Ici je parle enfin
À mon tour, en mon nom,
Au nom de mon pays,
Au nom de ma saison.
Je lui dis ma patrie
Et que c’est la rafale…
Verglas et poudrerie
Et bourrasque et froidure
Et blancheur et beauté.
Et chacun recommence
En y mettant son nom
Comme un héros
Qui a décidé
Une fois pour toutes
De tirer de sa peur
Le pire et le meilleur
Le plus-être de l'homme ne viendra pas de ses actions,
même les plus belles et les plus exaltantes, mais de la contemplation qui les a précédées et qui devrait les suivre.
Le bonheur voyage toujours à pied.
Aujourd'hui, un poète, cela sert à nommer des gens et des lieux sur la terre et cela devrait servir à avertir l'humanité des bêtises qu'elle est en train de faire sur son bateau, parce que nous sommes prisonniers d'un bateau qui s'en va dans l'espace et nous sommes là pour un moment dans l'univers. Et ce vaisseau prend l'eau par un trou dans la couche d'ozone, par les gaz à effets de serre, par la déforestation, par la terre qui ne peut plus retenir la pluie, parce qu'elle n'a plus les racines qu'il faut. La terre fait eau de partout. Ce vaisseau, c'est le nôtre, mais surtout celui de nos enfants, et, si on a des enfants et si on nous affuble du chapeau de poète, il me semble que ce qu'on a à faire avec ça, c'est d'avertir nos enfants de ce qu'ils sont en train de faire avec nous de cette terre, à leur vaisseau. Qu'ils n'ont que ce vaisseau et qu'il faut protéger le navire pour que l'humanité puisse continuer.
Tout ce que l'on sème
ne porte pas fruit
dans l'été qui suit
et meurt parfois même
avant que la nuit
n'efface aujourd'hui
Mais on peut voir naître
De tel grain perdu
L'arbre inattendu
Qui dans ma fenêtre
Remettra son dû
À l'oiseau têtu...
Qu'il a dans la tête...
Dans le cadeau le plus modeste, il faut savoir trouver tous les trésors du coeur.
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon jardin, ce n’est pas un jardin, c’est la plaine
Mon chemin, ce n’est pas un chemin, c’est la neige
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Dans la blanche cérémonie
Où la neige au vent se marie
Dans ce pays de poudrerie
Mon père a fait bâtir maison
Et je m’en vais être fidèle
À sa manière, à son modèle
La chambre d’amis sera telle
Qu’on viendra des autres saisons
Pour se bâtir à côté d’elle
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon refrain, ce n’est pas un refrain, c’est rafale
Ma maison, ce n’est pas ma maison, c’est froidure
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
De ce grand pays solitaire
Je crie avant que de me taire
À tous les hommes de la terre
Ma maison, c’est votre maison
Entre ses quatre murs de glace
Je mets mon temps et mon espace
À préparer le feu, la place
Pour les humains de l’horizon
Et les humains sont de ma race
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon jardin, ce n’est pas un jardin, c’est la plaine
Mon chemin, ce n’est pas un chemin, c’est la neige
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’envers
D’un pays qui n’était ni pays ni patrie
Ma chanson, ce n’est pas ma chanson, c’est ma vie
C’est pour toi que je veux posséder mes hivers
Prends pour te connaître le temps qu'il faudra. Rien qu'à te connaître, tu voyageras
Gilles Vigneault
À celui qui prendra ma place
Dans quarante ans, cinquante au plus
Je souhaite de la grimace
Et de ne pas trop avoir lu
Et chaque fois que je le croise
Il m’évalue à son insu
Me chiffre, me jauge et me toise
Moitié content, moitié déçu
Je viendrai mourir où tu m’as aimé
Je viendrai mourir où tu étais belle
Je viendrai mourir où tout me rappelle
Les jours de novembre et les jours de mai
Je viendrai mourir sous une fenêtre
Qui ne vivra plus du feu de ton nom
Je viendrai mourir où tu m’as dit non
Quand je rêvais tant d’entendre peut-être
Avant que l’hiver par ses poudreries
N’ait mis aux chemins la neige des champs
Les gens du pays plantent des balises
Pour se retrouver dans le mauvais temps
Le printemps venu tombent les balises
Qu’on avait piquées dans le sol tout blanc
Restent les sapins qui tenaient racines
Le long des chemins suivis par le vent
Aussi me faut-il aux neiges qui viennent
Prévoir des chemins pour plus d’un hiver
J’y mets chaque fois mon soin et ma peine
Le Temps ne tient pas ses chemins ouverts (bis)
Les gens de mon pays
Ce sont gens de paroles
Et gens de causerie
Qui parlent pour s’entendre
Et parlent pour parler
Il faut les écouter
C’est parfois vérité
Et c’est parfois mensonge
Mais la plupart du temps
C’est le bonheur qui dit
Comme il faudra de temps
Pour saisir le bonheur
À travers la misère
Emmaillée au plaisir
Tant d’en rêver tout haut
Que d’en parler à l’aise
Parlant de mon pays
Je vous entends parler
Et j’en ai danse aux pieds
Et musique aux oreilles
Et du loin au plus loin
De ce neigeux désert
Où vous vous entêtez
À jeter vos villages
Je vous répéterai
Vos parlers et vos dires
Vos propos et parlures
Jusqu’à perdre mon nom
Ô voix tant écoutées
Pour qu’il ne reste plus
De moi-même qu’un peu
De votre écho sonore
Je vous entends jaser
Sur les perrons des portes
Et de chaque côté
Des cléons des clôtures
Je vous entends chanter
Dans la demi-saison
Votre trop court été
Et mon hiver si longue
Je vous entends rêver
Dans les soirs de doux temps
Il est question de vents
De vente et de gréments
De labours à finir
D’espoirs et de récoltes
D’amour et du voisin
Qui veut marier sa fille
Voix noires voix durcies
D’écorce et de cordage
Voix des pays plain-chant
Et voix des amoureux
Douces voix attendries
Des amours de village
Voix des beaux airs anciens
Dont on s’ennuie en ville
Piailleries d’écoles
Et palabres et sparages
Magasin général
Et restaurant du coin
Les ponts les quais les gares
Tous vos crimes maritimes
Atteignent ma fenêtre
Et m’arrachent l’oreille
Est-ce vous que j’appelle
Ou vous qui m’appellez
Langage de mon père
Et patois dix-septième
Vous me faites voyage
Mal et mélancolie
Vous me faites plaisir
Et sagesse et folie
Il n’est coin de la terre
Où je ne vous entende
Il n’est coin de ma vie
À l’abri de vos bruits
Il n’est chanson de moi
Qui ne soit toute faite
Avec vos mots vos pas
Avec votre musique
Je vous entends rêver
Douce comme rivière
Je vous entends claquer
Comme voile du large
Je vous entends gronder
Comme chute en montagne
Je vous entends rouler
Comme baril de poudre
Je vous entends monter
Comme grain de quatre heures
Je vous entends cogner
Comme mer en falaise
Je vous entends passer
Comme glace en débâcle
Je vous entends demain
Parler de liberté
L'arbre qui bouge et fait
semblant que c'est le vent.
Je voyage à contre-jeunesse
A contre-courant du bonheur.
Vêtu des mots; passion, amour, ou coup de foudre... le moindre élan du corps se prend pour le destin
PAYS DU FOND DE MOI
Pays du fond de moi
Sache que je te suis fidèle
Et que la planète est fragile
Autour de toi
...
(p. 61)
J'ai pour toi un lac quelque part au monde
Un beau lac tout bleu
Comme un œil ouvert sur la nuit profonde
Un cristal frileux
Qui tremble à ton nom comme tremble feuille (62)
La folie, c'est une espace de frontière.
Un lieu de limite à ne pas dépasser, donc à dépasser.
Pour choisir la sagesse, il faut connaître la folie.
Absolument.
On écrit pour ne pas mourir...