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Citations de Gabriel Kevlec (33)


— T’es avec un daddy, ça fait quoi ?
— Bah… Déjà, gay, t’imagines même pas ce qu’on se prend dans la gueule, parfois… alors avec un mec qui a deux fois mon âge…
— Oh là là, stop ! D’abord, il a pas deux fois ton âge. Bon sang, l’IUFM aurait jamais dû te donner l’autorisation d’enseigner les maths… Ensuite, c’est pas pour rien si le trip daddy/jeune est dans les premières recherches de porno hein ! C’est super excitant !
— Tu… tu mates du porno gay ?!
— Évidemment ! J’aime les hommes. J’aime voir de belles érections. Alors, le porno gay, c’est top ! Et puis, franchement, quelle femme tripe sur des ongles de cinq centimètres qui s’approchent d’une chatte ou sur des couinements super aigus et parfaitement calés sur le rythme de Stayin’ Alive ? Perso, les Bee Gees m’ont jamais fait mouiller, et si je veux me faire mettre le minou en charpie, je vais chez le gynéco me faire faire le frottis annuel avec son speculum toucher Black & Decker. Alors que des mecs qui bandent et qui grognent de plaisir en s’en prenant plein le cul… c’est super hot ! … Bah, fais pas cette tête, j’t’enverrai des liens si ça te branche !
Les deux mains sur la bouche, Cédric mime un profond malaise surjoué avant de pouffer.
— Okay… Donc ma sœur est une…
— Femme.
— J’allais plutôt dire…
— T’allais dire une connerie. Bon, bref, tu es donc avec un homme de cinquante ans. T’es heureux ?
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— Il t’aime.

— Il me baise. Nuance.

— Et tu l’aimes.

— Et j’suis baisé. Dans tous les sens du terme.
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Le temps filait, hémorragique, emportant ma retenue, celle que l’on appelle souvent à tort dignité et qui n’est finalement qu’un masque de peur que l’on colle sur ce que l’on voudrait dire.
— C… On va se revoir ?
— Oui. On va se revoir, c’est obligé. Tu me dois une dernière danse.
La mélodie des Drifters s’extirpa du tréfonds de mes souvenirs. Je la murmurai sans y plaquer les accords, la transformant en prière.

“But don't forget who's taking you home
And in whose arms you're gonna be
So darlin', save the last dance for me”

— Quand ?
— C’est sans doute mieux si on ne prévoit pas. Avec les prévisions, y a toujours le risque de se planter, et d’être déçu. Regarde, il était prévu qu’il fasse beau au-jourd’hui…
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Ce prix à payer était immense, mais chaque fois que j’avais été prêt à renoncer, il m’avait cédé une autre miette, un sourire, un geste, jetant de l’huile sur mes flammes. Mon brasier s’appelait désormais addiction. Et j’étais encerclé.
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Et dans ce laps de temps infime entre le cliquetis de la notification et l’apparition du message l’ayant déclenchée, je m’autorisais toujours ce rêve imbécile de cet homme qui me contacterait pour me connaître. On se rencontrerait, on se raconterait, et on ferait sortir quelque chose de ce charnier.
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"L'impact de ton poing serré la faucha net. Ce fut brutal et humiliant. Douloureux. Le sang éclatant perla de mon nez jusque sur mon t-shirt bariolé, y laissant des motifs torturés qui ne partiraient pas. Immédiatement, j'ai été révulsé par ce liquide épais et tiède coulant de mes narines jusque dans ma bouche, et par ce goût métallique désormais inextricablement associé à ta présence."
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"Quand je le vis.
"Je le devinai" serait sans doute un terme plus juste. Furtivement, entre deux bouteilles de gin. Un éclat de blond cendré presque blanc. Lumineux. Mon coeur s'arrêta un instant. Une vague glacée remonta le long de mes membres. Une violente décharge dans le ventre. Un coup de poing imaginaire qui vida instantanément mes poumons, et la pièce, et le monde entier, de tout l'oxygène disponible."
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Quand je le vis.
« Je le devinai » serait sans doute un terme plus juste. Furtivement, entre deux bouteilles de gin. Un éclat de blond cendré presque blanc. Lumineux. Mon cœur s’arrêta un instant. Une vague glacée remonta le long de mes membres. Une violente décharge dans le ventre. Un coup de poing imaginaire qui vida instantanément mes poumons, et la pièce, et le monde tout entier, de tout l’oxygène disponible.
Il était juste derrière moi. Un mauvais rêve solidifié. Un cosmos tout entier dans une enveloppe de chair. Un corps gracile qui criait la jeunesse, enfermé dans un jean noir trop moulant et une chemise gris perle froissée. Des bras longs et fins, un bassin étroit, des coudes pointus, il respirait l’aristocratie à plein nez. Une œuvre d’art échouée au milieu de tous ces corps vulgaires et sales. Quand il se tourna gracieusement vers le bar, deux orbes gris croisèrent mon regard dans le miroir, et il marqua l’arrêt. Sous les cheveux coiffés avec soin et gominés vers l’arrière, le visage diaphane se figea. Les pupilles se firent acier liquide, immenses. Il m’avait reconnu.
Impossible de détacher mes yeux de son visage. Il avait gardé à travers les années cet aspect étrange lui donnant l’air de ne pas vraiment exister, cette beauté froide, mais indéniable. Ses lèvres fines et pâles, mais bien dessinées, étaient pour le moment entrouvertes de stupéfaction, mais j’aurais juré qu’elles portaient encore en elles les rictus narquois dont elles m’avaient si souvent gratifié. La peau d’une blancheur presque transparente brillait sous les lampes basses comme si la lune s’y reflétait.
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Je ne sais plus qui de nous deux a effacé les quelques centimètres nous séparant encore, mais l’instant d’après, ses lèvres étaient posées sur les miennes. Ni mordantes, ni dévorantes, ni même ouvertes, juste posées, présentes. Réelles. Il ne m’embrassait pas, il posait son sourire sur moi, avec cette rudesse de garçon, cette peau de garçon piquetée de virilité en germe, ces gerçures de garçon que l’air du dehors avait ouvertes, ce souffle de garçon venu du fond du ventre. L’instant d’après, j’étais devenu un homme.
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Lorsqu’il s’assit dans l’herbe juste à côté de moi, son épaule frôla la mienne, juste un instant. Une seconde. Peut-être deux. Une éternité. Ce simple contact m’ouvrit la porte d’une prescience extraordinaire, et je sus.
Je sus l’odeur de sa sueur et la force de ses bras ; je sus la vigueur de ses reins et l’ambroisie de sa salive ; je sus le goût de ses cris et la douceur infinie qui serait mon royaume à l’orée des sylves érectiles, là, juste là, cette dizaine de centimètres carrés de peau où je me voyais déjà allonger mon corps et ma déraison le temps de quelques minutes, quelques siècles tout au plus.
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Et puis, il est venu.

Avez-vous déjà ressenti l’amorce du soulèvement, l’aurore de cette première effervescence du monde ? Cette vibration, qui n’est encore qu’une ébauche de promesse, au seuil de l’extase infinie des possibles, comme dans l’œil du cyclone initial ?
N’avez-vous jamais éprouvé dans votre poitrine la germination imperceptible de cette graine, le frémissement infime, confus, ce presque rien qui bouleverse votre espace intérieur ?
Le chaos.
L’apnée.
Ses yeux…
Jamais je n’ai pu oublier cette sensation, celle d’avoir brusquement fusionné avec quelque chose de démesuré et d’indestructible, celle d’avoir été projeté hors du temps, à un endroit où les secondes se comptent en regards et où les heures se lisent sur les lèvres.
Un coup du sort.
Le coup de foudre.
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J’ai la tête pleine de ces mots, maintenant que je n’entends plus les siens…
« Le plus beau jour de ma vie ».
« L’amour de ma vie ».
« Pour la vie ».
Ces expressions existent dans toutes les langues du monde. Elles célèbrent l’amour, la réussite, l’engagement, avec pour toile de fond cette unité maîtresse de référence : la vie.
Une vie humaine. À peu près quatre-vingts ans pour un homme. Vingt-neuf mille deux cents jours. Et sur ces quelques dizaines de milliers de fois où le Soleil s’est levé au-dessus de nous, certaines journées s’ancrent dans la mémoire. Façonnent notre histoire. Font de nous ce que nous sommes. Nous bâtissent. Nous détruisent.
On ne sait jamais en se réveillant qu’aujourd’hui sera le jour le plus important de notre vie.
On n’en prend conscience que lorsque la nuit tombe, lorsque des dizaines, des centaines de nuits sont tombées, lorsque vient le temps du bilan, le moment de se raconter à quelqu’un ou au silence.

Pour moi, l’heure est venue.
Puisque vous êtes là, puisque nous sommes seuls, et même si je n’ai pas révolutionné le monde ni fait d’immenses découvertes, même si je n’ai pas marqué la grande Histoire des hommes, j’aimerais vous confier mes souvenirs. Me raconter à vous. Vous conter, moi aussi, le plus beau jour de ma vie, l’amour de ma vie. Implacable, le temps pille mes souvenirs, mais je ferai de mon mieux pour ne rien oublier. C’est si fragile au fond, la mémoire…

Toute histoire a un début. Une naissance. Un incipit. Je vais donc, si vous le permettez, commencer par le commencement.

Je m’appelle Thomas Alderson, et le 14 novembre 1965, aux alentours de treize heures, je suis mort.
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Ce bleu-là.
Celui qu’il admirait à l’écran, une aura fantomatique poudroyant autour de la minuscule photo de profil. Un bleu de mer des tropiques. Un bleu vif, vivant, vibrant ; un bleu qui donnait envie de plonger. Une nuance fantasque qui lui avait sauté à la rétine. Homme céleste aux yeux de faon. Garçon azur.
Ce fut cette couleur qui le décida. Cette couleur qui bouleversa sa vie.
Le battement d’ailes. La tornade.
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"C'était sans compter sur la mémoire du corps. On a beau prier l'amnésie de toutes ses forces, certains gestes restent gravés à tout jamais. Tout comme la marque sur mon genou, symbole de ma gaucherie légendaire à vélo, tu es resté là, empreinte invisible et immuable sur ma peau depuis cette minute. Juste une pulsation sous mes doigts, juste une déflagration sur mes lèvres.
Une sensation résiduelle."
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D’abord, les odeurs m’assaillirent. Je me laissai surprendre par une extase olfactive. Le parfum des fleurs par milliers et de la terre m’imprégna, et mes yeux se fermèrent sous le poids de la perfection. J’honorai ce sanctuaire. Ton sanctuaire.
Ensuite, l’image m’arriva, splendeur en léger différé. Je fus subjugué par la vue idyllique de ce jardin ensoleillé exubérant de vie, qui n’avait jamais connu ni le vent ni la pluie.
Enfin, je t’aperçus, au fond de l’allée principale de cette serre immense, toi, le seul qui avait le droit de fouler ce lieu sacré. L’éclat de tes cheveux platine sous le soleil levant se mariait délicieusement avec les effluves de chèvrefeuille d’hiver. Artémis elle-même n’aurait pu peindre tableau plus parfait. Tu étais enfin devant moi. Une incarnation.
J’étais totalement envoûté, captivé. J’étais le païen qui assistait médusé à un miracle. De loin, je t’observais, je te vénérais. Plusieurs minutes furent ainsi sacrifiées sur l’autel de ma contemplation. Les dernières semaines d’agonie s’effacèrent sous la nappe de sérénité qui m’enveloppa à la simple idée d’être là, dans le même lieu que toi, respirant le même air. J’étais enfin en paix.
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Et puis j’ai croisé tes yeux. Subitement, sans que j’y prenne garde, la glace a fondu. Ton regard m’a redonné vie. Il fut le feu qui a traversé mon hiver, le vent qui a balayé les débris de ma vie d’avant, la terre que j’ai à nouveau sentie sous mes pieds, et l’eau qui a lavé mes plaies. Qui suis-je pour lutter contre les forces élémentaires ? Tu es arrivé dans mon monde et tu l’as fait tien, tu t’es fait roi incontesté, désiré et attendu. Un roi sans noblesse, sans retenue, sans mesure, mais un roi indubitablement, un roi de chair, de force et de chaleur. Tu m’as ramené à la vie. Ce que j’ai refusé de voir jusqu’à maintenant, c’est que ce fut au détriment d’un morceau de la tienne. Carnassier, j’ai arraché de mes canines un large lambeau de ta chair, et t’ai haï de ne pas m’en céder davantage. Cinq mois à te culpabiliser, cinq mois à attendre l’autorisation d’être là, avec toi, ce soir et puis celui d’après aussi peut-être, ultime privilège, et me repaître de ta voix qui a fendu mon âme. Toi, tu comblais mon attente en passant de bras en bras, tu allongeais ma peine en naviguant de lit en lit. J’ai pris perpète. J’aurais dû en profiter. Je le vois maintenant, à l’éclairage vacillant de la douleur véritable.
Le manque est une sensation affreuse. Tu t’effrites dans mon âme en tessons coupants comme des rasoirs. Déjà, dans ma tête, la sonorité de ta voix a changé, elle n’a plus la même texture, le même velouté. Je suis un putain de camé, il m’en faut plus, je veux l’entendre encore et encore, il me faut ma dose.
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Cet homme me faisait ressentir des sentiments que je n’avais pas souvenir d’avoir éprouvés un jour pour quelqu’un d’autre que moi-même. Tomber amoureux n’est pas une expression assez forte. J’avais trébuché, dégringolé, et l’impact avait été mémorable. C’était… terrifiant. Comme il y a quinze ans. Les années n’avaient pas comblé le vide, même si j’avais essayé de me persuader du contraire. C’était comme s’il était d’un coup devenu limpide que je n’étais plus entier par moi-même, comme si j’avais été mis devant l’évidence de mon incomplétude. Et en même temps, c’était comme être en permanence entouré d’une étrange chaleur, comme être détenteur d’un secret connu de nous seulement. Est-ce que j’étais digne de ça ?
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J’espère que la pipe c’est comme le vélo, sinon je plains le prochain !
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Les gouttes de pluie tombant sur le toit voisin emplissaient la pièce de battements sourds, semblables à ceux qui annonçaient le début d’une partie de Jumanji ; il lui fallait lancer les dés, ou tout enterrer sous la terre lourde des mensonges par omission.
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" Sans trembler, sans une once d'hésitation, je te fis face et tout mon corps t'appela. Je n'étais que persuasion. Mon royaume, ma vie entière pour te reprendre et créer avec toi une symphonie de notes olfactives qui ne serait qu'à nous. Notre parfum (...)
Les souvenirs déferlèrent dans mon esprit, et dans le tien aussi, j'espérais, et je parvins presque à y sentir la fraîcheur verte des matins à deux, mémoire ouverte sur le petit oranger que ma fenêtre (*) surplombait. Ce serait l'arôme de tête. (...)
Une peur profonde m'envahit, étrilla mon dos comme une épine de rose, là où coulait une goutte amère de sueur froide. Ce serait l'arôme de coeur. (...)
La vanille de tes cheveux, envoûtante, se diffusa dans ma tête. Ce serait l'arôme de fond. "

Pages 172-173. D'Andrew à Milton.

(*) l'oranger, ici élément narratif symbolique, devient central dans "le choix de l'oranger."
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