AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782227501546
144 pages
Bayard Adulte (10/01/2024)
3.71/5   19 notes
Résumé :
« Il est arrivé, à l'automne 2022, qu'un petit tas d'ordures suscite mon attention au point que je m'agenouille sur le trottoir pour les considérer. En vue d'un déménagement dont l'échéance approchait, l'essentiel de mon temps était alors occupé au tri et à l'empaquetage de mes affaires. Triant laborieusement, j'ai passé plusieurs mois à discriminer ce qui a de la valeur et ce qui ne vaut rien. D'un côté ce qui est destiné au paradis des archives ; de l'autre ce qui... >Voir plus
Que lire après Sans valeurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique

« Sans valeur » est un court texte de Gaëlle Obiégly (2024, Bayard, 140 p.) dans lequel la narratrice récupère des papiers, livres et photographies dans un tas d'affaires abandonnées, rue de Charonne à Paris. « Ma façon à moi de me l'approprier passait par l'imagination. J'inventais une histoire à la personne qui avait abandonné le petit tas d'ordures. L'histoire que je romançais était la mienne. Mais elle me plaisait davantage, elle était plus légère que ma propre histoire ». Puis, elle passe en revue ses trésors trouvés, ce qui l'amène à rejeter le petit tas d'ordures puis à s'en défaire. Les cahiers dans lesquels elle note ses trouvailles se révèlent impubliables. Ce sont « précisément ce genre d'écrits dont on raffole quand il s'agit des autres ». La récupération, dans les deux cas par des femmes écrivains, qui écrivent très bien. Et dont la transmutation des objets est un vrai plaisir.
Gaëlle Obiégly, qui entre temps, a coupé, puis laissé pousser ses cheveux, avait commencé une réflexion sur la valeur des choses avec « le Musée Des Valeurs Sentimentales » de Gaëlle Obiégly (2011, Verticales, 219 p.). Mais c'est un objet spécial dans la liste de ses livres. En effet, elle rencontre l'artiste autrichien Pierre Weiss en 2004, avec qui ils fondent WO et entreprennent des travaux littéraires et plastiques . Elle est actrice de la plupart des films de Pierre Weiss dont « L'événement qui possède l'homme » et « Dont la réalité s'impose » pour lequel Gaëlle écrit le script et qui est en fait une comédie musicale, avec un fond de musique joué par un guitariste.
On est au château « le Luxe » à un diner donné en l'honneur du sculpteur Pierre Weiss. Mais ce dernier n'est pas là, il a loupé la navette qui devait l'amener. Ce qui provoque une série d'accidents en chaîne, avant d'aboutir à une catastrophe générale. Il y aura cinq tableaux successifs pour cela. Il faut dire que le domaine du Luxe, tout comme la terre, « possède presque autant de pièces souterraines que de pièces au-dessus du sol ». de même que « L'histoire comporte autant de jours que de nuits ».
Retour à Gaëlle Obiégly, originaire de la Beauce, qu'elle raconte dans son roman « Gens de Beauce » (2003, Gallimard L'Arpenteur, 208 p.). On n'en retient pas grand-chose, sinon « sa campagne, champs de blé, labours, betterave à sucre au moment de la chasse.et les labyrinthes de maïs et de colza. le colza, jaune acide au mois de mai ». On nous fait miroiter la population d'Agaville, soit « quelques notables dont font partie les agriculteurs ». Mais, c'est tout. Il y a bien le notaire, il « est de tous les mariages ». Il y a surtout la terre « Tout tourne autour de ça, la terre ».
A Paris, lors d'une séance de jogging, elle est sortie « non lavée, les cheveux emmêlés sous une casquette, vêtue d'un caleçon long t d'un débardeur ». C'est alors quelle « avise sur le trottoir un petit tas d'ordure ». Elle récupère un cageot chez une marchande de fruits pour l'emporter chez elle et lui faire une place dans sa maison. Depuis, elle vit avec ce « petit tas d'ordure ». C'est comme pour le renard du Petit Prince, il faut d'abord l'apprivoiser. « J'inventais une histoire à la personne qui avait abandonné le petit tas d'ordures ».
Où l'on constate que l'on vit une époque formidable. On ne jette plus, on trie, on récupère, on s'en ressert. C'est devenu tendance. Même Eugene Mart, un canadien du Manitoba, s'y est mis dans « Ordure », traduit par Stéphane Vanderhaeghe (2021, Quidam, 112 p.). Pourtant il a été biberonné par Brian Evenson. Ce dernier, né mormon en 1966, d'une famille mormone depuis six générations, mais éjecté depuis et même menacé d'excommunication par la secte.
C'est l'histoire de Sloper, agent d'entretien pour le compte d'un grand immeuble de bureaux au coeur d'une ville américaine anonyme. Il récupère ce qu'il trouve dans le bureaux vides. « Si des poches étaient vides, tu pouvais t'en servir pour y glisser des burgers et des sandwiches. S'il n'y avait plus d'emballage autour du burger ou du sandwich, tu prenais une serviette en papier d'une autre poche située sur le tablier plastique. Et ce n'était pas un problème si un sandwich ou un burger était à moitié mangé ; les salades de pomme de terre, provenant de chez le traiteur situé dans le hall d'entrée, étaient servies dans des petites barquettes plastiques ; elles aussi entraient dans les poches. Donuts, bagels, cookies, galettes de riz, croissants et muffins, idem. Les gens ne finissaient jamais leur salade de pommes de terre ».
Il ne s'arrêtera pas là puisqu'il participe au débouchage du vide ordures, et y découvre le corps nu d'une employée, jetée à même la benne. Comme le jeune homme est seul, il embarque sa découverte. « Sloper ouvrit la porte et sortit un sac. le plastique se déchira et des ordures se répandirent sur le sol. Comme pour le punir, quelqu'un lui donna un coup au visage. Il lâcha le sac et fit un pas en arrière, sa vision brouillée. Lorsqu'il retrouva la vue, il distingua un bras pâle qui sortait par l'ouverture carrée – qui ne le frappait plus, qui ne faisait plus rien ».
Mais, un « déchet » n'est pas une « ordure ». Comme quoi, le tri préliminaire est une chose utile, tout comme le livre d'ailleurs. « Vous savez ce que mon père disait ? À propos des déchets ? de la philosophie à deux balles mais bon, il disait qu'on devrait se sentir jaloux. Il disait que les déchets étaient libres d'eux-mêmes, enfin affranchis de toute velléité humaine ».
C'est donc la même philosophie que pratique Gaëlle Obiégly, quoique elle « y voit plutôt une phobie, la peur de la mort » ou ce qu'elle nomme « Moïse sauvé de l'incinérateur de déchets », ce qui est bien plus joli.
On va donc suivre les divers objets du « petit tas d'ordure », dont un ticket du PMU périmé. Il y a aussi un carnet de notes ou journal intitulé « Une vie bouleversée » de Etty Hillessum, journal intime écrit entre 1941 et 1943, dont on ne sait plus trop si la pae provient du tas d'ordure ou d'un livre alors que Gaëlle travaillait à la Bibliothèque de France. le tout va finir dans des boites en carton kraft, qui ramollissent sous la pluie « jusqu'au petit-beurre trempé dans un thé à la maison de retraite où, enfant, on m'a emmenée faire des visites ». Raccourci stupéfiant des images de la déchéance des choses et des gens.
On en arrive à la création du « Musée des Valeurs Sentimentales » avec ses « amies Francesca Alberti et Stéphanie Fabre », référence non voilée à son livre éponyme. Livre « Achevé d'imprimé. A Clamecy le 2 décembre 2010 », avec « un dépôt légal en décembre 2010 ». Surtout avec son titre imprimé en majuscules sur trois lignes. C'est joli, cela fait marche d'escalier. Ce saucissonnage du titre en trois segments fait apparaître une progression régulière de lettres dans les mots du titre. On dirait une contrainte d'écriture oulipienne. Tout comme, il existe une contrainte d'écriture imposée par la reprise du dernier mot dans le début de la phrase suivante. En fait ce musée, c'est « un centre des archives pour ces objets tabous » ou objets que l'on ne veut plus « ni garder, ni jeter ».
On en arrive tout naturellement à la « collection Molina » de New York sur 99th Street East, à Manhattan. C'est là, dans un dépôt du quartier d'East Harlem que Nelson Molina, éboueur pendant plus de 30 ans à New York, a constitué une collection improbable « Treasures in the Trash » de plusieurs milliers d'objets ramassés lors de ses tournées. Il y a de tout, répertorié, remis en état et classé. Des paires de skis côté d'une tente indienne d'enfants, une bouée de sauvetage, d'authentiques vitraux d'église. Et pour les afficionados, une cravate à l'effigie de la série « Alerte à Malibu ». le « Metropolitan Hospital », propriétaire des lieux, voudrait les récupérer, forçant ainsi le musée à déménager.
Ainsi va le petit tas d'ordure.
Commenter  J’apprécie          00
J'apprécie beaucoup la texture de la couverture, semblable à du papier recyclé, et son format est agréable. Après, la couverture est assez simple à mon goût.

"LI" représente une forme de "littérature intérieure qui se penche sur le sens - ou le non sens - de la vie". En somme, il s'agit de récits différents de ce à quoi nous sommes habitués, souvent plus intimes et parfois légèrement décalés.

Dans cet ouvrage, nous sommes plongés dans une narration qui met en avant la question des valeurs. Les objets deviennent les témoins d'histoires, capables de perpétuer leur récit à travers le temps. Mais de quelles façon ? Pouvons-nous nous en détacher ?

Le personnage principal nous livre ses pensées les plus intimes. Lorsqu'elle découvre un petit tas d'ordures, cela déclenche une réflexion - entre autres - sur la façon dont nous associons les objets à nos souvenirs.

À travers des phrases bien ciselées, l'autrice partage des souvenirs tout en tentant de comprendre l'origine de l'ensemble de ce petit tas d'ordures.

J'apprécie dans sa globalité le texte, toutefois je trouve qu'il y a beaucoup de répétitions et donc cela amène une certaine longueur.

Vous arrive-t-il d'accumuler des objets car ils évoquent des souvenirs en leur présence ? Personnellement, j'en fais partie.
Commenter  J’apprécie          152
"Quand je suis arrivée chez moi transportant avec soin le petit tas d'ordures, je travaillais justement depuis plusieurs mois au tri de mes affaires en vue du déménagement, distinguant selon des critères flous celles qui méritaient d'être archivées et celles qu'il fallait jeter. Faire le vide mobilise certaines facultés également indispensables à la production d'un récit. Mémoire, émotion, réflexion, jugement. Pour chaque chose, je me demandais qu'en faire. L'envoyer au paradis des archives ou la condamner au néant du sac-poubelle."
Un récit auquel je n'ai pas vraiment adhéré. le tri des affaires voire des ordures de soi ou des autres n'est pour moi pas vraiment un sujet de littérature. Ce serait plus une réflexion personnelle voire une réflexion finalement assez philosophique qui nous renvoie à notre propre disparition. Etrange et un peu dérangeant.
Commenter  J’apprécie          120
Dans la collection "littérature intérieure" de Bayard, j'ai pioché ce petit livre à la belle couleur orangée.
Quelle valeur pourrais-je bien lui attribuer ? Difficile à dire… Doit-on se référer au prix ou aux sentiments que cette lecture m'a procurée ?
La valeur des choses, c'est précisément sur ce terrain complexe, de l'ordre de l'intime, que Gaëlle Obiégly nous entraîne.
Un sujet à la portée philosophique insoupçonnée…
Par deux fois j'ai dû me séparer d'une grande quantité d'objets qui représentaient des souvenirs "importants" de ma vie passée. Des séparations subies qui n'ont fait qu'alimenter le sentiment de perte que je ressentais. J'ai dû trier quelques bricoles à la va-vite qui constituent, aujourd'hui encore, la majorité de ces "souvenirs-trésors" (des livres, des disques, quelques bricoles sans aucune valeur si ce n'est que je les avais achetés gamine pour les offrir à ma mère…).
Comment déterminer la valeur d'une de ces choses ?
Je vous avoue que je n'ai pas eu le temps de me poser la question (les livres étaient une évidence, mais je n'ai sauvé qu'une partie de ma modeste collection d'adolescente…).
Ces objets qu'on laisse derrière soi, parfois, j'y pense (j'aurais voulu les donner à un proche dans l'idée d'une espèce de transmission), ce sont les souvenirs auxquels ils se rattachent qui provoquent une forme de manque impossible à combler puisque l'objet n'existe plus.
Ainsi, le personnage de Gaëlle Obiégly se prend presque d'amour pour un petit tas d'ordures délaissé sur un trottoir. Elle tente bien de se raisonner un peu, mais elle finit quand même par le ramener chez elle alors qu'elle doit elle-même procéder à un tri puisqu'elle est sur le point de déménager.
Que contient-il ? Qu'est-ce qui provoque ces sentiments exacerbés et les actions irrationnelles de la narratrice ?
Ce tas d'ordures n'a aucun rapport avec elle, aucun souvenir ne semble s'y rattacher, du moins a priori…
Une écriture fine, au plus juste et un livre-objet qui n'en finit plus de nous interpeller sur notre rapport aux choses et le classement presque inconscient que l'on fait selon l'importance qu'on leur attribue (doit-on l'archiver ou le jeter ?).
Lien : https://www.xn--rdactrice-b4..
Commenter  J’apprécie          71
Bonsoir,

Un petit livre aujourd'hui qui n'a pas la qualité de son titre « sans valeur » de Gaëlle Obiégly aux Bayard Editions. Qu'est ce qui a et qui gardera de la valeur pour nous et après nous ? L'auteur trouve un petit tas de déchets qu'elle « adopte » pour découvrir une vie dans laquelle parfois elle se retrouve. Un texte et une histoire très particulière qui nous pousse à des réflexions et qui nous interroge sur la valeur des choses, sentimentale, imaginaire, pécuniaire … Que restera t il de nous ? que garderont et que penseront les autres, les suivants de nos « restes » ? Pour se plonger dans nos vies et peut être faire du tri ? En tous cas j'ai trouvé cette approche originale et très intéressante. Merci Anne Vaudoyer.
Extrait : « oui, tu penses beaucoup à cette femme inconnue en laquelle tu te projettes car c'est une façon d'alléger sa propre vie que de vivre celle d'une autre. Exactement, tu as raison. Quand ce n'est pas ta vie, c'est plus léger. Vivre sa vie est difficile. »
Commenter  J’apprécie          40


critiques presse (4)
LeSoir
08 mars 2024
Voilà un essai à la fois étrange et attachant. On pourrait être surpris par l’utilisation du mot « essai », parce qu’en fin de compte, dans ce récit intime, il n’y a aucune volonté de démonstration ni de dissection d’un événement ou d’une situation.
Lire la critique sur le site : LeSoir
SudOuestPresse
13 février 2024
Vertigineux et intriguant, son petit volume élégamment imprimé par Bayard mérite quant à lui d’être traversé, cogité et conservé dans sa bibliothèque.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeMonde
06 février 2024
La narratrice du nouveau livre de l'écrivaine récupère un « petit tas d'ordures » pour en faire la matière d'une oeuvre. Et interroge le mécanisme de création de valeur.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
31 janvier 2024
La narratrice s'interroge sur ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Une chanson peut produire un envoûtement et te faire vivre en quelques minutes ailleurs et autrement tout en étant toi-même. Une chanson peut te faire prendre des décisions aux conséquences fortes.
Commenter  J’apprécie          60
Comme tout le monde, chaque jour j'oscille entre le sac-poubelle et la boîte à archives. Ce tri permanent s'effectue dans la vie matérielle mais aussi dans ma tête.
Commenter  J’apprécie          20
Le petit tas d'ordures gisait sur le trottoir. Je lai aperçu soudain sur ma droite en montant la rue de Charonne. Cela, je l'ai déjà dit. Cette vision m'a saisie; elle me revient plusieurs fois par jour.
p. 36.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Gaëlle Obiégly (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gaëlle Obiégly
Lecture par l'autrice
Gaëlle Obiégly, qui a l'art de poser sur le monde un regard joyeusement décalé, s'intéresse dans ce texte à ce qu'elle « trimballe » avec elle. Que ce soit dans un sac à dos ou à bandoulière, dans ses bibliothèques, dans ses lieux de vie, dans sa tête ou dans son corps, quelle valeur donner à ce qui la constitue, intérieurement et extérieurement ? Et que faire lorsqu'elle croise sur sa route un « petit tas d'ordures » qui lui semble posséder une richesse sans nom ? le « sauver » déjà, de sa condition de déchets, l'analyser ensuite, comme un objet protéiforme, plein d'histoires et de symboles. L'incarner, en somme, et tâcher de le comprendre en s'adressant à ce qu'il renvoie – : « Qui es-tu, petit tas d'ordures ? »
Dans le cadre des Nuits de la lecture.
« Triant laborieusement, j'ai passé plusieurs mois à discriminer ce qui a de la valeur et ce qui ne vaut rien. D'un côté ce qui est destiné au paradis des archives ; de l'autre ce qui est voué à disparaître dans le néant des ordures. » Gaëlle Obiégly, Sans valeur.
À lire – Gaëlle Obiégly, Sans valeur, éd. Bayard, 2024.
+ Lire la suite
autres livres classés : psychologieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (72) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
434 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..