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Citations de Gabrielle Wittkop-Ménardeau (74)


Toujours cette vieille et aberrante confusion entre deux êtres aussi foncièrement opposés que le vampire et le nécrophile, entre le mort qui se nourrit des vivants et le vivant qui aime les morts.
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Les femmes de ménage ne manifestent nul trouble particulier en nettoyant le magasin d'antiquités que j'ai hérité de mon père. Tout au plus, de temps à autre, un vague ronchonnement sur les vieilleries, les nids à poussière, les trucs fragiles tellement moches alors qu'on pourrait avoir du neuf pour bien moins cher. C'est seulement dans mon appartement privé, au cinquième étage, que leur comportement me donne à réfléchir. Elles regardent les coins, d'un air de prudente suspicion. Elles m'observent sournoisement et, surtout, elles reniflent l'odeur de l'appartement, en remuant les yeux. Elles reniflent et reniflent, cherchant dans leur mémoire, ne trouvant rien qui vaille, reniflent encore, jusqu'à ce qu'une étrange inquiétude s'empare d'elles. Alors, elles deviennent comme des bêtes traquées puis s'échappent. Quand j'essaie de les relancer, elles me font des réponses vagues d'un air peureux et secouent la tête si je propose d'augmenter leurs gages. Je mets une nouvelle annonce dans les journaux et la même histoire recommence.
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Solitaires, nous ne sommes même pas le lien entre la vie et la mort. Il n'y a pas de lien. Car la vie et la mort sont unies à jamais, indissociables comme l'eau mélangée au vin.
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-Excusez-moi, mais il m'est beaucoup plus facile de visiter la morgue ou d'assister à une autopsie que de regarder un animal assassiné.
-Certains cannibales ont de ces délicatesses...Certaines ogresses des scrupules qui les honorent...Car, ma chère, je vous soupçonne capable de tout...

Page 224.
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Il y a bien longtemps que j’ai oublié l’odeur sèche du bombyx et maintenant celle de la charogne qui envahit les airs. Une flaque de ce suc noir que vomissait l’enfant pieuvre s’est épandue sous le ventre des anges, une encre putride qui traverse le matelas, goutte sur le sol, un jus de pestilence qui m’enivre comme celui de la mandragore. Cette liqueur vient d’eux lentement, ainsi que l’eau d’une très antique source, elle glousse d’une voix embarrassante à la lisière de leurs entrailles, sursaute et s’épanche. Leurs yeux tombent à l’intérieur du crâne, comme jadis ceux de la délicieuse vieille Marie-jeanne.
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On parle du sexe sous toutes ses formes, sauf une. La nécrophilie n'est ni tolérée des gouvernements ni approuvée des jeunesses contestataires. Amour nécrophilique, le seul qui soit pur, puisque même "amor intellectualis", cette grande rose blanche, attend d'être payé de retour. Pas de contrepartie pour le nécrophile amoureux, le don qu'il fait de lui-même n'éveille aucun élan.
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Tandis que je me glissais dans cette chair si froide, si douce, si délicieusement étroite qu'on ne trouve que chez les morts, l'enfant a brusquement ouvert un œil, translucide comme celui d'une pieuvre et, dans un épouvantable borborygme, a rejeté sur moi le flot noir d'un mystérieux liquide.
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Déjà tôt dans la nuit le peuple romain avait envahi le lieu du supplice et attendait. Une espèce de feulement bruissait dans le rêche tapis de foule sous lequel disparaissait le sol. Comme beaucoup arrivaient en bateau, les barques heurtaient leurs coques, entremêlaient leurs rames à grand bruit et il y avait tant de lanternes sur le Tibre qu’on eût pu croire à quelque fête, n’eussent été la sauvage passion des regards et la menaçante touffeur de l’air. Le matin du 11 septembre se leva sur un ciel soufre où chassés par le sirocco des nuages cuivrés roulaient si bas qu’ils semblaient vouloir se précipiter sur la terre. Les cloches sonnaient toutes seules, les oiseaux tombaient du ciel, des bêtes fuyaient au galop à travers la ville et, croyant venu le Jugement dernier, certains virent même les morts sortir des tombeaux. Devant le ponte Sant’Angelo la foule était si dense que lorsque quelqu’un s’évanouissait on faisait passer son corps par-dessus les têtes, porté à bras tendus jusqu’à ce que dans quelque rue voisine on trouve enfin un peu de sol libre pour l’y allonger. Bientôt les tribunes préparées pour les notables furent elles aussi couvertes d’assistants. Fort de ses relations, don Marianno s’y était assuré une place de choix et étrennait ce jour-là un superbe pourpoint de velours vert avec une cape de même et des hauts-de-chausses à l’espagnole.

Àneuf heures, le funèbre cortège partit de Tor’di Nona, déroulant sous le ciel couleur de dent gâtée un long ruban sombre d’où montaient des bannières oscillant sur un rythme de marionnettes. Les sbires et les soldats encadraient un chariot où Bernardo était assis enchaîné face à son frère nu jusqu’à la ceinture, près d’un petit fourneau bien protégé de la tempête et au feu duquel le bourreau rougissait ses tenailles. Il y en avait toujours quelques-unes de prêtes comme les fers des lingères, de façon que le tourmenteur ne chôme pas, si bien qu’à tout instant mastro Peppe arrachait à Giacomo un lambeau d’épaule ou de mamelle, dans une puanteur de chair brûlée. À chaque hurlement de son frère, Bernardo retombait sur lui-même, mol et blanc comme un mouchoir. La cloche de la chapelle que les fratelli dei Agonizzanti avaient sur la piazza Pasquino sonnait inlassablement le glas, d’une voix dure et grêle. Pareil à quelque épouvantai!, un grand crucifix dont le porteur baisait les pieds précédait le char, entouré des pénitents psalmodiant sous leurs cagoules. On avait éteint les cierges à cause du sirocco, tandis qu’une lueur irréelle, dépourvue de source eût-on dit, enveloppait l’immense scène des rues bondées. Muette, la foule regardait progresser le cortège vers Corte Savella. Il s’arrêta devant le portail et les femmes sortirent, accompagnées d’un grand tumulte.

Ceux de la Buona Morte et ceux de San Giovanni Decollato portant sur leur froc noir le plat de Salomé brodé en argent, soutenaient Beatrice Cenci. Depuis si longtemps elle n’avait pas vu la lumière du jour que l’éclairage crépusculaire du sirocco suffit à l’aveugler. Les cris de Giacomo lui hérissèrent le poil. Lumière de mort, clameurs de mort.
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On devrait lors des obsèques jouer quelque valse, funèbre vertige, enveloppe enrubannée de névroses, car toujours l'homme voulant échapper à la souffrance tourbillonne sur lui-même.
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Il meurt seul. La mort aime venir quand il n'y a pas de visiteurs. Il meurt de male mort entre la lune descendante et la nouvelle lune. Né un samedi, mort un jeudi. Il a vécut trente-sept ans et vingt et un jours. Il est mort sans avoir possédé de nid. Il est mort couché sur le dos, les bras écartés, les jambes tendues. Il est mort le jour de la purification et du jeune feu, pour l'antique fête des déesses-mères. A personne il n'a légué son sourire, le geste bref et volant de sa main, l'arrogance du ton. Il n'a laissé ni message ni héritage.
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Regardant une veuve orner la tombe du défunt d'un petit arbre de Noël, je notai soudain à quel point sont devenues rares les femmes en grand deuil, en voiles flottants, et d'ailleurs souvent blondes, qui hantaient les nécropoles, il y a une vingtaine d'années. C'étaient en général - toutefois pas toujours - des professionnelles pratiquant leur art derrière les monuments de famille, avec un manque de brio et de sincérité absolument déprimant. De la viande à veufs.
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1er janvier. Chaque jour est un arbre qui tombe.
Comme si une voix m'avait éveillée par ces mots.
Ma propre voix, celle de mes plus secrètes cellules, celle des oracles et des rêves, celle qui clame dans les ivresses et chuchote dans les agonies. Chaque jour est un arbre qui tombe. Et j'ai vu le déclin du jour et la chute de l'arbre...
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Combien sont-ils ceux qui connaissent Koshi Muramato, ce maitre du XVIII siècle, qui, dans sont atelier de Kyushu, se consacra exclusivement aux netsuke macabres? Mortes sodomisées par des hyènes, succubes fellateurs, squelettes masturbateurs, cadavres enlacés comme des nœuds de vipères, fantômes dévorateurs de fœtus, courtisanes qui s'empalant sur la rigidité d'un mort ....
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On reste jusqu'à l'heure où le Canal Grande prend une couleur plombée avant de disparaître sous les barques des maraîchers. Cependant, au détour des jardins secrets où crèvent des mouches à ventre blanc, à l'angle de palais que flanquent des lions galeux, un Styx sans saules ni roseaux, un flot d'encre clapote lugubrement. Peut-être la ville va-t-elle s'engloutir en un instant. La nuit apporte toujours quelque chose quand les miroirs s'abreuvent de ténèbres. Des lanternes passent vite sur un pont. Des chants sinistres et obscènes viennent on ne sait d'où. Un long cri résonne. Un fanal de galère brûle dans la cour d'un palais. On peut se rencontrer secrètement à l'Uomo Selvaggio, auberge mal famée où les servantes tiennent compagnie aux clients et qui sert une piquette nommée Alfabeto, à cinq soldi le gobelet. C'est un perfide breuvage qui verse du vitriol dans le sang, pose un salpêtre sur la langue, un philtre sale et vif qui fait parler. Elle et lui sont là en masques. De l'index, elle trace sur la table des figures dans une flaque de vin.
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La mort me comble, inlassable pourvoyeuse de mes plaisirs et s'ils sont souvent incomplets, c'est seulement le fait de ma propre débilité.
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Trouvé chez Tristan Corbière une bien bonne expression : "Jouir comme un pendu."
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La pendule clopine sur un rythme de pied bot.

J'entends roucouler dans un pin une de ces colombes à la voix de rire et de sanglots.
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Chauve, Célestin Mercier n'avait pas eu l'élégance chère aux suicidés romantiques, de masquer par une retombée de cheveux la spongieuse aubergine violette qui lui jaillissait de la bouche.
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Nul ne sait pourquoi cette année-là le Carnaval fit pour la première fois son absurde apparition dans les régions résidentielles de la Marne, surtout si l'on pense qu'à Paris même on ne l'avait jamais beaucoup remarqué. Des Pierrot poussiéreux et avinés, de loqueteuses Carmen, des clowns putréfiés venus on ne savait d'où, trainaient en gueulant entre les villas aux persiennes fermées. Il y avait dans l'air une puanteur de stupre, de sueur et de crasse qui est cette vieille, vieille odeur des esclaves et des galériens.
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Etrangers au monde des vivants, ils avaient été faits pour mourir et, dès l'origine, la Mort les avait passionnément marqués.
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