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Citations de François Villon (134)


Epître à Marie D'Orléans ou Dit de la naissance Marie d'Orléans.

I

O louee conceptïon
Envoiee sa jus des cieulx,
Du noble lis digne sÿon,
Don de Jhesus tres precïeulx
Marie, nom tres gracïeulx,
Fons de pitié, source de grace,
La joye, confort de mes yeulx,
Qui nostre paix batist et brasse !


II

La paix, c'est assavoir des riches,
Des povres le substantament,
Le rebours des felons et chiches ;
Tres necessaire enfantement,
Conceu, porté honnestement,
- Hors le pechié originel -
Que dire je puis sainctement,
Souverain bien de Dieu eternel.


III

Nom recouvré, joye de peuple,
Confort des bons, des maulx retraicte,
Du doulx seigneur premiere et seule
Fille de son cler sang extraicte,
Du dextre costé Clovis traicte,
Glorïeuse ymage en tous fais,
Ou hault ciel cree et pourtaicte
Pour esjouÿr et donner paix.


IV

En l'amour et craint de Dieu
Es nobles flancs Cesar conceue,
Des petis et grans en tout lieu
A tres grande joye receue,
De l'amour Dieu traicte et issue
Pour les discordez ralïer
Et aux encloz donner yssue,
Leurs lïans et fers deslïer !


V

Aucunes gens, qui bien peu sentent,
Nourriz en simplesse et confiz,
Contre le vouloir Dieu attentent,
Par ignorance desconfiz,
Desirans que feussiez ung filz ;
Mais qu'ainsy soit, ainsi m'aist Dieux
Je croy que ce soit grans proufiz ;
Raison : Dieu fait tout pour le mieulx.


VI

Du Psalmiste je prens les dictz :
Delectasti me, Domine,
In factura tua, si diz :
Noble enfant, de bonne heure né,
A toute doulceur destiné,
Manna du Ciel, celeste don,
De tous bienfaits le guerdonné
Et de noz maulx le vray pardon.


VII

Euvre de Dieu digne, louee
Autant que nulle creature,
De tous biens et vertus douee,
- Tant d'esperit, que de nature
Que de ceulx qu'on dit d'adventure -
Plus que rubis noble ou balais ;
Selon de Caton l'escripture,
Patrem insequitur proles.


VIII

Port asseuré, maintient rassiz
Plus que ne peut nature humaine,
Et eussiez des ans trente six ;
Enfance en rien ne vous demaine.
Que jour ne le die et sepmaine,
Je ne sçay qui le me deffant.
Ad ce propoz ung dit ramaine :
De saige mere saine enfant.


IX

Dont resume ce que j'ay dit :
Noua progenies celo,
Car c'est du poete le dit,
Jamjam demittitur alto .
Saige Cassandre, bele Echo,
Digne Judith, caste Lucresse,
Je vous cognois, noble Dido,
A ma seule dame et maitresse.


X

En priant Dieu, digne pucelle,
Qu'i vous doint longue et bonne vie,
- Qui vous ayme, ma damoiselle,
Ja ne coure sur luy envie ! -
Entiere dame et assouvie,
J'espoir de vous servir ainçoys,
Certes, se Dieu plaist, que devie
Vostre povre escolier Françoys.
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Le Lais - extraits.

I

L'an quatre cens cinquante six,
Je, Françoy Villon, escollier,
Considerant, de sens rassis,
Le frain aux dens, franc au collier,
Qu'on doit ses euvres conseillier,
Comme Vegece le racompte,
Sage Rommain, grant conseillier,
Ou autrement on se mescompte...


II

En ce temps que j'ay dit devant,
Sur Noël, morte saison,
Que les loups se vivent du vent
Et qu'on se tient en sa maison,
pour le frimas, pres du tyson,
Me vint ung vouloir de briser
La tres amoureuse prison
Qui faisoit mon cueur debriser.


III

Je le feiz en telle façon,
Voyant celle devant mes yeult
Consentant a ma deffaçon,
Sans ce que ja luy en fust mieulx ;
Dont je me dueil et plains aux cieulx,
En requerant d'elle vengance
A tous les dieux venerïeux,
Et du grief d'amours allegence.


IV

Et se j'ay prins en ma faveur
Ces doulx regars et beaux semblans
De tres decevante saveur
Me tresparsans jusques aux flans,
Bien ils ont vers moy les piés blancs
Et me faillent au grant besoing :
Planter me fault aultres complans
Et frapper en ung aultre coing.


V

Le regard de celle m'apris
qui m'a esté fellone et dur ;
Sans ce qu'en riens j'aye mesprins,
Veult et ordonne que j'endure
La mort, et que plus je ne dure.
Si n'y vois secours que fouïr ;
Rompre veult la vive soudure
Sans mes pitieux regrets ouïr.


VI

Pour obvier a ses dangiers,
Mon mieulx est, ce croy, de partir.
A Dieu ! Je m'en vois a Angers,
Puis qu'el ne me veult impartir
Sa grace ne me departir.
Par elle meurs, les membres sains ;
Au fort, je suys amant martir,
Du nombre des amoureux sains.


VII

Combien que le depart me soit
Dur, si fault il que je l'eslongne ;
Comme mon povre sens consoit,
Aultre que moy est en quelongne,
Dont oncques soret de Boulongne
Ne fut plus alteré d'humeur.
C'est pour moy piteuse besongne :
Dieu en vueille ouÿr ma clameur !


VIII

Et puys que departir me fault
Et du retour ne suis certain
(Je ne suis homme sans deffault,
Ne qu'aultre d'assier ne d'estain ;
Vivre aux humains est incertain
Et aprés mort n'y a relaiz)
- Je m'en vois en pays lointain -,
Si establit ce present laiz.


IX

Premierement, ou nom du Pere,
Du Filz et Saint Esperit,
Et de sa glorïeuse Mere
Par qui grace riens ne perit,
Je laisse, de par Dieu, mon bruyt
A maistre Guillaume Villon,
Qui en l'onneur de son nom bruyt,
Mes tentes et mon pavillon.


X

Item, a celle que j'ay dit
Qui si durement m'a chassé
Que je suis de joye interdit
Et de tout plaisir dechassé,
Je laisse mon cueur enchassé,
Palle, pitieux, mort et transy.
Elle m'a ce mal pourchassé,
Mais Dieu luy en face mercy !
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Prince, aux dames Parisiennes,
de beau parler donnez le pris
quoy qu'on die d'Italiennes,
il n'est bon bec que de paris
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Ballade Des Dames Du Temps Jadis:
Dites moy ou, n'en quel pays
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, né Thaïs
Qui fut sa cousine germaine,
Echo parlant quand bruyt on maine
Dessus rivière ou sus estan
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d'antan?
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d'antan?
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Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
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François Villon
Regrets

Je plains le temps de ma jeunesse,
Auquel j'ai plus qu'autre galé
Jusqu'à l'entrée de ma vieillesse,
Qui son partement m'a celé.
Il ne s'en est à pied allé
N'a cheval:hélas!comment donc?
Soudainement s'en est volé
Et ne m'a laissé quelque don.
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L’ÉPITAPHE

EN FORME DE BALLADE

Que feit Villon pour luy et ses compagnons, s’attendant estre pendu avec eulx.


Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cueurs contre nous endurciz,
Car, si pitié de nous pouvres avez,
Dieu en aura plustost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six :

Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s’en rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

Se vous clamons, frères, pas n’en devez
Avoir desdaing, quoyque fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous sçavez
Que tous les hommes n’ont pas bon sens assis ;
Intercedez doncques, de cueur rassis,
Envers le Filz de la Vierge Marie,
Que sa grace ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l’infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

La pluye nous a debuez et lavez,
Et le soleil dessechez et noirciz ;
Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez,
Et arrachez la barbe et les sourcilz.
Jamais, nul temps, nous ne sommes rassis ;
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d’oyseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrairie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

ENVOI.

Prince Jesus, qui sur tous seigneurie,
Garde qu’Enfer n’ayt de nous la maistrie :
A luy n’ayons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n’usez de mocquerie
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
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RONDEAU

Repos eternel donne à cil,
Lumière, clarté perpétuelle,
Qui vaillant plat ny escuelle
N’eut oncques, n’ung brin de percil.
Il fut rez, chef, barbe, sourcil,
Comme ung navet qu’on ree et pelle.
Repos eternel donne à cil.

Rigueur le transmit en exil,
Et luy frappa au cul la pelle,
Nonobstant qu’il dist : J’en appelle !
Qui n’est pas terme trop subtil.
Repos eternel donne à cil.
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4/
XXXIX.

Je congnoys que pauvres et riches,
Sages et folz, prebstres et laiz,
Noble et vilain, larges et chiches,
Petitz et grans, et beaulx et laidz,
Dames à rebrassez colletz,
De quelconque condicion,
Portant attours et bourreletz,
Mort saisit sans exception.

XL.

Et mourut Paris et Helène.
Quiconques meurt, meurt à douleur.
Celluy qui perd vent et alaine,
Son fiel se crève sur son cueur,
Puys sue Dieu sçait quelle sueur !
Et n’est qui de ses maulx l’allège :
Car enfans n’a, frère ne sœur,
Qui lors voulsist estre son pleige.

XLI.

La mort le faict fremir, pallir,
Le nez courber, les veines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Joinctes et nerfs croistre et estendre.
Corps feminin, qui tant est tendre,
Polly, souef, si precieulx,
Te faudra-il ces maulx attendre ?
Ouy, ou tout vif aller ès cieulx.
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3/
XXVII.

Le dict du Saige est très beaulx dictz,
Favorable, et bien n’en puis mais,
Qui dit : « Esjoys-toy, mon filz,
A ton adolescence ; mais
Ailleurs sers bien d’ung autre mectz,
Car jeunesse et adolescence
(C’est son parler, ne moins ne mais)
Ne sont qu’abbus et ignorance. »

XXVIII.

Mes jours s’en sont allez errant,
Comme, dit Job, d’une touaille
Sont les filetz, quant tisserant
Tient en son poing ardente paille :
Lors, s’il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains rien qui plus m’assaille,
Car à la mort tout assouvyst.


XXIX.

Où sont les gratieux gallans
Que je suyvoye au temps jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faictz et en dictz ?
Les aucuns sont mortz et roydiz ;
D’eulx n’est-il plus rien maintenant.
Respit ils ayent en paradis,
Et Dieu saulve le remenant !

XXX.

Et les aucuns sont devenuz,
Dieu mercy ! grans seigneurs et maistres,
Les autres mendient tous nudz,
Et pain ne voyent qu’aux fenestres ;
Les autres sont entrez en cloistres ;
De Celestins et de Chartreux,
Bottez, housez, com pescheurs d’oystres :
Voilà l’estat divers d’entre eulx.

XXXI.

Aux grans maistres Dieu doint bien faire,
Vivans en paix et en requoy.
En eulx il n’y a que refaire ;
Si s’en fait bon taire tout quoy.
Mais aux pauvres qui n’ont de quoy,
Comme moy, Dieu doint patience ;
Aux aultres ne fault qui ne quoy,
Car assez ont pain et pitance.

XXXII.

Bons vins ont, souvent embrochez,
Saulces, brouetz et gros poissons ;

Tartres, flans, œufz fritz et pochez,
Perduz, et en toutes façons.
Pas ne ressemblent les maçons,
Que servir fault à si grand peine ;
Ils ne veulent nulz eschançons,
Car de verser chascun se peine.

XXXIII.

En cest incident me suys mys,
Qui de rien ne sert à mon faict.
Je ne suys juge, ne commis,
Pour punyr n’absouldre meffaict.
De tous suys le plus imparfaict.
Loué soit le doulx Jesus-Christ !
Que par moy leur soit satisfaict !
Ce que j’ay escript est escript.

XXXIV.

Laissons le monstier où il est ;
Parlons de chose plus plaisante.
Ceste matière à tous ne plaist :
Ennuyeuse est et desplaisante.
Pauvreté, chagrine et dolente,
Tousjours despiteuse et rebelle,
Dit quelque parolle cuysante ;
S’elle n’ose, si le pense-elle.

XXXV.

Pauvre je suys de ma jeunesse,
De pauvre et de petite extrace.
Mon pere n’eut oncq grand richesse.
Ne son ayeul, nommé Erace.
Pauvreté tous nous suyt et trace.
Sur les tumbeaulx de mes ancestres,

Les ames desquelz Dieu embrasse,
On n’y voyt couronnes ne sceptres.

XXXVI.

De pouvreté me guermentant,
Souventesfoys me dit le cueur :
« Homme, ne te doulouse tant
Et ne demaine tel douleur,
Se tu n’as tant qu’eust Jacques Cueur.
Myeulx vault vivre soubz gros bureaux
Pauvre, qu’avoir esté seigneur
Et pourrir soubz riches tumbeaux ! »

XXXVII.

Qu’avoir esté seigneur !… Que dys ?
Seigneur, lasse ! ne l’est-il mais !
Selon ce que d’aulcun en dict,
Son lieu ne congnoistra jamais.
Quant du surplus, je m’en desmectz.
Il n’appartient à moy, pecheur ;
Aux theologiens le remectz,
Car c’est office de prescheur.

XXXVIII.

Si ne suys, bien le considère,
Filz d’ange, portant dyadème
D’etoille ne d’autre sydère.
Mon pere est mort, Dieu en ayt l’ame,
Quant est du corps, il gyst soubz lame…
J’entends que ma mère mourra,
Et le sçait bien, la pauvre femme ;
Et le filz pas ne demourra.
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François Villon
2/
XIV.

Je suys pecheur, je le sçay bien ;
Pourtant Dieu ne veult pas ma mort,
Mais convertisse et vive en bien ;
Mieulx tout autre que peché mord,
Soye vraye voulenté ou enhort,
Dieu voit, et sa misericorde,
Se conscience me remord,
Par sa grace pardon m’accorde.

XV.

Et, comme le noble Romant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement,
Qu’on doit jeune cueur, en jeunesse,
Quant on le voit vieil en vieillesse,
Excuser ; helas ! il dit voir.

Ceulx donc qui me font telle oppresse,
En meurté ne me vouldroient veoir.

XVI.

Se, pour ma mort, le bien publique
D’aucune chose vaulsist myeulx,
A mourir comme ung homme inique
Je me jugeasse, ainsi m’aid Dieux !
Grief ne faiz à jeune ne vieulx,
Soye sur pied ou soye en bière :
Les montz ne bougent de leurs lieux,
Pour un paouvre, n’avant, n’arrière.

XVII.

Au temps que Alexandre regna,
Ung hom, nommé Diomedès,
Devant luy on luy amena,
Engrillonné poulces et detz
Comme ung larron ; car il fut des
Escumeurs que voyons courir.
Si fut mys devant le cadès,
Pour estre jugé à mourir.

XVIII.

L’empereur si l’arraisonna :
« Pourquoy es-tu larron de mer ? »
L’autre, responce luy donna :
« Pourquoy larron me faiz nommer ?
« Pour ce qu’on me voit escumer
« En une petiote fuste ?
« Se comme toy me peusse armer,
« Comme toy empereur je fusse.


XIX.

« Mais que veux-tu ! De ma fortune,
« Contre qui ne puis bonnement,
« Qui si durement m’infortune,
« Me vient tout ce gouvernement.
« Excuse-moy aucunement,
« Et sçaches qu’en grand pauvreté
« (Ce mot dit-on communément)
« Ne gist pas trop grand loyaulté. »

XX.

Quand l’empereur eut remiré
De Diomedès tout le dict :
« Ta fortune je te mueray,
« Mauvaise en bonne ! » ce luy dit.
Si fist-il. Onc puis ne mesprit
A personne, mais fut vray homme ;
Valère, pour vray, le rescript,
Qui fut nommé le grand à Romme.

XXI.

Se Dieu m’eust donné rencontrer
Ung autre piteux Alexandre,
Qui m’eust faict en bon heur entrer,
Et lors qui m’eust veu condescendre
A mal, estre ars et mys en cendre
Jugé me fusse de ma voix.
Necessité faict gens mesprendre,
Et faim saillir le loup des boys.

XXII.

Je plaings le temps de ma jeunesse,
Ouquel j’ay plus qu’autre gallé,

Jusque à l’entrée de vieillesse,
Qui son partement m’a celé.
Il ne s’en est à pied allé,
N’à cheval ; las ! et comment donc ?
Soudainement s’en est vollé,
Et ne m’a laissé quelque don.

XXIII.

Allé s’en est, et je demeure,
Pauvre de sens et de sçavoir,
Triste, failly, plus noir que meure,
Qui n’ay ne cens, rente, n’avoir ;
Des miens le moindre, je dy voir,
De me desadvouer s’avance,
Oublyans naturel devoir,
Par faulte d’ung peu de chevance.

XXIV.

Si ne crains avoir despendu,
Par friander et par leschier ;
Par trop aimer n’ay riens vendu,
Que nuls me puissent reprouchier,
Au moins qui leur couste trop cher.
Je le dys, et ne croys mesdire.
De ce ne me puis revencher :
Qui n’a meffait ne le doit dire.

XXV.

Est vérité que j’ay aymé
Et que aymeroye voulentiers ;
Mais triste cueur, ventre affamé,
Qui n’est rassasié au tiers,
Me oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu’un s’en recompense,

Qui est remply sur les chantiers,
Car de la panse vient la danse.

XXVI.

Bien sçay se j’eusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dedié,
J’eusse maison et couche molle !
Mais quoy ? je fuyoye l’escolle,
Comme faict le mauvays enfant…
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend.

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CY COMMENCE
LE
GRANT TESTAMENT
DE
FRANÇOIS VILLON
FAIT EN 1461

I.1/


En l’an trentiesme de mon eage,
Que toutes mes hontes j’eu beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage.
Nonobstant maintes peines eues,
Lesquelles j’ay toutes receues
Soubz la main Thibault d’Aussigny.
S’evesque il est, seignant les rues,
Qu’il soit le mien je le regny !

II.

Mon seigneur n’est, ne mon evesque ;
Soubz luy ne tiens, s’il n’est en friche ;
Foy ne luy doy, ne hommage avecque ;
Je ne suis son serf ne sa biche.
Peu m’a d’une petite miche
Et de froide eau, tout ung esté.

Large ou estroit, moult me fut chiche.
Tel luy soit Dieu qu’il m’a esté.

III.

Et, s’aucun me vouloit reprendre
Et dire que je le mauldys,
Non fais, si bien me sçait comprendre,
Et rien de luy je ne mesdys.
Voycy tout le mal que j’en dys :
S’il m’a esté misericors,
Jésus, le roy de paradis,
Tel luy soit à l’ame et au corps !

IV.

S’il m’a esté dur et cruel
Trop plus que cy ne le racompte,
Je vueil que le Dieu eternel
Luy soit doncq semblable, à ce compte !…
Mais l’Eglise nous dit et compte
Que prions pour nos ennemis ;
Je vous dis que j’ay tort et honte :
Tous ses faictz soient à Dieu remis !

V.

Si prieray Dieu de bon cueur,
Pour l’ame du bon feu Cotard.
Mais quoy ! ce sera doncq par cueur,
Car de lire je suys faitard.
Priere en feray de Picard ;
S’il ne le sçait, voise l’apprandre,
S’il m’en croyt, ains qu’il soit plus tard
A Douay, ou à Lysle en Flandre !


VI.

Combien souvent je veuil qu’on prie
Pour luy, foy que doy mon baptesme,
Obstant qu’à chascun ne le crye,
Il ne fauldra pas à son esme.
Au Psaultier prens, quand suys à mesme,
Qui n’est de beuf ne cordoen,
Le verset escript le septiesme
Du psaulme de Deus laudem.

VII.

Si pry au benoist Filz de Dieu,
Qu’à tous mes besoings je reclame,
Que ma pauvre prière ayt lieu
Verz luy, de qui tiens corps et ame,
Qui m’a preservé de maint blasme
Et franchy de vile puissance.
Loué soit-il, et Nostre-Dame,
Et Loys, le bon roy de France !

VIII.

Auquel doint Dieu l’heur de Jacob,
De Salomon l’honneur et gloire ;
Quant de prouesse, il en a trop ;
De force aussi, par m’ame, voire !
En ce monde-cy transitoire,
Tant qu’il a de long et de lé ;
Affin que de luy soit memoire,
Vive autant que Mathusalé !

IX.

Et douze beaulx enfans, tous masles,
Veoir, de son très cher sang royal,

Aussi preux que fut le grand Charles,
Conceuz en ventre nuptial,
Bons comme fut sainct Martial.
Ainsi en preigne au bon Dauphin ;
Je ne luy souhaicte autre mal,
Et puys paradis à la fin.

X.

Pour ce que foible je me sens,
Trop plus de biens que de santé,
Tant que je suys en mon plain sens,
Si peu que Dieu m’en a presté,
Car d’autre ne l’ay emprunté,
J’ay ce Testament très estable
Faict, de dernière voulenté,
Seul pour tout et irrevocable :

XI.

Escript l’ay l’an soixante et ung,
Que le bon roy me delivra
De la dure prison de Mehun,
Et que vie me recouvra,
Dont suys, tant que mon cueur vivra,
Tenu vers luy me humilier,
Ce que feray jusqu’il mourra :
Bienfaict ne se doibt oublier.

Icy commence Villon à entrer en matière pleine d’erudition et de bon sçavoir.


XII.

Or est vray qu’apres plaingtz et pleurs
et angoisseux gemissemens,

Après tristesses et douleurs,
Labeurs et griefz cheminemens,
Travail mes lubres sentemens,
Esguisez comme une pelote,
M’ouvrist plus que tous les Commens
D’Averroys sur Aristote.

XIII.

Combien qu’au plus fort de mes maulx,
En cheminant sans croix ne pile,
Dieu, qui les Pellerins d’Esmaus
Conforta, ce dit l’Evangile,
Me montra une bonne ville
Et pourveut du don d’esperance ;
Combien que le pecheur soit vile,
Riens ne hayt que perseverance.
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Dites-moi, où et en quel pays
Est Flora, la belle romaine,
Alcibiade et Thaïs
Qui fut sa cousine germaine ?
Écho, qui parle quant on fait du bruit
Au-dessus d'une rivière ou d'un étang
Et eut une beauté surhumaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

Où est la très savante Héloïse
Pour qui fut émasculé puis se fit moine
Pierre Abélard à Saint-Denis ?
C'est pour son amour qu'il souffrit cette mutilation.
De même, où est la reine
Qui ordonna que Buridan
Fût enfermé dans un sac et jeté à la Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

La reine blanche comme un lys
Qui chantait comme une sirène,
Berthe au Grand Pied, Béatrice, Alix,
Erembourg qui gouverna le Maine,
Et Jeanne, la bonne lorraine
Que les Anglais brûlèrent à Rouen,
Où sont-elles, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

ENVOI
Prince, gardez-vous de demander, cette semaine
Ou cette année, où elles sont,
De crainte qu'on ne vous rappelle ce refrain :
Mais où sont les neiges d'antan ?
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Inicum putes qui te presentem laudabit
(Estime comme ton ennemi celui qui te louera en ta présence)
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