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Citations de Gaëlle Obiégly (147)


J'étais dans ce magasin de vaisselle ouvert le dimanche. Je faisais la queue pour payer un saladier et j'aperçois à travers les fins cheveux de la cliente qui me précède une excroissance de chair. Une boule énorme sur le côté droit de sa tête. C'était une chose velue et rose. Je me suis dit qu'une telle disgrâce m'aurait été utile pour entrer dans les ordres. Si je l'ai envisagé pendant l'adolescence, le besoin de séduire et de sexe m'en a fait abandonner le projet. J'ai manqué de caractère. Car ce qui est beau dans cet engagement-là, c'est de renoncer à ce qui est essentiel pour soi. Je n'ai pas été capable de ce sacrifice. Une excroissance de chair rose venue dans la nuit, une grosseur et des poils qui m'auraient défigurée, un tel miracle m'aurait permis d'avoir une vocation. Au lieu de ça, j'exploite mon égotisme.
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On se fait soi-même, avec l'aide des autres, chaque jour on recommence. Et la nuit nous défait.
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Regarde comme la fée Séverine a chaud ce soir. Elle a de la chaleur plein son cœur…

(p. 45)
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Peu avant son hospitalisation, Yvette était en train de préparer le repas, elle a suspendu son geste et elle m'a dit : mon rêve, c'est foutu.

Le Parisien était déplié sur la table de la cuisine, j'étais dans les mots fléchés.
- Allons, bon, ton rêve, c'est quoi ?
- D'aller à Tahiti. "

Elle n'a plus jamais vraiment vécu une fois qu'elle a compris que son rêve, c'était foutu.

- Tu crois que tu n'iras jamais ?
- Penses-tu, comment j'irais ?
- Il faudrait que je t'y emmène.
- Qu'est-ce que ça me plairait ! On ne ferait rien. On regarderait les fleurs.

Elle repose dans ce poème turquoise. Ce sont ses dernières phrases :
" Mon amour, je ne sais pas le dire
Tu m'abandonneras
La main de Dieu est sur moi et tu ne peux pas me défendre
Qu'est-ce qu'on fait ? "
Ses phrases font un poème. Ce que j'appelle un poème, c'est un entrelacs sacré, une parole qui procure une émotion mystérieuse, une parole qui vient en toi, qui fait trembler la peau.
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La pensée c'est inclassable, c'est imparfait, autonome, ça n'entre pas dans un genre.
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J’ai montré à ma mère "Lac" de Boris Achour. Je lui ai demandé ce que ça lui évoquait et si elle trouvait ça beau. Ma mère m’a dit : ça me rappelle un miroir entouré d’ampoules, tu sais, comme on en voit dans les loges d’artistes... C’est la première image qui lui est venue, à ma mère face à cette œuvre. Je lui ai demandé si elle avait pensé à un lac. Ma mère m’a dit : ce n’est pas la première image qui me vient à l’esprit mais, oui, pourquoi pas.

Moi, c’est l’inverse. J’ai vu d’abord le lac. Le concept de lac et en même temps un lac particulier. Puis, longtemps après, j'ai vu l'objet. Qui m’évoque une table en Formica et un miroir entouré d’ampoules. Je trouve ça beau.
Ma mère perçoit d’abord la réalité matérielle. Moi, d’abord le mot. Je vois à travers le mot. Le mot me fait traverser la réalité. C’est bien ce qui m’intéressait ici, face à cette œuvre.

Je crois que l'artiste s’est un jour trouvé au bord d’un lac, au cœur d’un paysage. Il s’est dit qu’il allait emporter ça, ce moment paisible de son existence, qu’il allait le garder le plus longtemps possible. [...]
Grâce à la mémoire, on transporte l’espace et le temps dans un autre espace et un autre temps. Grâce au langage, on remplace une chose par un mot. Grâce à nos mains, on transforme l’intangible, c’est-à-dire ce qui nous
occupe en pensée, on transforme l'intangible en objets concrets. Un lac
auquel tu penses, il devient ce lac concret, ce lac qui est dur et
bien défini. Archi-matériel et pourtant d’essence poétique.
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J'ai fermé la porte brusquement et au moment où j'ai tourné le verrou, plus par réflexe que par nécessité vu que j'étais seule dans l'immeuble, j'ai regretté mon geste vigoureusement.
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Peut-être que le mal vous égare, mais le bien vous séquestre.
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Des terreurs et en même temps je n'ai peur de rien. Le danger, il vient de moi-même. Je me fais tout un monde de rien et soudain je tombe dans le désespoir.
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Les gens que j'aime sincèrement, je ne veux pas les décevoir en réussissant trop ma vie.
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Une chanson peut produire un envoûtement et te faire vivre en quelques minutes ailleurs et autrement tout en étant toi-même. Une chanson peut te faire prendre des décisions aux conséquences fortes.
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En général, je préfère écouter que parler.Il y a ça aussi. Peut-être que c’est ma nature qui m’a conduite à écrire. Ou plutôt l’écriture m’a confirmée sans la passivité. Il s’agit d’une passivité pleine de rigueur paradoxalement.
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"Ce que nous n'aimons pas en l'autre, c'est ce que nous n'aimons pas en nous-même. C'est une manière de nous débarrasser de cette part de nous-même qui nous intoxique. autrement dit, les reproches se sont des déjections."
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Le langage est là pour nous embourgeoiser, nous intégrer, tandis que la pensée, la sensation sont émancipatrices. Qu'est-ce que je veux dire par embourgeoiser? C'est que dès qu'on parle, et ça s'accentue quand on communique par écrit, on est aux prises avec des normes. Les normes sont toujours bourgeoises. Écrire, ça ne peut être émancipateur que si on emmerde les normes.
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Raconter un souvenir, c'est-à-dire une anecdote, requiert l'emploi du passé. Une phrase au passé c'est sinueux, c'est volumineux, c'est liquide. Le souvenir résulte d'un présent qui a fondu. Quelque chose a eu lieu. Il fait chaud dans le passé, beaucoup plus que dans le présent, et l'avenir est glacial, on y va tout droit par une grande avenue. A l'instant où je l'expose, le souvenir se fige comme moi quand on me fait une prise de sang. Si je raconte une anecdote du passé, ce n'est pas uniquement pour parler, pas uniquement pour raconter quelque chose, pas seulement pour meubler un vide, faire passer le temps, pas pour oublier la seringue, pas pour produire un effet et diminuer ma peine mais pour savoir ce que j'en pense au moment où je la raconte, c'est pour savoir ce que le présent dit du passé. Comment ils s'accrochent tous les deux.
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A l'école, les élèves attendent, debout derrière leur table, l'autorisation de s'asseoir sur le banc sans dossier.
La journée commence par une phrase de morale apprise. C'est le tour de Jeanne M.
"Je ne rougis pas d'être pauvre. Je rougirais d'être malhonnête"
Elle se demande si elle ne pense pas le contraire
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C'est ça, c'est la solitude qui me plaît beaucoup. La liberté aussi, autrement, car elle donne à la vie l'intensité d'une pénétration. La solitude caresse, juste. Je les compare comme les parents leurs enfants dont les souvenirs se confondent mais que les attraits et les déboires particularisent. La liberté est la seule promesse que je voudrais ne pas délaisser.
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J’ai l’impression que je ne fais pas partie du monde. Il est derrière une paroi. Si j’osais la percer, mais avec quels outils, des tamanoirs, des éléphants, des guêpes géantes et d’autres créatures avec lesquelles je n’ai jamais été en contact s’élanceraient sur moi. Je n’ai pas vécu de catastrophes. Il m’arrive d’entrer dans des individus agenouillés sur les trottoirs de la ville. Il m’arrive aussi d’entrer dans des personnes figées au bord des chemins qui nous lient. Alors, le monde vient en moi, il me dévaste, il m’éclaire en même temps. Le monde comme un fantôme passe par mes fissures. Sinon, je ne peux pas le sentir. Sinon, je suis inhumaine, j’ai la maîtrise. J’observe les gens ordinaires jusqu’à l’apparition d’un être qui tend la main, qui prononce une phrase inouïe, qui demande un service ou rien, qui, fluidement, vient me chercher par la fissure.
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Mon nonenfant, c’est comme cette compagnie de morts
avec laquelle j’ai des relations qui ne demandent rien.
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Comme tout le monde, chaque jour j'oscille entre le sac-poubelle et la boîte à archives. Ce tri permanent s'effectue dans la vie matérielle mais aussi dans ma tête.
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