Citations de Gilles Vigneault (137)
Deux cailloux bruns enclos
Dans leurs coquilles d'eau
D'un seul regard
M'ont redonné la mer.
Un mur où on a mis la main soi-même nous en apprend plus long sur la liberté de l'homme que tous les philosophes.
Dans le grand marché aux puces où l’on vend des papillons dans des bulles de savon
Pour apprendre. . .
Pour apprendre à connaître
Par son nom une étoile
Et s'en faire un souvenir
Serti au métal de la mémoire,
Il m’a fallu aller
Au rendez-vous de la rivière,
A l'heure où l'aube hésite
A devenir le jour.
Pour apprendre que les villages
Ne sauraient exposer aux midis
D’un soleil trop curieux
Une âme trop fragile à mourir de clarté.
(p. 19)
Le travail de ne point mourir
À perte de vue et de peine
Occupe l'heure ou la semaine
Et retient le cœur de courir
Le charpentier dit volontiers :
"Rien de niveau sur la planète".
Mais ça reste un métier honnête,
Tu pourrais faire un charpentier
Mais ne fais pas un militaire...
Car ce n'est pas un beau métier
D'aller tuer des charpentiers
De l'autre côté de la terre.
Il vaut mieux perdre la guerre
Que d'aller au pas du pauvre soldat.
Le jardinier dit volontiers :
"Il a fait beau"...d'un jour de pluie.
ça c'est un métier pour la vie !
Tu pourrais faire un jardinier
Mais ne fais pas un militaire...
Le savant dit : "Si vous saviez !...
Si vous saviez mon ignorance
Le métier de la connaissance
Est mal connu et journalier"......
(extrait de la chanson "les beaux métiers")
De mon grand pays solitaire
Je crie avant que de me taire
À tous les hommes de la terre
Ma maison c'est votre maison
Entre mes quatre murs de glace
Je mets mon temps et mon espace
À préparer le feu, la place
Pour les humains de l'horizon
Et les humains sont de ma race
Et nos corps en dérive
Iront de par la ville
Iront de par la vie
En quête de la grève
Ou vivre la sagesse
Et la paix des épaves. (167)
La marée, le vent, le sable, la pluie et la neige sont des professeurs d'humilité.
Je m'en vais seul et je le sais.
Le chemin pourrait être pire.
Je ne sais où j'arriverai
Ni quand si tant est que j'arrive.
Des hautes profondeurs du ciel . . .
Des hautes profondeurs du ciel
Une larme est tombée
Sur terre
Et ce discret météore
Eût perforé le monde
Si mon cœur
Ce palpitant caillou d'humanité
N’en portait aujourd'hui la fêlure
Des hautes profondeurs du ciel
Une larme tombée
M'a parlé d’une peine d’étoile
Habitée par l'amour
Bel oiseau de si loin
Larme d’œil égarée
Sur ma triste planète
Te voilà faite perle
Pour la durée de ce mauvais caillou
Dont ton feu dévorant
A fait un coquillage
Plein de sel et d’échos . . .
p. 151 « Étraves »
LA CHANSON DU FEU ET DE L’EAU
Je serai la flamme
Si tu es le Bois
Je serai la neige
Si tu es le Froid
Le verglas la braise
Et femme à la fois
Feu de toi et moi
...
(p.115)
Et l'intégrale ... à l'heure où j'entre dans la jeunesse d'une retraite de l'agitation du monde, bien mérité me semble-t-il ... ?
Oisivetés
... Je me mettrai un jour
A travailler vraiment
Et mon premier souci
Sera de surveiller la forme des nuages
Ils en changent si facilement
Et si souvent
Par le vent
Chargé d’hirondelle
Et surtout
Par le vent
Qui joue à perte d’aile
Et de feuille et d’étés par les matins d’automne
Peut-être aussi
S’il m’en reste le temps
Certains midi de l’hiver pâle
Porterai-je très douce et très grande attention
Aux différents cristaux de neige
Ils sont si neuf et si pareils
A ceux d’hier-demain
A ceux de l’an dernier
Ils se ressemblent tant
Par la fenêtre
Et sont si semblables
Sur le bord de la fenêtre
Qu’on en oublie de regarder dehors
Qu’on en oublie de regarder dedans
On est tout blanc on est tout seul
On meurt de feu on meurt de vent
On est l’hiver et l’univers
On est dans les mains du soleil
On est si neuf et si pareil
Je me mettrai un jour à travailler vraiment
Et je vous le dirai en millier d’exemplaires
Et si cela n’a point le bonheur de vous plaire
Je me ferai nuage et j’irai vers le Nord*.
(p. 89, 90, 91)
Gilles Vigneault, “Balise”, éditions de l’Arc, Bougainville-Québec, 1967
* Dans la tradition Lakota Teton, le Nord [pierre-rouge] symbolise le messager “aigle à tête blanche” le Pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) qui vit en Amérique du Nord, qui dispense la puissance féconde, la santé et la maîtrise de soi.
Petit nocturne ancien
Tout au sommet de la journée
A la dernière marche du soir
Tout au bout de la journée
Tout en haut de l'escalier
Sur la dernière marche . . . au faîte de la nuit
Je veille sur votre sommeil au loin
Et sur toute la ville. Ici du moins
La page blanche dort comme une jeune fille
Et j’y pose des mots pour qu’elle rêve un peu
Au réveil dans cent ans il n’y paraîtra plus
Même à l’aube . . . demain on y verra à peine
Que je suis seul en moi. A la fois capitaine
Et matelots de moi. Et vous tout à la fois
Proche et pourtant lointaine . . .
Veille avec moi votre pensée
Que je n’aille point m'endormir
(p. 34)
Présages
...
Ouvrez les mots que je vous donne
Ils sont de coquille très mince
Ce ne sont point des mots de prince
A dure écorce et rien dedans
Ouvrez les mots de notre automne
Qui ne sont ni bouquet ni gerbe
Mais vous parleront de belle herbe
En la saison qui nous attend
Ouvrez le mot : mélancolie
Vous y trouverez mon attente
Pour les moments de loin de vous
Ouvrez les mots que l'âme oublie
Au jardin d’hiver et que hante
Le dernier cri du soleil roux
...
(p. 20)
Une somme d’erreurs…
N’est qu’un produit de l’inexpérience…
La sagesse n’est qu’un produit de réflexion.
Sur une somme d’erreurs…
« Rides », c'est un joli mot, quand elles sont assumées ! Les pattes d'oie nous disent que les gens ont beaucoup ri, pleuré quelquefois, donc vécu. Voilà quelqu'un avec lequel il est intéressant de parler tout de suite.
La lessive
Nos chemises pliées tout en haut de
l'armoire, qui attendaient parfois des
jours et des semaines. Et nos mains se
hâtaient vers les odeurs de propre
qu'elles avaient gardées de leur passé de
voile... dans le vent du suroît qui
secouait la corde tendue de la maison à
la bâtisse à bois...J'y songe quand
j'écris. Quand je plie mon poème. Et
que je viens l'étendre sous le vent de
vos yeux.
L'arbre qui bouge
L'arbre qui bouge et fait
Semblant que c'est le vent.
L'homme qui parle et fait
Semblant que c'est lui-même.
Le premier couplet dit que le temps passe
Le deuxième apprend que c’est aujourd’hui
Un troisième a mis le coeur à sa place
L’âme est au couplet qui n’est pas fini
Le cinquième tourne au fond de l’espace
Et les trois suivants vont autour de lui
Le dernier déjà s’efface et m’efface
Encor tout surpris d’avoir fait ce bruit
Encor tout surpris d’avoir pris ma place
Le dernier couplet m’efface sans bruit
Trois couplets tournaient au fond de l’espace
Le cinquième a cru que c’était chez lui
L’âme est un couplet que le coeur efface
Le couplet du coeur n’est jamais fini
Le deuxième apprend comment le temps passe
Le premier couplet s’appelle aujourd’hui