Citations de Gabriel Garcia Marquez (1316)
On discernait à peine les contours des dômes des couvents et des églises dans la brume du crépuscule, quand un nuage de chauves-souris, fonçant sur nous, tournoya au ras de nos têtes, et nous ne dûmes qu'à leur science de ne pas être jetés à terre. Le bruit de leurs ailes était pareil à un roulement de tonnerre, et elles laissaient à chacun de leur passage un remugle de mort.
Quelqu’un dit que le choléra faisait des ravages dans les bourgs de la grande Ciénaga.
Tandis qu’il parlait, le docteur Urbino continuait de regarder avec la longue-vue. « Eh bien ! ce doit être une forme très particulière du choléra, dit-il, parce que chaque mort a reçu un coup de grâce dans la nuque."
Les autres, les plus fiers, attendaient encore une lettre dans la pénombre de la charité publique, crevant de faim, survivant par colère, moisissant de vieillesse dans l'exquis merdier de la gloire.
.........où le silence semblait venir d'ailleurs, un silence qui n'avait pas encore servi et qui paraissait d'autant plus lourd à remuer pour que la voix se transmît. Parfois, on n'entendait pas trés bien ce qui était prononcé à cinquante centimètres de distance mais les mêmes paroles s'avéraient tout à fait compréhensibles à l'autre bout de la plantation.
C'était comme si Dieu avait résolu de mettre à l'épreuve leur faculté de s'étonner et voulait maintenir les habitants de Macondo dans ce perpétuel va-et-vient entre le plaisir et le désenchantement, le doute et la révélation, tant et si bien qu'à la limite, nul ne savait déjà plus de science certaine où commençait et où finissait la réalité.
Au début, la curiosité multiplia la clientèle du quartier réservé, et l'on sut même que de trés respectables dames se déguisaient en gens du peuple pour aller voir de plus prés cette nouveauté du phonographe, mais les gens l'examinèrent tant et si bien, et de si prés, qu'ils en arrivèrent trés vite à la conclusion qu'il ne s'agissait pas de moulins à sortilèges, comme tout le monde pensait et que l'affirmaient les matrones, mais d'une vulgaire mécanique qui ne pouvait se comparer avec quelque chose d'aussi émouvant, d'aussi humain, d'aussi chargé de vérité quotidienne qu'un orchestre de musiciens.
Aureliano le Second décida qu'il fallait la ramener à la maison et l'héberger mais ses bonnes résolutions se heurtèrent à l'intransigeance sans faille de Rebecca, qui avait eu besoin de tant d'années de souffrance et de misère pour conquérir les privilèges de la solitude, et n'était plus disposée à y renoncer en échange d'une vieillesse troublée par les illusoires attraits de la miséricorde.
Je ne sais pas très bien quelles connaissances j'ai acquises pendant ma captivité au lycée. En revanche, pendant ces quatre années passées en bonne entente avec tout le monde, j'ai gagné une vision unitaire de la nation, découvert notre diversité, compris que nous étions tous utiles à quelque chose et qu'à nous tous nous étions le pays tout entier. C'était peut-être cela que le ministère entendait par échanges culturels.
"C'était enfin la vraie vie, mon coeur était sauf et j'étais condamné à mourir d'amour au terme d'une agonie de plaisir un jour quelconque après ma centième année."
... ce qui me revenait sans cesse à l'esprit, en même temps que l'horreur à la vue du cadavre, c'était l'ennui des soirées chez le Belge. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, en sortant de chez lui, je déclarai à mon grand-père :
"Le Belge ne jouera plus jamais aux échecs."
C'était une banalité, mais à la maison mon grand-père la commenta comme une trouvaille géniale. Les femmes la citèrent avec tant d'enthousiasme que, pendant un certain temps, je refusai de voir nos invités par crainte qu'on ne la répète devant moi ou qu'on ne m'oblige à la répéter. Cela me fit découvrir une particularité des adultes qui m'a été très utile quand je suis devenu écrivain : chacun enjolivait son histoire de détails nouveaux de son propre cru, au point que les versions n'avaient plus rien à voir avec l'original. ... Aujourd'hui, je me rends compt que cette phrase toute simple a été mon premier succès littéraire.
J’ai compris ce jour-là combien nous, les femmes, nous sommes seules au monde !
L’amour aussi, ça s’apprend !
page 83
Il était corpulent, avec le faciès d'une tortue, portait une barbe dorée et un bonnet phrygien qu'il mettait pour sortir la nuit, et il ne lui manquait qu'une ribambelle de clochettes pour ressembler à Saint Nicolas. Une fois par semaine au moins il disparaissait avec une oiselle de nuit, ainsi qu'il appelait celles qui, nombreuses, vendaient des amours d'urgence dans un hôtel de passe pour marins. Lorsqu'il connut Florentino Ariza, la première chose qu'il fit, non sans une certaine et magistrale délectation, fut de l'initier aux secrets de son paradis. Mais Florentino Ariza n'acceptait pas : il était vierge et avait décidé de ne cesser de l'être que par amour.
L 'hotel était un palais colonial déchu, dont les grands salons et les appartements de marbre avaient été divisés en alcôves de carton percées de trous d'aiguilles que l'on pouvait louer pour faire ou pour voir.......
//---- Titre original : La Mala Hora ----//
//---- Langue originale : Espagnol (Colombie) ----//
Il n'existe pas de geste qui n'en coûte un peu à qui en bénéficie.
Le lieutenant est en train de sombrer.
Et il s'enfonce un peu plus chaque jour parce qu'il a découvert un plaisir
dont on ne revient pas :
petit à petit, et sans beaucoup de bruit,
il devient riche.
//---- Titre original : Crónica de una muerte anunciada ----//
//---- Citation d'ouverture ----//
« La chasse à l'amour est chasse de haut vol. »
GIL VICENTE
//---- Langue originale : espagnol (Colombie) ----//
On l'avait installé là en pensant peut-être que c'était la place d'honneur,
et les invités le bousculaient, le confondaient avec quelqu'un d'autre,
le déplaçaient, à droite, à gauche pour ne pas qu'il gêne,
et lui, remuait sa tête neigeuse de tous côtés avec cette expression errante
des aveugles de fraîche date,
répondant à des questions qui ne lui étaient pas destinées
ou à de brefs saluts qu'on ne lui adressait pas,
heureux dans son enclos d'oubli (...)
...Rebecca, qui avait eu besoin de tant d'année de souffrance et de misère pour conquérir les privilèges de la solitude (p251)
souffrant ensemble le torrent irréparable des jours que ni lui ni elle
ne pouvaient arrêter. Jeremiah de Saint-Amour aimait la
vie avec une passion insensée, il aimait l’amour et la mer,
il aimait son chien et il l’aimait elle, et à mesure que la
date approchait il avait peu à peu succombé au désespoir
comme si sa mort ne relevait pas d’une résolution
personnelle mais d’un destin inexorable.