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Critiques de Eva Illouz (92)
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Happycratie

Le charlatan creuse sa piscine sur le dos de Narcisse.

Avec mon mauvais esprit, je ne risque pas de devenir Happycondriaque.

Les deux auteurs de l'essai Happycratie dissèquent façon légiste la rapide propagation de la tyrannie du bonheur via son bras armé, la psychologie positive.

La psychologie classique s'adressait aux personnes en souffrance, victimes de pathologies. Logique mais marché de niche. La psychologie positive a repeint d'un vernis pseudo scientifique la méthode Coué pour s'imposer aux personnes bien portantes.

Les puristes diront que la pensée positive de ce bon Emile Coué de la Chataignerie, pharmacien de son état, repose sur l'imagination alors que la psychologie positive agit surtout sur la volonté. Néanmoins, elles utilisent les mêmes techniques d'autosuggestion et une certaine forme de placardisation des pensées négatives. Vive l'hémiplégie émotionnelle.

Naguère, le bonheur était une utopie, une promesse de l'au-delà. Depuis que dans nos sociétés occidentales, nous avons pris conscience de notre finitude et que nous avons moins à nous soucier de notre survie, le port de la ceinture du bonheur est obligatoire. Inversons la pyramide de Maslow qui faisait du bonheur un aboutissement de vertus pour en faire un postulat et évitons la page blanche sur Instagram.

Je partage assez le point de vue des auteurs et je trouve que l'individu est beaucoup plus complexe qu'une dichotomie simpliste entre « le bon et le mauvais ». Attention, je ne suis pas contre le bonheur, j'aime bien être tout contre dans certaines situations, loin de moi l'idée d'être un mauvais coucheur... Néanmoins, je développe une certaine allergie à ces techniques placébos qui imposent à la bestiole que je suis de se raconter des histoires et d'être aveuglement positif, résilient et productif. Des acariens souriants. Désolé, je suis attaché à mes idées noires et je n'ai pas envie de vivre dans une publicité pour huiles essentielles.

Les apôtres de la psychologie positive, Martin Selingman en tête, ont inventé une équation qui rend chacun responsable de son propre bonheur. Ainsi, le smile éternel serait issue de 50 % de gênes, 40 % de facteurs psychologiques et 10 % de facteurs extérieurs. Autant dire que l'éducation, le sexe, l'état de santé, la condition sociale, l'âge, l'éducation et l'humeur du jour impacteraient de façon marginale nos émotions. De la roupie de sansonnet bien pratique qui rend l'employé responsable de son licenciement, le malade suspect de sa maladie, l'affamé coupable de la disette et qui hérisse à juste titre le poil du sociologue.

Il est vrai que de prime abord, le bon sens pousse à privilégier une pensée positive à une pensée négative. On ne se fait pas trop de mal à se faire du bien. Mais prétendre que grâce à la position du lotus, un coach de vie et trois tisanes, le positif attire le positif, que les jolies pensées construisent un mur contre l'immigration clandestine des aléas de la vie, nous sommes en droit et en devoir d'être sceptique. Il me semble que les lois de l'attraction aimantaient plutôt les contraires. Plus grave selon l'auteur, ce postulat induirait à contrario que si nous sommes frappés par l'adversité, ce serait la faute de nos seules pensées négatives. On rentre dans l'ésotérisme pour rendre moins insupportable l'injustice du destin et trouver un alibi à la fatalité.

Sur la forme, de construction très académique, cet essai intéressant se prend un peu trop au sérieux et enchaîne les redondances. Un peu d'humour n'aurait pas nui à l'ouvrage et aurait permis d'économiser une bonne centaine de pages.

J'adhère moins à certaines thèses de l'auteur, notamment celle qui associe exclusivement l'émergence de la psychologie positive à l'idéologie néo libérale. Il y a certes une marchandisation du bonheur et il suffit d'observer la pandémie de coachs en tout genre et de livres sur le sujet pour s'en convaincre. Néanmoins, accordons que la pensée positive dans ses mantras se soucie aussi du rapport à l'autre de façon bienveillante et qu'Aristote évoquait déjà l'idéal de bonheur bien avant l'émergence de Wall Street.

Le bonheur n'est pas plus exclusif de l'égalité que de la liberté.

je me sens définitivement plus citoyen que psytoyen.

Happy end



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Happycratie



Les auteurs ont fait du beau travail à démontrer comment les apôtres de la "psychologie positive", ce qui sonne peut-être, de prime abord, moderne et méritoire, est loin d'être positive dans la mesure où cette doctrine nie l'aspect social et fait fi de bien d'autres aspects fondamentaux de cette soi-disante science. Ce sont Eva Illouz et Edgar Cabanas qui ont forgé ce charmant terme de "Happycratie" pour désigner l'essor incroyable, en une bonne décennie de temps, et la place considérable de "l'industrie du bonheur" dans le monde contemporain. Une industrie qui brasse des sommes folles sans beaucoup d'égards au destinataire final de leurs efforts : l'individu et son réel bonheur.



Selon le père spirituel de cette mouvance moderne qui nous vient des États-Unis, Martin Seligman né en 1942 à Albany (New York), la recherche du bonheur de l'homme est, en fait, très simple : "tout un chacun peut réinventer sa vie et atteindre le meilleur de lui-même en adoptant tout bonnement un regard plus positif sur soi et sur le monde environnant". C'est l'oeuf de colon : votre bonheur ci-bas ne dépend que de vous, de votre attitude et de vos efforts, tout le reste est baliverne et compagnie. Votre origine, milieu, situation géographique, familiale et sociétale, votre éducation (ou manque d'éducation), votre emploi etc. ne sont que des bagatelles.



Le succès de cette belle théorie psychologique, exposée dans son manifeste "Le bonheur authentique" de 2002, a été immense, pour ne pas dire foudroyant, malgré les "simplifications théoriques abusives, tautologies et contradictions" (page 45). Le mot "platitudes" me paraît en vérité plus approprié.



La raison de ce succès est lié au succès du néolibéralisme. Une telle "science" est une aubaine pour le patronat et les multinationales. Coca-Cola l'a très vite compris et a créé sans hésiter la "Coca-Cola Institute of Happiness". Il va de soi que pour des managers de tous genres, des directeurs des ressources humaines dans les entreprises (avant appelés plus prosaïquement directeurs du personnel) et des coachs de tout gabarit c'est un merveilleux cadeau.

Pas étonnant que Seligman fût élu président de l'APA ("American Psychological Association), la plus grande association dans ce secteur, qui compte 117.500 membres, et cela à une écrasante majorité de voix.



Cela revient un peu à la variante du slogan électoral de Donald Trump : "Make Psychology Great Again !"



Mais ce n'est pas uniquement en Amérique que la psychologie positive du bonheur a trouvé ses chantres. Outre-Manche il y a le noble Sir Richard Laylard de la "London School of Economics" qui a poussé le bouchon même un brin plus loin dans son "Le Prix du bonheur : Leçons d'une science nouvelle" de 2007 et qui est surnommé entretemps le "tsar du bonheur".

Cette nouvelle science ne constitue cependant pas non plus un monopole anglo-saxon, des politiciens comme Pinochet au Chili et Nicolas Sarkozy en France par exemple en sont tout à fait convaincus et dans l'émirat de Dubaï un "Ministère du Bonheur" a même vu le jour.



D'après les auteurs le nombre de bouquins dédié à notre bonheur est devenu complètement incalculable. "Juste avant le tournant du siècle, on recensait chez Amazon 300 livres dont le titre comportait le terme en question ; aujourd'hui on en compte plus de deux mille." Idem pour l'explosion de tweets et de posts Instagram et Facebook.



Et comme de bien entendu, la politique n'est pas restée dans l'expectative devant cette manne céleste, qui permet de couper brutalement dans les allocations dites sociales. Pour certains gouvernements de droite c'est une occasion rêvée de tenter à remettre en question l'acquis social. Un acquis qui a demandé des décennies de luttes et d'efforts à mettre en place.



Pour certains fanatiques de la nouvelle doctrine il faudrait remplacer les données statistiques du produit national brut, PNB, par une espèce de produit national de bonheur, comme si une telle notion serait objectivement quantifiable. Mais pour arriver à des chiffres, aucun problème : ces nouveaux experts élaborent des questionnaires plus ou moins sophistiqués que le commun des mortels est supposé remplir, en vue d'aboutir à des données chiffrées, qui servent de base à leurs théories. N'oublions pas que ces experts sont payés pour leurs travaux créatifs par une gamme de sponsors du monde économique et financier, par le biais d'associations de "bienfaisance" créées spécialement à cet effet.



Je n'irai pas aussi loin qu'à prétendre que Martin Seligman, Sir Richard Laylard et consorts sont des "nuls" bien sûr, mais il me paraît incontestable, qu'emportés par leur succès, ils ont perdu une bonne part de leur esprit critique et scientifique. Les grands responsables de cette regrettable débauche sont évidemment les industriels qui ont sorti leurs calculatrices pour stimuler ces psychologues dans le sens de leurs gains escomptés. Et les dons, subventions et autres aides atteignent des montants vertigineux. Argent qui serait certainement mieux utilisé comme aide aux personnes qui vivent dans la misère. Selon certains énergumènes ces aides sont contreproductives, car elles empêchent les individus affectés d'avoir recours à leurs splendides programmes d'épanouissement personnel !



Dans leur livre, Eva Illouz et Edgar Cabanas citent le cas d'un spécialiste de la réduction d'effectifs dans les entreprises qui disait à un employé, père de famille, qui perdait son travail après des décennies de loyaux services à la suite d'une restructuration, que la perte de son job était "une occasion inespérée de se transformer et de transformer son existence..." (page 118). Lorsqu'on est près de la retraite, formé sur le tas et qu'on a un ménage à entretenir les "encouragements" de cet expert, royalement payé lui, auront à coup sûr des effets de bonheur mirifiques !



Autre exemple de l'ampleur de ce phénomène : il existe une application sur le net "Happify" qui compte plus de 3 millions d'utilisateurs. Une des applications les plus lucratives pour smartphones, dont l'accès coûte 11,99 dollars par mois et qui permet de sélectionner les contributions les plus "positives" pour en faire de temps à temps un bouquin, qui est vraisemblablement acheté par le même public.



À lire certains passages de ces psychologues positifs modernes, on ne peut que regretter la rigueur de leurs prédécesseurs, tels Wilhelm Wundt, Ivan Pavlov, Sigmund Freud, George Herbert Mead, Alfred Adler, Carl Gustav Jung, Henri Piéron, Jean Piaget, Hans Eysenck etc.



Un mot sur les auteurs. Edgar Cabanas est docteur en psychologie rattaché à l'institut Max Planck de Berlin et professeur à l'université Camilo José Cela de Madrid. Eva Illouz est née à Fès au Maroc, a enseigné à l'université de Princeton et à l'École des hautes études sociales de Paris. L'hebdomadaire allemand sérieux "Die Zeit" la considère comme une des 12 intellectuelles les plus influentes au monde.
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20 penseurs pour 2020

Une anthologie des meilleurs textes de la presse internationale par Philosophie Magazine, ça donne une certaine vision de la société, avec des idées que l'on ne croise pas forcément tous les jours, assez éloignées d'un recueil de brèves de comptoir pour donner un ordre d'idée (même s'il y a aussi une forme de philosophie autour des zinc).

Disparates, hétéroclites, variés et riches, ils abordent différents évènements dont certains inévitables comme les gilets jaunes, le mouvement metoo questionné sur son avenir, le réchauffement climatique, Trump, la dictature chinoise, etc. Certains peuvent paraître plus inattendus comme celui sur le travail par exemple, du moins sa fin anticipée avec l'avènement de l'intelligence artificielle (je l'ai beaucoup aimé celui-ci, peut-être mon côté oisif enfin déculpabilisé).

Il serait dommage à mon avis d'être rebuté par l'aspect philo, sans être spécialiste en la matière beaucoup de textes m'ont paru abordables, même si d'autres demandent de s'accrocher un petit peu parfois. Quelques allusions par ci par là à Kant notamment, et quelques discussions autour de préceptes bien sûr. D'ailleurs tous les auteurs ne sont pas philosophes ou du moins exclusivement, il y a par exemple Franzen le romancier (et le seul que je connaissais). D'autres peuvent être sociologues, avocat, agricultrice.

Bref, une bonne idée lecture pour changer ou couper de ses habitudes, avec un article à picorer par-ci par-là.



Merci beaucoup à masse critique pour cet envoi, ainsi qu'à « Philosophie magazine éditeur ».
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21 penseurs pour 2021

Un an déjà....

Comme ça passe quand on y repense. C'était même pas hier et ça fait pourtant un an.

Un an déjà, qu'une certaine série philo des années 2020 a vu le jour avec sa première saison : « 20 penseurs pour 2020 ». le principe en est simple, une anthologie des meilleurs articles parus dans la presse internationale l'année d'avant.

L'an dernier, j'émettais l'idée pour la première que l'originalité des concepts les éloignait d'un recueil de brèves de comptoir, bien qu'une forme de philosophie pouvait aussi s'entendre dans les bistros. Je confirme le truc pour cette année encore.

Oui je sais, tous les bistros ont fermé entre-temps.

Voici donc pour cette deuxième, « 21 penseurs pour 2021 », une liste non exhaustive, de résumés (très succincts) d'articles aux concepts philo bien tournés et développés (dans le livre), que vous n'avez pas entendus dans les bistros :

- la possibilité d'une décélération initiée par le politique démontrée par la pandémie

- la limite des systèmes ultralibéraux des USA ou de la Grande-Bretagne pendant la pandémie

- inégalité de la vulnérabilité face à la propagation d'une maladie aux USA

- le télétravail comme vecteur d'évolution de la géographie des centre-villes

- un état mondial ? « Comme si ce minuscule être vivant était venu en messager pour défier notre humanité mondialisée et révéler son impuissance, lui offrant une dernière chance pour prendre conscience d'une communauté de destin »

- le capitalisme favoriserait la zoonose (transmission des maladies d'animaux vers humains)

- débat d'idées autour du dilemme des soins à conditions égales impossibles pour deux patients : l'âge doit-il être le critère sélectif ?

Bon tout ça pour dire, on se doute, il est question de ce que vous savez, comment pourrait-il en être autrement. Ça fait un an que l'on ne parle que de ça. Et de météo peut-être aussi un peu, au creux d'une vague certainement. Ou alors du réchauffement climatique, comme dans l'article de Bruno Latour qui se demande si on ne devrait pas passer d'une lutte des classes sociales à une lutte des classes géosociales  (Ou comment en finir avec le partage des richesses pour préserver l'environnement). On aurait parlé de Trump aussi. le recueil ne l'ignore pas, en interrogeant la survie du trumpisme après le règne de son créateur, mais aussi dans un autre article qui décrypte la révolte de certains dirigeants dont Trump, Bolsonaro ou Erdogan, empruntant à la population la haine des élites en place et dénigrant la démocratie, alors qu'ils proviennent eux-mêmes des élites.

A-t-on réellement parlé de cancel culture dans les foyers ? Peu importe, car le papier d'Helen Lewis se révèle bien intéressant, en mettant en regard la génération des milenials qui coupent le cordon avec Harry Potter et son autrice, sujette à polémique sur la question des transgenres.

Intéressant et surtout accessible, comme tous les articles ou presque d'ailleurs, à picorer au gré des envies et des humeurs.

Néanmoins, le recueil dans son ensemble m'a paru moins passionnant que l'an dernier, sûrement que la répétition de l'axe Covid/économie/politique n'y est pas étrangère.



Un grand merci à Babélio et Philomag pour l'envoi de ce recueil d'articles, dans le cadre de masse critique.

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Les philosophes face à la guerre

"Philosophie magazine" d'Avril-mai 2022 en édition spéciale, les philosophes, sociologues, essayistes nous livrent leurs réactions face à la guerre en Ukraine. Il s'agit d'une édition spéciale.

J'étais évidemment comme tout le monde en plein ébahissement. Comment était-ce possible, nous en Occident qui, depuis notre naissance, après 1950 dans mon cas, n'avions connu qu'un monde en paix loin du spectre de la guerre, dans nos pays ?

Je croyais vraiment à la paix garantie par la création de l'Union Européenne, grâce à la chute du mur de Berlin et tous ces signes d'échanges entre les pays occidentaux.

De plus, j'affirmais bien fort mes convictions.

La première fois que j'ai douté de la liberté d'expression et de l'avenir de la démocratie, c'est lors des attentats meurtriers de Paris contre Charlie Hebdo et ensuite contre la population.

Que de questionnements lors de l'invasion de l'Ukraine !

C'est avec un réel intérêt que j'ai lu le magazine qui s'intitule "Face à la guerre" qui nous présente des réflexions différentes sur le sens des conflits, la motivation, l'historique des guerres dans le monde, le devenir et la considération des réfugiés, la différence entre les réfugiés syriens et ukrainiens, la vision du monde par un dictateur.

Les articles vont en profondeur et rassemblent les idées afin qu'elles s'éclaircissent.

Toutes les chroniques sont intéressantes et différentes.

Merci à la Masse critique de Babelio et à Philosophie Magazine pour cette lecture bien enrichissante
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20 penseurs pour 2020

Bien plus qu'aujourd'hui ces philosophes, ces penseurs nous focalisent sur ce monde dans lequel nous évoluons, qui nous entoure et sur nos comportements, notre évolution et nos réactions à ceux qui nous gouvernent. Ces réflexions philosophiques, quelquefois accessibles, à ma hauteur, quelquefois plus hautes et appelant à la relecture, à la compréhension, auront, pour moi, fatalement, une résonance du fait, simplement, de les vivre et les avoir vécues. Alors sans recul, comme pour l'histoire, certainement, quoique notre temps offre des possibilités immenses de pleinement, pour qui le souhaite, participer à la vie de notre monde sans don d'ubiquité, tout en restant chez soi bien que sans approfondissement.

On aura pu lire, par exemple, des articles de journaux sur les "gilets jaunes", des unes de grands quotidiens étrangers sur le sujet.

Alors, bien qu'il en soit question, l'ouvrage répertorie quelques auteur(e)s du vaste monde publiant ou ayant publié dans la presse internationale.

Des créateurs de google qui veulent créer un monde des loisirs, Elon Musk et sa transmission de pensée (il n'est d'ailleurs pas le premier: voir "Le matin des magiciens" de Pauwels & Bergier), euthanasie ou choisir sa mort ou sa fin de vie, la cryptomonnaie, le climat, Trump et le populisme, etc., chacun des rédacteur(e)s apporte sa vision sur le sujet avec son explication.

A nous soit de la partager, soit de conserver notre propre entendement mais pour ceux qui chercheraient une voie, une ouverture, ce livre peut aider à la trouver.

C'est bien écrit, forcément et, donc à conseiller.

Peut-être que la période actuelle aurait permis une vue différente, quoique....

Merci à Babelio et sa masse critique de m'avoir fait profiter de cette lecture et à Philosophie Magazine de me l'avoir fait parvenir.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Pourquoi l'amour fait mal

ATTENTION CHEF D'OEUVRE ! Quel bijou que ce livre que j'ai acheté par hasard ! Une rigueur dans l'analyse, une véritable reconstruction historique et sociologique des formes amoureuses de notre époque. L'auteur soutient en effet que si l'amour a certainement toujours existé, il existe des amours, des souffrances et des désillusions qui sont typiquement modernes. Le plan est solide, les phrases confinent au sublime tant elles sont par moment bien écrites et emplies à la fois de lucidité et de sagesse. Vraiment impressionnant. Les références sont diverses et variées, interdisciplinaires. Jamais un auteur n'a autant montré que la sociologie pouvait être rigoureuse ; et jamais un auteur n'a autant rappelé que la sociologie a pris pour thème de sa recherche les souffrances de la condition humaine : pauvreté, misère, oppression politique, le suicide chez Durkheim, certes ; et maintenant, pourrait-on ajouter, les souffrances de l'amour et des désillusions avec cette sociologue. Ce qui est terrible me semble-t-t-il, c'est aussi ce qui est implicitement suggéré même si l'auteur ne le dit pas : nous sommes faits pour nous faire souffrir au sujet de l'amour. Nous sommes responsables de nos désillusions, de nos déceptions. La rationalisation extrême de nos demandes (sur nous-mêmes : est-ce que j'aime vraiment ? ; sur les causes de notre amour : est-ce une passion passagère ? ; sur les nombreux paramètres espérés : gentil, beau, courtois, intelligent, charmant, etc etc ; sur les modèles idéaux et imaginaires : mais n'y a t-il pas mieux, est-ce qu'il n'y a pas une autre histoire possible qui serait plus épanouissante ?) entraîne une véritable souffrance dont nous sommes la cause. Incontournable.
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Happycratie

Le bonheur a un prix ,la preuve ,il se vend

Et surtout ,surtout je l’achète …

J’avoue que j’ai succombé aux sirènes (c’est un comble ) du développement personnel .

Ce livre me réveille et révèle la supercherie et super’chère quête du bonheur .

En effet malgré et à cause de cette consommation effrénée de ces pourvoyeurs de la positive attitude je découvre grâce à ces auteurs qu’en fait je n’ai pas changé d’un jota ou d’un delta ou d’un oméga peu importe …

Je reste moi-même aussi imparfaitement parfaite .

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Les philosophes face à la guerre

Face à la guerre en Ukraine, une fois la surprise passée, il était indispensable de prendre du recul et d’essayer de comprendre non seulement ce que signifiait cette guerre, quel était son but, mais surtout comment on allait pouvoir en sortir.

Pour ce faire, Philosophie magazine, dont le but est d’éclairer les événements de l’époque à la lumière de la pensée des philosophes, a sorti un numéro spécial en avril. Les articles ont donc été écrits en mars, mais en les lisant fin juillet, ils sont malheureusement toujours d’actualité.

Au départ, j’étais surtout curieuse de lire la contribution d’Etienne Klein, mais au final je dois reconnaître que ce n’est pas la plus intéressante, même si elle est agréable à lire grâce au style d’Etienne Klein.

De toute façon, la question n’est pas de savoir quel est le meilleur article car ce magazine constitue un ensemble avec des articles très différents mais qui contribuent tous à nous faire réfléchir sur une question ou une autre soulevées par la guerre en Ukraine.

La lecture de ce numéro spécial s’est donc avérée très intéressante et je remercie les équipes de Babelio et de Philosophie magazine pour cet envoi.

Je salue également l’accessibilité de ce magazine, car les articles étaient tous très clairs et faciles à lire tout en abordant en trois ou cinq pages des notions d’une certaine complexité.
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La fin de l'amour. Enquête sur un désarroi cont..

Cet essai touffu et complexe a pour objet l'analyse sociologique des manières dont le capitalisme consumériste (autrement dit néolibéral) a métamorphosé les relations sentimentales – en parallèle avec la révolution sexuelle à partir des années 60, et grâce également à la révolution technologique opérée par l'hyperconnection des années 2000 (cf. l'application Tinder) – dans un sens qui provoque la destruction des liens d'intimité durables, une incertitude ontologique sur la valeur des acteurs ainsi que sur leurs désirs et conséquemment sur l'avenir de la relation, et enfin des nouvelles formes d'inégalité de genre au détriment des femmes. Une telle évolution, dans une logique de libre marché dérégulé des relations, comporte l'accroissement de la liberté sexuelle, mais se paye en contrepartie par une diminution de l'égalité et par l'ébranlement des fondements de l'estime de soi. Ce processus, appelé « capitalisme scopique », en relation avec une exposition – l'autrice n'ira pas jusqu'à dire « exhibition » et n'en tirera donc pas les conséquences psychanalytiques en termes de perversion par cause de dé-subjectivation – du sujet économico-sexuel, de son corps sexualisé, de son désir voire de sa jouissance, ce capitalisme scopique donc « crée un type d'identité particulier où l'économie et le sexe s'imbriquent et se complètent mutuellement » (p. 310).

En vérité, les prémisses de cette démarche d'articulation entre le système économique et les relations amoureuses existaient déjà dans le concept d'anomie introduit par Durkheim dans Le Suicide (1897), où l'autrice rappelle opportunément qu'il s'applique à « l'homme célibataire », ainsi que dans le célèbre essai de Zygmunt Bauman, L'Amour liquide : de la fragilité des liens entre les hommes (2003), cité fugacement. Mais dans ce traité imposant et à l'appareil bibliographique impressionnant, cette articulation du capitalisme consumériste avec le « capitalisme scopique » se développe de la manière suivante.

Dans le chap. introductif est posée la pertinence de l'approche sociologique (contre l'hégémonie épistémologique de la psychologie) appliquée au choix, et en l'occurrence au refus ou à l'impossibilité d'opérer un choix amoureux, qui est appelé « choix négatif » ; il est aussi question de la critique de la liberté en amour, liberté apportée par la révolution sexuelle qui aboutit sur ce qui est défini le « non-amour ».

Le chap. II, « La cour amoureuse et l'émergence des relations négatives », a pour objet la comparaison du mariage traditionnel ritualisé, endogame et patrimonial, fondé sur « la certitude » (déclinée en six aspects), avec un nouveau marché sexuel, dérivé de « la liberté sexuelle comme liberté consumériste », dans lequel hommes et femmes disposent chacun d'un « capital sexuel ». [cf. cit. 1 sur la sexualité et le marché de consommation et cit. 2 sur les métamorphoses de la sexualité par la libération sexuelle convergeant vers le nouveau marché sexuel].

Le chap. III, « Confusion dans le sexe », par l'affinité ou l'analogie entre l'interaction consumériste et le prototype du « casual sex » (« l'aventure sans lendemain »), commence à poser la question de l'incertitude, dans la forme d'incertitude des relations.

Le chap. IV, « Le capitalisme scopique et l'émergence de l'incertitude ontologique », à mon sens le plus intéressant de l'ouvrage, commence par introduire le concept de valeur économique et symbolique des hommes et des femmes ; cette valeur implique une évaluation et une dévaluation. Là surgit une asymétrie. En effet, les femmes se valorisent (par leur corps et par la consommation marchande) mais les hommes les « évaluent » en tant que consommateurs de leur valeur sexuelle qu'ils s'approprient [cf. cit. 4]. Dans ce même chap., l'incertitude est envisagée dans sa forme ontologique, c-à-d. quant à la valeur de l'individu au regard de l'autre [cf. cit. 3]. Naturellement, cette incertitude se répercute sur l'estime de soi et la confiance en soi, et elle donne lieu à des stratégies de défense.

Celles-ci sont explorées dans le chap. V, « Une liberté avec beaucoup de limites », dans le sens où elles vont avoir pour effet une certaine frilosité dans l'investissement émotionnel, aggravée par l'ambivalence entre volonté d'engagement et valorisation de l'autonomie. Plus généralement, ce chap. aborde la question des limites de l'analogie avec l'univers contractuel et il découle sur les « relations négatives » : indéterminées concernant le « choix » et éphémères. [cf. cit. 5]

Ces deux qualités caractérisent aussi « la fin de l'amour » : le divorce et la séparation, qui fait l'objet du dernier chap., « Le divorce comme relation négative ». Ici, sont explorées plusieurs causes et modalités de cessation de la relation et la dichotomie autonomie-attachement est ultérieurement explorée. En fin de chap. est également traitée la question de la « compétence affective » dévolue aux femmes, qui sont aussi demandeuses de « marchandises émotionnelles », telles les psychothérapies et autres pratiques de « développement personnel », car c'est à elles qu'incombe la gestion du « processus relationnel ». [cf. cit. 6]

Enfin la Conclusion ouvre sur la valeur politique de l'étude des dysfonctionnements des relations sentimentales.

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Happycratie

Les auteurs ignorent que les hommes se sont toujours préoccupés de vivre moins malheureux et plus heureux. Pour eux, « la recherche du bonheur est l’un des traits les plus distinctifs de la culture nord-américaine » (p. 13). Faire des recherches sur le bonheur et enseigner les résultats c’est faire le jeu de « la société capitaliste néo-libérale ». Faire croire que le bonheur des peuples est une chose essentielle « c’est la stratégie de Pinochet au Chili, suivi de Cameron au Royaume-Uni et de Sarkosy en France » (sic, p. 53).

N’étant pas à une contradiction près, les auteurs affirment que les recherches sur le bonheur — notamment l’analyse des « Big Data » —n’ont « quasi rien appris » (p. 59), mais affirment un peu plus loin que ces analyses permettent aux grandes entreprises « d’exercer une influence non seulement sur les aspects les plus courants des existences individuelles, mais aussi sur les modèles comportementaux les plus généralisés ».

La « psychologie positive » est la cible privilégiée. Les auteurs affirment que ce courant « a insufflé de l’oxygène à une discipline, la psychologie, chroniquement incapable de trouver son objet d’étude » (sic, p. 41). Pour eux ce courant est « une industrie mondiale pesant des milliards ». Sans fournir leurs sources, ils affirment que le Centre de psychologie positive de l’université de Pennsylvanie a reçu « des sommes énormes » de « personnages ultra-conservateurs », de multinationales (notamment Coca-Cola) et des Émirats arabes. La psychologie positive serait « une sorte de pornographie émotionnelle » (p. 12s).

Pour eux, les procédures qui aident les personnes — en particulier les travailleurs — à mieux gérer leurs émotions ne font rien d’autre que le jeu des patrons : elles façonnent « le citoyen néolibéral idéal » et produisent des « happycondriaques ».

Un défaut majeur de l’ouvrage est que la psychologie positive est présentée comme une doctrine unifiée. En réalité c’est l’étude, en principe scientifique, de ce qui permet de vivre plus heureux, et le résultat actuel est loin d’être une conception totalement unifiée. L’autre grand reproche aux auteurs est qu’ils publient un ouvrage de 270 pages pour exposer quelques idées qui peuvent tenir dans un article. Sur ces idées, il existait d’ailleurs déjà un bon nombre d’articles parfaitement redondants.


Lien : https://moodleucl.uclouvain...
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Happycratie

Les deux auteurs s'attachent à démonter l'idée de la "psychologie positive" comme étant plutôt un phénomène du marché du bonheur.



Difficile de trouver un point d'équilibre optimal entre l'optimisme excessif, le pessimisme excessif et le réalisme excessif. Ce livre s'attaque à la "happycratie" comme l'idéologie du bonheur. Je caricature : tout est beau, la vie est belle, il n'y a pas de problème et si on n'est pas heureux c'est parce qu'on ne regarde pas les choses du bon côté. C'est devenu le fond de commerce du développement personnel et de certaines sectes. Un vrai business.



J'adhère à la plupart des arguments. Néanmoins, il y a deux points qui me dérangent dans le contenu de ce livre.



Il y a des gens qui sont excessivement pessimistes, excessivement optimistes ou excessivement réalistes. Les "excessivement" sont, en général, des situations pathologiques. Un peu d'optimisme peut parfois faire du bien, Donc, si on enlève la partie "marché du bonheur", peut-être que la psychologie positive peut être utile à certains.



L'autre point qui me dérange, et beaucoup plus, est la mention fréquente au "néolibéralisme", presque en l'accusant d'être le coupable de l'apparition de ce marché du bonheur. Je pense que l'auteur, comme beaucoup, confond corrélation et causalité.



Il est vrai que s'il y a une demande, il y aura de l'offre. C'est un mécanisme économique archi connu, valable partout. S'il n'y avait pas des malades, la médecine n'existerait pas. C'est valable pour toute branche de la psychologie, d'ailleurs. Et aussi la psychanalyse.



Je crois voir dans les différents écrits de Eva Illouz qu'elle a une tendance politique anticapitaliste (mais je peux me tromper). Il n'y a pas de mal à être de l'un côté ou de l'autre. le problème est de ne pas laisser un biais cognitif dû à ses convictions personnelles s'insérer dans ses activités scientifiques. C'est un point très difficile à régler lorsqu'on travaille en sciences humaines, en particulier la sociologie, la philosophie et, dans ce cas, la psychologie.

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La fin de l'amour. Enquête sur un désarroi cont..

Oh amour, où es-tu?

Une analys centrée principalement sur le XXième siècle, ses avancées et ses désordres, des extrêmes qui ont découlé par des luttes de pouvoir.

Si la femme a obtenu une apparente parité au fil du temps, grâce à la contraception, l'éducation, le travail et la libération sexuelle, le pouvoir lié à l'argent, ancien, perdure par le biais du capitalisme qui ne voit la sexualisation de la femme que comme une marchandise et non une réalité de la nature que nous revendiquons au même titre que chaque individu.

Encore une fois, l'entièreté de la femme est mise en péril, de manière sournoise par le pouvoir.

Une analyse à travers les médias actuels, des sites de rencontre à la publicité qui désormais, en bannissant la sexualisation du féminin, nous coupe aussi d'une dimension de séduction et donc du pouvoir, l'hyper-sexe féminin étant cantonné à la seule pornographie. La fin de l'amour, la fin du rêve...
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La fin de l'amour. Enquête sur un désarroi cont..

Extrait

L’OBS. Comment faut-il entendre le titre de votre nouveau livre, « la Fin de l’amour », paru aux éditions du Seuil ?



Eva Illouz. Je voulais m’inscrire dans ce genre littéraire des « la fin de… », à l’instar de « la Fin de l’Histoire », qui réfléchit aux grands changements de l’époque contemporaine, pour souligner que le champ des relations sexuelles et sentimentales était en train de se modifier fondamentalement. Car si l’amour continue de hanter nos vies, c’est à la façon du spectre. Nous ne savons plus si l’amour existe ou n’existe pas, s’il est réel ou si nous l’avons inventé.



C’est aussi la fin de l’amour telle qu’elle est vécue par les acteurs, de façon phénoménologique : la séparation, l’arrêt des relations, mais aussi le refus d’en commencer une, ou bien leur multiplication, qui sont autant de pratiques de non-choix de plus en plus fréquentes. J’ai donc voulu construire une sociologie « des relations négatives », de ce qui ne se passe pas et qu’il faut pourtant interroger.

Eva Illouz, par Luc Boltanski : « Elle renouvelle la pensée critique »



On pourrait penser le sujet secondaire par rapport aux retraites par exemple, mais le fait d’avoir ou non des enfants, dans des structures familiales classiques ou pas, a des répercussions majeures sur la structure démographique, et donc économique, d’un pays. C’est d’ailleurs pourquoi, à sa sortie en Allemagne, le livre a été recensé dans la newsletter du Bundenstag.
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La fin de l'amour. Enquête sur un désarroi cont..

Lecture exigeante qui a fait alterner chez moi des états de jubilation intellectuelle à voir décortiquée de manière si exacte une réalité que je n'avais pas conceptualisée à ce point et des moments de découragements mâtinés de sourde révolte : non, ce n'est pas possible que toutes les relations soient contaminées par le "capitalisme scopique" dont parle Eva Illouz. Non, les thérapies n'ont pas pour seule fonction de consolider un moi qui entre alors en conflit avec les contraintes d'interactions sociales ou amoureuses où ne prime pas toujours la reconnaissance des émotions. Non le care n'appartient pas qu'aux femmes. Non les hommes ne sont pas obligés de ne s'epanouir que dans la revendication d'une liberté extérieure au foyer.

Et pourtant, comme ces clés de lecture de notre monde contemporain sont opérantes !

Le premier chapitre est ardu : très théorique puisqu'il pose les bases d'une "sociologie du choix négatif". La lecture est plus aisée ensuite, aérée de multiples témoignages qui m'ont donné tour à tour le sentiment d'être sur une autre planète ou au contraire de voir exposés des ressorts de fonctionnement que j'avais fait miens. C'est toujours fascinant de constater combien les destinées individuelles sont pétries de projections sociales et idéologiques collectives. Bref, un livre éclairant et stimulant.
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Pourquoi l'amour fait mal

Ce n'est pas tous les jours qu'un livre me permet de mieux me comprendre et change durablement le regard que je porte sur le monde !



Eva Illouz examine les relations de couple avec l'oeil du sociologue, et cela change tout ! Alors qu'un nombre infini d'ouvrages vous parle des relations hommes-femmes, d'un point de vue psychologique, ce livre se place sur le terrain de la société et de son organisation. Les livres de psychologies vous expliquent que, si vos précédentes relations ont échouées, c'est quelque part parce que vous répétez des schémas que vous auriez pu changer en faisant un travail sur vous-même, et cela se révèle assez culpabilisant, car cela vous montre que c'est de votre faute si vous n'avez pas su changer. Eva Illouz nous montre, au contraire, comment une grande partie de nos choix amoureux sont guidés par des marqueurs sociaux, dont elle nous fait prendre conscience. Ainsi, la variété des partenaires que je peux choisir et l'architecture même de mes choix amoureux, sont en grande partie limités par ma place dans la société et des marqueurs sociaux dont j'ai hérités et dont je ne suis pas responsable. C'est brillamment démontré dans son argumentation que je ne peux rendre que de façon imparfaite (c'est pour ça qu'il faut absolument lire ce livre !!!).



En plus, Eva Illouz prend de multiples exemples dans la littérature (Jane Austen...) pour illustrer son propos et nous montrer comment les relations hommes-femmes ont évoluées dans le temps. Elle nous montre qu'il y a une façon bien spécifique de souffrir de l'amour dans notre monde contemporain. Une rupture remet en cause notre identité profonde car beaucoup de marqueurs sociaux qui nous permettaient autrefois de nous définir en dehors de la relation de couple ont disparus.



Elle met aussi en lumière deux besoins contradictoires qui mettent en péril nombre de couples qui ne s'entendent pas sur leur juste équilibre : le besoin d'autonomie et le besoin de reconnaissance.



Eva Illouz a mis vingt ans à écrire ce livre et il est passionnant de bout en bout !
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Hard romance : Cinquante nuances de Grey et..

Comment expliquer le succès phénoménal qu’a connu le livre « Cinquante nuances de Grey » sorti il y a quelque temps ? Rappelons le sujet de ce livre pour les rares qui seraient restés à l’écart du battage médiatique orchestré autour de ce roman :

L’héroïne de cette trilogie est une jeune fille, Anastasia (Ana pour les intimes) qui, lorsqu’elle achève ses études, est initiée à la sexualité, à l’amour et à la vie professionnelle (dans l’édition) à travers sa liaison avec un homme adepte de formes sophistiquées de SM .

Une des raisons de ce succès, selon l’auteure Eva Illouz, professeur de sociologie à l’Université Hébraïque de Jérusalem, est qu’il s’agit d’un roman pour femmes, promu comme un roman pour femmes. Ce roman a occupé la première place du palmarès des best-sellers du New York Times pendant dix semaines, en Europe il a eu beaucoup de succès également . Il a fait l’objet de plus de 500 commentaires sur Babelio, score qui sera longtemps inégalé je pense..

Plus qu’un roman pour femmes, ce roman illustre parfaitement les nouvelles relations qui se dessinent actuellement entre hommes et femmes dans notre société post-féministe.

Il montre bien en effet que la sexualité peut être vue par de nombreuses femmes comme un lieu de connaissance de soi et d’une découverte de leur identité mais aussi comme un problème.

Problème venant essentiellement de ce que la sexualité féminine peut apparaître comme prise en étau entre la liberté sexuelle et une structure sociale traditionnelle de la famille.

Là où les codes et comportements attendus étaient très clairs, et ce jusqu’à la fin du 20ème siècle, une nouvelle réalité se dessine : les codes ont changé et chacun des partenaires doit défendre son autonomie tout en « négociant » les conditions d’ attachement ou de vie commune avec son partenaire.

Et c’est là que le personnage d’Ana prend toute sa force : même si elle accepte la participation à certaines pratiques de son richissime amant, elle négocie sans arrêt quitte à partir provisoirement.. pour revenir ensuite dans de meilleures conditions.

Je ne suis pas toujours entièrement convaincue par la démonstration de Eva Illouz mais en tout cas son livre m’a passionnée, bien plus que le livre dont elle fait l’analyse !

Elle traite le sujet en sociologue et son approche est passionnante.

Force est de constater que la sexualité constitue un « marqueur » des rapports de force et que l’évolution qu’on voit depuis plusieurs années est complexe et a des répercussions importantes.

Le héros du livre , comme l’explique Mme Illouz, illustre la nouvelle tendance de développement de la sexualité « sérielle » (visant à multiplier les expériences) et récréative.

Le livre montre que la situation de la femme est encore loin d’égaler celle de l’homme ; celle-ci devant interpréter les signes qui lui sont donnés. Attachement réel ou pas ? That’s the question…

Christian Grey, le héros, incarnerait l’homme moderne tel que le perçoivent les femmes d’aujourd’hui : ambigu, inconstant, prévenant et inquiétant, vulnérable et puissant.

L’angoisse dans tout cela, c’est que le désir, l’autonomie, la négociation, la réciprocité et l’égalité sont des forces qui tirent et poussent dans des directions difficilement prévisibles.

D’autant plus que, comme le souligne si justement Eva Illouz, le caractère sélectif et inachevé de la révolution féministe a rendu terriblement complexes les relations affectives et sexuelles.

Un petit résumé pour éclairer encore ce sujet difficile :

Le livre « Cinquante nuances de Grey » est devenu un best-seller mondial car internet l’a rendu accessible, parce qu’il est en résonance avec la tradition du roman d’amour (même si cela n’apparaît pas au premier abord).. ; et parce qu’il est «performatif » (même si on peut le regretter) il transforme les pratiques des gens en les décrivant.



Un excellent travail de sociologue qui nous fait mieux comprendre les enjeux d’aujourd’hui.

En tout cas cela ne m’a pas donné envie de relire « Cinquante nuances de Grey » livre qui m’avait profondément ennuyée…



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La fin de l'amour. Enquête sur un désarroi cont..

Je me suis lancé dans la lecture de "La fin de l’amour" pour me maintenir au courant des pratiques amoureuses de mes contemporains. Hasard de lecture ou pas, je poursuivais en même temps une relecture d’"Orgueil et préjugés" de Jane Austen. J’ai pu constater dans les mœurs amoureuses un gouffre entre l’approche victorienne et celle contemporaine. Comment a-t-on pu passer d’une cour amoureuse longue et fastidieuse au coup d’un soir, facile et sans engagement grâce aux applications de rencontre. Eva Illouz analyse finement cette évolution en associant histoire des idées, concepts théoriques sophistiqués et regard aiguisé sur notre culture contemporaine. Il faut s’accrocher dans les passages théoriques en particulier dans la première partie du livre où la lecture est plutôt ardue. Mais ensuite, lorsqu’Éva Illouz s’intéresse aux effets d’Internet et du capitalisme sur l’amour, c’est bien plus passionnant, mais pas forcément très joyeux. L’analyse est agrémentée de témoignages éclairants que j’ai particulièrement appréciés pour étayer les hypothèses de l’autrice. J’ai été surpris de ne pas y entendre plus parler des enfants qui peuvent être parfois des sources de tension dans les couples. Les femmes, un temps gagnantes de cette évolution grâce à la liberté sexuelle acquise dans les années 60 en sont devenues ensuite les perdantes. L’industrie capitaliste de l’image (médias, monde de la mode et des cosmétiques) et les réseaux sociaux sur Internet sous domination masculine se sont emparés de l’image de la femme libérée pour en faire une marchandise sexuelle. Pas très romantique, mais terriblement rentable. "La fin de l’amour" ne redonne pas le sourire, mais dresse un portrait fidèle des pratiques amoureuses actuelles, de leurs enjeux et de leur fonctionnement. Je pense qu’Éva Illouz qui en fait une analyse stimulante compte parmi les grands penseurs de notre époque.
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20 penseurs pour 2020

Grâce à cet ouvrage, "Philosophie Magazine" nous permet de découvrir ou redécouvrir des articles de la presse internationale, parus cette année.



A titre liminaire, j'aimerais faire un commentaire sur la forme. J'ai trouvé la couverture du livre très attrayante et de très bonne qualité.



Sur le fond, les articles de presse sont bien choisis, ils balayent l'essentiel de l'actualité de cette année, si ce n'est, pour certain du XXIème siècle en général, puisque sont soulevés des questionnements sur l'écologie, la démocratie, le capitalisme, les animaux, le numérique, le populisme, le don d'organes... et tant d'autres sujets encore.



Reste qu'il faut préciser, cela ne vous aura pas échapper, que ce livre étant publié par "Philosophie Magazine" ces articles portent tous, pour la plupart, une forte empreinte philosophique, ce qui peut parfois perdre le lecteur non averti, voire simplement, non habitué.



Le choix des articles, orientés à l'international, nous permet de découvrir de nombreux auteurs (en tout cas, ce fut mon cas), initiative qui m'a beaucoup plue. Oserais-je dire, qu'à tort ou à raison, peu d'entre eux sont français ? Les anglo-saxons ont, encore une fois, la majorité. Je salue aussi le panorama de spécialités représentées : historiens, sociologues, philosophes, psychologues...



Je me suis vue contrainte d'enlever une étoile car j'ai regretté l'absence de fil directeur. Les articles sont mis les uns à la suite des autres, sans agencement particulier. En revanche, j'ai beaucoup apprécié les notes de bas de page, notamment celles indiquant dans quelle revue l'article avait été publié, dans sa version longue ; ainsi que les petites biographies des auteurs, à la fin de l'ouvrage.



En bref, je recommande cet ouvrage à tous les curieux, soucieux de voir s'éclairer le monde actuel. Et, bien sûr, je remercie Masse critique pour l'envoi de ce livre.





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Happycratie

C’est lorsqu’on ne reconnaît plus le sens d’un mot qui nous est pourtant intimement familier, lorsqu’on suppose qu’un détournement de sa signification a eu lieu sans pour autant saisir à quel moment, au cours de quel détour rhétorique (à la suite de quel sophisme…) et surtout dans quel but il s’est produit, lorsqu’à partir de prémisses qui semblent de bon sens l’on est confronté à des conclusions qui sonnent faux, lorsqu’une certaine répétition obsédante d’une petite musique de persuasion nous assaille, c’est alors que l’on se rend compte avec effroi que nous vivons déjà dans un monde orwellien. Le mot dont parle ce livre, c’est « le bonheur » ; le détour idéologique, c’est la dénommée « psychologie positive » née de Martin Seligman au tournant du XXIe siècle ; la résonnance de cette mélodie incantatoire, et la raison de son fulgurant succès mondial dans un si grand espace de notre vie sociale et économique, sont à mettre en relation avec son absolue compatibilité, sa congruence, la coïncidence de ses finalités avec le néolibéralisme.

Fondée à la fois sur une négation axiomatique du savoir psychologique pluri-centenaire fondé sur thérapeutique des pathologies psychiques, la psychologie positive a d’abord une visée inverse : responsabiliser toute personne, et d’autant plus les « saines », au sujet de leur propre bonheur, quantifiable, universel, individuel, décontextualisé et toujours absent, toujours insuffisant, toujours perfectible – à l’instar de la flèche du paradoxe de Zénon –, en leur faisant d’abord accepter les adversités comme autant d’opportunités pour affiner leurs qualités de résilience. La poursuite du bonheur, axiome indiscutable sous peine des stigmates de « malade » et de « déméritant », est une voie unique, un idéal imposé, une norme en passe de devenir impérative, dans des contextes multiples. En effet, si ce bonheur-ci est essentiellement politique, mètre et objectif des politiques publiques, critère d’évaluation du progrès social, fondement d’une métamorphose de la morale (ch. Ier), il devient aussi argument d’autorité, tout particulièrement en temps d’incertitudes et de précarisation sociale (ch. II). En particulier, l’idéologie du bonheur a colonisé irréversiblement le monde du travail (ch. III). Mais le bonheur de la psychologie positive est devenu aussi une industrie en soi, voire une « marchandise fétiche », dont les produits sont les thérapies positives, la littérature du self-help et du développement personnel, voire même des applications téléphoniques ad hoc (ch. IV)… En élargissant les champs d’application de cette idéologie, on la découvre en outre déjà opérante (sans surprise) dans les armées, mais aussi dans le langage, comme système d’évaluation du normal et de l’anormal, du sain et su maladif, des émotions « positives » et « négatives ». En somme, dans l’happycratie, le règne du bonheur, il est question d’un ensemble simplifié à l’extrême de critères de jugement des comportements, actes et sentiments qui a pour effet une culpabilisation du souffrant, un discrédit de tout autre but existentiel que celui qui est imparti ; il contient enfin d’implacables moyens de déconsidérer non seulement les critiques de son idéologie pernicieuse, mais la pensée critique tout entière.

La prose est parfois un peu aride, les redites ne sont pas absentes, mais elles sont sans doute nécessaires à déceler le « nœud », le « point de rupture » entre le sens généralement acceptable des concepts et le moment de leur détournement idéologique.

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