce sont des interlocuteurs de Guyot qui sont retrouvés morts. C’est alors que la peur s’installe. C’est alors que l’on comprend que la dictature a laissé derrière elle quelques habitudes nauséabondes, que le «système» fonctionne toujours et que certaines vérités ne sont pas bonnes à dire, quand bien même elles émanent des bourreaux eux-mêmes.

Au fil des chapitres qui se succèdent avec leur lot de révélations, le dossier devient de plus en plus lourd, l’image de plus en plus nette et le combat de plus en plus inégal. De la police à la justice, la corruption continue à gangréner le pays et à étouffer ceux qui voudraient y mettre un terme.

Bien plus qu’un récit historique ou un essai politique, c’est une entreprise de salubrité publique racontée comme un polar que nous livre Eugenia Almeida. Pour que les loups ne finissent pas par envahir le pays, pour que les personnes de bonne volonté puissent échapper à la peste qui n’a pas été éradiquée.


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L'échange

L’ombre portée de la dictature argentine derrière un fait divers. Glaçant et magistral.



Le troisième roman d’Eugenia Almeida publié en 2014, traduit en 2016 par François Gaudry pour les éditions Métailié, plonge le lecteur dans un état d’incompréhension et d’anxiété brumeuse, proche de celui de son principal protagoniste, Guyot, employé du journal local qui enquête, envers et contre tout, sur un fait divers énigmatique dont il ne peut se détacher à cause de l’incongruité extrême de l’événement et du lien mince le reliant à sa propre histoire.



La suite sur mon blog ici :

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