Citations de François de Salignac de La Mothe Fénelon (176)
Les hommes veulent tout avoir, et ils se rendent malheureux par le désir de superflu.
Le vrai courage ne se laisse jamais abattre.
L'ennui, qui dévore les autres hommes au milieu même des délices, est inconnu à ceux qui savent s'occuper par quelques lectures. Heureux ceux qui aiment lire.
(" Les aventures de Télémaque")
Heureux ceux qui se divertissent avec des problèmes qui élèvent l'âme et enrichissent l'esprit.
La curiosité des enfants est un penchant de la nature qui va comme au-devant de l'instruction ; ne manquez pas d'en profiter.
Le peuple même (il faut tout dire), qui vous a tant aimé, qui a eu tant de confiance en vous, commence à perdre l'amitié, la confiance, et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus ; il est plein d'aigreur et de désespoir. La sédition s'allume peu à peu de toutes parts. Ils croient que vous n'avez aucune pitié de leurs maux, que vous n'aimez que votre autorité et votre gloire. Si le roi, dit-on, avait un cœur de père pour son peuple, ne mettrait-il pas plutôt sa gloire à leur donner du pain, et à les faire respirer après tant de maux, qu'à garder quelques places de la frontière, qui causent la guerre ? Quelle réponse à cela, Sire ? Les émotions populaires, qui étaient inconnues depuis si longtemps, deviennent fréquentes. Paris même, si près de vous, n'en est pas exempt. Les magistrats sont contraints de tolérer l'insolence des mutins, et de faire couler sous main quelque monnaie pour les apaiser ; ainsi on paye ceux qu'il faudrait punir. Vous êtes réduit à la honteuse et déplorable extrémité, ou de laisser la sédition impunie et de l'accroître par cette impunité, ou de faire massacrer avec inhumanité des peuples que vous mettez au désespoir en leur arrachant, par vos impôts pour cette guerre, le pain qu'ils tâchent de gagner à la sueur de leurs visages.
Extrait d'une lettre adressée à Louis XIV en 1694
C’est simple amour de soi, d’être inconsolable à la vue de ses propres imperfections ; mais se tenir face à face avec elles ; sans les flatter ni les tolérer, cherchant à se corriger sans devenir irritable, -c’est là désirer ce qui est bon en soi, et pour l’amour de Dieu.
Il y a deux sortes de maladies des hommes : les unes involontaires et innocentes, les maladies du corps ; les autres volontaires, la méchanceté et la violence, qui rendent le malade coupable.
Je ne crains plus ni mer, ni vents, ni tempêtes ; je ne crains plus que mes passions. L'amour est lui seul plus à craindre que tous les naufrages.
Pour moi, je veux savoir si les choses sont vraies avant que de les trouver belles. ( Dialogues sur l'éloquence, I )
Le vrai courage ne se laisse jamais abattre
..Au lieu de tirer de l'argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l'aumône et le nourrir.. Tout le royaume ayant été ruiné, vous avez tout entre vos mains, et personne ne peut plus vivre que de vos dons .. Cett gloire qui endurcit votre coeur, vous est plus chère que la justice, que votre propre repos, que la conversation de vos peuples, qui périssent tous les jours de maladies causées par la famine..
Ils sont presque tous bergers et laboureurs. On voit en ce pays peu d'artisans ; car ils ne veulent souffrir que les arts qui servent aux véritables nécessités des hommes ne laissent pas d'exercer les arts nécessaires pour leur vie simple et frugale.
Souvenez-vous, ô Télémaque, qu’il y a deux choses pernicieuses, dans le gouvernement des peuples, auxquelles on n’apporte presque jamais aucun remède : la première est une autorité injuste et trop violente dans les rois ; la seconde est le luxe, qui corrompt les mœurs.
Quand les rois s’accoutument à ne connaître plus d’autres lois que leurs volontés absolues, et qu’ils ne mettent plus de frein à leurs passions, ils peuvent tout : mais à force de tout pouvoir, ils sapent les fondements de leur puissance ; ils n’ont plus de règles certaines, ni de maximes de gouvernement ; chacun à l’envi les flatte ; ils n’ont plus de peuple, il ne leur reste que des esclaves, dont le nombre diminue chaque jour. Qui leur dira la vérité ? qui donnera des bornes à ce torrent ? Tout cède ; les sages s’enfuient, se cachent, et gémissent. Il n’y a qu’une révolution soudaine et violente qui puisse ramener dans son cours naturel cette puissance débordée : souvent même le coup qui pourrait la modérer l’abat sans ressource.
Fuyez, Télémaque, fuyez ! on ne peut vaincre l’Amour qu’en fuyant. Contre un tel ennemi, le vrai courage consiste à craindre et à fuir ; mais à fuir sans délibérer, et sans se donner à soi-même le temps de regarder jamais derrière soi.
C’est dommage que Molière ne sache pas écrire.
« L’espérance est une divinité qui n’a ni temples ni autels que dans nos cœurs » .
Le cerveau des enfants est comme une bougie allumée dans un lieu exposé au vent : sa lumière vacille toujours.
DIALOGUES DES MORTS
COMPOSÉS POUR L’ÉDUCATION
DE Mgr LE DUC DE BOURGOGNE
I
MERCURE ET CHARON
Comment ceux qui sont préposés à l’éducation des princes doivent travailler à corriger leurs vices naissants, et à leur inspirer les vertus de leur état.
Charon. — D’où vient que tu arrives si tard ? Les hommes ne meurent-ils plus ? Avais-tu oublié les ailes de ton bonnet ou de ton chapeau ? T’es-tu amusé à dérober ? Jupiter t’avait-il envoyé loin pour ses amours ? As-tu fait le Sosie ? Parle donc, si tu veux.
Mercure. — J’ai été pris pour dupe ; car je croyais mener dans ta barque aujourd’hui le prince Picrochole : c’eût été une bonne prise.
Charon. — Quoi ! si jeune ?
Mercure. — Oui, si jeune. Il avait la goutte remontée, et criait comme s’il eût vu là mort de bien près.
Charon. — Eh bien ! l’aurons-nous ?
Mercure. — Je ne me fie plus à lui ; il m’a trompé trop souvent. À peine fut-il dans son lit, qu’il oublia son mal et s’endormit.
Charon. — Mais ce n’était donc pas un vrai mal ?
Mercure. — C’était un petit mal qu’il croyait grand ; il a donné bien des fois de telles alarmes. Je l’ai vu, avec la colique, qui voulait qu’on lui ôtât son ventre. Une autre fois, saignant du nez, il croyait que son âme allait sortir dans son mouchoir.
Charon. — Comment ira-t-il à la guerre ?
Cet homme paraît faire tout ce qu'il veut ; mais il s'en faut bien qu'il ne le fasse. Il fait tout ce que veulent ses passions féroces. Il est toujours entraîné par son avarice, par sa crainte, par ses soupçons. Il paraît maître de tous les autres hommes ; mais il n'est pas maître de lui-même, car il autant de maîtres et de bourreaux qu'il a de désirs violents.