AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Franck Chanloup (24)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Les enchaînés

Ce soir-là, les choses avaient mal tournées pour Victor, pour son père et pour Alphonse, son frère. Alors qu’ils tentaient d’extorquer l’argent d’un riche bourgeois au sortir d’une auberge, Alphonse n’avait rien trouvé de mieux que de l’égorger afin qu’il cesse de se débattre. Les gendarmes avaient tôt fait de les appréhender. S’en étaient suivis un procès, un jugement et une condamnation de neuf ans aux travaux forcés pour Victor. Autrement dit en 1868, l’exil au bagne de Nouvelle Calédonie, un voyage dont on ne revenait pratiquement jamais.

« Les enchaînés » est le récit tragique d’un jeune homme qui souhaitait être cordonnier afin d’échapper à sa condition misérable mais que le sort rattrape. Franck Chanloup raconte avec brio cette époque où la justice était implacable, où elle était l’antichambre d’une injustice assassine, celle du bagne et de son personnel encadrant, qui ne valait bien souvent pas mieux que la plupart des détenus.

Ecrit comme un journal, le roman de Franck Chanloup mélange fiction et roman historique. Le récit est clair et concis, la lecture n’en est que plus fluide.

« Les enchaînés » est un très bon roman, d’honnête facture, un voyage en enfer sur une île paradisiaque.

Editions Pacifique Au vent des îles, 222 pages.

Commenter  J’apprécie          710
Les enchaînés

Qui sont ces enchaînés en couverture du roman ?

L’auteur situe son récit en 1868, d’abord dans la Sarthe, et donne un aperçu des identités de ces prisonniers et de leurs délits, époque où l’on risque la guillotine.



Il n’épargne pas notre sensibilité quand il relate avec moult détails le forfait d’un trio, constitué du père et de deux fils: une famille dans le besoin qui a détroussé un bourgeois. Vite arrêtés.

On découvre leurs conditions de logement spartiates, tous entassés dans la même pièce.

Le père va mentir et s’accuse du crime pour sauver le fils qui a une famille à charge, ce qui le mène à un châtiment expéditif.



Présenté comme un journal, ce récit rend compte de la justice rendue, des châtiments corporels.

Victor,à peine 16 ans, qui n’a pas de sang sur les mains, a été toutefois complice et va écoper d’une lourde peine. Illettré, il a quand même pu déchiffrer les mots : «  réhabiliter, civiliser, produire »...

On suit les étapes du transfert depuis la prison du Mans, leurs nuits dans des granges, sur la paille, avant la prison de Toulon. C’est à Aix-en-Provence, au détour d’une pente qu’il distingue « une grande étendue bleue », ce qui convoque les paroles de son père : «  Tu verras, la mer, c’est immense, c’est comme si tes yeux ne pouvaient pas tout voir d’un coup. C’est infini ,ça sent fort, et quand ça se met en colère, ça dépasse toutes les fureurs ».





Là, ils ignorent quel sera leur sort, leur destination de bagne et la durée. Pour certains la Guyane pour d’autres la Nouvelle Calédonie.

Ils se retrouvent enchaînés avec un compagnon censé les instruire. On leur rappelle le règlement.Leur gardien Lapierre est un dur à qui il faut mieux obéir. « La punition mène à la rédemption... » La répression est implacable, les ( «  cachots pleins »). Les coups de matraque pleuvent, les détenus sont bastonnés par les gardes qui n’hésitent pas à utiliser le fouet. Tension. Beaucoup de violence : « ça craque, ça suinte, ça cogne, ça pue le sang et la boucherie ».



Le lecteur peut être écoeuré par les odeurs pestilentielles (de pourriture, de vomi, de vermine, d’urine…), relents d’ail, de vin, mais ainsi l’auteur réussit à rendre compte des conditions de vie exécrables, durant le transport des condamnés jusqu’aux geôles de Toulon. Les vêtements fournis sont sales ( «  chemise de toile blanche crasseuse au col et sous les bras »). Ils connaissent les privations ( pain noir rassis, eau croupie), les piqûres de moustiques, la morsure du froid, du gel en hiver…





Les condamnés doivent supporter un boucan d’enfer dont le lugubre cliquetis de chaînes.

Quand Victor, matricule 337, écope de la tâche de nettoyer la frégate prison, la Danaé, avant que celle-ci appareille, on imagine la puanteur des corps avec la promiscuité, l’atmosphère putride.

Situation qui rappelle celle des esclaves entassés dans la cale d’un bateau, relatée par Wilfried N’Sondé dans Un océan deux mers, trois continents. Les hommes ont connu la même abjection humaine, les mêmes scènes de cruauté, d’humiliation.



Une fois avisé de sa destination(Nouméa),Victor tente d’obtenir des renseignements sur ce bagne .



C’est seulement en mars 1872 qu’il embarque dans les soutes de la Danaé, «  bateau cage », n’ayant pas pu bénéficier d’une amnistie ( malgré « l’appui de Victor Hugo »).

Beaucoup de malades à cause du roulis. Ils croisent des dauphins qui fendent l’eau à une vitesse ahurissante, les observent penchés au bastingage , mais les gardes interviennent, l’insurgé est molesté. Dix jours de traversée, même routine, ils tendent des hamacs pour dormir. Dans la journée, ils ont droit à un moment de promenade, chantent mais ils sont vite réprimés par les gardiens. Les corps souffrent, portent les stigmates des coups reçus, d’autres sont jetés par-dessus bord.

Martin relate son odyssée, sa propre descente aux enfers.

Les bagnards apprécient l’escale de Gorée où on leur sert des fruits frais, le soir.

A Nouméa les bagnards, travaillant sous un soleil de plomb, portent le chapeau de paille.

Des projets d’évasion se fomentent. Laissons le suspense.

Quant à Victor, pourra-t-il réaliser son rêve de devenir cordonnier ?

Sa solitude , «  lui qui dit ne compter pour personne », malgré une fraternité tissée avec Leo, suscite l’empathie.





Franck Chanloup adapte son vocabulaire, utilise un registre souvent argotique pour coller au mieux à ses personnages peu instruits : «  les douilles, les esgourdes,les crayons pour les cheveux, les roubignolles », « villebrequins », ou des expressions comme « être choisi pour la guirlande » ( ce qui est le cas pour Victor, sur ordre de Lapierre) ou encore«  mézigue ».



A l’approche de Nouméa, il décrit des paysages qui font en général rêver ainsi que les fantasmes que Victor associe au mot « mer » : « des chapelets d’îlots, variantes de bleu, palmiers majestueux », et plage d’un blanc éblouissant .



En toile de fond, l’auteur rappelle la situation politique de l’époque , à savoir les Prussiens aux portes de Paris, « Versailles devenu le nouveau siège du gouvernement » ( barricades, soulèvement populaire). Seuls les bagnes des colonies subsistent. Le camp de Toulon doit fermer. Il dresse aussi le portrait de bien d’autres détenus dont des communards, évoquant les liens tissés entre eux.





Franck Chanloup livre un témoignage, un récit mémoriel et sensoriel précis de la vie des bagnards, met en scène un univers principalement masculin qui rappelle celui de Mingarelli .

L’auteur, lecteur de Boudard, étonne par sa maîtrise pour un premier roman, mais beaucoup le connaissent par son blog littéraire, sous «  francksbooks » et ont déjà pu apprécier sa plume.





Commenter  J’apprécie          280
Les enchaînés

Depuis quelques années, Franck Chanloup sévit sur la blogosphère avec ses chroniques pertinentes qui sont des véritables sources d’inspiration pour moi. De par son thème, si ce n’avait pas été le premier roman d’un ami blogueur, je ne crois pas que j’aurais tenter cette lecture. Mais étant fan de son travail, je voulais être aux premières loges pour assister à son passage de « l’autre côté » !



Pour tout vous dire, je suis ravi de l’avoir fait ! Dès les premières pages, on s’aperçoit que l’auteur a un style littéraire bien à lui. En se plaçant dans la tête de son narrateur, illettré et miséreux, il adapte sa manière de raconter. Ce dialogue intérieur est un savant mélange d’écriture exigeante et de mots d’argot. Grâce à cette prose authentique, il nous emporte dans le monde pathétique de Victor. On suit ses mésaventures faites d’emprisonnements, de travaux forcés et de tortures.



La grande qualité de ce roman réside dans sa capacité à incarner l’atmosphère qui règne dans ces lieux sordides. Le lecteur est plongé au milieu des odeurs, de la crasse, des souffrances, du sang, des larmes et en discerne les moindres nuances. Ressentant toutes ses sensations, il vit les déboires du personnage principal à ses côtés, entre en empathie avec lui et s’attache à son destin.



« Les enchaînés » est un récit âpre qui pousse l’âme humaine dans ses retranchements et nous fait découvrir une page inconnue de notre Histoire. Dans ses propres lectures, Franck Chanloup a toujours eu un faible pour les personnages approfondis, pour les romans avec du fond et pour les belles écritures. Avec une maîtrise impressionnante pour un primo romancier, il a su projeter toutes ces qualités dans son nouveau rôle. Le pas est franchi avec succès. Il est donc devenu l’écrivain qu’il aurait aimé chroniquer et pour ça, je lui tire mon chapeau ! Vivement le prochain l’ami !
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
Commenter  J’apprécie          220
Les enchaînés

Tout me paraît bon dans ce roman. Le récit est bien mené dans une longueur parfaite. Le début nous entraîne directement. Le sort de Victor nous tient, on le suit dans ses douleurs, la violence de son arrestation, de son transfert, de son exil. Les odeurs, les plaies, la chaleur, l'humidité, le froid... c'est un texte sensitif que nous avons là. J'ai été accroché au destin de ce jeune. Et cette fin! Parfaite, elle aussi. À mon sens tout du moins.
Commenter  J’apprécie          190
Les enchaînés

Il fut un temps – et celui-ci n'est pas si lointain – où, en France, vous pouviez vous retrouver en prison pour "vagabondage". Dans cette prison, il n'était pas rare que vous ayez à faire à des garde-chiourmes injustes, brutaux et corrompus, qui avaient l'art et la manière de vous pousser à bout et la justice, impitoyable, avait tendance à attendre de vous que vous prouviez votre innocence, plutôt que de tenter de prouver votre culpabilité. Face à cette incurie, pour peu que vous eussiez un peu d'orgueil et que vous vous rebelliez, vous finissiez très vite au bagne, qui, par le biais du "doublage", devenait mécaniquement une peine de travaux forcés et/ou de relégation à perpétuité dès lors qu'elle dépassait 8 ans, ce qui arrivait très rapidement. Cette histoire est par exemple celle de Paul Roussenq, devenu le bagnard le plus incorrigible des îles du Salut alors qu'il n'était à l'origine qu'un vagabond vaguement anar et insoumis, mais surtout totalement inoffensif.

Ce monde qui entache à jamais de honte et d'opprobre le second Empire, puis la troisième république française, Franck Chanloup le fait revivre à travers ce premier roman paradoxal, à la fois intimiste et pudique, tout en étant un road trip effrayant et un formidable cri de haine contre l'injustice et les mauvais traitements infligés à des hommes par d'autres hommes.

Ça commence fort, par l'histoire d'une famille de miséreux comme il y en avait tant au XIXe siècle, poussés au crime par la pauvreté et la faim, mais aussi par l'étalage obscène de la richesse des autres, des bourgeois, ceux qui suscitent la haine des damnés de la terre, et l'on devrait s'en souvenir alors que notre société devient à nouveau de plus en plus inégalitaire. Il y a du "Les Misérables" de Hugo dans la famille de ce Victor-là, mais il y a aussi un peu des gueux De Maupassant, et c'est déjà poignant.

Puis, c'est la descente aux enfers. Le ventre mou de l'histoire se trouve à mon avis au milieu du séjour au bagne de Toulon, où le récit se fait plus factuel et commence à tenir de la chronique. Le rythme revient cependant avec l'arrivée de Léopold Lebeau, le bien nommé, le communard, l'incorrigible (il y a du Roussenq dans son attitude de défi), l'intello, admiré, monté au pinacle, et aimé aussi, par notre jeune et naïf héros.

Jusqu'à la fin, ce rythme ne fera plus défaut, et l'on rougira plus d'une fois de honte face au comportement inqualifiable mais hélas parfaitement documenté des geôliers ignobles et corrompus de la pénitentiaire et de leurs auxiliaires canaques. On retrouvera la triste réalité des témoignages croisés d'Albert Londres, Paul Roussenq, René Belbenoît ou Eugène Dieudonné, même si ceux-ci concernent davantage le bagne de la Guyane, mais visiblement, celui de "la Nouvelle", près de Nouméa, n'avait pas grand-chose à lui envier, et je fais confiance à l'auteur là-dessus car il semble s'être bien renseigné sur le sujet.

Un petit regret peut-être sur le manichéisme, car tous les survivants du bagne sont d'accord pour dire qu'heureusement, quelques gardiens intègres et humains sauvaient parfois la situation et faisaient seuls la différence entre le bagne et Auschwitz ou Buchenwald. Point de cela ici : les garde-chiourmes sont tous des ordures et il n'y en a pas un pour racheter l'autre.

C'est donc fort logiquement que l'on suit nos héros jusqu'à leur tentative d'évasion, car comme le disait très bien un bagnard, je crois que c'est Dieudonné : "l'évasion était la seule solution pour les bagnards sains d'esprit, et les gardiens le savaient".

Parce que ce système ignoble et inhumain, loin d'amender les délinquants, ne faisait que les corrompre davantage, et même à l'époque, il fallait être bien aveugle pour ne pas le voir. Une question qui, plus de 100 ans plus tard, est loin d'avoir perdu sa modernité, à l'heure où notre système carcéral, même s'il a heureusement fait quelques progrès, est régulièrement pointé du doigt par Amnesty International, par l'ONU et même par l'Union européenne.

La question reste primordiale, en effet : que veut-on faire avec nos délinquants ? Les réinsérer, ou juste les sanctionner et les exclure ?

Ce roman peut aider à répondre à cette question. D'une écriture claire, simple et sans fioritures car elle est la voix à la première personne d'un jeune homme sans instruction, né au mauvais endroit au mauvais moment, Franck Chanloup, dans ce premier roman prometteur, rend justice à Victor, ce damné de la terre né pauvre et inverti, qui n'en est pas moins un être humain, et qui ne méritait pas cela.

Merci aux éditions Au vent des îles pour cette lecture. Un éditeur qui a le mérite de faire vivre les coutumes et la mémoire de nos terres d'outre-mer si lointaines et si paradoxales, qui nous font si souvent rêver, mais où nous avons si souvent exporté le cauchemar.
Commenter  J’apprécie          170
Les enchaînés

Cette chronique et ce livre sont très particuliers pour moi et je l’avoue, chers à mon cœur de lectrice et de bloggeuse littéraire. Pourquoi allez-vous me demander ? Tout simplement parce que « Les enchaînés » a été écrit par un ami bloggeur littéraire lui aussi, Franck Chanloup, dont je suis le blog depuis pas mal de temps maintenant. Et qu’il a réalisé le rêve de tout lecteur, en tout cas le mien, de passer de l’autre côté du miroir et d’écrire un livre, de devenir auteur à son tour, et qui plus est de se faire éditer. Alors déjà rien que pour cela, je dis bravo à Franck et mon cœur de lectrice frémit. Ceci dit, si vous me connaissez un peu, je reste néanmoins objective dans toutes mes critiques et je dis le fond de ma pensée. Et là, j’ai de la chance car je peux vous dire sans aucune arrière-pensée, que j’ai beaucoup aimé « Les enchaînés ». C’est bien écrit, documenté et passionnant à lire. Je me suis instruite sur un pan de notre histoire qui n’est pas des plus reluisants d’ailleurs : les bagnes en France et ceux situés dans les colonies, ici en particulier celui de Nouvelle-Calédonie à Nouméa. On découvre aussi les dures conditions dans les prisons françaises avant la transportation vers les colonies. L’histoire démarre en 1868 dans la Sarthe où vit la famille de Victor, un jeune garçon de 15 ans. Son père, un homme violent et brutal, commet des larcins avec ses fils pour nourrir chichement sa famille, jusqu’au jour où le fils aîné tue un bourgeois avec l’aide de son père. Victor est là, sous les ordres de son père, mais n’a rien fait. Quand ils se font prendre, le père oblige Victor à s’accuser à la place de son frère aîné pour que celui-ci puisse continuer à s’occuper de la famille. Le père sera condamné à la guillotine et Victor à 9 ans de bagne. Commence alors pour lui, une lente descente dans l’enfer des prisons françaises et surtout du bagne. Après une incarcération à la prison du Vert Galant, on le conduit au bagne de Toulon avant le départ pour le bagne de Nouméa, sur un vieux bateau dans des conditions horribles, dignes de celles des esclaves. Tout au long du récit, on s’attache à Victor, qui est bien jeune et naïf, et qui doit peu à peu apprendre à survivre. Avec lui, on découvre la très dure vie des bagnards, la cruauté sans nom des gardiens et des hauts gradés. Parmi les bagnards, il y a ceux de droit commun comme Victor, mais aussi des prisonniers politiques, des communards. Des amitiés se lient malgré les conditions inhumaines. Je ne vous en dirai pas plus, pour ne pas vous retirer le plaisir de cette lecture. J’aurais juste un bémol à apporter à ce roman c’est sa fin, beaucoup trop brutale à mon goût et qui me laisse vraiment sur ma faim. Je me suis même demandé si ma version numérique n’avait pas eu un bug, tellement j’étais encore partie pour de nombreuses pages de lecture. Ceci dit, c’est un vrai coup de cœur pour moi, un très bon moment de lecture. Bravo Franck, à poursuivre sans aucun doute !
Lien : https://mapassionleslivres.w..
Commenter  J’apprécie          150
Les enchaînés

Les enchainés est le récit du calvaire de Victor, un jeune sarthois âgé 16 ans en 1868 qui aspirait à être simple cordonnier mais qui parce qu’il a eu le malheur de grandir dans une famille de brigands, s’est retrouvé condamné injustement au bagne et déporté dans les geôles de Nouvelle Calédonie. Dans un 1er roman à l’écriture extrêmement maitrisée, Franck Chanloup nous décrit le tragique quotidien de ce jeune bagnard, tel un journal de bord. Avec une précision historique, un vocable familier, rude et très imagé, l’auteur nous plonge dans l’époque et dans l’enfer, l’horreur des conditions de détention, les traitements violents et sadiques des geôliers. Rien n’est épargné à Victor : la puanteur, les tortures, le sang qui se mêle aux excréments dans la traversée de la France pour rejoindre le port de Toulon, dans tous ses lieux de détention, dans les cales de navire et finalement dans le camp de Nouméa. Confronté l’horreur extrême, Victor dans toute la naïveté de son jeune âge, reste droit autant qu’il le peut, se découvre une force et un courage dont il n’aurait jamais cru être capable, porté par l’amour qu’il éprouve pour Léopold, prisonnier communard, insoumis et rebelle.

Avec ce récit poignant, vibrant hommage à ceux, coupables ou non, qui ont subi les traitements les plus inhumains, les plus insoutenables, Franck Chanloup nous dévoile les détails de cette période peu connue de l’histoire. Il embarque le lecteur dans un voyage vers l’enfer, dont on ne peut ressortir indemne. J’avoue avoir parfois posé le livre quelques minutes à la lecture de certaines scènes très dures pour mieux m’y replonger avidement tant j’étais habitée par l’envie de connaitre l’issue de l’histoire de ce petit Victor si plein d’humanité et si attachant. Un 1er roman passionnant et indéniablement très réussi !

Commenter  J’apprécie          140
Les enchaînés

"Francksbooks", je connaissais pour être abonnée à ce blog et apprécier d’en lire les chroniques. Je ne savais pas en revanche que derrière ce pseudonyme se cachait Franck Chanloup, romancier. Lorsqu’il m’a proposé la lecture de son premier ouvrage "Les enchaînés", j’ai accepté. Découvrir un nouvel auteur et…une maison d’édition, ça me plaisait.



Un nouvel auteur, donc, mais aussi une maison d’édition, qui plus est ultra-marine. Son nom, magnifique, "Au vent des îles" était prometteur de voyage. Il fut beau malgré l’histoire plutôt triste. La couverture l’est quelque peu aussi qui pourtant avec sa couleur sépia et ses personnages d’un autre âge, traduit parfaitement l’époque et le sujet traités. Triste, disais-je, que la vie de Victor, seize ans. Nous sommes en 1868 et il se retrouve accusé d’un meurtre commis par son grand frère. Il fait partie d’une pauvre famille de petits truands habitués aux maraudages sans importance jusqu’au jour où le pire arrive. Victor est condamné à neuf ans de bagne. Il se retrouve à la prison du Mans, est transféré au bagne de Toulon puis quelques mois plus tard vers celui de Nouvelle Calédonie.



"Equarquille tes esgourdes, Victor. Au moindre mouvement tu siffles, compris ?

Le vieux me fait face, sa peau est luisante ; ses yeux, deux petits orifices sombres qui me fixent".



Une écriture de facture classique, simple mais précise, parsemée de mots vieillis, voire argotiques, rend la lecture à la fois limpide et plaisante. Malgré cela, rien ne nous est épargné des atrocités endurées par les prisonniers, du manque de nourriture, du froid qui règne dans les geôles, des vêtements plus souvent proches de haillons, de la cruauté des gardiens et gradés. Impossible de ne pas s’attacher à ce Victor, encore presqu’enfant qui, la nuit, pense aux outils qui lui seraient nécessaires, il veut être cordonnier : "une paire de pinces à trois francs, un marteau à deux francs, deux tranchets à un franc…", impossible de ne pas souffrir avec lui et ses comparses, de ne pas rougir du sort qui leur est réservé, inhumain au-delà de toute limite.

L’auteur est bien documenté qui nous conte les jours par le menu, relate la Commune de Paris, narre l’arrivée des communards au bagne, le voyage vers Nouméa, long et difficile, hommes ferrés, parqués dans des cages en fond de cale, la vie sur l’île. Le rythme pour lent qu’il est au départ s’accélère vers la fin et entraîne le lecteur au pas de course, haletant, jusqu’à une fin de laquelle, naturellement, je ne vous dirai rien.



J’ai beaucoup aimé ce roman, réquisitoire contre une période noire de notre Histoire – une de plus – et véritable outil de mémoire.


Lien : https://memo-emoi.fr
Commenter  J’apprécie          122
Les enchaînés

Transportés, déportés ou relégués, qui sont ces hommes, et femmes, qui ont connu la Nouvelle-Calédonie au travers de son bagne ? Avec son roman Les Enchainés, Franck Chanloup leur donne une identité, une force et une espérance en mettant en scène le passé de ces îles.

Victor Chartieu rêve de s’installer cordonnier. Il lui suffit de vingt-quatre francs pour acheter des outils. A raison de cinq centimes d’économie par mois, Victor sait qu’il se doit d’être patient ! Seulement, du haut de ses quinze ans, il sait aussi obéir à son père.

Alors, lorsque pour vivre, son père et son grand frère se mettent à détrousser le bourgeois, Victor fait le guet, comme son père le lui demande. Et, lorsque, arrêtés, son père l’oblige à mentir au tribunal, Victor l’écoute encore. Pour l’un la liberté, pour l’autre la guillotine et pour le plus jeune, neuf petites années au bagne.

Certes, ce n’est pas le tour de France du meilleur ouvrier que propose Franck Chanloup ! C’est plutôt un tour du monde des repris de justice et, autres reléguas, qui est raconté ici. Du village de Rouillon dans la Sarthe, où la pièce à vivre protège de l’humidité et la couche des cafards jusqu’au bagne de Nouméa, en passant par la prison du Vert-Galant, le bagne de Toulon et la traversée sur Le Danae, Victor essaye de grandir en apprenant à baisser la tête pour s’épargner les coups.

Réhabiliter – Civiliser – Produire, la devise de ce chef de camp qui se voulait progressif, à l’image d’un Charles Guillain, gouverneur de cette terre qui mit en place ce système de transportation pénale. Mais, le matricule 337, porté par Victor, vit bien autrement cette maxime.

Franck Chanloup choisit de raconter les gens de peu. Au cœur de conditions de vie terribles, des sévices et des privations, des hommes, et des femmes, essayent de survivre même si le système veut à tout prix les ramener à l’état de bêtes.

Car c’est un voyage au cœur du XIXè siècle de la misère, de ce peuple qui n’a plus rien et surtout pas un soupçon de liberté. Des chaînes qui entravent, des confinements où les corps s’entassent, sans soin ni minimum de considération qu’on devra plus tard à tout être humain, les différentes conditions de détention sont clairement énoncées.

Pourtant le lecteur souhaite que ce jeune adolescent puisse un jour sortir de l’horreur qui l’accable, et cela, tout au long du roman. Victor raconte ses peurs, ses efforts pour être invisible et sa jeune force de travail. Certes, plus frêle et plus jeune de tous, il est aussi généreux et fidèle à ceux qui acceptent de lui donner sa protection. Les Enchaînés sont le récit de ces amitiés improbables qui forment comme le rite de la guirlande mais aussi qui transcendent, comme celle avec Léopold Lebeau, meneur d’hommes épris de justice, lorsque l’amour s’en mêle.

Évidemment, l’éloignement donne libre cours aux comportements de chefs sadiques qui s’appliquent avec ardeur à accomplir la tâche pour laquelle ils sont nommés : coup de fouets, punition de la ralingue et bastonnades pour maintenir peur et obéissance.

Viennent croiser le chemin du jeune homme, des personnages accablés par la vie : La mère de Bidochon passe de la plage où les enfants font des châteaux de sable à la prostitution pour survivre. Un soir de beuverie, de jeunes bagnardes sont violées dans l’indifférence de tous. Et, puis, il y a ceux que l’on déporte pour avoir célébré la République. Croyant à la parole du peuple et à l’expression de la liberté, les Communards, en tout cas ceux qui ne sont pas fusillés, se retrouvent dans ce bagne broyé par un système carcéral qui quelques années plus tard leur apportera l’amnistie. Néanmoins, moins ils reviennent, mieux s’en porte le système.

Franck Chanloup n’est pas historien. En choisissant la forme romanesque, il raconte le passé de sa terre de cœur, la Nouvelle-Calédonie, dans ce premier roman paru atypique. A part Papillon, le récit autobiographique de l’ex-bagnard en Guyane Française, Henri Charrier, adapté plusieurs fois au cinéma, la vie au bagne m’était complément inconnue.

Particulièrement attachant, Victor illumine de sa jeunesse le récit des heures sombres. L’écriture de Franck Chanloup est particulièrement soignée même si l’argot témoigne de la façon de parler de l’époque. Et, rapidement le lecteur tourne les pages pris au piège de l’espoir d’un dénouement heureux.

Bien que la fin soit un peu trop rapide à mon goût, mais aussi que dire de plus important, Franck Chanloup réussit à faire vivre des prisonniers anonymes sur cette terre française du bout du monde. Après cette découverte très agréable, impossible de regarder ces îles paradisiaques de la même façon surtout lorsqu’on songe aux pierres qui façonnent les routes …

https://vagabondageautourdesoi.com/2021/04/04/franck-chanloup-les-enchaines/
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          110
Les enchaînés

Si dans le port d’Amsterdam, y’a des marins qui chantent, dans le port de Toulon, y a des bagnards qui déchantent. Et parmi eux, Victor, 20 ans.

Victor, on le connait depuis ses 16 ans, depuis ce jour d’octobre 1868 où il accompagne son frère aîné, Alphonse, et son père dans l’énième de ces larcins qui leur permet d’arrondir les fins de mois de la famille. Arrive le jour où l’aîné plante un couteau dans la gorge d’un riche bourgeois auquel le trio tentait de soutirer quelque argent, et c’est le début d’une descente aux Enfers pour le jeune Victor. Son père lui demande de porter la culpabilité du meurtre pour ne pas mettre la femme et le fils d’Alphonse dans la mouise en leur retirant mari et père. Ainsi, l’adolescent, qui s’imaginait déjà s’accomplir dans le métier de cordonnier dont il apprend les techniques et les rouages, se retrouve-t-il à bord d’une galère judiciaire qui ne s’occupe guère de vérité mais qui, tenant un miséreux enclin aux aveux, lui offre l’Enfer : procès, jugement et condamnation à neuf ans de travaux forcés. Victor est expédié au bagne de Toulon en attendant de savoir s’il sera redirigé vers Cayenne ou Nouméa. C’est pour la Nouvelle-Calédonie que finalement il embarque afin de poursuivre le calvaire commencé dans le port toulonnais.

Ce pourrait être un roman noir, très noir, le noir du sang séché des bagnards qui endurent les supplices de gardiens tortionnaires. Et pourtant, il y a, dans la puanteur sordide des baraques ou des cales de navire, quelque chose qui ne vous fait pas plonger dans le trip d’un auteur qui se gargariserait de la dégueulasserie d’un univers où la merde et le sang règnent en maîtres. Non, l’écriture de Franck Chanloup vous maintient la tête hors de la fange, elle est claire et fluide et, adoptant le point de vue de Victor, elle se trouve empreinte d’une lumière émanant de la jeunesse, de la naïveté et de l’argot d’un jeune homme confronté au pire mais qui garde une lueur d’espoir. Une lueur entretenue en filigrane par des sentiments naissants pour un prisonnier communard, Léopold. Cet amour naissant pourrait déstabiliser l’ado mais la succession des événements dans l’horreur ne laisse pas place aux questionnements : après tout, un homme tombé à la mer ne se préoccupe pas de la couleur de la bouée qu’on lui lance, il s’y accroche coute que coute car sait que d’elle dépend sa survie. Aussi quand Léo prétend qu’il a un plan pour s’évader, Victor écoute et suit, sachant qu’il n’y aura probablement que deux dénouements possibles : la mort ou la liberté.

En conclusion, Les Enchaînés est un très bon premier roman qui a bien fait de traverser le Pacifique jusque chez nous pour porter à notre connaissance un morceau d’histoire dont on n’a pas toujours conscience. C’est un récit plein d’humanité dans ce qu’il a de violent mais aussi d’attachant, servi par une plume brillante à laquelle on souhaite un bel avenir littéraire.
Commenter  J’apprécie          110
Les enchaînés

l’histoire se déroule entre 1868 et 1873, en France, puis en Nouvelle Calédonie. Victor, suite à braquage familial perpétré avec son frère Alphonse et son père est condamné à 9 ans de réclusion criminelle qu’il effectue, au Mans, puis à Toulon et enfin au bagne de la nouvelle près de Nouméa. Les terribles conditions de détention sont abondamment illustrées par les sévices administrés par des gardiens impitoyables et frappent aussi bien les communards que les prisonniers de droit commun. Aussi effroyable soit-elle, c’est une aventure humaine qui est bien mise en perspective et nous permet de revisiter les règles carcérales du bagne à cette époque.
Commenter  J’apprécie          100
Les enchaînés

"Tribunal du Man - Mars 1869 : J'ai seize ans depuis quelques jours et je m'en vais rejoindre le bagne"



C'est à partir de cette phrase que l'on se retrouve confronté à nos émotions, avoir mal au bide, comme Victor. Il partira du Mans, descendra à Toulon et partira pour le bagne en Nouvelle-Calédonie. La partie historique du récit très interessante va nous plonger dans la misère, "enchaîné à une vie de malheur". Un roman noir, dramatique pour lequel je ne connaissais pas encore l'auteur. Une écriture qui file sous les yeux malgré les sévices, la peur, l'humiliation et toute cette noirceur autour de ces hommes, on est happé dans l'histoire.



En dehors de cette misère, une lueur : l'amour, l'espoir d'une l'évasion peut-être, mais ceci posé parcimonieusement, on le devine, on le ressent dans les paroles, leurs gestes et la solidarité qui lie ces hommes.



Victor change et par force devient plus dur, plus solide, il va rencontrer plusieurs personnes qui changeront sa détresse, dont Léo.



"C'est difficile à expliquer, c'est comme si je n'étais plus le même, comme si une force nouvelle coulait dans mes veines et qu'une peau épaisse me couvrait maintenant, une peau qui met à l'abri des autres et de la souffrance. Quand j'y pense, plus grand-chose ne peut m'atteindre et c'est un peu effrayant."



Je ne saurais comment expliquer aussi que dans toute cette ignominie les phrases de l'auteur sont très belles, un vrai plaisir dans la lecture et j'en remercie infiniment Emilie qui m'a offert ce joyaux. Je finirais par un extrait d'espoir, parce qu'il fallait bien en avoir pour survivre. J'ai lu ce roman en une après-midi je ne pouvais pas laisser Victor, ici, sans connaître le dénouement. Le ressenti de cette lecture est très fort. Un beau coup de cœur bouleversant.



"Alors on se regarde et même si on n'y croit pas vraiment, on se dit qu'un jour on pourra peut-être marcher dans une rue, la tête haute et le cœur fier. On se dit que ce cauchemar prendra fin et que la crasse et toute cette haine ne seront qu'un lointain souvenir."




Lien : https://passionlectureannick..
Commenter  J’apprécie          90
Les enchaînés

De nombreux ouvrages existent sur le bagne en Nouvelle-Calédonie, mais j’avoue n’en avoir lu aucun sinon les chapitres consacrés au sujet du Mémorial Calédonien ou de L’Encyclopédie De La Nouvelle-Calédonie (écrite par feu mon père, Denis Marion). Ça m’a toutefois suffi pour me faire une idée des conditions particulièrement éprouvantes que devaient subir les déportés.



Un auteur calédonien, José Louis Barbançon, a consacré quelques ouvrages dits « de référence » sur la question, mais le type m’insupporte tellement que la seule idée d’ouvrir un de ses bouquins me fout la gerbe.



Au niveau des fictions je n’ai pas été beaucoup plus inspiré, j’ai Le Grand Sud d’ADG qui traîne depuis des années dans mon Stock à Lire Numérique ; je l’ai commencé plus d’une fois, à chaque fois il me tombait des mains après quelques chapitres tellement sa lecture était insipide.



Il était toutefois hors de question que je passe à côté du bouquin de Franck Chanloup, même si nous ne nous connaissons que virtuellement (via nos blogs ou FB), j’ai beaucoup d’estime pour lui et je ne pouvais lui faire l’affront de snober son premier roman publié (chapeau bas pour avoir franchi le cap de l’édition).



Je n’étais toutefois pas à l’abri de ne pas adhérer pour X raisons et ça m’aurait bien emmerdé (sans toutefois m’empêcher de rédiger une chronique… ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle envers moi-même). Heureusement dès les premières pages Les Enchaînés et le récit de Victor ont balayé mes doutes et appréhensions.



Comme le rappelle fort justement Franck, il n’est pas historien et n’a pas la prétention de se revendiquer comme tel. On devine toutefois, derrière ce roman, un gros travail de documentation afin que les différents éléments de son intrigue soient crédibles. Et ça fonctionne à la perfection !



Peut être qu’un historien chevronné trouvera à redire sur certains points, perso je ne cherche pas la rigueur historique quand je lis une oeuvre de fiction, il faut juste que les personnages, le contexte et les événements collent à l’époque. Une mission dont Franck s’affranchit haut la main.



Sur la forme, le récit est à la première personne, nous plaçant directement dans la peau de Victor et nous faisant vivre les faits avec ces mots. Et c’est là un autre point fort qui séduira les amoureux de la langue française, notre narrateur ne manque pas de gouaille et ponctue son propos d’un argot qui fait du bien aux oreilles et au coeur.



Au début de son récit, Victor apparaît comme un brave couillon qui se laisse entraîner, presque malgré lui, dans les plans foireux de son paternel. Mais c’est aussi un gars qui a le coeur sur la main, il ne rechignera pas à accepter le deal de son paternel. Ce dernier endosse l’entière responsabilité du meurtre (alors que c’est Alphonse, l’aîné qui a porté le coup fatal), Victor affirmera qu’il s’est contenté d’immobiliser la victime alors que le frangin faisait simplement le guet. Un deal qui condamne le vieux à une mort certaine, mais permettra à Alphonse, déjà bien estropié par une arrestation musclée, de rejoindre sa femme et son jeune fils.



C’est ainsi que Victor va se retrouver incarcéré au Mans dans l’attente de son procès. Procès qui le condamnera à une peine de neuf ans de bagne, à Toulon pour commencer, dans l’attente de sa déportation vers la Nouvelle-Calédonie.



Si Victor n’a pas inventé la poudre, son analyse des événements n’en reste pas moins pertinente, il sait poser les mots justes sur les faits pour nous les faire ressentir jusqu’au fond des tripes.



Avec lui on découvre la dure vie du bagne, de Toulon à Nouméa, avec notamment la cruauté de certains gardiens ou directeurs de centre. Heureusement le bagne est aussi, pour les détenus, de tisser de solides liens d’amitié.



Franck nous fait vivre intensément le périple de Victor, à peine le roman refermé qu’il me tarde déjà de découvrir la suite. Oui, vous avez bien lu, suite(s) il y aura ; Les Enchaînés est le premier épisode de la série que Franck Chanloup va consacrer à Victor. Et le sagouin sait y faire pour tenir ses lecteurs en haleine, la fin de l’épisode est plutôt abrupte, impossible de ne pas trépigner d’impatience dans l’attente du second épisode.
Lien : https://amnezik666.wordpress..
Commenter  J’apprécie          80
Les enchaînés

Attention : ça cogne fort dans ce roman. Les surveillants font régner l’ordre à coup de bâtons, violemment. Et l’auteur me l’a bien fait sentir. J’en étais presque meurtrie….



Tous est prétexte à humiliation, car les bagnards ne sont que des rebuts de la société de la fin du second Empire.



J’ai aimé la toile de fond historique : la Commune de Paris, la chute du second Empire.



Je n’ai compris que tardivement le lien qui se crée entre Victor et Léo (l’auteur n’insiste pas tellement sur ce point). Son propos est ailleurs : nous donner à lire les conditions de détention des bagnards.



Une plongée dans cet enfer où la moindre loque sert de vêtements ; où tout est prétexte à vexation ; où la seule façon de sauver sa vie est de garder la tête basse et de ne pas se faire remarquer.



Un roman plein d’odeurs fortes (vomis, défécations) et de crasse, de puanteurs et de désespoirs.



Toutefois, c’est un roman de colon blanc qui laisse peu de place aux Canaques (j’en attendais plus sur ce point).



Et puis l’auteur décrit la rivalité entre le commandant du bagne de Toulon et Léo. Sauf qu’une fois à Nouméa, on n’en entend plus parler. Dommage, j’aurais aimé savoir ce qu’il se passait du côté du bagne des Communards à Nouméa.



J’ai eu un peu de mal au début de ma lecture avec l’argot de ce garçon de 16 ans. Et puis j’ai fini par m’y faire.



Une fin ouverte qui n’est pas pour me déplaire.



Un roman passionnant sur le bagne vécue de l’intérieur.



L’image que je retiendrai :



Celle des Communards enfermés et qui espèrent être libérés rapidement, sans comprendre où ils sont.
Lien : https://alexmotamots.fr/les-..
Commenter  J’apprécie          70
Les enchaînés

Pour ma toute première lecture d’octobre j’ai choisi un roman tragique, un livre qui sonne un peu comme un journal : celui d’un jeune bagnard.

C’est un voyage en enfer que vit le jeune Victor alors qu’il se rêvait cordonnier pour échapper à sa misérable condition. La plume et le vocabulaire de Franck Chanloup nous éclaboussent de cette misère, de cette saleté, de cette violence. Nous ressentons les coups, les injustices, mais aussi la jeunesse, la naïveté et l’espoir qui animent le jeune Victor.

On s’attache à lui et on est révolté par ces gardiens, ces directeurs qui au final ne valaient, bien souvent, pas mieux que les prisonniers 😠et abusaient trop souvent de leurs prérogatives.

Malgré une fin un peu trop rapide à mon goût, ce roman marque les esprits en nous faisant vivre parmi ces prisonniers et découvrir un pan d’histoire méconnue
Commenter  J’apprécie          60
Les enchaînés

Victor Chartieu, apprenti cordonnier chez André Chenaval, récite à ses moments perdus la liste chiffrée des outils à acheter pour démarrer l’activité dont il rêve. Il est malheureusement né dans une famille sarthoise de brigands. Son père, secondé par Alphonse, le fils aîné l’oblige à faire le guet lorsqu’ils cambriolent des maisons bourgeoises.



Un jour, en attaquant un bourgeois à la sortie d’un café, l’affaire tourne mal. Alphonse égorge le pauvre homme. Pour le sauver de la guillotine, le père de famille s’accuse et va même jusqu’à ordonner à Victor de protéger Alphonse, père de famille, à ses dépens. Victor, seize ans, est condamné à neuf ans de déportation au bagne.



En mai 1889, il part pour le bagne de Toulon. Entouré d’escrocs, il sera aussi rejoint par des communards, prisonniers politiques particulièrement haïs par Lapierre, le chef des gardes.



La punition mène à la rédemption et la classe dont vous êtes issus doit être éduquée et remise sur le droit chemin.



Et en matière de punition, Lapierre est un maître. Les récalcitrants sont battus avec la ralingue, une corde goudronnée ou mis au cachot. Léopold, un jeune communard qui attire Victor va y perdre de sa beauté mais jamais de sa vaillance.



Les prisonniers en arriveraient presque à espérer embarquer pour rejoindre le bagne de Nouvelle Calédonie, leur lieu ultime de détention. Mais la traversée sur la Danaé avec Lapierre se révèle profondément inhumaine.



En juillet 1872, ils arrivent au bagne de Nouméa. Victor est séparé de son ami Léo, emprisonné à Ducos, un camp réservé aux politiques. Pour Victor, avec Gia, un corse devenu son ami, il s’agit de survivre en se faisant discret pour échapper aux sévices des gardes cruels. Beaucoup de prisonniers meurent d’épuisement, de faim ou de maladies quand ils ne préfèrent pas en finir en se jetant d’une falaise.



Victor, lui, observant de loin le camp des communards, espère toujours revoir Léo, cet homme naturellement bon qui croit toujours en l’humanité et mettra tout en oeuvre pour sortir de cet enfer.



Comme beaucoup d’entre vous, je connaissais Franck Chanloup pour ses choix de lectures et ses excellentes chroniques sur son blog Franck’s books. Lorsque j’ai eu connaissance de la publication de son premier roman, je n’ai pas hésité à le lire malgré le sujet ( une histoire de bagne au XIXe siècle). Et je ne regrette pas. Franck Chanloup sait raconter les histoires en campant des personnages bien travaillés, attachants dans un contexte maîtrisé. Dès le départ, il fait le choix d’émailler son récit de quelques mots d’argot. Ces premiers contacts m’ont surprise mais ils font partie de l’époque, du milieu. Et finalement, ils définissent parfaitement ces hommes, simples, emportés dans la tourmente souvent malgré eux.



En plus de cette histoire bien construite au souffle romanesque prenant, l’auteur nous accroche avec de très beaux portraits d’hommes. Victor bien sûr mais je me souviendrai aussi de Martin, Grégoire, Gia, Le Chacal, de tous ceux qui ont croisé la route de Victor.



Bien sûr, je vous recommande la lecture de ce roman. Une fois commencé, vous ne pourrez qu’accompagner avec beaucoup d’empathie le jeune Victor dans ces épreuves inhumaines, malheureusement communes pour les laissés pour compte d’un siècle où la misère et les guerres pouvaient briser les rêves des braves, jusqu’à un dénouement que Franck nimbe d’un certain flou, juste pour vous laisser l’impression de décider de ce qui est juste.
Lien : https://surlaroutedejostein...
Commenter  J’apprécie          60
Les enchaînés

« Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient pas jouer de la musique. F. Nietzsche & Franck Chanloup. »

Poignant, lucide, « Les enchaînés » est une page certifiée de notre Histoire, percutante et nécessaire.

« Écarquille tes esgourdes, Victor. Au moindre mouvement tu siffles, compris. »

D'emblée le ton est donné.Le livre sera sombre malgré quelques rais de lumière. Qu'importe ! Ne pas se voiler le visage. Inutile d'ignorer ce qui fut et restera dans la nuit des temps. Lire et retenir, suivre cet enfant Victor, des yeux, du coeur, de toutes les latitudes. Son père veuf élève seul ses trois fils. Victor est le cadet.

« André Chenaval, c'est mon patron, quand le vieux veut bien me laisser tranquille. Il m'apprend le métier de cordonnier. Je suis son apprenti comme qui dirait. »

Son père est une brute, une bête noire. Violent et alcoolique, jaloux et sauvage, il frappe ses enfants à coups de haine et de mépris.

« Sans aucune explication, ils m'ont embarqué avec eux. Au moindre mouvement tu siffles et tu fais ce que je te dis, c'est compris ? »

Son père et son frère Alphonse vont commettre un crime. Tuant un homme afin de lui dérober son argent. Victor est obligé d'avouer aux gendarmes qu'il est complice, son frère étant marié avec un enfant, il doit se dénoncer à sa place sur ordre de son père sans état d'âme. Son père le sait pour lui-même se sera la guillotine.

« La nuit tombe, les prisonniers sont allongés au sol. »

Victor perçoit sa chute et ses rêves brisés. Lui, le cordonnier, le jeune apprenti voulait s'émanciper et s'enfuir des griffes de son père. Pourtant, autour de lui gravitent des êtres humbles et respectueux pour lui. Baume au coeur, résurgence, des sourires qui font oeuvre de thérapie.

« -Toi, tu vas t'en sortir. Avec ta belle gueule et tes cheveux soyeux, il ne peut rien t'arriver. A seize ans, tu seras bon pour la transportation. Ils ont besoin de gros bras là-bas. Dix ans maximum dans un pays neuf, c'est ce qui peut t'arriver de mieux, crois-moi. »

Mars 1869, tribunal du Mans, l'implacable pour lui. L'enfant va être condamné. Il va avec les autres prisonniers partir pour Toulon. Poulbot que l'on aime de toutes nos forces. La fraternité communicante, bagnards encerclés dans les cellules nauséabondes. Victor ne résiste qu'à la force intrinsèque de l'espérance.

« - Adepte de Proudhon, sale anarchiste, vaurien ! »

Neuf ans de terreurs pour Victor.Le périple jusqu'au bagne de Nouméa en 1872 sera de toutes les épreuves. Enfant balloté, si jeune, dans les violences intestines. A contrario la trame est si douce, si posée que l'on ressent une compassion approuvée pour ces êtres en partance. Elle est un cercle d'hommes et de femmes (Les Pétroleuses) qui s'allient pour résister aux épreuves quasi insurmontables. On a du mal à penser ce bagne réel. Pourtant là où gravitent les forts et les faibles, les soldats et les prisonniers, tant de cruautés exacerbées, les Droits de l'Homme bafoués, La Marianne sanglote.

« -Eugène, il te reste un petit truc pour mon ami ? »

L'enfant a faim, en proie au désespoir. Comment grandir dans cette orée impitoyable ?

« Mais parfois je me dis que pour un condamné à vie, la falaise doit paraître bien attirante. »

Le livre s'achève, pas l'histoire qui restera éternelle. Franck Chanloup lève le voile sur l'évasion advenue. Je ne peux en dire plus. Ici, il s'agit « Des Enfants de la Veuve. » Retenir entre vos mains, la solidarité, la camaraderie, l'alliance des Frères, les prisonniers courant sur la plage, Les enchaînés des lumières. Cet enfant Victor, cordonnier dans l'âme, oisillon tombé du nid sous les injustices, l'inégalité, les horreurs d'un bagne, arrivera-t-il à franchir la rive de concorde ? Lisez ce livre, ce perpétuel pour ne jamais oublier. C'est un devoir de mémoire. Victor est le symbole. Une urgence de lecture. Publié par les majeures Éditions Au vent des îles.







Commenter  J’apprécie          60
Les enchaînés

Contrairement à beaucoup d’auteurs qui se lancent dans l’écriture et décident un jour de publier – et on ne parle pas uniquement de lecteurs/blogueurs qui passent de l’autre côté -, on sent que Les enchaînés est une intrigue pensée, réfléchie et aboutie, qui a été écrite avec les tripes de son auteur, merveilleux conteur d’histoires que je ne soupçonnais pas tant que ça, et c’est ce qui rend la découverte incroyable. C’est donc une très agréable surprise, d’autant plus que Franck Chanloup rejoint directement la case des auteurs références, mes références bien sûr, et que ce roman restera à jamais un fantastique moment de lecture, dont je vais tenter ici de retranscrire l’intensité et la justesse. On n’est pas sortis, mais là, plus le choix, il faut se lancer !



Quand je me suis demandé par quoi j’allais commencer, tout s’est bousculé au portillon : les personnages incroyables qui habitent ce roman ? la sublime écriture ? le genre un peu historique mais vraiment pas que ça, et d’ailleurs comment le qualifier ? L’intrigue en elle-même, passionnante et inédite ? Ou alors, parler du roman en tant que tout, et pas uniquement par points saccadés ? Car là est la conclusion de ma lecture : tout est très bon dans ce livre. Rien, mais genre rien du tout, n’est légèrement en dessous d’autre chose, tout, absolument tout, m’a convaincue et emballée.

Peut-être que la façon la plus habile de parler des Enchaînés est d’abord de parler de Victor, puisqu’il est l’élément auquel tout se rattache. C’est lui que l’on découvre en premier, Victor étant le premier prénom qui surgit des pages, et ce dès la première ligne. Le lien entre ce personnage et le lecteur est donc rapidement fait, et quoi de mieux pour découvrir ce personnage que de transporter le lecteur dans sa vie miséreuse ? Il ne faudra que quelques pages pour que Victor se retrouve incarcéré et que le lecteur soit complètement happé par l’écriture de Franck Chanloup et voilà, on est dedans. Victor nous prend par la main, nous entraîne au cœur du bagne, l’auteur excellant dans la narration et les descriptions, alors même que l’on côtoie à chaque page une cruauté humaine sans nom. La maigreur des prisonniers, par exemple, n’est pas prête de sortir de ma tête tant j’ai bu les paroles de l’auteur et tant celles-ci sonnaient juste. Les maladies, les punitions, les conditions de vie, les révoltes et la terreur sont décrites avec tant de justesse que ça en devient bouleversant. Et c’est peut-être la plus grande force de ce roman, bien qu’il en ait plusieurs : l’écriture.

Il y a trop longtemps que je n’avais pas eu envie de lire un texte à voix haute, tant les mots, habilement mis bout à bout, méritent qu’on les fasse vivre. J’étais loin de penser que je m’attacherais autant au style, et j’avais encore moins anticipé la tristesse de la quitter, puis le manque après avoir refermé mon livre (que je rouvre de temps à autres pour relire certains passages qui m’ont marquée). L’ensemble est un délice et se déguste à l’infini. Qu’il aurait été dommage d’être privé de ce talent-ci qui se déploie dès le début et enivre jusqu’au dernier mot !



Si l’écriture me manque déjà, il y en a un autre que je n’aurais jamais voulu quitter : Victor. Victor et son histoire, Victor et sa personnalité, sa fragilité et sa force, Victor qui va vivre les heures les plus sombres de sa vie, les plus belles aussi, car si l’inhumanité noircit le roman, les beaux sentiments et la lumière ne sont jamais vraiment bien loin. Il est fort, ce Franck Chanloup, très fort pour nous faire passer par toutes les émotions possibles, nous plongeant à fond dans chacune d’entre-elles. Il nous torture, nous blesse, nous aime, nous achève avec cette fin incroyable qui surgit quand on ne l’attend pas et qui nous scie les pattes avant de nous abandonner, pour mieux se retrouver. Et j’espère bien, parce que des Enchaînés, je veux bien en lire des dizaines, s’ils ont cette même précision, cette beauté, cette intensité. Si la sensibilité de son auteur dégouline à chaque page, si la passion avec laquelle l’intrigue a été façonnée ressort dans chaque mot, si les personnages aussi détestables que touchants me labourent le cœur de cette façon, et si le livre m’habite avec autant de force, pendant aussi longtemps, sans jamais que la flamme ne s’attenue. Des Enchaînés, j’en veux des milliers, et j’espère que ce roman n’est que le début d’une longue série, parce que des romans pareils, je n’en serai jamais rassasiée.



Et comme dirait Franck : “J’achète ?” Et comment !!!
Lien : https://aufildelhistoire.com..
Commenter  J’apprécie          50
Les enchaînés

Franck Chanloup nous embarque dans la peau de Victor.



Histoire de mauvaises fréquentations dont il est dur de se défaire lorsqu’il s’agit de son propre paternel. Un paternel monte-en-l’air, poivrot et pas des plus bienveillant dans ses choix. Choix qui envoient son plus jeune fils dans l’univers impitoyable des bagnes.

Franck signe ici un premier roman fort à la langue douce et percutante. Son jeune héros prend de l’assurance à mesure qu’il expérimente, bien malgré lui, la dureté des changements auxquels il est confronté. Lui qui, pourtant, n’a pas grandi dans la soie, se retrouve dans l’enfer carcéral de la fin du 19ème siècle. Au contact d’autres prisonniers, sur fond de misère et de révolte populaire, le jeune Victor va découvrir une autre réalité : la cruauté des autres, leur humanité parfois et n’aura d’autre choix que de survivre dans les geôles du bagne de Toulon, en attendant sa prochaine étape : le bagne de Nouméa.



Le reste, il faut le lire, dans ce texte soupoudré d’argot et d’émotions, d’idées sur la liberté et l’amour, sur ce que c’est que de grandir trop vite, mal entouré et avec trop peu d’outils pour faire face sans courber l’échine.



Les enchainés est un roman qui vous happe, un roman qui se lit d’une traite et qui vous envoie un uppercut au menton. Roman d’apprentissage à la dure.



Papillon, le Comte de M. et Le Breton ont un nouveau compagnon sur mes étagères.

Bon vent à toi, Victor.
Commenter  J’apprécie          50
Les enchaînés

Un jeune homme de 16 ans est obligé de se dénoncer à la place de son frère, assassin lors d’un menu larcin, et se retrouve ainsi condamné au bagne en Nouvelle-Calédonie.

Quelle magnifique histoire! C’est dur, violent, pleinement réaliste et souvent touchant. Ajouté à cela une écriture vraiment délicate et une alternance parfaite entre des moments violents et d’autres plus posés voire même romantiques (oui, oui…) et vous obtenez… une petite pépite à lire à tout prix!
Commenter  J’apprécie          30




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Franck Chanloup (44)Voir plus

Quiz Voir plus

Les Philosophes des Lumières

Dans Candide, quel philosophe optimiste est tourné en ridicule par Voltaire sous les traits de Pangloss ?

Kant
Locke
Rousseau
Leibniz

10 questions
77 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}