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Critiques de Francesca Serra (110)
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Elle a menti pour les ailes

°°° Rentrée littéraire 2020 # 19 °°°



« Bah oui, ce sont les premiers-nés de l'ère internet. Google leur a donné l'univers en images, Facebook leur a appris à se considérer eux-mêmes comme des images. Et c'est des petits capitalistes, ils savent qu'elles ont un prix, ces images. Que ce qui fait leur valeur, c'est leur visibilité. Les algorithmes remontent ce qui est le plus liké : plus on est haut sur la page, plus on est visible. Même les animaux en voie de disparation, il leur faut des likes, pour que leur cause soit soutenue. Même les arbres de la forêt amazonienne, si personne les like, on va tous mourir. Non mais, ces gosses, on les oblige à dealer, en profondeur, avec la peur de disparaître, puis on ouvre grand la bouche pour dire que c'est une génération superficielle ... On s'attendait à quoi ? A ce qu'ils découvrent les confins de l'univers, les vaccins contre tout, les secrets de la cryonie ? D'ailleurs, c'est bien connu, on fait des enfants pour être immortels. Mais eux, ils s'en foutent, hein. de toute façon, quand le monde explosera, ils partageront des vidéos de chats. »





A partir de la disparition mystérieuse d'une jeune fille de quinze ans, Francesca Serra tisse une fresque générationnelle remarquable de profondeur, dressant le portrait fin d'une jeunesse hyperconnectée qui n'a jamais connu le monde sans Internet et qui construit sa sociabilité sur les réseaux sociaux. Bien sûr, il faudrait demander à un millénial s'il se reconnaît dans ce qui est dit, certes, mais on sent beaucoup de lucidité et d'authenticité pour parler des ados sans la condescendance de l'adulte qui croit savoir, sans discours moralisateur plombant.



Garance est une adolescente comme il y en a tant, banale dans sa maladresse, ses ambitions et ses désirs, ni particulièrement brillante, ni décérébrée , raisonnable. Elle est juste d'une beauté renversante et puis «  il y a longtemps que Garance attendait de vivre à la hauteur d'un hashtag » ... ce qui finit par arriver lorsqu'elle intègre LA bande star du lycée, une meute menée par la reine du bal, une alpha friquée. Garance croit qu'elle existe enfin.



On est immédiatement happée par la construction et l'audace de l'auteure qui alterne temps de l'enquête, narration à la troisième personne des événements qui précédent la disparition de Garance, monologue intérieur à la 1ère personne ainsi que des extraits de conversations sur Snapchat, Facebook ou Instagram. Et sans jamais que cela ne sonne artificiel, grâce à une écriture incisive qui pèse chaque mot. le suspense monte jusqu'à ce que toutes les pièces du puzzle se remettent en place et révèlent une vérité bien laide.



J'ai rarement lu des passages aussi saisissants, crus et tendres sur l'adolescence, actuelle ou passé ( mon livre référence est le formidable Frankie Addams de Carson McCullers ), scrutant au plus près les corps, les émotions, les sensations de ces adolescents. On ressent toute la mélancolie du présent entretenue par l'hyperconnexion, on ressent leur solitude lorsqu'ils se déconnectent, l'angoisse qui les prend à la gorge lorsqu'ils subissent le miroir déformant des réseaux, on ressent le tragique de cet univers structuré en castes où l'exposition permanente de l'intimité sonne comme une injonction pour exister. La violence de la meute anonyme qui dézingue et harcèle derrière son écran apparaît dans toute sa tragédie avec comme toile de fond l'éveil à la sexualité.



Sans doute le dénouement est-il moins convaincant que tout ce qui le précède, rebondissant dans une direction, certes inattendue mais qui alourdit une intrigue déjà riche et qui n'avait nul besoin d'être surchargée. Mais qu'importe, ce parcours initiatique d'une jeune fille en construction est réellement captivant. J'ai pensé au Elephant de Gus van Sant dans cette saisie puissante du flottement adolescent, entre ennui, détermination et mélancolie. Une grande réussite.

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Elle a menti pour les ailes

Haletant, addictif, fascinant, incisif… Je suis époustouflée ! L’amie libraire qui m’a prêté son exemplaire n’a pas menti : quelle maturité pour un premier roman ! (Je ne dérogerai pas à mes principes, j’achèterai le livre à sa sortie, même si je l’ai déjà lu).

C’est un roman d’apprentissage. Une adolescente devient femme. Garance (l’héroïne) doit répondre à tous les changements qui font de sa vie un gigantesque point d’interrogation. Comment quitter son enfance ? Comment s’émanciper de sa mère ? Comment s’accepter ? Comment gérer le désir des garçons et la jalousie des filles ? Comment déployer ses ailles, et prendre son envol … ? Mais elle a menti pour les ailes ! (Merveilleux titre).

Intime sans être intrusif, empathique sans faire du jeunisme, le roman de Francesca Serra décrit avec justesse une génération « Internet native » en manque de repères.

Une ado qui grandit sur la pointe des pieds… au bord de l’abîme ? Sur le thème, je n’ai rien lu d’aussi réussi depuis « D’acier » de Silvia Avallone. C’est du contemporain #IRL, du teenager rageur 4.0, du roman social de haute volée à faire passer le Goncourt 2018 pour un reportage poussif. Parler de mèmes, de « revenge porn », de réseaux sociaux et de la génération Z sans tomber dans la caricature et la démagogie, c’est un exploit.

Je recommande vivement ce livre à celles et ceux qui s’intéressent à la rentrée littéraire. Il en sera l’un des évènements. À vous de confirmer mon intuition.

Bilan : 🌹🌹🌹

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Elle a menti pour les ailes

Attention, gros, énorme coup de coeur de la rentrée littéraire... et même de l'année 2020... cela fait longtemps que je n'avais pas été happée par un livre comme ça !

Garance a 15 ans, une mère professeur de danse, une meilleure amie plutôt sage et bonne élève qui prend des cours de danse avec elle et une folle envie de devenir quelqu'un. Elle compte pour cela sur sa beauté qui la distingue parmi les autres fille de son âge et sur le prochain concours de mannequin organisé dans sa petite ville. Mais son monde bascule quand la petite bande d'ados branchés de terminale que tout le lycée admire la remarque : prête à tout pour être intégrée à leur groupe, elle va grandir d'un coup en quelques mois... jusqu'à sa soudaine disparition.

Ce livre est inclassable : tantôt thriller avec la disparition de Garance et l'enquête qui s'en suit, tantôt chronique adolescente avec les premiers émois, les bandes de copains, les bêtises qu'on fait à cette âge là, tantôt documentaire sur la "génération Z", les premiers à avoir grandi avec Internet et les réseaux sociaux dès leur plus jeune âge. Dès les premières pages on est happé par l'écriture vive, précise, implacable de Francesca Serra qui en quelques phrases sait camper une atmosphère ou un personnage. La langue est riche, le style particulièrement construit et travaillé puisque l'auteur arrive à mêler à son récit des conversations d'ados et des échanges sur Instagram, Twitter et autres Facebook en sonnant toujours juste et sans jamais donner l'impression de chercher à se mettre à la place de ses personnages alors qu'elle a près de 20 ans de plus qu'eux. Rarement on aura réussi à rendre aussi bien compte de la vie adolescente, de l'importance du regard des autres et de toutes les interactions qui se jouent dans une cour de lycée.

La différence par rapport à d'autres chroniques adolescentes c'est que nous sommes maintenant à l'heure de l'exposition permanente sur Internet : il ne suffit plus de vivre sa vie (ce qui n'est déjà pas facile à 15 ans !), il faut aussi la mettre en scène. Ce livre nous fait prendre conscience du poids permanent du regard des autres auquel sont confrontés ces adolescents. Alors certes les intrigues de lycée, la jalousie, les mauvais coups entre adolescents ne sont pas nouveaux mais Internet leur donne une caisse de résonance formidable et un poids inédit. Au fil du récit, nous découvrons certaines scènes glaçantes de harcèlement et surtout ce qui se passe quand la machine infernale des réseaux sociaux et des images s'emballe. L'auteur aborde l'air de rien plusieurs sujets importants, le poids de l'image et des normes sociales sur les adolescents, l'absence de modèles à qui s'identifier, la difficulté qu'ont parents, professeurs et même policiers à suivre ce que font ces enfants sur Internet, outil avec lequel ils sont nés et qu'ils maîtrisent beaucoup mieux que les adultes.

Le roman n'est jamais démonstratif mais nous donne juste à voir une tranche de vie, un morceau de la société actuelle, les failles d'une petite ville de province presque comme les autres. L'auteur intercale avec brio plusieurs époques, la rentrée en seconde de Garance, son intégration à la bande qu'elle admirait jusqu'ici de loin, sa disparition soudaine et les terribles journées qui ont conduit à cette disparition. Cette construction faite de retours en arrière est particulièrement réussie puisqu'elle rompt la monotonie du récit et nous fait encore plus prendre conscience des conséquences que vont avoir une série d'actes et de petits dérapages qui pourraient être anodins. Qui est coupable ? Personne diront les adolescents aux policiers qui les interrogent. L'auteur se garde bien de répondre à cette question et la dernière partie du récit, très différente de ce qui précède, nous laisse réfléchir à ce que pourrait être la vie loin de l'oeil inquisiteur d'Internet et de la mise en scène permanente des images.

Vous l'aurez compris si vous êtes arrivés jusque là, je vous recommande vraiment ce roman : en plus d'être particulièrement juste et de soulever des questions d'actualité, c'est aussi une magnifique lecture, bien écrite, prenante et qu'on a du mal à lâcher. Un de ces livres pour lesquels on est triste de tourner la dernière page et qu'on aurait déjà envie de relire pour s'attacher aux petits détails qu'on a pu manquer.
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Elle a menti pour les ailes

Ce roman m'a appris que je vivais en Corée du Nord sans le savoir. Page 153 : "A moins d'avoir été emprisonné en Corée du Nord au cours des deux dernières années, impossible d'être passé à côté [du clip "Chandelier" de Sia]." Je ne connaissais ni la chanteuse, ni le clip, mais pas que.

Ca se passe en 2015-2016 dans une petite ville du Sud de la France, et les personnages principaux sont des Millennials. Garance, 15 ans, rêve d'amour, gloire et beauté. Elle s'est inscrite à un concours Elite, exhibe ses selfies sur les réseaux sociaux, et -comble du bonheur !, vient d'être admise dans le cercle fermé des amis trop cools de la star du lycée, où évolue ce beau garçon dont elle est amoureuse depuis ses 12 ans. Mais patatras !, tout va s'écrouler, et le rêve va tourner au cauchemar.

J'ai d'abord beaucoup aimé ce roman, qui m'a permis de retrouver quelques unes de mes lointaines sensations d'adolescente. Mais finalement, non : j'ai surtout découvert un univers totalement nouveau pour moi -et qui m'a fait prendre conscience qu'effectivement, je suis une Nord-Coréenne. J'ai appris des mots nouveaux comme "story" sur Instagram, et je me suis pris une claque en lisant que "Fight Club" est considéré comme un "vieux film". Mais plus que tout, j'ai été interloquée par la conception de la vie (numérique) de ces digital natives, et c'est là tout le talent de l'auteur que d'avoir su la retranscrire avec un réalisme tel que je n'ai éprouvé aucune sympathie pour ses djeuns -qui sont pourtant plus à plaindre qu'autre chose.

Je sors donc mitigée de cette lecture, admirative du style de Francesca Serra et de son analyse implacable de cette génération Z, mais également agacée par ses personnages. Je regrette aussi des longueurs et une maîtrise de la structure narrative moins affirmée dans la seconde partie du roman ; il aurait gagné à être élagué de 200 pages (sur 700).

Le livre refermé, je ne dirais pas que je préfère encore la Corée du Nord à ce monde 2.0. Mais, comme toute vielle c*nne qui se respecte, j'incline à penser que c'était mieux avant.
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Elle a menti pour les ailes

En tant que Coréenne du Nord (voir la critique de Judith, Brooklyn_by_the_sea), je tenais à sortir de mon ignorance. Par pur hasard, ce livre était dans ma pile de la bibliothèque quand j'ai lu cette critique et je me suis dit: Voyons cela.



J'en sors un peu anéantie. Je suis toujours stupéfaite de voir la place que les réseaux sociaux ont pu prendre dans la vie de ces jeunes, plus occupés à mettre leur vie en scène qu'à la vivre vraiment. Et par ricochet, puisqu'il n'existe plus qu'à travers ces écrans, le pouvoir de nuisance, de destruction que ceux-ci ont acquis.



Le livre en lui-même aurait gagné à mon avis à être un peu raccourci. Je l'ai trouvé long à démarrer. Et puis l'intensité commence à monter et là, même si j'ai survolé les quelques pages en fonte différente de transcriptions par l'auteure d'extraits d'applications diverses et variées dont je ne connaissais pas toujours le nom, dans un langage que j'ai du mal à comprendre, je n'avais plus envie de le lâcher. L'auteure mêle adroitement le récit de l'année scolaire et l'enquête menée suite à la disparition de Garance. L'adolescence n'est pas une période facile et les compromissions auxquelles sont prêts à se livrer des lycéens pour être acceptés, considérés sont bien décrits par l'auteure. et ces comportements eux sont intemporels, même si l'ultra connexion les a accentués.

Pour Garance, se sentir admise dans ce petit groupe de terminale alors qu'elle n'est qu'en seconde passe avant tout. Elle trahit sa mère, sa meilleure amie, sèche les cours, et laisse va vie partir en vrille. Plus rien ne compte. mais elle s'apercevra à ses dépens que ces relations étaient juste des relations de surface. L'un d'entre eux a causé sa chute, aucun ne lui viendra en aide,



Un thème intéressant, bien analysé par l'auteure qui livre des portraits de jeunes assez négatifs. J'ose espérer que cette génération ne se réduit pas à cela.
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Elle a menti pour les ailes

Garance, jeune fille de seize ans, vit dans le sud de la France avec sa mère prof de danse, Elle même pratique la danse,à haut niveau. . Au lycée, elle rencontre un groupe d'élèves de terminale. Séduite par cette bande de jeunes, beaux, branchés, connectés, elle essaie d'adopter leurs codes et fait tout son possible pour être intégrée jusqu'au moment où elle commet l'irréparable après ça sera la chute, la désillusion, le désamour, le harcèlement.

À travers ce premier roman très maîtrisé, écrit d'une plume aiguisée, poétique par moments, l'auteure fait le portrait de cette jeunesse appelée génération z, qui n'a pas vécu sans internet ni réseaux sociaux. Connectés non stop, ces jeunes ne savent pas ce que c'est que d'attendre des nouvelles de leurs amis, d'attendre un coup de téléphone, une lettre. Leurs amis sont virtuels pour beaucoup, ils conversent par SMS non stop, ponctuent leurs messages de selfies et vidéos, où ils se mettent en scène sans pudeur et ne vibrent qu'au nombre de likes, ils guettent l'approbation des autres, ils ne vivent et n'existent que par les autres. Cela les fragilise et peut engendrer des drames, comme c'est le cas pour Garance. Ces jeunes avec leurs amis virtuels sont assez isolés et vulnérables, ils peuvent se retrouver seuls face à leur téléphone et livrés à la vindicte populaire, comme les gladiateurs au temps de Rome dans l'arène quand la foule d' un simple mouvement de pouce décidait de la mise à mort.
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Elle a menti pour les ailes

Garance est belle, tout le monde s'accorde à le dire et y est sensible à Ilarène et c'est la fille d'Ana, professeure de danse classique au Coryphée.

ais elle n'est qu'en classe de seconde. Pourquoi Maud, l'élève la plus populaire et suivie de toutes les terminales l'a-t-elle invitée à sa fête d'Halloween ?



Que de sentiments contradictoires m'ont traversée à la lecture de ce premier roman tout à la fois prometteur et pas totalement abouti.

D'un côté, une intrigue habilement menée, dont les tenants et les aboutissants nous sont dévoilés peu à peu. Des personnages crédibles dans la hiérarchie subtile du monde lycéen. L'univers impitoyable, non pas de Dallas, mais des jeunes accros aux réseaux sociaux et aux applications incontourqui jugent, condamnent et mettent au ban de leur société ceux qui ont failli ou déçu.



De l'autre, des passages lourds et abscons ou l'auteure fait montre de sa capacité à écrire, certes, mais se perd dans des digressions qui n'apportent rien, une propension à vouloir s'immerger toujours plus (trop) dans le psychisme de ses personnages , un abus de langage familier voire vulgaire alors que la plume sait être soutenue.



A trop vouloir embrasser, on finit par mal étreindre. Il en résulte une vision très juste d'une génération qui m'a captivée mais une histoire qui m'a parfois tenu à distance en me laissant sur ma faim.

Une auteure à suivre au demeurant.
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Elle a menti pour les ailes

Elle a menti pour les ailes de Francesca Serra @editions.anne.carriere #francescaserra #prixlitterairelemonde @lemondefr #cyberharcelement #harcelement #reseauxsociaux #adolescence #premierroman



Garance adolescente sans problème de quinze ans habite avec sa maman Ana, professeur de danse. Sa meilleure amie s𠆚ppelle Souad. Elle est en seconde. Depuis longtemps elle est attire〞 par Vincent plus âgé qui est en terminale. Il fait partie d’un groupe de jeunes les plus populaires du lyce〞.



Garance est dote〞 d’une grande beauté et participe à un concours de mannequin dans sa ville.



Sa vie bascule lorsqu𠆞lle reçoit une invitation via Facebook de Maud à une soire〞 déguise〞 pour Halloween.



L’occasion rêve〞 pour Garance de se rapprocher de Vincent et de pouvoir intégrer sa bande d𠆚mis. Elle se sent enfin vivre et exister.



Elle fera tout pour appartenir à ce clan le plus charismatique du lyce〞 hyper connecté aux réseaux sociaux lesquels peuvent devenir cruels où l𠆚nonymat derrière un e〜ran peut devenir une arme pour détruire complètement une adolescente en la harcelant violemment et sans pitié.



Garance soudain disparaît où est-elle ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi ?



Ce premier roman est haletant, addictif, totalement re〚liste par rapport à notre époque et aux problèmes de l�olescence. Un coup de cœur.



Félicitations à Francesca Serra dont le roman a remporté le prix littéraire Le Monde 2020.
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Elle a menti pour les ailes

Ouh la la, que cette immersion dans l'univers hyperconnecté des ados est flippante pour les parents ! J'ai senti mon cœur de maman se serrer à la lecture de certains passages du roman.

C'est sans filtre, c'est cash et c'est violent.



Francesca Serra, de sa plume incisive, parvient à dresser un portrait saisissant de la génération des « millennials », à travers l'histoire de Garance et de ses camarades de lycée.

A l'adolescence - cet âge charnière, ce passage si délicat où l'on quitte le cocon protecteur de l'enfance, où l'on se cherche et où l'on se construit au fil de ses expériences, où l'on se sent « grand » mais où l'on se révèle parfois fragile et influençable, et où le regard des autres et le désir d'appartenir à un groupe sont si puissants - le rejet et le harcèlement scolaire sont dévastateurs.

Les erreurs commises se payent cher et le jugement de ses pairs est impitoyable.



Cette problématique du harcèlement scolaire n'est pas nouvelle mais ses effets sont démultipliés avec l'avènement les réseaux sociaux, où la popularité se mesure au nombre de « like » reçus et où l'on peut devenir du jour au lendemain la cible d'un acharnement hors de contrôle.

Il est tellement facile d'être blessant lorsque l'on est anonyme, retranché derrière son écran. La portée des mots peut sembler virtuelle mais les conséquences sont bien réelles et peuvent être dramatiques.

L'auteure décrit avec beaucoup de réalisme ce phénomène de lynchage de masse.



J'ai moins aimé la dernière partie du livre, que j'ai trouvée un peu trop longue et manquant de cohérence avec le reste de l'histoire, mais dans l'ensemble, cette plongée au cœur du quotidien des adolescents est très réussie.
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Elle a menti pour les ailes

Un très bon premier roman de cette rentrée littéraire 2020.

C'est un roman très contemporain, qui ressemble à un de ces faits divers que l'on peut lire de temps en temps et qui font froid dans le dos.

L'action se passe de nos jours dans une petite ville balnéaire du sud de la France. Garance Sollogoud a 15 ans, elle est en seconde. Sa mère l'élève seule, elle est prof de danse. Garance est très belle et mène une vie d'adolescente comme les autres, c'est-à dire qu'elle est très active sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et Twitter. Elle vient de s'inscrire à un concours de mannequinat qui a lieu dans sa ville.

Sa vie va changer le jour où elle reçoit une invitation à une fête déguisée pour Halloween, fête donnée par une élève de terminales, Maud. C'est la fête de l'année, celle à laquelle il faut absolument être et elle n'en revient pas de sa chance. A partir de cette réception, sa vie va changer. Garance va petit à petit s'éloigner de sa mère et de sa meilleure amie Souad, elle va tout faire pour s'intégrer dans la bande d'amis de Maud, pour le meilleur et pour le pire...

Je n'en dirai pas plus.

Ce roman évoque de façon très juste le milieu des adolescents d'aujourd'hui, ceux qui sont nés avec Internet et dont la vie doit être sur Internet, ils se sentent exister à travers les commentaires sur les réseaux sociaux et les like. Il est question de cyber-harcèlement, des rumeurs, des réputations.

C'est effrayant mais aussi très intéressant et bien écrit.

Je le recommande vivement.
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Elle a menti pour les ailes

Même si je ne suis pas Nord-coréenne (je connais la chanteuse Sia et son clip Chandelier), j'avoue m'être sentie une bonne partie de ce roman sur une autre planète, celle des ados d'aujourd'hui, lesdits Millenials.



Garance, 15 ans, est la représentante parfaite de cette génération Z, génération née avec un portable greffé au bout de la main droite, ou gauche, c'est selon. Génération adepte du selfie avec la bouche en cul de poule, du culte de l'image, de la perfection sur les réseaux dits sociaux, de la moquerie de tout ce qui est différent.

Garance est belle, pas encore super populaire car trop jeune, mais, cerise sur le gâteau, elle entre gentiment dans les bonnes grâces de Maud et ses acolytes, les stars du lycée. Pour les bonnes raisons ?



N'étant pas mère, je n'ai pas à gérer les états d'âme d'adolescents d'aujourd'hui, et j'avoue que je me suis sentie larguée à plusieurs reprises au cours de ma lecture, et ce à plusieurs niveaux. Cependant, j'ai des neveux et nièces, dont un, né en 2002, qui entre donc pile-poil dans cette catégorie, et il est vrai que ses années lycée ont été assez mouvementées. Trop ceci, pas assez cela, le tout à l'ère numérique, cela fait un combo détonnant. Et effrayant aussi.



J'avoue que l'autrice a su parfaitement se saisir de cette période charnière et a su retranscrire, je crois fidèlement, les tourments que peuvent vivre les ados en général, de cette génération en particulier. Et oui, rappelez-vous, l'adolescence, ce n'était pas franchement une partie de plaisir, en tout cas je n'en garde pas spécialement un bon souvenir.

Car oui, ce roman m'a fait replonger dans ces années, Seconde G dans mon lycée privé pour enfants de « bonne famille ». Je me rappelle d'un garçon dans ma classe qui a été pris comme tête de Turc par certains. La raison ? Il était roux et avait parfois – souvent – les cheveux gras, un sobriquet a très rapidement été trouvé (et en écrivant ce billet, je dois bien admettre que si je me rappelle parfaitement du surnom qui lui avait été donné, je ne me souviens plus en revanche de son prénom). Et si je ne participais pas à l'acharnement dont il pouvait faire l'objet, je ne prenais pas sa défense non plus. Je restais finalement témoin silencieux, est-ce mieux ? Mais bon, j'avais 15 ans moi aussi, cherchais à me faire des amis dans ce nouveau lycée, n'avais pas le courage d'affronter la meute même si je trouvais que ce qu'il subissait était injuste et dégueulasse. On se trouve finalement des excuses pour ne pas agir... Donc oui, le harcèlement, scolaire ou autre, a toujours existé. Mais, à la différence notable, j'ai eu 15 ans en 1995, alors que dans ce roman, ils ont 15 ans en 2015, et les réseaux sociaux ont pris toute la place. Ce qui restait confidentiel, à l'échelle d'une classe, à mon époque, ne l'est plus aujourd'hui. Alors quand un ado fait une connerie, c'est la Terre entière qui peut être mise au courant, tel un virus qui se propage dans la population entière. Avec les conséquences, désastreuses, qui peuvent en découler.



La remarquable capacité de Francesca Serra à se mettre à la place d'adolescents entraîne aussi malheureusement un côté un peu brouillon, répétitif voire lassant, aussi bien sur le fond que sur la forme. J'ai eu mal aux yeux à plusieurs reprises (abréviations incompréhensibles pour moi, fautes d'orthographe à me faire saigner les orbites) et j'ai parfois eu l'impression de lire plusieurs fois la même chose de divers points de vue. Alors c'était utile, je ne le nie pas, mais ça m'a gênée. Cependant, je loue l'incroyable variation de langages utilisés par l'autrice, et aussi qu'elle ne perd jamais de vue son intrigue, toutes les pièces du puzzle finissant pas s'emboîter les unes avec les autres.

Reste que j'ai trouvé ce roman long, très long, trop long, il aurait pu être amputé d'au moins 150 pages. Je n'ai pas du tout apprécié ma fin de lecture, selon moi l'autrice s'est finalement perdu dans les méandres de son histoire, je n'ai pas du tout adhéré à sa fin qui traînait en longueur, qui, selon moi, n'apporte rien au reste du récit, et que j'ai trouvé inadéquate pour ne pas dire absurde.



En résumé, un roman que j'ai globalement apprécié, dont je loue la sagacité sur bien des aspects, mais qui m'aura finalement laissée sur le bord de la route.





Lu en janvier 2022
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Elle a menti pour les ailes

Des adolescents aux prises des réseaux sociaux.

J'ai lu 80 pages et abandonné.

Sujet actuel tellement dérangeant.

Style insupportable.

Impression en très petits caractères, lignes très serrées.

Sensation de décousu dans l'histoire.

Pavé de près de 500 pages.

Non, vraiment, malgré les excellentes critiques vues sur babelio, je ne me sens pas le courage de continuer.
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Elle a menti pour les ailes

Un concours de mannequins s'annonce dans une ville du Sud est de la France peu animée d'habitude animée que l'été .Garance, favorite du concours, attire l'attention d'une bande d'adolescents avec lequel elle avait toujours revé de trainer.



Pour se faire accepter de la meute, elle devra consentir à queleques sacrifices.

Avec ce roman qui semble nous amener en terrain familier pour mieux nous emporter un peu ailleurs, Francesa Serra livre une passionnante fresque héroïque dédiée à la génération des milléniaux.



Son récit, parfois cruel, parfois tendre, s'interroge sur le fait de savoir quelle influence le monde numérique a t- il sur l'évolution du langage et comment la société de l'hyper connexion semble toujours s'accrocher à une mélancolie de ce qui est déjà passé..



Une belle réussite pour mieux comprendre notre jeunesse actuelle
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Elle a menti pour les ailes



Interpellée par les critiques dithyrambiques à sa parution, je m’étais procuré ce roman peu de temps après sa parution. Puis j’ai laissé reposer, préférant me débarrasser des chroniques que j’avais pu lire ici et là.

Il se trouve que le cyber-harcèlement scolaire est d’une actualité brûlante ces dernières semaines et que certains faits divers mettent en avant les agressions que subissent certains élèves, agressions qui n’ont pas attendu les réseaux sociaux pour s’exprimer.

C’est donc un roman nécessaire, qui se met à hauteur des adolescents, qui décortiquent leur mode de fonctionnement. La reproduction des échanges de messages en dit long sur la cruauté des uns mais aussi sur le mode de langage et de communication de tous. C’est aussi pour ça que cette communauté est si difficile à pénétrer pour les adultes.

Et c’est cela qui m’a séduit, j’ai eu l’impression de lire un mode d’emploi à destination des adultes tout en étant dans les préoccupations des adolescents avec leurs mots et leurs codes.

Le roman est conduit comme un thriller puisque l’on comprend assez vite que la jeune Garance, « héroïne » de l’intrigue a disparu. La narration s’appuie sur des flash-back qui créent la tension même si le sujet est suffisamment poignant pour se suffire à lui tout seul.

En revanche, je reste perplexe sur les intentions de l’autrice dans la dernière partie. Elle confère à Garance un statut qui l’éloigne du commun des mortels. Il me semble que la laisser dans un réel moins onirique aurait définitivement permis aux jeunes lecteurs de s’identifier au personnage.

Maladresse de primo-romancier ? Je lui pardonne bien volontiers car ce roman reste percutant et amène à une réflexion plus large sur la société qui « permet », à moins que cela lui échappe, ce genre de dérive.





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Elle a menti pour les ailes

On a déjà beaucoup écrit sur ce roman, beaucoup de louanges et il a été récompensé par le tout premier prix littéraire de la saison, celui du Monde. S'y plonger après tout le monde (ou presque) est à double tranchant. On attend du lourd, du fort, du grandiose. Alors mon premier réflexe en le terminant est de tirer mon chapeau à Francesca Serra. Pour un premier roman, le pari n'était pas évident, et il est réussi. Haut la main. Pourtant, il m'a fallu un certain temps pour accepter le style et le rythme de l'auteure, son parti-pris d'insérer des dialogues de messagerie instantanée ou des fils de commentaires Instagram. Mais c'est elle qui a raison. L'immersion est importante pour comprendre ce qui se joue dans les esprits des adolescents qu'elle scrute et dont elle fait les héros d'une histoire d'autant plus tragique qu'elle est à portée de souris de chacun d'entre nous. L'immersion est essentielle et l'auteure l'orchestre de main de maître, sans excès, en prenant le temps de l'exploration psychologique, en creusant les motivations et les failles de tous ses personnages, à l'encontre de la rapidité exigée par le monde moderne. Au bout de quelques chapitres, on est ferré, happé par le destin et le mystère de Garance.



Garance, 15 ans, élève de seconde. Jolie. Très jolie même. Au point d'être l'une des favorites pour l'étape régionale du concours Elite model qui se profile. Flattée d'être enfin remarquée par la bande "star" du lycée. Ils sont plus âgés, elle les admire, les idéalise, intègre leur cercle et finit par délaisser sa meilleure amie et ses anciennes occupations. Jusqu'au jour où elle disparaît brutalement, du monde réel autant que des réseaux sociaux. Que s'est-il passé ? L'enquête menée par une jeune policière oscille entre les deux mondes et met en évidence la violence du harcèlement démultipliée par les écrans.



Francesca Serra nous fait pénétrer dans la vie quotidienne de ceux que l'on nomme les "millenials". Nés avec le siècle et quasiment sur les réseaux sociaux qui font partie intégrante de leur vie. Où tout est montré, mis en scène, commenté, liké, mais aussi moqué. "Il suffit d'un pouce levé pour échapper à l'oubli, pour empêcher les autres de faire abstraction de vous. Un like affirme votre présence au monde". Et elle parvient à démonter le mécanisme par lequel on se perd soi-même à force de multiplier les images et de vivre à travers elles. Elle le fait minutieusement, de façon très fluide, sans décréter, simplement en glissant son lecteur dans les méandres du jeu virtuel et de la façon dont il brouille la réalité. Quand on sait à quel point un ado, sans internet est déjà plutôt embrouillé dans sa tête et son corps, on voit tout l'effet démultiplicateur des vies virtuelles. A cela s'ajoutent le piège de la soi-disant transparence et le sentiment d'impunité offert par l'anonymat de l'écran, porte grande ouverte à tous les excès. On a tous connu la férocité des cours de récréation, la mise à l'écart. Mais sur les réseaux sociaux, le lynchage n'a plus de bornes.



Ce que l'auteure réussit parfaitement, c'est son étude psychologique à large spectre qui lui permet de capter quelque chose d'important d'un point de vue sociétal. A ce titre, ce prix littéraire lui va particulièrement bien. Et on ne peut que recommander cette lecture à toutes les générations.
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Elle a menti pour les ailes

Combien ?... Combien d'abonnés, combien de followers ? Combien de RT ? Combien de like ? Combien je suis ? [...] Et [les générations] suivantes feront la même chose ; elles tenteront avec leurs propres moyens d'échapper au sentiment d'être éphémères et insignifiantes. Bien sûr, ceux qui exibhent leur bonheur sur internet ne sont pas dupes et ceux qui les admirent ne sont pas dupes non plus; tout le monde joue le jeu. Personne ne veut passer à côté, chacun cherche à s'inscrire dans la légende."



La grande force de Francesca Serra est son analyse si précise et sans jugement de cette génération née quasi avec une tablette à la main. Elle reproduit leurs façons d'échanger, elle décortique leurs relations et leurs coups bas au temps du 2.0. Et elle montre aussi les proportions que prend le harcèlement aujourd'hui quand il suffit d'un petit clic, lorsqu'on peut se dédouaner si facilement en se planquant sous l'anonymat.



Pas de coup de cœur pour moi pour autant car j'ai trouvé ça trop long et mon esprit a eu tendance à partir ailleurs dans la toute dernière partie (mais comme personnellement je vivais un moment pas facile peut être que le roman n'y est pour rien).



Sur l'adolescence j'avoue avoir préféré largement la vie parfaite de Silvia Avallone dont l'écriture m'avait frappé par sa puissance mais les critiques sont très bonnes alors à vous de vous faire votre propre avis.


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Elle a menti pour les ailes

C’est la publication sur FB d’un auteur de thriller (Jérémy Fel) s’avouant captivé par la lecture de ce premier roman qui m’a clairement donné envie de le sortir de ma PAL et de le lire. Et effectivement, j’ai trouvé ce récit vraiment bien construit, de manière à ce que les révélations, souvent hallucinantes, s’égrènent au compte- gouttes et éclatent de manière inattendue, à la fin de certains chapitres.



« Sous chaque toit abritant une adolescente, le cérémonial est identique : la parer avant de la lâcher dans le labyrinthe de ruelles et de ragots. Car toutes partagent cet ambigu dessein, façonné par leurs génitrices, qu'elles transmettent à leurs descendantes et qui tient en un ordre tacite : "Tu seras une pute, ma fille." Garance, quinze ans, vit avec sa maman, Ana, directrice de l’école de danse classique réputée nommée « Le Coryphée », à Ilarène, ville du sud-est de la France. Les deux femmes ont longtemps été fusionnelles, sans homme dans leur horizon. Ana a la réputation de tenir les filles « droites », de corps comme d’esprit. Un maintien digne des étoiles de l’Opéra, et qui a ancré sa marque de fabrique dans l’esprit des habitants d’Ilarène, à l’aube du XXIe siècle. Mais à l’entrée de Garance en seconde, la modernité de l’époque va rattraper cette maman idéaliste…



« A dater de ce soir, la peur que la vérité surgisse l'accompagnera partout, tout le temps. » Garance, grandit vite. Trop vite. Plus vite que Souad, son amie d’enfance. Ses regards, ses envies se tournent vers un trio d’élèves de Terminale qui « font le buzz » sur les réseaux : Maud, Salomé, et Greg. A ces trois- là s’ajoutent deux garçons plus âgés : Yvan et Vincent. Ce dernier attise les premiers désirs de Garance. Alors quand le groupe invite cette dernière à une soirée, la voilà qui ose faire un premier pas de côté. Un pas qui va l’amener bien plus loin que tout ce qu’elle aurait pu imaginer.



« - J'entends mes collègues se plaindre en salle de profs parce que vous êtes tout le temps accrochés à vos smartphones mais, si vous voulez mon avis, vous n'avez pas le choix. Cette technologie qui vous connecte les uns aux autres était la seule évolution possible de l'espèce. Votre génération n'est que le produit d'une évolution déterminée. » Pour le prof de maths de Garance, tout est question de déterminisme. Outre sa théorie, il faut admettre que le culte de l’apparence véhiculé par les réseaux sociaux a pris une telle importance dans la génération actuelle de nos adolescents qu’il faudrait savoir, et pouvoir en prévenir les dérives. L’auteure en décrit ici les rouages, réels, sur fond fictionnel.



Au final, un roman bien écrit, qui prend souvent aux tripes et qui entraîne bien des questions. Le thème du cyber- harcèlement y est habilement traité, grâce à des personnages à la psychologie finement construite, et à des éléments théoriques de sociologie insérés de manière légèrement didactique. A découvrir, à lire, et une plume à suivre.

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Elle a menti pour les ailes

Garance, 15 ans, passionnée de danse est en classe de Seconde. Elle cherche à attirer l’attention du beau Vincent, coqueluche d’un clan de Terminale. Trois ans d’écart, c’est une échelle très haute à grimper pour être digne d’intérêt, il va falloir redoubler d’efforts pour être acceptée. Garance a de la chance, elle bénéficie d’un atout rare : elle est diablement belle. Chaque marche qui la rapproche de son but passe par les étapes de son ascension « sociale ». De photos postées, de likes en tweets, sa popularité s’accroît : elle se sent enfin exister. «Un like affirme votre présence au monde. » D’inconnue, elle devient « populaire ». De seule, elle se targue désormais de faire partie d’une meute. Jusqu’au jour où elle participe au concours Élite présent dans sa ville. La meute aux dents bien acérées se réveille. Plus dure sera la chute….



« D’un côté, les parents qui tentent de suivre la vitesse à laquelle internet tourne avec l’impression que leurs enfants en savent toujours plus qu’eux, qu’ils sont sans cesse à la traîne (…). De l’autre, les gosses qui utilisent internet comme un espace de ralliement. Comme s’ils préparaient une guerre, ils se réunissent tous les jours au même endroit qui n’existe pas géographiquement, par conséquent inattaquable, bien mieux protégé que n’importe quel autre territoire sur le globe. Ils sont déjà une armée.(…) c’est une nouvelle ère morale. Tous les élèves d’un lycée bourgeois de ville moyenne se sont élevés au-dessus des fondements de la société plurimillénaire qui les a enfantés, pour traquer l’une des leurs sur internet. »



Mon émotion est intense depuis la fermeture de « Elle a menti pour les ailes ». Une lecture en apnée, ponctuée de sueurs froides et de coups de chaud tant le sujet est d’actualité… Une peur panique lancinante, car je suis maman de 3 filles de surcroît… Ce roman regroupe à lui seul la somme des possibles de tout ce qui peut très mal tourner lorsque l’on autorise ses enfants à s’inscrire sur les réseaux sociaux. Un engrenage qui se transforme en tsunami. L’ignorance de ce qui se trame vraiment dans les chambres de nos adolescents, particulièrement dans l’une des miennes, ne me quitte pas.



La construction du roman, très pertinente, oscille entre le vécu de Garance, une enquête ouverte suite à sa disparition, des pans de vie passés au sein d’une meute prête à tout pour défendre son territoire. Ajoutez-y de multiples digressions, la transcription de messages envoyés entre les différents protagonistes sur les réseaux et vous obtenez un roman authentique, téméraire et perspicace. D’une simple jalousie entre filles, d’une première expérience commune, découle un enchaînement de conséquences qui défie l’entendement. « Le regard des autres, elle s’y soumet une fois, elle s’y soumettra toute sa vie. »



Écrit par Francesca Serra, qui a elle-même moins d’une quarantaine d’années, ce roman est le reflet d’une génération, les millenials (nés entre le début des années 80 et la fin des années 90) en passe de devenir la génération Z (génération née alors que le numérique est déjà bien installé). S’il s’agit là d’un premier roman, et quel admirable premier roman, l’auteur s’est immergée avec force et violence dans un monde qui n’est pas le sien : celui de ses contemporains nés avec un téléphone au bout des doigts. Quand nous rentrions de l’école, la « guerre » hebdomadaire que nous livrions parfois au lycée était bel et bien terminée… jusqu’au lendemain. Ici, elle continue par le biais d’applications capables de « (…) broyer son âme en cent quarante caractères ». Il n’est pas question de leçon de morale, encore moins d’asséner du « c’était mieux avant ». Le récit se contente de dresser un constat de ces millenials grâce à une immersion totale dans leur quotidien, leurs pensées, leurs modes de fonctionnement, leur pouvoir dématérialisé, mais bien réel. Celui qui détient le pouvoir est celui qui fait la pluie et le beau temps sur internet. C’est à celui qui obtient le plus de likes sur Instagram, de retweets, de questions sur Ask, de vues sur Snapchat. Pour un premier coup, c’est un coup de maître tant l’horreur supputée plane. Finalement, la réalité vécue dépassera toutes les estimations, tant la vie de Garance va être bouleversée.



Ce conte social, cruel, mettant en scène une jeune fille bannie de sa meute à cause de sa beauté ensorcelante et de sa participation à un concours de mannequin laisse entrevoir combien le chant des sirènes, être acceptée dans un groupe de Terminale lorsqu’on est en Seconde, peut s’avérer très différent du résultat escompté. Garance est une jeune femme seule, un papillon attiré par la lumière qui rêve de faire partie d’une bande sans en mesurer le prix à payer. La cruauté adolescente n’a pas aucune limite, Garance sera jetée en pâture aux lions invisibles du net. « Ils sont relativement nombreux à avoir un avis sur la façon dont elle devrait se suicider. Ça fait quarante-trois jours, elle a compté. Quarante-trois jours que Garance est internée sur internet. »



Francesca Serra possède une plume d’un hyperréalisme cinglant lorsqu’elle décrit ce microcosme intime et qu’elle déroule son implacable tragédie romanesque. Parfois jaillissent des passages d’une profonde poésie, d’autres d’une intense désolation, pourtant terriblement réalistes. Le lecteur passe par tous les états : de la solitude honnie de Garance à son hyper connectivité, de l’intégration au rejet, du bonheur fou à la désespérance totale.



« Il n’a pas de rédemption possible et Garance le sait. » Ce roman contemporain, terriblement noir, met le doigt sur toutes les choses que votre ado vit et ne vous dit pas, sur tout ce qui passe dans sa tête, sur chaque émotion décuplée par le pouvoir social, sur chaque message reçu sur des téléphones qui ne cessent de biper. Ce roman est le quotidien de nos adolescents.



« Vous êtes sur internet. Vous pouvez avouer les pires saloperies que vous avez faites à vos plus proches amis, vos pensées les plus crasseuses, vos fantasmes les plus malsains, vos opinions les plus niaises avec la certitude d’être adoubés par d’autres. » Ce roman est le reflet du quotidien de nos adolescents.


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Elle a menti pour les ailes

Je ne rajouterai rien à la brassée d'éloges recueillis par ce roman, juste quelques lignes pour approuver ce qui en a été dit ici et ailleurs : un premier roman plein de qualités, une écriture riche et immersive, une intrigue qui colle parfaitement à la réalité de son époque, et une plongée dans l'adolescence comme si on retournait dans la nôtre avec internet et les réseaux sociaux en plus. Garance nous énerve, nous attendrit, nous fait vibrer, nous fait pleurer, et Francesca Serra maîtrise son histoire et ses personnages avec brio. Pas de jugement, pas de remise en question artificielle, mais une description de ce que sont les vies de ces jeunes en quête d'identité, comme nous l'avons tous été un jour, sauf qu'eux sont (ou ont l'impression) d'être visibles partout et tout le temps, et doivent se construire avec ça... Une photographie de la société riche d'enseignements. Un roman passionnant. Et en plus, Ilarène m'a beaucoup évoqué Ajaccio ! (Pas étonnant quand on sait que l'auteure en est originaire...).
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Elle a menti pour les ailes

LA belle surprise de cette rentrée. Celui qui ne te tente pas vraiment juste parce que la couverture n’est pas à ton goût (soyons honnête il nous arrive tous de choisir au physique). Une ou deux chroniques passent et tu te décides à lire enfin la 4eme (ce que je ne fais jamais) et là tu te dis ok, banco, on fonce !!



Au petit déjeuner, entre une ou trois tartines, j’ai lu 19 pages. Je me souviens très bien du nombre parce que j’ai su que j’étais ferrée et que j’étais prête à annoncer le troisième décès de mon grand-père à mon boss pour ne pas aller au travail. Ces 19 pages m’ont fait l’effet d’une bande annonce. Il me fallait connaître la suite.



Dans une petit ville côtière du sud-est de la France, Garance vit ses 15 ans. Incroyablement belle, c’est une ado sans problème, bien élevée, pas de soucis scolaire. Fille d’une professeur de danse, elle n’est pas du genre meneuse. Elle ambitionne d’intégrer un groupe d’amis de terminale, un groupe populaire, le groupe qui attire l’attention de tout leur lycée bourgeois. Garance y parvient…le gentil teen-movie déraille….elle entre dans la fosse aux lions…puis disparait…



L’envie d’appartenir à un clan à l’adolescence n’est pas une nouveauté. Mais nous sommes en 2015 et la meute dispose de nouvelles armes : les réseaux sociaux. Garance et ses amis sont les représentants d’une génération qui est la première à être née avec ces outils. Fresque sociale sur la génération des milléniaux, le roman de Francesca Serra pose un regard presque anthropologique sur cette jeunesse formatée par les RS sur lesquels on est voyeur de la vie des autres. Un perpétuel processus de comparaison s’installe, générant de la frustration et de la tristesse. Mais finalement ça ce n’est que le côté soft des dangers d’internet. Le pire, on le sait, c’est la facilité avec laquelle on peut dorénavant harceler quelqu’un bien caché derrière un écran.



L’auteur s’approprie les codes d’écritures des textos et des réseaux, avec # et émojis. Un choix formel qui fait tout le style et toute l’originalité du roman. On zappe de WhatsApp, à Snap, à Instagram pour mieux revenir au classique monologue intérieur ou à l’enquête sur la disparition de Garance. Ça donne un récit tonique et hyperréaliste, totalement mature pour un premier roman.

Un mini bémol tout de même. Le récit aurait selon moi mérité d’être plus resserré. Et c’est vraiment dommage parce que la construction est maline, l’histoire addictive. L’ensemble reste impressionnant et si comme moi vous êtes adepte des romans qui nous parlent de l’adolescence, ne passez surtout pas à côté.



Lauréat du prix littéraire Le Monde 2020
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