Citations de Friedrich von Schiller (211)
KARL : Voyez, mes yeux sont dessillés! Quel fou j'étais de vouloir retourner à ma cage! Mon esprit a soif d'action, j'aspire à la liberté de tout mon souffle! Brigands, meurtriers! Ce mot seul suffisait à mettre la loi sous mes pieds. Les hommes m'ont caché l'humanité au moment où j'en appelais à l'humanité. Loin de moi sympathies et ménagements humains! Je n'ai plus de père, je n'ai plus d'amour, le sang et la mort m'apprendront à oublier que quelque chose ait jamais pu m'être cher. Venez, venez! Oh! je vais me donner de la distraction d'une manière effroyable! C'est entendu, je serai votre capitaine. Et bonheur parmi au maître qui allumera les plus féroces incendies et tuera le plus cruellement, car, je vous le dis, il en sera royalement récompensé. Faites tous le cercle autour de moi, et jurez-moi fidélité et obéissance, jusque dans la mort! Prêtez serment sur cette dextre virile!
Acte I, scène 2.
L'amour est par essence un libre consentement ; la mort nous libère de devoirs imposés par force...
GUILLAUME TELL : Je dois sans répit poursuivre un but fugitif. Car je ne puis jouir vraiment de la vie qu'après l'avoir chaque jour atteint de nouveau.
Ainsi, nous devons sur notre propre héritage, sur le sol paternel, nous réunir à la sauvette, comme font les assassins, et pendant la nuit, qui n'offre son noir manteau qu'au crime et à la conspiration qui toujours craint la lumière... Tout cela pour conquérir notre bon droit qui pourtant est clair et net.
Confédérés ! Tous les moyens pondérés ont-ils été essayés ? Peut-être le roi ne sait-il pas, peut-être n'est-ce pas sa volonté que nous endurions cela. Nous devrions tenter ce dernier recours, lui faire entendre notre plainte, avant de brandir l'épée. Même lorsque la cause est juste, la violence est toujours terrible.
CARLOS
Maintenant, chez le roi!
Je ne crains plus rien. Mon bras sur ton bras,
Je provoque mon siècle en combat singulier.
FRANZ : Sagesse populaire, crainte populaire! Il n'est pas encore dit que le passé n'est pas bien passé, et qu'un œil regarde par-dessus les étoiles.
KARL : N'es-tu pas chatouillé du désir d'acquérir gloire et réputation ? Ne veux-tu pas acheter l'immortalité par le meurtre et l'incendie ? Retiens cela, jeune ambitieux ! Il ne pousse pas de lauriers pour les meurtriers et les incendiaires. Les victoires des bandits ne leur valent pas le triomphe, mais la malédiction, le danger, la mort, la honte.
TELL : Vous ne pouvez pas sérieusement exiger cela d'un père !
GESSLER : Tu tireras la pomme de la tête de ton garçon... Je le veux et l'exige.
TELL : Je devrais, avec mon arbalète viser la tête chérie de mon propre enfant... Plutôt mourir !
GESSLER : Tu tires ou tu meurs, et ton fils avec toi.
TELL : Je devrais me faire l'assassin de mon fils ! Seigneur, vous n'avez pas d'enfants... vous ne savez pas ce qui bat dans le cœur d'un père.
Tremblez devant l'esclave quand il brise sa chaîne.
SPIEGELBERG : J'ai tiré du couvent pour plus de mille écus, et le plaisir par-dessus le marché, et mes gars leur ont laissé des souvenirs qu'elles auront à porter pendant neuf mois.
(Ich hab' aus dem Kloster mehr denn tausend Taler Werts geschleift, und den Spass obendrein, und meine Kerls haben ihnen ein Andenken hinterlassen, sie werden ihre neun Monate dran zu schleppen haben.)
FRANZ : C'est ton père : il t'a donné la vie, tu es sa chair, son sang, il doit donc être sacré pour toi. Voilà encore un raisonnement plein d'astuce. Je demanderais pourtant : pourquoi m'a-t-il fait ? pourtant pas par amour pour moi, qui devais seulement être appelé à l'existence ? M'a-t-il connu avant de me faire, a-t-il pensé à moi en me faisant ? A-t-il souhaité que je sois, en me faisant ? Savait-il ce que je serais ? Je ne le lui conseille pas, autrement j'aurais à le punir de m'avoir fait quand même. Puis-je lui en savoir gré, si je suis devenu un homme ? tout aussi peu que je pourrais l'accuser s'il avait fait de moi une femme. Puis-je reconnaître un amour qui n'est pas fondé sur la reconnaissance de mon moi ? Cette reconnaissance pouvait-elle exister, alors que ce moi ne devait être appelé à l'existence que par cet amour dont il doit être la condition préalable ? Où y a-t-il là quelque chose de sacré ? Peut-être dans l'acte même qui m'a appelé à la vie ? Comme si cet acte était autre chose qu'un bestial procédé pour la satisfaction d'un désir bestial ?
(Es ist dein Vater ! Er hat dir das Leben gegeben, du bist sein Fleisch, sein Blut – also sey er dir heilig ! Wiederum eine schlaue Konsequenz ! Ich möchte doch fragen, warum hat er mich gemacht ? doch wol nicht gar aus Liebe zu mir, der erst ein Ich werden sollte ? Hat er mich gekannt ehe er mich machte ? Oder hat er an mich gedacht, wie er mich machte ? Oder hat er mich gewünscht, da er mich machte ? Wußte er was ich werden würde ? das wollt ich ihm nicht rathen, sonst möcht ich ihn dafür strafen, daß er mich doch gemacht hat ? Kann ichs ihm Dank wissen, daß ich ein Mann wurde ? So wenig als ich ihn verklagen könnte, wenn er ein Weib aus mir gemacht hätte. Kann ich eine Liebe erkennen, die sich nicht auf Achtung gegen mein Selbst gründet ? Konnte Achtung gegen mein Selbst vorhanden seyn, das erst dadurch entstehen sollte, davon es die Voraussetzung seyn muß ? Wo stikt dann nun das Heilige ? Etwa im Aktus selber durch den ich entstund ? – Als wenn dieser etwas mehr wäre als viehischer Prozeß zur Stillung viehischer Begierden ?)
HEDWIGE : Puis-je oublier ce qu'il aurait pu advenir... Dieu du ciel ! Même si je vivais jusqu'à quatre-vingts ans... je reverrai éternellement l'enfant attaché, le père le viser, éternellement cette flèche m'atteindra au cœur.
MELCHTAL : Femme, si vous saviez comme le bailli l'avait exaspéré !
HEDWIGE : Ah, cœur rude des hommes ! Quand leur fierté est offensée, plus rien ne compte, ils exposent à ce jeu plein de fureur aveugle la tête d'un enfant et le cœur d'une mère !
Pauvre aveugle qu'égare un vain éclat ! Méprise ton pays natal ! Rougis de la piété antique de tes pères ! C'est avec de chaudes larmes qu'à la fin tu regretteras ton pays et les montagnes de tes pères.
Vous et votre or (...) vous avez porté la lamentation en ce monde vous croyez tout réparer par de l'or...
Cette préoccupation, très-louable d'ailleurs, de poursuivre partout le bien moral comme le but suprême, préoccupation qui a déjà fait éclore et patronné, dans l'art, tant de choses médiocres, a causé aussi, dans la théorie, un semblable préjudice. Pour convier les beaux-arts à prendre un rang vraiment élevé, pour leur concilier la faveur de l'État, la vénération de tous les hommes, on les pousse hors de leur domaine propre : on leur impose une vocation qui leur est étrangère et tout à fait contraire à leur nature. […] On trouve illogique que ce même art, qui contribue dans une si grande mesure au développement de ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme, ne produise cet effet qu'accessoirement, et fasse sa préoccupation principale d'un but aussi vulgaire qu'on se figure qu'est le plaisir.
Les rêves les plus effrayants me hantent,
Tels des Furies abyssales. Irrésolu,
Mon bon ange combat d'atroces desseins.
Mon esprit accablé rampe et se traîne dans
Le labyrinthe de ses sophismes, jusqu'à
Vaciller devant l'abrupte béance d'un précipice...
AMALIA : Et j'ai fait cette expérience ; tous les hommes ne vivent que pour etre tristement enlevés par la mort. Tout ce à quoi nous nous intéressons, tout ce que nous acquérons, nous le perdons dans la douleur.
FRANZ : Je patauge déjà, enfoncé jusqu'aux oreilles dans le péché mortel. Ce serait folie pour le nageur de faire demi-tour si loin déjà de la rive qu'il a quittée. Il ne faut plus songer à la regagner.
(Bin ich doch ohnehin schon biß an die Ohren in Todsünden gewatet daß es Unsinn wäre zurükzuschwimmen, wenn das Ufer schon so weit hinten liegt – Ans Umkehren ist doch nicht mehr zu gedenken.)
KOSINSKY : Je t'en prie, digne capitaine, ne me repousse pas. [...]
KARL : Réfléchis bien, mon fils, songes-y, je te donne ici les conseils d'un père. Apprends à connaître la profondeur de l'abîme avant d'y sauter. Si tu es encore capable de saisir une seule joie au monde — il pourrait venir un instant où tu te réveillerais — et alors il serait peut-être trop tard. Ici, tu seras en quelque manière sorti de l'humanité.
Acte III, Scène 2.