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218 pages
Ex Aequo (15/09/2020)
4.62/5   26 notes
Résumé :
Lors d’une fête d’anciens élèves du lycée Old Quay, Andrew Wells, enquêteur de la Criminelle à Londres, croise le docteur Milton Montgomery, un psychiatre récemment embauché par son chef. Dès le premier regard remontent à la surface des souvenirs au goût de peur, de sang… et une attirance irrépressible qui l’avait brisé. L’homme qu’il est devenu s’est enfermé dans un royaume de solitude et de coups d’un soir, courant après l’oubli et la jeunesse éternelle au fond de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Après mon coup de coeur stratosphérique pour le Choix de l'Oranger, la cicatrice indélébile que ce roman a laissé dans mon âme et l'attachement particulier que j'ai pour son auteur, lire Cordons me rendait un peu fébrile, un stress inattendu me chatouillant l'épiderme et des papillons dansant la sarabande au creux de mon estomac. Et si j'étais déçue ? Et si, pour une obscure raison, Andrew et Milton ne réussissaient pas à m'emporter dans leur monde ? Et si je n'aimais pas, tout simplement ? Mais il fallait bien que je me lance, alors...

Lundi 26 juillet, 15H15, je me plonge enfin dans Cordons, après plus de deux longs mois d'attente... et, consentante, je me laisse enchaîner par Andrew et Milton, dans les épissures compliquées de sentiments exacerbés, de mots qui caressent et de mots qui blessent. Mes yeux se posent sur les premiers mots, dévalent les pages, se glissent entre les lignes et mille sensations me traversent, une myriade d'émotions me submerge...J'y suis...Et plus moyen de reculer.

Je me sens emportée au large, ballottée par les vagues, prise dans les filets des tourments d'Andrew qui me submergent telle une lame de fond. Les mots se font caressants et je frissonne. Les phrases s'enroulent autour de moi et je frémis. Les sentiments, violents, virevoltent et tourbillonnent. J'ai le vertige. Les sons claquent et la musique des mots fuse. Ça me déchire. Je coule. Je bois les paroles de ces deux hommes qui se déchirent alors qu'ils s'aiment tellement, je touche de la pulpe du doigt chaque pensée arrachée et j'expire dans un dernier soupir. Je me noie.

Cette histoire est terriblement belle et bouleversante. Un zeste de poésie pour un grand bol d'Amour. Un style, une plume. L'originalité des deux protagonistes qui se parlent en pensée. Cela donne une force inégalée au texte, celui-ci étant sublimé par des mots qui ravagent, disloquent puis reconstruisent. C'est unique. Et comme à chaque fois avec cet auteur, ces mots m'ont tour à tour broyé le coeur, enchanté l'âme et fait naître des frissons de délice sur la peau.

Car oui ! le mot qui définit le mieux la plume de cet auteur est "délicieuse''. Délicieusement poétique et érotique, délicieusement romantique et élégante, délicieusement gracieuse et captivante. Un délice qui nous emporte entre les bras de ses héros incroyablement attachants, dans une histoire qui nous parle d'Amour et de pardon. D'espoir. On souffre avec eux, et on pleure pour eux. On a aussi parfois envie de leur crier d'arrêter de se faire du mal. Surtout Andrew. Ah Drew ! Sans conteste mon préféré, celui qu'on a envie de serrer dans ses bras et protéger, jusqu'à l'apaisement...

Et soudain, le mot terrible. Épilogue.

Et là, le vide...Fallait-il vraiment que je me détache de Drew et Milton, que j'avais appris à aimer passionnément malgré leurs failles ? Après avoir été possédée par les mots de ce texte enivrant, je me sentais soudain dépossédée, orpheline et perdue. Éperdue. Par cette passion qui érige l'Amour au-delà de l'éternel, au-delà du dicible, au-dessus de tout...Deux hommes. Une seule âme. Deux coeurs enlacés dans les branches d'un oranger. Deux âmes soeurs qui tempêtent et se tourmentent au son de leurs sentiments orageux. Deux âmes soeurs qui s'effleurent et se caressent, telles deux nuages qui s'embrassent sur un fond de ciel bleu.

Ce roman était incroyablement bien écrit, vous vous en doutez, mais ne vous attendez pas à une enquête poussée comme pourrait le suggérer le résumé. C'est là que réside un des reproches que je pourrais faire (car oui, ne vous en déplaise, j'essaie d'être objective !!) L'histoire débute avec des crimes non résolus et le volet policier est totalement occulté par la romance, ce que j'ai trouvé regrettable. Mais comme on parle là de Gabriel Kevlec, autant dire que sa plume m'a vite fait oublier ce défaut. de là découle le deuxième reproche : mais pourquoi est-ce si court ? Surtout qu'à partir de la fameuse lettre, incroyablement magnifique, on assiste à la meilleure partie de ce roman, comme le bouquet final d'un feu d'artifice, une ébauche du Gabriel en devenir, la naissance d'un auteur-poète qui va nous émerveiller avec son Choix de l'Oranger. J'ai d'ailleurs un unique regret. Celui de ne pas avoir lu Cordons en premier pour apprécier à sa juste valeur l'évolution de l'auteur et l'éclosion de sa maturité. Car le Choix de l'Oranger est pour moi infiniment plus abouti, sans doute parce qu'il a été écrit avec des tripes et des larmes, du sang et de la douleur; j'en ai été bouleversée jusqu'à l'impossible et j'ai cru que je ne me relèverai jamais de cette lecture...mais ce n'est pas le sujet ici et j'aurai sans doute l'occasion d'y revenir un de ces jours…

Il n'en reste pas moins que ce texte est magnifique. Un autre coup au coeur pour un coup de coeur. Une nouvelle marque indélébile laissée par des mots frissonnants, des mots chantants, des mots passion. Un hymne à l'Amour, une poésie du Coeur et une ode à la Passion. Et nul doute n'est permis, Gabriel Kevlec en est le Maître. le chef d'orchestre des mots symphoniques, des phrases murmurées sur les touches d'un piano, prélude à une passion qui frissonne en un long sanglot. Sa plume aiguisée crisse sur le papier au moment où elle lacère le coeur. Sa plume angélique caresse l'âme de mots doux comme les pétales de rose. Elle est forte et puissante et elle sert un récit inoubliable entre deux hommes à qui aucune douleur n'a été épargnée, preuve que l'Amour est pardon et qu'il est un soleil comme un hélianthe dans un ciel immensément bleu.

Je voudrais conclure avec un de mes poèmes préférés qui est particulièrement adapté à l'oeuvre de Gabriel Kevlec et qui m'est naturellement venu en tête lorsque j'écrivais ma chronique.

"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
...
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
...
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le coeur ;
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant ;
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang."

LE PELICAN d'Alfred de Musset (extraits choisis)
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Je remercie Jeanne Malysa ainsi que la maison d'éditions ExAequo pour l'envoi de ce livre de leur collection Alcôve. J'ai été tenté d'abord par la couverture sobre, ensuite par le fait que je ne connaissais pas cette maison d'éditions. C'est toujours une joie pour moi de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux auteurs, de nouveaux écrits et je dois avouer que je suis très heureuse d'avoir fait une aussi belle découverte.

Andrews Wells, "détective", enquêteur à la Criminelle vit pour deux choses : son travail et sa libido. 30 ans physiquement et toujours 18 dans son esprit. Il aime les rencontres d'un soir, dans un bar, dans les clubs privés où il peut être lui-même. Enfin c'est ce qu'il croit. Choisir le cordon de cuir ne fait de lui qu'un dominant en mal de soumis, non régulier. Il ne veut pas d'attaches, pas de relations longues. Seule Kathryn trouve grâce à ses yeux en tant qu'amie. Une amie de longue date, car il se connaissent depuis le lycée et collègues de travail. Elle est une véritable pépite, pleine de bonne humeur et de sourire et c'est ce qu'il faut à notre héros bougon et mal luné.

Une soirée, celle des anciens lycéens qui se profile à l'horizon, cette saleté de soirée où la plupart attendent avec impatience et d'autres c'est la remontée des souvenirs. Pour Andrews c'est ça : les mauvais souvenirs. Les coups, les brimades parce qu'il était différent : il est gay et cela dérange, même à notre époque. S'il est venu, c'est à cause de Kathryn, elle a réussi à lui soutirer un oui et le voila accoudé au bar dégustant verre sur verre. Encore une soirée où il va vivre un enfer et c'est le cas en deux mots : Milton Montgomery. C'était celui qui a fait de sa vie un enfer, celui qui a commencé par un coup de poing sans savoir pourquoi. Une vengeance, une envie d'avoir Andrews comme bouc émissaire ? Toujours est-il que Milton n'est pas celui que notre détective Wells aurait aimé retrouver. D'ailleurs la soirée ne se termine pas forcément dans la joie et la bonne humeur.

Deux hommes, deux passés difficile à surmonter. le premier est flic, le second psychiatre. Deux mondes qui vont devoir cohabiter afin de traquer un tueur en série. Cette rencontre fait remonter tous les souvenirs et vraiment TOUS ! Milton se souvient de tout ce qu'il lui a fait subir et le pourquoi. Ce pourquoi qui le hante toujours autant, cette demande de pardon qui le travaille depuis plus de quinze ans. Cette recherche de pouvoir donner des excuses le taraude tant, pourtant il faudrait qu'il puisse avoir du temps. Entre l'enquête et les cadavres qui sont laissés au gré du vent, entre Andrews qui ne veut rien entendre et préfère ses coups d'un soir, Milton va ramer, voire couler. La haine est aussi forte que le désir, les esprits s'affrontent, les corps s'attirent pourtant le passé ne cesse de revenir en force et donner ce sentiment de peur. Une peur viscérale de tout perdre, de se laisser aller, d'avoir peut-être quelque chose ou quelqu'un à qui l'on tient vraiment, d'avoir une vraie relation.

Le récit est alterné entre le point de vue d'Andrews et de Milton. Tous les deux ont besoin de faire table rase, mais ce n'est pas évident. Il y a eu des années de souffrance, puis d'oubli, d'enfoncer les souvenirs le plus profondément possible jusqu'à ce qu'ils remontent à la surface pour tout détruire. Ces souvenirs reviennent par flashback qui nous font comprendre à la fois la joie et la douleur ressenti durant ces années, pour les deux. L'enquête n'est que le point des retrouvailles de ces deux hommes, nous ne la suivons que de très loin sans avoir vraiment le mot de la fin. J'avoue que j'aurai bien aimé avoir le dénouement de cette enquête, à part cela dans l'épilogue j'aurai bien avoir un mot sur Kathryn. Épilogue que j'ai beaucoup apprécié car nous avons l'avenir de nos personnages principaux. Autrement, je n'ai rien à redire au niveau de l'écriture. Elle est souple, douce, sensuelle, j'ai pris un grand plaisir à le dévorer ce livre. J'en viens même à regretter le fait que le livre ne soit pas plus long.

Les descriptions des personnages sont justes, jusqu'à cette cicatrice blanche sur le nez d'Andrews, et les lunettes qui cachent son regard. C'est une histoire érotique entre deux hommes. Oui je sais certain vont me regarder en me disant, quoi ? Tu as aimé ? Eh oui, pour tout un tas de raisons. Déjà l'écriture qui est imagée juste comme il faut, pas de vulgarité, pas de mot cru à tout bout de champs comme on peut lire dans certain récits. Les scènes intimes sont longues niveau page et pourtant elles passent très vite. Sans avoir besoin de parler de l'abeille qui passe de fleur en fleur, l'auteur capte notre attention avec de belles descriptions, des émotions, des sentiments purs. C'est le charme de l'écriture qui donne ce frisson d'envie : celle de connaître ce qu'ils vont découvrir. La sensualité parcourt les pages, même lorsque notre détective Wells va d'amant en amant dans des recoins reculés de Londres. La souffrance qui émane de certaines pages est palpable, tout comme le besoin de ressentir l'étreinte dont il a besoin.

Les deux personnages ont un passé commun, violent, douloureux, intrusif. le présent de chacun est à la fois douloureux par ce biais, mais également par le fait qu'il faudrait de la confiance et cette dernière se mérite. Les questions qu'ils se posent sont naturelles. et si Milton était revenu pour continuer à pourrir la vie d'Andrews ? Et si Andrews se vengeait une fois de plus d'une autre manière ? Entre les deux hommes, c'est un combat de chaque instant, pour avoir le pouvoir sur l'autre : celui d'obliger l'autre à rester, à moins que ce ne soit l'inverse. L'auteur a basé son histoire sur ce passif et les caractères des personnages qui sont toujours en souffrance. J'utilise beaucoup ces mots : douleur, souffrance, difficile, mais le récit n'en est rien. Il développe les sentiments dans ce contexte pour pouvoir mieux les apprécier. le mot amour est inconcevable pour notre détective Wells et il faudra plus que de la patience pour l'en convaincre.

Le récit n'est pas uniquement sur eux d'eux, les thèmes abordés sont forts. Nous avons le pardon qui est difficile à donner tout comme les excuses difficile à accepter ; le fait que deux hommes (ou deux femmes) puissent être amoureux dérangent toujours un certain nombre de personnes ; le besoin d'être vu autrement, d'avoir ce pouvoir sur un autre, d'être regardé alors qu'il domine. L'acceptation de soi est également un thème récurent dans le texte : être capable de s'aimer, de s'apprécier pour pouvoir aimer un autre, être capable d'évoluer pour être meilleur pour soi d'abord, pour l'être aimé ensuite. C'est un ensemble qui mit bout à bout donne une sérénité une fois le livre terminé. En conclusion, j'ai adoré suivre ces personnages qui étaient plus proches de personne que de simples mots sur du papier, en plus la plume de l'auteur est tellement passionnante qu'il est difficile de résister. J'ai hâte qu'un jour une nouvelle histoire voit le jour de ses doigts.

http://chroniqueslivresques.eklablog.com/cordons-gabriel-kevlec-a203934098
Lien : http://chroniqueslivresques...
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« Es waren zwei Königskinder, die hatten einander so lieb… » C'est le début d'une ballade populaire allemande basée sur le mythe antique d'Héro et Léandre : « Il y avait deux enfants royaux qui s'aimaient tant et tendrement… », c'est ainsi que l'on pourrait traduire le texte. Et c'est ces lignes-là qui ont surgi dans ma tête à la lecture de Cordons de Gabriel Kevlec, le roman qui a remporte la Mention spéciale du jury du Prix du roman gay 2020.

Pourtant, aucun des deux protagonistes n'est un enfant royal. Andrew Wells, c'est sûr, ne passe pas ses journées à compter la vaisselle royale en or. Bien au contraire, enquêteur de la Criminelle de Londres, il patauge plutôt dans ce que l'humanité a de plus effroyable et de plus crasseux. Depuis ses jeunes années de garçon ouvertement gay, insignifiant et gauche avec ses lunettes en cul de bouteille, il a mué en beau gosse, son corps musclé est devenu sa forteresse derrière laquelle il a l'impression de pouvoir dominer le monde et les mecs. Acharné dans son travail, il mène une vie privée dissolue, entre Wiskeys, poppers, Raves, bars gay, accumulant les histoires d'une nuit et une profonde tristesse née de son immense solitude que seule sa collègue et meilleure amie Kathryn, femme vive qui ressemble à un rayon de soleil, semble pouvoir égayer un tant soit peu.

Arrive Milton Montgomery. Quoiqu'issu de la noblesse anglaise, lui non plus n'est pas un enfant royal. Lui aussi gère son lot de crasse humaine en tant que psychologue, que le service d'Andrew a embauché pour l'aider dans une enquête de meurtre difficile. Les deux hommes sont parfaitement à l'opposé l'un de l'autre. Là où Andrew est à fleur de peau, ne mâchant pas ses mots, symbolisant la force brute et vitale avec son corps brun sculpté et ses histoires de bourreau des coeurs et des culs, Milton représente la quintessence du noble anglais, peau d'albâtre, yeux froids couleur d'acier, corps androgyne, cheveux blond platine, visage impassible sauf quand il arbore une mine blasée et hautaine.

L'étincelle frappe aussitôt car ces deux hommes-là se connaissent de leurs années de lycée. Les rôles étaient alors clairement définis : Milton le tortionnaire, Andrew la victime, car poursuivi par ses camarades pour être gay. Chose étrange, cependant : en réalité, depuis leur dix-sept ans, ces deux-là sont vraiment comme les deux enfants royaux de la ballade allemande – « sie hatten einander so lieb, sie konnten beisammen nicht kommen, das Wasser war viel zu tief ». Ils s'aimaient tant et tendrement, mais ils n'arrivaient pas à se retrouver car les eaux qui les séparaient, comme dans la ballade, étaient bien trop profondes. Et elles le sont toujours. Après un premier clash violent, les deux hommes se tombent rapidement dans les bras (et atterrissent ainsi dans le lit), et une histoire torride commence à se mettre en place. Sauf que les deux doivent d'abord affronter leurs vieux démons, leurs peurs, doivent lâcher prise de leur passé pour ainsi permettre à un éventuel futur commun de poindre à l'horizon… Oui, les eaux qui les séparent ont vraiment l'air d'être aussi profondes que celles des Dardanelles qui empêchent les deux enfants royaux de la ballade de se rejoindre.

Disons-le tout de suite, disons-le clairement : y a du cul, dans c'bouquin. Et plutôt deux fois qu'une. Disons ensuite, tout aussi clairement, que l'intrigue en elle-même n'a rien de follement original. On connaît l'histoire : deux êtres que tous les obstacles du monde séparent (les plus grands obstacles étant eux-mêmes), mais qui tentent envers et contre tout de se retrouver au milieu pour voir s'épanouir leur amour. La preuve, les Grecs de l'Antiquité la chantaient déjà, cette histoire. Mais de toute façon, vu que ces Grecs ont été si prolixes, et vu que quelques siècles nous séparent d'eux, des siècles où d'autres écrivain.es ont eu tout loisir d'inventer d'autres histoires, il est difficile, voire impossible de créer du neuf. Toutes les histoires ont déjà été racontées, d'une façon ou d'une autre.

Ce qui distingue donc un vulgaire énième rabâchage d'une trame ancienne comme le monde d'un ouvrage foncièrement captivant, c'est la façon de laquelle cette trame est présentée. Et je dois dire que Gabriel Kevlec m'a happé dès les premières pages de ce livre et ne m'a relâché qu'au dernier point final. le livre est vraiment très, très bien écrit, le langage employé y joue un rôle presque aussi important que les deux protagonistes, qui nous livrent leur récit en alternance, avec toutefois une prépondérance pour les chapitres dédiés à Andrew Wells, le loup solitaire aux oeillets solides qui l'empêchent de regarder la vérité en face. Ainsi, les scènes de cul, pour rester dans le registre cru que j'ai osé plus haut, sont beaucoup plus que ça : des leçons de poésie des corps, des parties de psychologie finement ciselées, où la réaction corporelle du lecteur, je l'avoue, va de pair avec un émerveillement de l'esprit né de l'utilisation si perspicace des mots.

Vous l'aurez deviné, j'ai adoré ce livre et rejoins le jury du Prix du roman gay – il a sûrement mérité de remporter son prix. Tout est bien réussi, la construction du récit, l'ambiance tantôt lugubre, tantôt lumineuse, les personnages principaux et secondaires, les lieux, les dialogues toujours bien observés. le langage parlé frôle souvent l'argot, et je devine aisément que d'aucuns diraient : « Mais ça fait pas londonien, ça ! » Ben si, car le roman est écrit en français, donc tout le monde parle français comme si l'on parlait français à Londres. Écrire, c'est faire gober son « comme si » à ses lectrices et lecteurs, et Gabriel Kevlec y excelle. Petit détail que j'ai beaucoup apprécié : les passages où l'un ou l'autre des protagonistes raconte son expérience comme s'il s'adressait à l'autre protagoniste. Une belle trouvaille, tout comme ce livre l'était. Je le recommande vivement.
Lien : http://livresgay.fr/cordons-..
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Que dire de plus pour donner l'envie de lire Cordons, après ce formidable quatrième de couverture ? J'ai adoré ce roman, dévoré en quelques nuits…

Happé par les personnages… Andrew, Milton et Kathryn… trois anciens de Old Quay… trois personnalités superbement construites par Gabriel Kevlec qui les rend attachantes au fil des pages. Andrew Wells enquêteur trentenaire, à la vie sentimentale compliquée, cherchant l'homme de sa vie dans les clubs de Soho… Milton Montgomery, un psychiatre, rongé par ses actes passés… gagné par le remord envers Andrew… Leur passé commun difficile vieux de quinze ans qui ressurgit à l'occasion de leur collaboration. Et pourtant ils vont devoir s'apprivoiser.
Un présent apaisé par Kathryn une personnalité lumineuse, la meilleure amie d'Andrew, une oreille attentive pour les deux hommes. Une vraie amie qui soutient Andrew dans ces tourments… où une confidente lors de discussions avec Milton à bâton rompue sur sa relation avec Andrew... Une remarque d'ailleurs, un petit manque avec l'absence de ce personnage pétillante dans l'épilogue du roman…

J'ai adoré ce roman happé par son histoire... Dès le départ Gabriel Kevlec vous plonge dans une enquête criminelle… auxquelles s'ajoute l'histoire passée et présente d'Andrew et Milton. Un amour né de l'attirance et du rejet de l'un et l'autre. Un amour avorté à cause du harcèlement scolaire d'Andrew causé par Miton (je vous laisse lire Cordons pour découvrir la réponse). C'est avec une grande finesse que l'auteur place tout au long de son récit plusieurs sujet de réflexion… la question universelle de l'amour. Qu'est-ce que l'amour et comment le reconnaître ? Celle du pardon… etc…
A ces questions universelles, Gabriel Kevlec évoque des sujets contemporains (fort utile pour mettre des mots sur des maux) tel que le harcèlement scolaire et ses conséquences tant sur Andrew que sur Milton… Bref, ce récit est un subtil équilibre entre l'enquête criminelle (dont on peut regretter l'absence de dénouement) mais un formidable prétexte pour orchestrer ce magnifique pas de deux entre Andrew et Milton et les scènes d'amour (et de sexe aussi*).

Enfin, j'ai adoré Cordons pour son écriture. J'ai découvert plus longuement la très belle plume de Gabriel Kevlec capable de transporter le lecteur dans des belles atmosphères sombre ou lumineuse mais toujours sans pareil ! Une plume qui à la magie de vous faire vivre les sentiments de ces personnages grâce belle astuce narrative en laissant Andrew et Milton raconter leur histoire, leur vie, leur émotions…
Des mots prononcés par les personnages, en réalité judicieusement choisi par l'auteur sont capable d'émouvoir le lecteur (tant pour la colère, la tristesse que la joie) et c'est la magie de ce livre qui vous happe dès les premières pages.


*Elles donnent des indications sur le caractère de nos deux personnages… Leur présence judicieusement placée fond qu'elles sont naturelles. Elles ne sont jamais vulgaires même avec la présence des mots crus… Enfin, j'apprécie la place accordée par l'auteur au consentement (et à la protection) lors des relations sexuelles cela mérite d'être souligné.
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Angleterre, Londres, de nos jours.

Andrew Wells, enquêteur à la Criminelle, trentenaire, vit sa vie de jeune célibataire gay, de coups d'un soir dans les bars ou les backrooms aux scènes BDSM dans un club privé. Pas d'attaches, une succession de minets sans noms qui lui donnent l'impression de la jeunesse éternelle. Comme un sentiment de revanche sur son adolescence.

Sa seule amie et collègue de boulot, Kathryn, lui arrache la promesse de l'accompagner à une soirée d'ancien élèves de leur lycée commun.

Et c'est là que son passé va le percuter...

Milton Montgomery, sa némésis, son tourmenteur, qui a fait un enfer de ses années de lycée, est face à lui...

Milton Montgomery, psychiatre, a toujours regretté son comportement face à Andrew et a enfin, une dizaine d'années plus tard, l'occasion de s'expliquer et de demander pardon car il vient d'être embauché comme consultant par la Criminelle.

Si Andrew lui en laisse l'occasion...

Si le criminel qui torture des jeunes trentenaires et abandonne leurs cadavres à travers la ville lui en laisse l'occasion...

Si surtout la tension sexuelle qui couve entre eux lui en laisse l'occasion...

Au fil des chapitres et du point de vue alterné des deux hommes, nous suivons l'évolution charnelle très intense de leur relation et apprenons, à l'aide de flashbacks, ce qu'il s'est passé durant leur adolescence et surtout, les raisons de l'attitude de Milton.

J'ai regretté que l'enquête criminelle ne soit finalement que le prétexte de leur retrouvailles et n'ait pas de suite et de conclusion.

Je pense que l'auteur est un grand fan de J.K. Rowling, le physique, le caractère, le contexte, m'ayant collé l'image de Harry et Draco tout au long de ma lecture. Ce qui n'est absolument pas incompatible avec la qualité du roman, l'auteur, que je découvre, a une plume très contemporaine, sensuelle dans ses scènes intimes, vraiment très agréable.

J'ai apprécié les extraits musicaux au début de chaque chapitre, nous plongeant bien dans l'ambiance. L'épilogue est bienvenu et ouvre une fenêtre sur l'avenir du couple.

Je remercie Jeanne Malysa des éditions Ex Aequo et l'auteur de ce Service Presse, une très bonne surprise.

J'attends avec impatience le prochain roman de cet auteur.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Quand je le vis.
« Je le devinai » serait sans doute un terme plus juste. Furtivement, entre deux bouteilles de gin. Un éclat de blond cendré presque blanc. Lumineux. Mon cœur s’arrêta un instant. Une vague glacée remonta le long de mes membres. Une violente décharge dans le ventre. Un coup de poing imaginaire qui vida instantanément mes poumons, et la pièce, et le monde tout entier, de tout l’oxygène disponible.
Il était juste derrière moi. Un mauvais rêve solidifié. Un cosmos tout entier dans une enveloppe de chair. Un corps gracile qui criait la jeunesse, enfermé dans un jean noir trop moulant et une chemise gris perle froissée. Des bras longs et fins, un bassin étroit, des coudes pointus, il respirait l’aristocratie à plein nez. Une œuvre d’art échouée au milieu de tous ces corps vulgaires et sales. Quand il se tourna gracieusement vers le bar, deux orbes gris croisèrent mon regard dans le miroir, et il marqua l’arrêt. Sous les cheveux coiffés avec soin et gominés vers l’arrière, le visage diaphane se figea. Les pupilles se firent acier liquide, immenses. Il m’avait reconnu.
Impossible de détacher mes yeux de son visage. Il avait gardé à travers les années cet aspect étrange lui donnant l’air de ne pas vraiment exister, cette beauté froide, mais indéniable. Ses lèvres fines et pâles, mais bien dessinées, étaient pour le moment entrouvertes de stupéfaction, mais j’aurais juré qu’elles portaient encore en elles les rictus narquois dont elles m’avaient si souvent gratifié. La peau d’une blancheur presque transparente brillait sous les lampes basses comme si la lune s’y reflétait.
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Et puis j’ai croisé tes yeux. Subitement, sans que j’y prenne garde, la glace a fondu. Ton regard m’a redonné vie. Il fut le feu qui a traversé mon hiver, le vent qui a balayé les débris de ma vie d’avant, la terre que j’ai à nouveau sentie sous mes pieds, et l’eau qui a lavé mes plaies. Qui suis-je pour lutter contre les forces élémentaires ? Tu es arrivé dans mon monde et tu l’as fait tien, tu t’es fait roi incontesté, désiré et attendu. Un roi sans noblesse, sans retenue, sans mesure, mais un roi indubitablement, un roi de chair, de force et de chaleur. Tu m’as ramené à la vie. Ce que j’ai refusé de voir jusqu’à maintenant, c’est que ce fut au détriment d’un morceau de la tienne. Carnassier, j’ai arraché de mes canines un large lambeau de ta chair, et t’ai haï de ne pas m’en céder davantage. Cinq mois à te culpabiliser, cinq mois à attendre l’autorisation d’être là, avec toi, ce soir et puis celui d’après aussi peut-être, ultime privilège, et me repaître de ta voix qui a fendu mon âme. Toi, tu comblais mon attente en passant de bras en bras, tu allongeais ma peine en naviguant de lit en lit. J’ai pris perpète. J’aurais dû en profiter. Je le vois maintenant, à l’éclairage vacillant de la douleur véritable.
Le manque est une sensation affreuse. Tu t’effrites dans mon âme en tessons coupants comme des rasoirs. Déjà, dans ma tête, la sonorité de ta voix a changé, elle n’a plus la même texture, le même velouté. Je suis un putain de camé, il m’en faut plus, je veux l’entendre encore et encore, il me faut ma dose.
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D’abord, les odeurs m’assaillirent. Je me laissai surprendre par une extase olfactive. Le parfum des fleurs par milliers et de la terre m’imprégna, et mes yeux se fermèrent sous le poids de la perfection. J’honorai ce sanctuaire. Ton sanctuaire.
Ensuite, l’image m’arriva, splendeur en léger différé. Je fus subjugué par la vue idyllique de ce jardin ensoleillé exubérant de vie, qui n’avait jamais connu ni le vent ni la pluie.
Enfin, je t’aperçus, au fond de l’allée principale de cette serre immense, toi, le seul qui avait le droit de fouler ce lieu sacré. L’éclat de tes cheveux platine sous le soleil levant se mariait délicieusement avec les effluves de chèvrefeuille d’hiver. Artémis elle-même n’aurait pu peindre tableau plus parfait. Tu étais enfin devant moi. Une incarnation.
J’étais totalement envoûté, captivé. J’étais le païen qui assistait médusé à un miracle. De loin, je t’observais, je te vénérais. Plusieurs minutes furent ainsi sacrifiées sur l’autel de ma contemplation. Les dernières semaines d’agonie s’effacèrent sous la nappe de sérénité qui m’enveloppa à la simple idée d’être là, dans le même lieu que toi, respirant le même air. J’étais enfin en paix.
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Cet homme me faisait ressentir des sentiments que je n’avais pas souvenir d’avoir éprouvés un jour pour quelqu’un d’autre que moi-même. Tomber amoureux n’est pas une expression assez forte. J’avais trébuché, dégringolé, et l’impact avait été mémorable. C’était… terrifiant. Comme il y a quinze ans. Les années n’avaient pas comblé le vide, même si j’avais essayé de me persuader du contraire. C’était comme s’il était d’un coup devenu limpide que je n’étais plus entier par moi-même, comme si j’avais été mis devant l’évidence de mon incomplétude. Et en même temps, c’était comme être en permanence entouré d’une étrange chaleur, comme être détenteur d’un secret connu de nous seulement. Est-ce que j’étais digne de ça ?
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"Quand je le vis.
"Je le devinai" serait sans doute un terme plus juste. Furtivement, entre deux bouteilles de gin. Un éclat de blond cendré presque blanc. Lumineux. Mon coeur s'arrêta un instant. Une vague glacée remonta le long de mes membres. Une violente décharge dans le ventre. Un coup de poing imaginaire qui vida instantanément mes poumons, et la pièce, et le monde entier, de tout l'oxygène disponible."
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