Citations de Françoise Dorner (46)
Toutes ces vies différentes qu'elle côtoyait se ressemblaient, finalement. Les mêmes malheurs, les mêmes joies, les mêmes envies, les mêmes déceptions. Ce qui revenait couramment chez les gens qui avaient déjà fait le plus gros du chemin, c'était leur obligation de faire tant d'efforts pour qu'on ne les oublie pas, de sourire pour continuer à être bien vus, même si le fond était profondément désenchanté. Ils ne pouvaient plus se permettre de faire des vagues, de montrer leur vrai caractère alors, ils composaient, ils faisaient comme si, et cela leur permettait de continuer à être acceptés en société. Mais était-ce une vie de donner le change ?
- A la télé, j'ai entendu une comédienne dire que les livres, ça console de tout.
-C'est stupide. Un livre, c'est un miroir, un écho, parfois une réponse, le plus souvent un supplément de questions. Ça souligne, ça illumine ou ça obscurcit, mais ça ne console de rien.
Je suis resté avec ma canne, ma chemise et ma cravate tachées qui maintenant me faisait honte.
J'ai dû prendre un taxi, anéanti par ce brusque rappel à l'ordre, ce retour à la réalité. Sur quoi peut déboucher une rencontre entre une vie qui se termine et une autre qui commence ? Le malentendu, l'illusion, la pitié. Je n'avais qu'à m'en prendre à moi-même. Je savais très bien ce que je risquais en me livrant à la gentillesse d'une inconnue. Je savais très bien que la moindre attention pour un homme de mon âge peut lui être fatale. L'indifférence tue à petit feu, mais la douceur assassine.
Un enfant gâté, c'est comme une dent gâtée. Je m'imaginais devenir une énorme carie à cause des sucreries de ma mère et je lui en voulais.
Vous connaissez mon prénom? Même pas ! Je m'appelle Liz, à cause de Liz Taylor. Ma mère l'aimait beaucoup. Mais je n'ai pas eu sa vie. Le prénom çà fait pas tout.
J'ai repensé à notre rencontre.Deux solitudes qui se croisent, l'une connaissant les règles du jeu, mettant l'intelligence et l'instruction au-dessus de tout,sacrifiant le coeur et la bonté à l'obligation morale, et l'autre, instinctive et sensible,sachant spontanément donner de l'amour et de l'attention, sans créer de malentendus.
Un livre, c'est un miroir, un écho, parfois une réponse, le plus souvent un supplément de questions. Ça souligne, ça illumine ou ça obscurcit, mais ça ne console de rien.
Cette jeune fille, avec ses mots simples et sa lucidité sans gêne, était d'une cruauté qu'elle ne soupçonnait pas. L'attirance que j'éprouvais pour elle n'était ni charnelle ni même sentimentale, du moins j'essayais de m'en convaincre, mais l'évidence avec laquelle elle en réfutait l'hypothèse me faisait mal. Et j'étais furieux contre moi. Pire. Vexé de réagir ainsi. j'aurai voulu la désirer pour de bon, afin de pouvoir lutter avec toute ma force de caractère contre un élan sexuel hors d'âge, mais le corps ne suivait pas et la "force de caractère" demeurait sans objet. Rien ne se construirait entre nous. Pas même un rempart.
Il a ramassé par terre un grand caleçon, style Damart.
- C'est à lui? Vous l'avez gardé en souvenir?
- Je lui ai offert à Noël. Il ne l'a jamais porté.
(...)
- Ben, je l'essaie. Moi, j'adore les cadeaux.
(...)
Le déménageur est revenu. Il portait juste le caleçon. Sur lui, c'était carrément superbe. Ce n'était plus un sous-vêtement contre le froid, ça devenait de la lingerie érotique."
Son mari vient de l'oublier au cimetière.
Venez, on va faire quelques pas au bord de la Seine, il fait beau, ça vous fera du bien. Vous êtes si pâle.
J’ai hoché la tête, nous avons traversé le quai de Grenelle et nous avons rejoint l’allée des Cygnes, juste en dessous de la statue de la Liberté. Je commençais à me détendre. Se promener à deux, sans but, ce qui m'arrive rarement avec mon mari, était très agréable, j’en avais presque oublié la Mucha pendant quelques minutes. Et même ce coup de vent impromptu qui a soulevé ma jupe m’a fait rire, quand je l’ai rabaissée de justesse.
Vincent s’est retourné vers moi :
– Vous avez l’air d'aller mieux.
– Oui. Merci de votre patience.
Avec le temps, on finit par obtenir ce qu’on attend.
– Encore faut-il savoir ce qu'on veut.
Il n’a pas répondu. On a fait le tour de la petite île, au rythme des pipis de Charly, et on est revenus devant le centre commercial de Beaugrenelle, en échangeant des platitudes sur les pistes cyclables désertes qui augmentaient la pollution en multipliant les embouteillages. Au moment de se quitter, il s’est approché de mon visage, et, machinalement, je l’ai repoussé :
– Non, pas sur le front, s’il vous plaît. p. 47
Je m'en suis voulu d'être aussi vieux, non pas pour l'âge, mais pour la perte de confiance en l'autre, au fil des années, à force de subir l'indifférence, la désinvolture, les trahisons.
Entre un bonheur ancien qui entrait en restauration et un amour impossible qui, cinq étages plus haut, commençait à s'épanouir, la plus improbable des familles était en train de naître.
Bientôt, sur le piano du couloir qu'il avait réaccordé, François se mettrait à composer une mélodie sur laquelle Violette inscrirait des paroles. Leur chanson s'appellerait "Quelque chose de lui". Et Richard serait presque aussi fier d'eux que de lui-même.
Qu'importe si les voisins jasaient sur ce ménage à trois : ils étaient quatre, et les chemins du mensonge avaient mené chacun à la réalisation de son rêve
Quand on vieillit, les gens vous quittent pour de nouvelles rencontres comme s'ils clôturaient un compte.
La force sereine de ceux qui ont compris que le bonheur acquis est la seule réponse valable au malheur d'origine.
Falllait-il lui faire prendre conscience que plus on monte dans l'échelle sociale et culturelle, plus les rapports sont faussés, plus le mensonge est présent, les intentions dénaturées et les blessures rouvertes ?
Je pensais à la dérision de nos gestes. Je la voyais elle, dans une chambre de passage, et moi dans ma salle de bain, nous acharnant sur nos emballages pour essayer de vivre le mieux possible, chacun à sa manière, un instant unique.
Avoir si peu à exprimer encore, et personne pour écouter.
J'avais envie de crier ma joie, ce qui ne m'était pas arrivé depuis la retraite. Quelqu'un s'intéressait à moi, je ne me sentais plus transparent, inutile, périmé.
" La vie n'est qu'un concept. "