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Critiques de Flannery O`Connor (62)
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Les braves Gens ne courent pas les rues

Les braves gens ne courent pas les rues, c'est vrai, mais les bons livres non plus. Eh bien, croyez-moi si vous voulez, mais d'après moi, Flannery O' Connor a signé l'un de ceux-là, indubitablement. Flannery O'Connor, c'est d'abord un style, une façon bien à elle de dépeindre ses personnages, de les ficher dans des lieux qu'on imagine sans peine et qu'on croit voir défiler devant nous dans chacune de ses nouvelles.



Une part prégnante de ce style tient aussi à l'humour, omniprésent sous sa plume, mais pas de cet humour gras, qui colle aux doigts, aux pages, au texte. Non, imaginez plutôt un regard en coin, pétillant, espiègle, non dénué d'ironie, de sarcasme même, parfois, et qui balaye de temps à autre les draps de votre corde à linge, comme les souffles d'une gentille brise d'été.



Tout ceci donne une impression de tranquillité, de légèreté, de plaisant, de micro farce. Vous roulez paisiblement, avec le ron-ron du moteur, sourire aux lèvres, vitre baissée, un coude à la portière et puis PAF !, au moment où vous vous y attendiez le moins, subitement, Flannery O'Connor change de ton, donne un grand coup de volant et serre le frein à main à bloc.



Demi-tour à la barbare, vos pneus crissent à vous rompre les tympans, votre sourire s'évapore, vous vous retrouvez hébétés à contre-sens dans un nuage de poussière. le moteur calé. Silence. Vos commissures s'affaissent, vos yeux s'arrondissent, votre front se plisse, une inquiétude sourde et noire volète maintenant par saccade autour de vous, comme une vaurienne chauve-souris. Tandis qu'un fort malaise s'empare de vous, elle vous laisse là, Flannery, en plan au beau milieu de la campagne, le cul sur votre siège, le volant entre les mains et les guibolles qui flageolent, dans l'incertitude la plus totale, à ne plus savoir si vous devez en rire ou en pleurer, à ne plus savoir qu'en penser, ni où vous êtes, ni comment vous vous appelez.



Voilà, c'est ça le style Flannery O'Connor dans Les braves Gens ne courent pas les rues. C'est une expérience littéraire particulièrement savoureuse, typique, typée, et comme tout ce qui est typique et typé, qui ne conviendra pas forcément à tout le monde. En tout cas, quand ça accroche, ça vous laisse un goût unique dans le palais et je ne serais pas surprise que cette auteure ait influencé grandement quelqu'un comme Alice Munro.



Je dois vous avouer que je ne m'y attendais pas. Alors je suis allée voir d'un peu de plus près qui était cette écrivaine, dont le renom n'avait jusqu'ici que vaguement effleuré mon oreille. Je découvre une drôle de personne, sosie quasi parfaite de mon ex-tante Ghislaine avec laquelle je ne partage pas que des bons souvenirs. Je lis que la dame était fervente catholique et comprends à présent pourquoi je lui trouvais un air de bigote effarouchée, un ferment de bonne-soeur. Mais comment diable cette évadée du couvent arrive-t-elle à pondre par dizaines des nouvelles fulgurantes, troublantes, dérangeantes ?



À la lecture, j'aurais presque cru qu'elle était puissamment athée et qu'elle voyait d'un oeil revêche la pratique religieuse. C'est étonnant, pour moi, les deux visions du personnage ne cadrent pas du tout l'une avec l'autre : dans l'une je perçois une brave pécore moralisatrice, très sage, très propre sur elle, rigide (avec ou sans f devant), assise sur les bancs de l'église, les cuisses bien serrées avec ses petits gants blancs et son sac à main sur les genoux ; de l'autre, je vois un regard acéré, féroce, lucide sur la société, des sens aiguisés, à fleur de peau, ultrasensibles, ultrajouissibles, ultracontagieux ne s'interdisant aucune outrance.



Voilà le mystère Flannery O'Connor pour moi. La seule réponse que j'aie pu trouver jusqu'à présent, c'est que sur le berceau de la dévote, un ange de la littérature a déposé le génie, le germe rare dont tous les écrivains marquants sont infusés, aussi improbable que puisse être leur milieu d'extraction.



Alors, c'est vrai, toutes les nouvelles de ce recueil ne m'ont pas toutes autant plu les unes que les autres. Certaines m'ont même franchement laissée indifférente : ce fut le cas par exemple d'Un heureux Événement ou des Temples du Saint-Esprit. Mais en revanche, je considère des nouvelles comme Tardive rencontre avec l'ennemi, Les braves Gens ne courent pas les rues ou encore La Personne déplacée comme des petits chefs-d'oeuvre, chacune à leur façon, surtout si l'on considère que l'auteure n'avait que 28 ans lors de la publication.



En somme, je vous dis bravo, chère Flannery O'Connor et merci pour ce moment que vous m'avez fait passer. Pour le reste, souvenez-vous que les bonnes critiques ne courent pas les rues et que celle-ci ne déroge pas à la règle. Comme toutes les autres, elle ne reflète que mon avis du moment, ce qui doit forcément vous inciter à prendre du recul avec toutes et à songer qu'elles ne signifient, dans le fond, pas grand-chose.
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L'Habitude d'être

A lire absolument pour comprendre le processus de création de Flannery O'Connor.
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La sagesse dans le sang

Dans ce roman, le personnage principal , Hazel Motes, âgé d'une vingtaine d'année rentre dans son Tennessee natal après avoir participé à la seconde guerre mondiale. Sans travaille, sans avenir, il décide de devenir, comme son grand- père, prédicateur. Il fonde une secte nouvelle : l'Eglise sans Christ. Rejetant le péché, il est libre de satisfaire ses pires instincts.

Flannery 0'Connor mèle l'humour, la caricature et la dérision dans ce roman où le quotidien est insignifiant, triste et désespérant. Flannery O'connor romancière catholique dans un monde protestant, décrit le destin tragi-comique des évangélistes ridicules et burlesques, nombreux aux Etats-Unis qui s'écartent sans vergogne de la doctrine catholique.
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Les braves Gens ne courent pas les rues

Les braves gens ne courent pas les rues est un recueil classique de dix nouvelles. En quelques mots, Flannery O'Connor plonge le lecteur sous le soleil brûlant de la Géorgie des années 50, dans laquelle hommes blancs et noirs cohabitent sans jamais se rencontrer.



Les héros sont des paysans haineux et xénophobes, un assassin en cavale, une sourde muette, une intellectuelle unijambiste, un général centenaire ou encore une bande d'adolescents effrontés. Les chutes de ces récits sont surprenantes pour les lecteurs et bien souvent cruelles et tragiques pour les personnages.



La plume de Flannery O'Connor est grinçante d'ironie, se moquant de la bêtise humaine et livrant une vision pessimiste de la vie. Le lecteur a alors l'impression d'entendre le ricanement de l'auteur. Il ne peut s'empêcher de sourire mais il lui reste toutefois un certain goût amer en achevant chaque nouvelle.
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Un heureux évènement suivi de La Personne Déplacée

Si vous rêvez d'un peu de douceur, de sérénité, en cette période difficile, ne lisez pas ces deux nouvelles! Extraites du recueil si bien intitulé : " Les braves gens ne courent pas les rues" ( au sens premier du terme, ce pourrait être un bon slogan pour rester chez soi...), elles ne sont pas faites pour vous redonner le moral!



La première dont je préfère le titre américain " A stroke or good fortune", un coup de chance, car il est moins explicite, nous présente la rondelette Ruby, qui a bien du mal à monter les escaliers pour rejoindre son logement et qui rêve de déménager... Tous les gens qui gravitent autour d'elle sont peu sympathiques, comme elle, même si l'on comprend ses réticences au vu de son enfance. J'ai moyennement aimé cette histoire.



La deuxième" La Personne Déplacée "est excellente. L'auteure observe au scalpel le microcosme d'une ferme du Sud des Etats-Unis, où vient travailler une famille de polonais ayant échappé aux camps. Le racisme primaire s'exerce ici avec force , et bêtise évidemment, venant à la fois de Mrs Shortley, blanche employée depuis quelques temps avec son mari dans la ferme, ainsi que deux Noirs, qui voient d'un mauvais oeil la grande efficacité que déploie " La Personne Déplacée"...



L'observation juste et non dénuée d'humour que Flannery O' Connor fait de ses semblables est certes fort pessimiste, mais elle montre bien que leurs peurs personnelles, inconscientes très souvent , leur ignorance peut les mener aux pires pensées, aux pires actes...



J'ai aimé découvrir l'univers sombre et acéré de l'auteure mais j'ai besoin maintenant d'un peu de zénitude... Au programme, un roman de contemplation japonaise...
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Pourquoi ces nations en tumulte?

Quand on connait un peu l'oeuvre de Flannery O'Connor et qu'on ouvre un nouvel opus, on sait qu'il y a peu de chance qu'on tombe du lit en découvrant les thèmes qu'elle a choisi de traiter. Depuis le temps, on y est habitué, pas de raison de bifurquer.

Et en effet, ça ne change pas et c'est tant mieux parce qu'en se lançant dans un livre (ici, un recueil de nouvelles) de Flannery, on sait ce qu'on vient y chercher et ce serait une bien mauvaise blague que d'être sournoisement trompé sur la marchandise.

Enfin, tout ça pour dire qu'avec Pourquoi ces nations en tumulte ?, on retrouve les sujets de prédilection de cette immense écrivaine, à travers un condensé de dénonciations baleinantes de l'hypocrisie humaine, du racisme bien pensant (« Alors là moi j'ai aucun problème avec les gens de couleur... quoi ? t'as un nègre pour voisin ? han, t'as pas peur ? déménage vite hein, on sait jamais »), de la cruauté sociale et de la bêtise parfois (souvent) crasse.

En résumé Flannery pointe du doigt cette disposition merveilleusement anthropienne qui veut qu'à chaque fois qu'on se retrouve devant une double conjoncture, on évite toujours soigneusement de choisir le chemin de la bienveillance pour s'engouffrer, tout heureux, dans celui de la charognerie.



« Géranium », la première et plus connue des nouvelles de ce recueil mêle tous ces ingrédients et d'emblée on est plongé dans de la bonne connerie humaine bien poisseuse.

Les textes suivants embrassent sans surprise le même fil rouge de vies sans intérêt dans les grandes villes ou les coins les plus reculés du Sud profond. Flannery O'Connor, en bonne montreuse d'ours, nous convie à observer tous ces gens médiocres ; plus que ça même elle nous invite carrément à jouer les Peeping Tom et on se retrouve vite fait à regarder par le trou de la serrure ces personnages mesquins et suffisants qui, plutôt que d'essayer d'améliorer leurs conditions, préfèrent surnager dans leurs flaques de boue et en rejeter la faute sur le voisin, plus pauvre, plus coloré, moins croyant...



Ces nouvelles font partie des toutes premières créations de Flannery O'Connor et si on sent bien la virtuosité et l'émergence de ce qui deviendra ses antiennes au cours de sa courte, bien trop courte, carrière littéraire, on n'atteint pas encore exactement l'excellence de son recueil phare qu'est Les braves gens ne courent pas les rues, mais nul doute qu'à la lecture de ces écrits originels, on est témoin de la genèse du talent de celle qui sera quelques décennies plus tard considérée comme la prêtresse de la southern literature.

Une réputation qu'elle n'aura pas usurpée. Oh que non.



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Les braves Gens ne courent pas les rues

Bien je me suis attaqué aux œuvres complètes de Flannery O'CONNOR.

Dans son recueil de nouvelles "les braves gens ne courent pas les rues", j'ai lu celle-ci, mais aussi " c'est peut-être votre vie que vous sauvez", " tardive rencontre avec l'ennemi"

Dans son recueil de nouvelles " mon mal vient de plus loin", j'ai lu " tout ce qui monte converge", j'ai lu donc ce que l'on trouve dans le titre, " les boiteux entreront les premiers" " le jour du jugement".

J'ai bien aimé, " la nouvelle les braves gens ne courent pas les rues"; effectivement et "les boiteux entreront les premiers".

Description du sud profond qui ferait frémir par moment les biens pensants.

Langage, qui aujourd'hui ferait frémir les biens pensants.

C'est court, c'est sombre, c'est bien écrit.

j'ai lu d'autres nouvelles " le géranium, le barbier, le puma"
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La sagesse dans le sang

L'univers de Flannery O'Connor, née dans le sud des Etats-Unis, est sombre, à la fois prosaïque et surnaturel. Dans ce roman écrit en 1952, le personnage principal, Hazel Motes, âgé d'une vingtaine d'années et fils de pasteur, rentre de la seconde guerre mondiale. Il découvre que son village a été abandonné et décide de devenir le prédicateur d'une église sans Christ. Son parcours le met en relation avec un simple d'esprit qui cache en lui un grand secret, un faux aveugle prêchant la bonne parole et sa fille, Sabbath, prématurément corrompue par la misère mais seule du roman à être dotée de lucidité. Tous ces personnages, moitié escrocs, moitié mystiques, sont en quête d'un absolu qui se cache obstinément derrière leur ligne d'horizon.

En début de lecture le style précis et imagé de Flannery O'Connor (traduite ici par Maurice-Edouard Coindreau, qui fut aussi le traducteur de Faulkner) se met au service avec humour et dérision d'un quotidien terriblement terne, au point d'en être désespérant. Mais on verse progressivement dans une réalité complexe, un peu folle et inquiétante, à l'instar de l'ambiance exaltée et misérable dans laquelle baignent les pauvres blancs, abandonnés à la déréliction d'une religiosité débridée et à la rigueur implacable de la solitude et du dénuement.

Pourtant leur quête se poursuit sans trêve, jusqu'à la délivrance. La trouveront-ils ?

Flannery O'Connor, auteure catholique dans un monde protestant, sculpte des textes d'une étonnante liberté de questionnement métaphysique. Nul doute qu'Hazel Motes, malgré son athéisme agressif, n'en soit l'étonnant porte-parole.

Elle est incontestablement l'un des maîtres de la littérature américaine.
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Flannery O'Connor - Oeuvres complètes : Roman..

Lecture des premières nouvelles et du premier roman. O Connor nous fait le récit d'une Amérique des blancs raciste et xénophobes des années 1950. Un reflet intéressant mais qui ne m'a pas enthousiasmé. Et je n'ai pas continué la lecture de toute son oeuvre et de sa correspondance. Jen éprouve pas le besoin.
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Les braves Gens ne courent pas les rues

Flannery O'Connor nous plonge dans la ruralité du sud américain des années 30, à la rencontre de quidams qui en effet -c'est même un euphémisme-, ne sont pas vraiment de braves gens... Et si ces textes nous laissent imaginer des vérandas où trônent des fauteuils à bascule, des granges envahies de foin odorant, des plaines de blé en herbe écrasées par le soleil, sa campagne n'a rien de bucolique. Elle prend même presque, à l'occasion, des allures de huis-clos, tant ses habitants sont repliés sur leurs préjugés, ignorants, avec le mépris de ceux qui estiment n'avoir rien à apprendre, de ce qui passe hors leur microcosme, ou en jugeant les échos à travers le prisme des croyances que leurs esprits étriqués assènent comme des certitudes.



Chacune de ses nouvelles révèle la vénalité, l'égoïsme, la bêtise ou la propension à la cruauté d'individus souvent ordinaires, insignifiants, mais qui, sous l'éclairage de sa plume féroce, deviennent presque monstrueux. Car Flannery O'Connor a l'art de mettre en exergue, avec un sens de la caricature justement dosé, leur plus vile facette...



Pour cela, elle place ses héros dans des situations ou face à des événements qui font basculer leur existence de manière tantôt brutale, tantôt insidieuse, et dévoile les réactions que ces bouleversements suscitent.



La nouvelle qui ouvre et donne son nom au recueil commence ainsi comme un banal départ en vacances : un couple, ses deux enfants, leur grand-mère et son chat prennent la route pour la Floride. L'association d'un caprice de l’aïeule et de malheureux hasards interrompt leur voyage avec une brutalité incongrue. D'emblée, l'auteur démontre avec ce texte sa capacité à dessiner les contours de ses protagonistes de quelques coups de plume bien sentis, une image suffisant parfois à leur donner chair, et à poser en quelques lignes un contexte significatif.



Au gré d'autres épisodes du recueil, un charpentier nomade et manchot épousera de manière quelque peu expéditive la fille trentenaire et handicapée d'une veuve chez qui il s'était installé pour quelques semaines, une jeune femme exprimera son refus de la maternité à l'occasion de la montée des étages menant à son domicile, un grand-père s'égarera avec son petit-fils dans le quartier noir d'Atlanta, ville où il l'avait emmené pour lui démontrer que rien ne vaut à la vie à la campagne, une célibataire trompée par un pseudo vendeur de bible en perdra sa jambe artificielle...



Les relations familiales, évoquées avec récurrence, non pas tant comme point central des histoires, que comme faisant partie de leur contexte, sont l'occasion pour l'auteur d'en démystifier le caractère sacré. Il n'y a généralement ni grâce ni pureté dans les enfants que ses textes mettent en scène, ils sont insolents, arrogants, voire menaçants et malfaisants, comme dans "Le cercle de feu". Les parents sont quant à eux au mieux indifférents, comme découragés par la responsabilité qui les lient à leur progéniture ou par l'ingratitude de cette dernière, au pire négligents, voire aliénants, de par leur attitude castratrice et humiliante.



L'univers de Flannery O'Connor est peuplé de "nègres" nonchalants et circonspects, de commères occupées à d'ineptes bavardages, de blancs convaincus de leur supériorité, d'individus pitoyables s'improvisant prophètes ou philosophes... Ses nouvelles à la tonalité tragi-comique sont également noires, très noires, l'auteur exprimant jusqu'au bout l'ignominie de ses personnages, comme dans la nouvelle qui clôt le recueil, "La personne déplacée", où elle détaille les mécanismes de la haine et du rejet de l'autre, un texte qui n'a malheureusement pas pris une ride...




Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Flannery O'Connor - Oeuvres complètes : Roman..

J’ai lu récemment trois recueils de nouvelles, l’un où l’amour tient la première place, un recueil d’une poésie magnifique et le troisième où j’ai pris une baffe monumentale, c’est de celui-ci qu’il va être question.

Ne vous laissez pas berner par le titre, Flannery O’Connor est une adepte de la litote.

Une histoire de grand-mère un peu casse-couille débute la série de nouvelles, la famille envisage un petit voyage et la grand-mère va obtenir gain de cause pour une petite virée au Tennessee, je me suis un rien laissée endormir par cette gentille famille et je vous assure que le réveil est brutal.

Après cette première nouvelle qui m’avait laissée un peu assommée je m’attendais au pire et j’avais bien raison, la nouvelle « Le fleuve » est d’une violence inouïe sous des dehors convenus et bien pensants et un rien dépassés, Flannery O’Connor s’y connait en humour noir, cruauté en tous genres, elle cultive allègrement le ridicule, quant à la bonté des hommes, elle nous laisse entendre qu’elle est parfois plus horrible que consolante, la preuve avec la nouvelle apparement réconfortante de cette vieille fille simplette que sa mère parvient enfin à caser…

Elle nous mène en bateau Flannery, elle rit de nous, de nos préjugés, de nos jugements à l’emporte pièce, prenez cette nouvelle où un vendeur de bibles séduit une jeune femme à la jambe de bois, quel altruisme direz-vous, l’auteur avec un brin de perversion va vous faire revenir sur votre jugement premier.

La nouvelle qui m’a le plus touchée c’est celle qui a trait à « La personne déplacée » où les personnages rivalisent de bêtise et de méchanceté face à un travailleur immigré trop courageux et compétent pour son bien.

On ressort un peu sonné, admiratif de l’art de l’auteur pour cette mise en scène d’une humanité égoïste, mesquine, cruelle, ridicule, bigote, et souvent grotesque.

Un monde de petits blancs racistes et xénophobes, qui vivent eux mêmes dans une misère profonde, et pourtant l’auteur parvient à nous faire rire, un rire grinçant je vous l’accorde, mais rire quand même.

Il a fallu deux ans à l’auteur pour écrire ces dix nouvelles, dont au moins la moitié sont des chefs-d’oeuvre absolus. Aucun sentimentalisme, aucune mièvrerie, l’humour est ravageur et cinglant.

J’avais beaucoup aimé son roman, Ce sont les violents qui l’emportent, mais ses nouvelles sont largement au dessus.

Cecilia Dutter a écrit un essai biographique sur Flannery O’Connor :

« Son œuvre est un pied-de-nez au prêt-à-penser consensuel. Elle nous bouscule, nous secoue, torpille nos préjugés et nos pauvres évidences pour nous révéler l’envers du décor »




Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Les braves Gens ne courent pas les rues

Les braves gens ne courent effectivement pas les rues ! En dix nouvelles d'une précision ciselée, Flannery O'Connor en fait la démonstration.



Mais loin de se poser en juge des gens qu'elle décrit, elle y met une grande humanité, et l'on se sent une certaine fraternité avec leurs travers, leurs attitudes, leurs maladresses. On s'empêche également de les juger trop vite à l'aune de notre minuscule expérience. Il y a toujours quelque chose en eux qui trouble, qui émeut, ou qui étonne trop pour cela.

On est cueilli par la cruauté de certaines situations. On se surprend à rire d'un jugement à l'emporte-pièce, d'une décision absurde, d'un évènement incongru. On est touché par la sincérité, la vérité absolue de tous ces personnages.



Beaucoup se sont demandés comment Flannery O'Connor avait pu avoir une telle expérience de l'humanité, du fond de la ferme de Georgie où elle avait grandi et où elle était retournée à vingt-cinq ans, après le diagnostic du lupus érythémateux disséminé qui allait l'emporter quatorze ans plus tard.

Peut-être avaient-ils une conception trop étriquée de ce que pouvait voir, comprendre et écrire une femme issue de la "Bible Belt" du sud des Etats Unis dans les années 50...



Il y a une vraie tradition de la nouvelle au Etats Unis, et il y a une littérature particulière au sud. Flannery O'Connor y trouve toute sa place, c'est un plaisir absolu de savourer chacune de ses nouvelles.
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Et ce sont les violents qui l'emportent.

Habiter au fin fond d'une clairière avec son grand-oncle pour unique compagnie et passer son temps entre prières et travaux des champs, c'est tout sauf drôle pour le jeune Francis Marion Tarwater mais quand le grand-oncle qui travaillait déjà bien du bigoudi devient mystiquement dément sur sa fin et décide qu'il fera de son protégé le prophète que Dieu lui a ordonné d'offrir au monde, ça devient carrément du délire.

Heureusement, après quelques simagrées le vieux fini par casser sa pipe. Tarwater va enfin pouvoir mettre les voiles et aller se frotter de près à cette chose abstraite connue sous le nom de civilisation. Enfin ça c'est ce qu'il croit, et nous avec, mais c'est compter sans les quatorze années d'un véritable lavage de cerveau évangéliste qui se rappellent à son bon souvenir à chaque fois qu'il pense les laisser derrière lui. En rejoignant ce qui lui reste de famille dont un oncle ayant échappé à l'idéologie du vieillard en son temps et devenu (blasphème !) instituteur, Tarwater pense se laver de cet enseignement théologique trop lourd pour son âge. Alors, oubliera-t-il la leçon dite et répétée que Dieu a une mission pour lui et pourra-t-il enfin, dans la canicule poussiéreuse du Sud profond, commencer une vie normale ?



Une vie normale... Voilà bien une notion inconnue de Flannery O'Connor, grande dévote catholique qui, après le magnifique La Sagesse dans le Sang continue avec Et ce sont les Violents qui l'emportent sa croisade contre le fondamentalisme fanatique du Sud, des faux prophètes aux fous de Dieu et toute la congrégation évangéliste en général qu'elle n'a rencontrée que trop souvent dans sa Georgie natale et nous délivre par le biais des jeunes années de Francis Tarwater une oeuvre captivante, fiévreuse et brutale sur l'embrigadement, l'impossible rédemption et bien sûr la violence car s'il y a un livre qu'elle connaît par coeur Flannery O'Connor, c'est certainement le plus célèbre au monde et dont l'un des personnage principal du nom de Matthieu dit en substance : "Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume des cieux se prend par violence, et ce sont les violents qui l'emportent".

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Les braves Gens ne courent pas les rues

cette lecture m'a troublé à tel point que je brûlais de connaître l'oeuvre entier de cette auteure; mais je n'ai pas retrouvé la même impression de sincérité, un récit qui colle à la réalité. Le grotesque qui émane de certain prêcheur, le comique de situation.
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Les braves Gens ne courent pas les rues

Recueil magnifique! Malgré l'ambiance plutôt glauque de ces portraits d'une société rurale inculte et égoïste du Sud des Etats-Unis, à la manière des récits de Faulkner, la tonalité très ironique des récits de Flannery O'Connor les rend particulièrement enthousiasmants. Elle est un peintre remarquable de la bêtise humaine.

Et l'élection de Donald Trump me fait dire que les personnages d'O'Connor n'ont pas fini de courir les rues.
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Les braves Gens ne courent pas les rues

La Georgie dans les années 50, racontée en dix nouvelles implacables.

En quelques mots, nous voici dans la chaleur étouffante du Sud: bouteilles de coca-cola gardées au frais, chemins poussiéreux, blancs et noirs cohabitant, décrits sans complaisance.

Flannery O'Connor a l'art du portrait: l'aspect physique, la manière de se tenir, la voix, le regard, les pensées, tout y passe, et ce sont en général les dames qui trinquent.

Apparaît de temps en temps une gamine plus maligne que le reste et qui a un air de Frankie Adams - Carson McCullers -, ce sera elle qui portera ce regard critique et pourtant naïf sur ces mesquineries mêlées de stupidité qui l'entourent.



Ces dix nouvelles, à l'atmosphère bien caractéristique, sont un délice à lire, bien que l'arrière-goût soit amer. Et c'est confinée chez elle, dans sa grande demeure, que Flannery O'Connor écrira ces récits sur son univers contemporain.
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Les braves Gens ne courent pas les rues

Bien entendu, ce qui frappe à la lecture de ces dix nouvelles de Flannery O'Connor, c'est leur réalisme. Mais il faut voir de quel réalisme on parle : O'Connor insinue le trouble dans ses récits aussi bien que dans l'esprit du lecteur avec une redoutable efficacité. L'amusement fait place à l'inquiétude tandis que les certitudes et mieux encore le dogmatisme se défragmentent comme la structure du Titanic. Les nouvelles frappent de manière frontale, il y a une oralité latente qui fait corps avec le texte, O'Connor laisse la parole à ces personnages qui ne comprennent et ne maîtrisent rien.

C'est stupéfiant.
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Les braves Gens ne courent pas les rues

"Les Braves Gens ne courent pas les rues", ça nous le savons....et, selon Georges Brassens : « Les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. »



"Les Braves Gens ne courent pas les rues" ni même dans les bureaux électoraux, mais ça c'est un autre débat....



Flannery O'Connor nous peint avec ses dix bonnes nouvelles comme dix bons commandements, un tableau de la société, certes du Sud des Etats-Unis, et certes (rassurons-nous !) de la société des années 50... Blanche et (un peu -pléonasme -) raciste....



Ces gens n'ont pas, dans le fond, un fond mauvais.... Ils baignent dans des valeurs sudistes qui ont fait les "grandes" heures du Sud...



Les blancs règnent, les noirs bossent (mal et ils volent -selon les blancs - mais qui cependant "ne font tort à personne en suivant leur chemin de petit bonhomme" -comme disait un habitant de Sète )....Mais Dieu connait toutes choses...même "La Mauvaise Réputation".



La 1ere nouvelle, qui donne le titre à ce livre, est d'une pure qualité....C'est la seule où le "méchant" est vraiment méchant et d'une cruauté sans nom...

Les 9 autres sont peuplées de "braves gens", qui ne courent pas, certes, mais qui sont enfermés dans leurs préjugés et leurs avis tranchés...



Toutefois, la dernière : "La Personne Déplacée" vaut le détour, et laisse une amertume à l'âme.... Tant de bêtises et d'ignorance peut nous amener à commettre l'irréparable....

Bien entendu, toute comparaison avec un certain électorat "national" est de pure coïncidence, car nous savons désormais que "Les Braves Gens ne courent pas les rues"...mais comme le disait Oscar Wilde " :

« le plus brave de nous a peur de son moi. »



Ceci dit jetez-vous sur ce livre et dévorez-le...
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Les braves Gens ne courent pas les rues

A lire absolument! L'acuité de cette auteure américaine sur l'Amérique des campagnes est féroce...du style.
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Et ce sont les violents qui l'emportent.

Plusieurs nouvelles.
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