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Critiques de Goran Petrovic (96)
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Soixante-neuf tiroirs

Imaginez qu’à la lecture d’un livre vous vous retrouviez propulsé physiquement dans ce dernier. Que vous y rencontriez des personnes de la vie réelle qui sont en fait les autres lecteurs dudit roman et que vous ayez le pouvoir d’en modifier des éléments. Ce serait un voyage à la confluence entre réalité et imaginaire avec la lecture comme médiateur pour se déplacer corps et âme d’un monde à l’autre. C’est ce voyage là avec une mise en abyme on ne peut plus symbolique que nous propose en soixante neuf chapitres cet écrivain serbe dans son roman devenu culte. Ajoutez-y quelques zestes de merveilleux, beaucoup de mystère et d’onirisme, une bonne poignée de poésie, une citerne d’amour, une pincée d’Histoire, de l’inventivité et un chapelet de personnages haut en couleur et ce voyage se fera en première classe sur une mer d’encre. Cette œuvre est un hymne à la création littéraire, au pouvoir de la lecture et à l’immense champ des possibles qu’elles offrent. Des les premières lignes se dégage de ce langoureux et envoûtant roman une atmosphère étrange et surannée. Tout débute à Belgrade lorsqu’un couple énigmatique embauche Adam un étudiant en lettres mais aussi correcteur afin qu’il apporte quelques modifications à un curieux livre en maroquin rouge signé d’un certain Anastase Branitza. A sa lecture il se retrouve projeté dans un décor merveilleux où se dresse une somptueuse villa bordée de jardins étincelants et s’étale un parc féerique. Quelque chose le trouble pourtant : ce livre descriptif est à priori déserté de tout personnage. En totale immersion dans cette œuvre peu à peu il finit par en croiser mais ce sont des personnes de sa vie réelle. Il comprend alors qu’il les retrouve dans cet espace romanesque lors de la lecture commune et simultanée de ce texte. On y rencontrera dès lors toutes sortes de personnages atypiques comme Natalia la vieille dame qui cherche désespérément ses souvenirs perdus, la jeune fille au chapeau cloche dont Adam tombera amoureux. Mais aussi des personnages malveillants. Tous sont surprenants avec leurs petites manies et obsessions comme cette cuisinière sourde condamnée à errer dans sa cuisine affairée avec sa cuillère en bois brandie au dessus de ses marmites fumantes, un jardinier suspicieux et entêté occupé dans sa pergola aux roses, un agent des services secrets, des réfugiés, une drôle de famille, un professeur...Beaucoup d’entre eux ont un lien avec Anastase, surtout la vieille dame. Dans ce livre à tiroirs, on découvrira le destin tragique et rocambolesque de ce dernier et de son manuscrit écrit dans le but de créer un lieu de RDV secret dedié à celle qu’il aime profondément « cette demoiselle avec le bout des doigts tendres et colorés de pastel » rencontrée au détour d’une page... En véritable démiurge il concevra la villa et son parc à coups d’encre violette créant un espace intemporel entre songe et réalité ne se doutant pas de ce qui va suivre... Mélancolie et romantisme s’entrelacent dans une ambiance fantastique le tout sur fond d’événements constitutifs de l’Histoire de l’ex-Yougoslavie. C’est un roman étourdissant et même si j’ai regretté quelques lenteurs en milieu de lecture, les derniers chapitres me les ont vite fait oublier. A lire absolument.

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Soixante-neuf tiroirs

Boutonnant le tailleur qu'elle mettait habituellement pour sortir et en arrangeant, sans nulle nécessité, sa mise en plis toute fraîche, « Il est indispensable d'être décemment vêtu, on ne sait jamais qui l'on peut rencontrer.... » énonce Natalia Dimitriévitch, la vieille dame du roman de Petrovitch à sa jeune dame de compagnie, alors qu'elles s'apprêtent à faire une lecture simultanée . Les livres, la lecture ce passe temps sacré, notre passion commune à tous, est au coeur de ce récit qui nous est présenté à travers un livre mystérieux sans personnages et son lecteur Adam Lozanitch étudiant en littérature. Adam s'immerge dans un livre au point d'y vivre et d'y faire des rencontres, celles des personnes qui lisent le même livre que lui simultanément; ici en l'occurrence des lecteurs qui sont probablement les derniers possesseurs d'un exemplaire de ce livre rare. Étrange non ? Pas tant que ça....L'espace littéraire , même humble peut embrasser une multitudes de choses et s'étendre à des domaines jusqu'alors inconnus à notre imagination, nous permettant de vivre une double vie, et même comme ici de rencontrer entre nos lectures et nos réalités quotidiennes des personnes inconnues à la faveur d'une lecture simultanée, "ou n'était-ce là qu'une illusion due à un excès de littérature et à une carence de vie ?" Et oui , l'excès de littérature comme tout excès est une activité dangereuse 😊 ! Et c'est ce qui nous arrive dans ce récit fabuleux d'un auteur serbe jusqu'alors inconnu pour moi. Le temps d'un livre, ouvrant dans l'ordre voulu soixante-neuf tiroirs qui s'emboîtent comme des poupées russes dans 8 "lectures" et un épilogue, chacune ornée d'un frontispice illustrant vaguement son contenu, on entre dans le labyrinthe d'une double vie entre monts et merveilles ! Un bijou littéraire où s'entremêlent réalité, fiction, rêves et poésie, et qui encore une fois donne la preuve que chaque livre peut réceler sensations et ressentis très divers selon celle où celui qui l'aborde ( l'exemple de l'avocat qui détruit par jalousie le livre qui passionne sa femme est unique et superbe). Si le sujet vous intéresse et que vous voulez tenter l'expérience unique d'une lecture fantôme d'un livre fantôme aux personnages fantômes 😊 afin de franchir la ligne d'horizon, ne passez pas à côté !



VERBA VOLANT, SCRIPTA MANEN

Les paroles s'envolent... —... les écrits demeurent !



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Sous un ciel qui s’écaille

Un bien agréable petit « ciné-roman » par le fort talentueux auteur serbe Goran Petrović, dont le premier roman à être traduit en français, « Soixante-neuf Tiroirs », a connu un joli petit succès de librairie ( édité au Serpent à Plumes / Rocher puis chez Zulma ), et dont vous retrouverez plusieurs critiques enthousiastes de babéliotes chevronnés.



Ici on l’apprécie pour sa seule parution chez l’éditeur québécois « Les Allusifs », à qui l’on doit également d’excellentes sorties de compatriotes tels Matijevic et Basara.

La quatrième de couverture sonne quelque peu curieusement, car bien que situant correctement l’action dans la Yougoslavie de 1980, elle anticipe en nous parlant d’une « métaphore de la société serbe », alors qu’il s’agît bien de cette population multi-nationale dont il est question, portrait d’un pays au bord de l’effondrement alors que son redoutable cimentier, maréchal d’obédience croate, Josip Broz Tito, vient de s’éteindre.

Je ne reviendrais pas ici, tentation à chaque nouvelle critique d’un livre issu de cet ex-état, sur la trouble et hyper-compliquée histoire de cette dislocation, évidente balkanisation annoncée, des tonnes de papiers existant à ce sujet, dont beaucoup nous viennent des éditions L’Age d’Homme avant la mort accidentelle de son fondateur. Une documentation qui permet de relativiser, tout en embrouillant à l’extrême, la vison que l’on peut avoir d’un grand morceau conflictuel de l’histoire européenne, beaucoup trop facilement résumé à un duel de gentils et de méchants… comme d’habitude, vous dîtes ? Mais je m’égare encore…



Donc l’ami Petrović ( que c’est mignon, cet accent sur le c ) nous figure sa nation déchue par un vieux cinéma rempli d’une galerie de personnages, que l’on va suivre alternativement, avec un certain systématisme, donnant parfois l’impression d’un manque de liant.

Certains personnages, comme ce mélancolique ouvreur, mériteraient un roman à eux tout seuls, accentuant le côté légèrement décevant de passer au rang suivant, suivant cette organisation selon le placement de chacun dans la salle. Ce dispositif pourrait tenir, mais pâlit franchement à son deuxième passage, l’auteur obligé de rafraichir la mémoire du lecteur comme avec de petits cartons brandis depuis le trou du souffleur, confirmant le caractère possiblement caricatural de certains.

Un mince fil rouge, permettant de parcourir l’histoire hors de la salle, est incarné par une perruche nommée « Démocratie ». L’auteur en use comme d’un évident paradigme, mascotte d’un livre qui augure d’un joli talent de conteur, sans toutefois convaincre par sa forme structurellement trop dénudée.

J’y reviendrai bientôt, disposant de toute son oeuvre ; la littérature balkanique, et plus largement slave, comme profonde source de plaisirs.

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Atlas des reflets célestes

Quel bonheur de se laisser encore une fois emporter par la douce folie de cet auteur dont j'ai déjà apprécié "Soixante-neuf tiroirs", dont tout amoureux des livres ne peut que sortir enthousiaste, et "Le siège de l'église Saint-Sauveur" qui permet lui-aussi de s'envoler entre rêve et réalité sur fond historique.

Cet "Atlas des reflets célestes" est paru en 1993 et l'on y retrouve tous les ingrédients qui ont présidé à la naissance des deux suivants.

Goran Petrovic est un auteur qui vous emporte dans un tourbillon de trouvailles, qui ranime l'imagination et l'émerveillement de l'enfance.

Avec lui tout est possible, le quotidien devient extraordinaire, il fait entrer son lecteur en lévitation.



"De toutes parts, le Faubourg était emmitouflé dans la neige.Les flocons tombaient et tombaient si dru que du ciel semblaient se dévider par milliers de longues cordelettes blanches finement filées. Comme si quelqu'un là-haut était en train de mettre en pelotes les doux fils ouatés d'un gigantesque écheveau tendu entre le ciel et la terre, en nous invitant à tricoter une nouvelle fois nos chandails d'enfant, qui nous vont encore si bien même quand nous sommes devenus grands." p 223
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Soixante-neuf tiroirs

Deuxième roman serbe que je lis, mais quel livre atypique, jubilatoire!



Si vous n'adhèrez pas au réalisme magique, à la fantaisie effrénée, cet enchâssement d'histoires étranges et débridées ne vous plaira pas et vous vous perdrez dans le labyrinthe de ses pages...



Très difficile de donner ne serait-ce qu'un aperçu de ce livre si singulier. Peut-être pourrais-je juste en tracer quelques contours un peu flous...



Un jeune correcteur à Belgrade, Adam. Un manuscrit mystérieux. Des vies imaginées, des lectures simultanées, des amours rêvées...



Fondations de tout cela, un jardin et une villa. Au détour des allées isolées, loin des autres lecteurs, des rencontres déterminantes.



Voilà un bel hommage à la littérature, aux portes de l'imaginaire qui s'ouvrent aux amoureux des livres, aux mille et une vies à créer, à partager. Quelques longueurs dans la deuxième partie mais l'ensemble reste enthousiasmant et virevoltant! A découvrir.
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Soixante-neuf tiroirs

« Soixante-neuf tiroirs » est un roman bien étrange, un voyage au coeur des livres. Il s'en dégage une atmosphère un peu surannée qui m'a beaucoup plu.

J'ai eu envie de le lire après l'excellente critique d'Afleurdelivres que je remercie pour ces précieuses recommandations.

*

Ce roman est une invitation au voyage, un voyage dans le temps, dans l'histoire de la Serbie, mais aussi dans l'espace, entre réalité et l'imaginaire des livres.



« C'est un temps dans le temps. »



La lecture permet de se plonger dans des univers riches et complexes crées par des auteurs. Mais ne serait-ce pas fantastique si vous aviez la faculté d'entrer physiquement dans un livre et de devenir un acteur du roman ? Ne serait-ce pas une belle expérience de partir à la rencontre des personnages du roman et des autres lecteurs qui ont réussi, eux aussi, à s'introduire dans le même livre que vous ?



« Depuis un an, en lisant, il lui semblait parfois rencontrer d'autres lecteurs. De temps en temps, peu souvent, mais toujours plus nettement, il se rappelait ces autres personnes, pour la plupart inconnues, qui lisaient en même temps que lui le même livre. »

*

Cette histoire se décline en soixante-neuf chapitres, comme les soixante-neuf tiroirs que composeraient un meuble ancien, chaque compartiment composant une entrée dans le livre et recélant des informations permettant de reconstituer tout le récit.



« Un secrétaire en bois de rose et de citronnier. Il est vrai que vous n'allez peut-être pas le comprendre d'emblée, car il s'agit d'un vrai labyrinthe de compartiments secrets. Mais, si l'on ouvre chacun des soixante-neuf petits tiroirs dans l'ordre voulu, le double fond du soixante-dixième donne aussitôt sur un espace sans fin. »

*

Adam Lozanitch, jeune étudiant en lettres, est engagé par un mystérieux couple pour retoucher un livre publié en quelques exemplaires, un roman singulier à la reliure en maroquin rouge, de confection luxueuse pour l'époque, et écrit par un certain Anastase S. Branitza.



« Malgré la froide reliure en maroquin, le livre était chaud, intensément vivant, son pouls secret battait sous les doigts du jeune homme. »



Belgrade 1936

Adam ouvre le roman de cet auteur inconnu qui débute ainsi :

« Alentour, aussi loin que portait le regard, s'étendait un jardin d'une somptueuse beauté… »



A peine commence-t-il sa lecture qu'il s'éprend de cet endroit retiré du monde, richement décrit.

Adam est de plus en plus intrigué par cet univers merveilleux et foisonnant, attiré par cette magnifique demeure ceint d'un parc incroyable et reposant, tout en s'étonnant de n'y rencontrer aucun personnage et donc aucune intrigue.

Et puis, au détour des pages, des rencontres de lecteurs passionnés comme lui.

*

L'écriture poétique de l'auteur et le travail de traduction sont impeccables. Goran Petrovic distille une atmosphère fascinante, à la fois fantastique, onirique et réaliste.

La construction du récit est admirable. Par de multiples entrées, Goran Petrovic tisse des liens qui s'entrelacent entre les différents personnages. Petit à petit, les personnages se révèlent, pas tous très sympathiques.

Une autre grande réussite, c'est de créer un univers fictif imaginaire sur un fond historique bien réel, celui de l'histoire de la Serbie au XXème siècle. L'auteure évoque au travers de son beau roman la guerre, le communisme, mais il ne s'y appesantit.

*

Ce roman est une ode aux livres, un éloge à la littérature comme moyen de s'évader du quotidien, de fuir la réalité de la guerre.



« Ce vent-là charriait aussi le froid des guerres voisines, de plus en plus proches, vous plongeait la frayeur dans le coeur et l'âme… »



Il nous parle également de l'effritement de la mémoire et du pouvoir des mots et des livres.



« Notre langue est ce qui toujours nous reste… »

*

J'ai adoré l'esprit inventif de l'auteur, sa très belle écriture, l'originalité dans la construction du récit. Mais c'est aussi un roman exigeant, qui demande de la concentration tant le récit rebondit de personnages en personnages.

Un superbe roman, surprenant et intelligent, que je vous conseille vivement.
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Soixante-neuf tiroirs

Un roman à tiroirs, par une métaphore limpide, est un roman dans lequel s’enchassent des récits secondaires (inutiles à la compréhension de l’histoire principale, précise Wikipédia). Inutiles, jusqu’à un certain point puisque, si une commode peut parfaitement tenir debout sans ses tiroirs, on ne voit pas trop à quoi elle servirait alors. Ici, 69 chapitres superposent diverses histoires qui, bien entendu, communiquent les unes avec les autres, à la manière d’un meuble à secrets. Il est donc beaucoup question de secrétaires dans ce livre, l’un en bois de rose et de citronnier, l’autre secrétaire de comité, l’un qui ouvre sur les mondes de l’imaginaire, l’autre qui prétend tout connaître de vos pensées.

Et c’est toute la profondeur de ce roman que de jouer sur les différents états de la lecture, activité essentielle et vice souvent puni, qui fait échapper à la réalité pour nous emmener dans un monde plus beau. Monde refuge, monde mémoire qui garde ce que la réalité a depuis longtemps emporté. Monde fragile qui peut disparaître d’être corrigé par des censeurs ou démonté par des tenants du structuralisme (« …je me suis trouvé dans l’impossibilité d’arracher son secret au secrétaire en bois de rose et de citronnier aux soixante-dix petits tiroirs, que j’ai été obligé de démonter, mais que je n’ai plus su remonter »). Monde du partage et de l’entre-soi où un livre a d’autant plus de prix que ses aficionados sont peu nombreux. Monde piège où l’on se coule en ignorant les opportunités de la vraie vie (parce que, bon, si Emma Bovary n’avait pas préféré les livres à la vie, elle se serait aperçue que son rustaud d’époux était le prince charmant qu’elle cherchait et que lui seul pouvait mourir d’amour pour elle). Monde prison où des reclus volontaires choisissent d’élever des tours d’ivoire au lieu de chercher à embellir le monde où ils sont nés.

Et c’est la douce perversité de ce roman que de dresser notre portrait de lecteurs drogués à la fiction mais auto-disculpés de se savoir si lucides et de verser plus de poison que d’antidote.

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Sous un ciel qui s’écaille

Goran Petrovic est un auteur serbe né en 1961. Il nous conte ici l'histoire de la Yougoslavie à travers le destin d'un cinéma.

Tout commence par une sombre et croquignolette affaire de godillots. 1926, Kieslovo, petite ville de Serbie en Yougoslavie. Laza Iovanovitch, besogneux et roublard petit cordonnier a l'idée d'acheter aux enchères des godillots usagés que l'armée vient de mettre au rebut. En deux fois. Les godillots ont été sciemment dépareillés. Il est le seul à vouloir acheter le wagon de godillots gauches. Puis trois mois plus tard le wagon de godillots droits. Patiemment, durant des années, le petit cordonnier va réparer, ressemeler et réunir ses godillots, enfin quand il peut les réunir car la Grande Guerre a laissé pas mal de mutilés, heu, d'unijambistes. A ceux-là il leur demande un peu plus que la moitié du prix, ce qui fait de lui un bienfaiteur des mutilés tout en augmentant son profit. Désormais à force de se pencher sur ses godillots le petit cordonnier a certes un oeil qui dit merde à l'autre mais il devient très très riche, il effile ses moustaches, aligne ses billets, achète l'auberge la Charrue et son grand terrain. Puis, il va chez Monsieur Petit alias l'Etat, amateur de siestes et de bières qui siège au tribunal. Enfin, le contrat est signé. Il sort du tribunal et donne l'ordre de démolir la Charrue et à la place fait ériger l'hôtel Yougoslavie. Un palace au luxe clinquant. Soyez les bienvenus ! L'hôtel fera faillite mais dans l'ancienne salle de bal au plafond céleste sera construit en 1932 le cinéma Uranie.



1980 le plafond céleste s'écaille depuis longtemps. Il est constellé de chewing-gum et de graffiti. le vieil ouvreur gardien du paradis n'y peut rien. Sa petite perruche n'ose toujours pas dire son nom. Dans la salle de cinéma sont réunis une trentaine de spectateurs bigarrés installés dans un ordre immuable depuis l'arrivée au pouvoir du Maréchal Tito. Rangée par rangée, le narrateur nous les présente de manière très vivante, pittoresque, loufoque avec des digressions, interruptions, interventions des uns et des autres comme autrefois dans les cinémas. Et puis trou noir, le plafond leur tombe sur la tête en même temps que la nouvelle.



Dans la dernière partie, le narrateur raconte ce que sont devenus tous les personnages, éparpillés aux quatre vents quand ils ne sont pas morts. C'est long, très long et triste comme un enterrement. Seule consolation, la petite perruche du vieil ouvreur se souvient enfin de son nom : Démocratie.

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Soixante-neuf tiroirs

L'histoire surprenante que tisse ce roman est un éloge ludique des grands espaces de la lecture sans lesquels certains de nous ne sauraient respirer.

Ce livre est sans doute l'un des meilleurs romans que j'ai lus depuis longtemps : l'écriture est magnifique, pleine d'images, de poésie et d'inventivité, et est au service d'une histoire passionnante. La littérature post-yougoslave arrive là où on ne l'attendait plus : pas une seule référence aux récents conflits dans ce livre, mais un merveilleux et un imaginaire débridé profondément salutaire.
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Soixante-neuf tiroirs



C'est rare de terminer un livre et de vouloir le relire immédiatement. C'est ce qui m'est arrivé avec ce roman serbe inclassable.

Comme ce secrétaire en bois de rose et de citronnier qui présente 69 tiroirs, à ouvrir dans un certain ordre pour atteindre un double fond qui s'ouvre sur un espace sans fin, le roman est composé de 69 chapitres qui nous délivrent des tas d'informations dans le désordre. Et ce n'est qu'au fur et à mesure de la lecture qu'on tire les fils, qu'on fait les liens, qu'on lève le voile sur des éléments qui nous ont paru obscurs auparavant. Il est alors bien tentant de le relire muni des clefs de compréhension... Ce que je ne ferai pas tout de suite, tant d'autres lectures m'attendent.



Goran Petrovic a exploité à l'extrême la mise en abime. Et s'il était possible d'entrer dans les romans que l'on lit? Et si on y rencontrait d'autres lecteurs, qui lisent la même phrase, au même moment, exactement? Et s'il était possible par les mots de remanier l'histoire?

Au-delà de cette approche totalement inédite aussi bien sur le contenu que dans sa construction, l'auteur interroge aussi le lecteur compulsif: en se plongeant régulièrement dans la vie de personnages fictifs, ne passe-t-il pas à côté de sa propre vie? A moins qu'on puisse passer sa vie dans les romans, qui sait?



La plume de Goran Petrovic est envoutante, maligne, impertinente parfois. Elle vous happe et, un peu à l'image de ses personnages, quand vous lisez son roman vous êtes là sans être là.

En toile de fond, c'est l'histoire de la Yougoslavie durant la première moitié du 20e siècle qui se déroule; sans alourdir l'intrigue, par touche.



Ces 69 tiroirs ne ressemblent à rien d'autre de ce que j'ai pu lire. Bien entendu que parfois, on pense un peu à Carlos Ruiz Zafon, certains vous parleront aussi de Garcia Marquez (que je n'ai pas encore lu, donc, je n'ai pas d'avis sur la question) mais c'est fugace, presque comme une idée éphémère qui vous effleure et part aussi vite qu'elle est venue.



Un livre interpellant à plus d'un titre, la découverte d'une littérature serbe que je ne connaissais pas, un roman intelligent, poétique, onirique... tout pour séduire les amateurs de littérature prêts à vivre de nouvelles expériences et à lâcher prise.
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Soixante-neuf tiroirs

Adam Lozanitch, un étudiant en langue et littérature serbes et correcteur provisoire du magazine bimensuel de tourisme et nature Beautés de notre pays, est capable de tâter le pouls d'un texte rien qu'en posant la main sur un livre. Je m'y suis essayé après ma lecture, et bien je confirme, le pouls secret de ce livre battait bien sous mes doigts, brûlant des angoisses et des espoirs fiévreux de l'auteur dont il est question entre ces pages et dont on découvre l'étonnant destin...Forcément plus simple quand on a lu le livre ;-)

Et quel livre ! Un livre érudit, intelligent, savoureux, un soupçon exigeant pour ceux qui n'aimeraient pas les lectures non linéaires, quelques petites longueurs aussi, mais qui valent vraiment la peine d'être surmontées. Car tourner les pages de ce livre, c'est avoir dans ses yeux, quelque chose qui est de l'ordre de l'enchantement, de l'émerveillement. Il est bluffant, éblouissant. Quelques gouttes de ce texte et c'est l'enivrement assuré ! J'aime bien cette image ;-). Elle est le reflet un tantinet exagéré de ce que j'ai ressenti à cette lecture, mais si peu, car cette lecture a été pour moi synonyme d'évasion. Un voyage particulier, entre réalité, onirisme et imaginaire qui vaut le détour pour qui aime les livres.

En refermant ce livre, je me suis dit que je ne prenais pas toujours le temps de me plonger dans mes lectures, de m'y échapper, d'y vagabonder sereinement, sans parasites ni fritures sur la ligne, que je ne la considérais pas assez comme « un temps dans le temps »... C'est aussi ça Soixante-neuf chapitres, un livre qui donne très envie de s'engouffrer dans une lecture comme on le ferait dans un labyrinthe de compartiments secrets et avoir l'espoir de déboucher sur un espace sans fin (ceux qui ont lu le livre comprendront ce petit clin d'oeil ;-) )

Une ode à la littérature et à ce qu'elle est capable de créer, de susciter chez un lecteur. Le pouvoir des mots est infini.

Lu et beaucoup aimé ! Merci aux bibliothécaires de ma ville qui ont mis en avant ce livre et qui m'ont ainsi permis de ne pas passer à côté de cette superbe et atypique aventure.
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Tout ce que je sais du temps

Goran Petrovic, avant d'être l'un des plus grands écrivains serbes contemporains , était surtout un musicien très talentueux . Bon , après deux trois recherches, ne retrouvant pas la folie du musicien dans l'écriture , j'avais confondu Bregovic et Petrovic. La honte... le prénom était bon...

On a ici un recueil de nouvelles écrites entre 1996 et 2018 et classé en quatre parties dont la signification m'a un peu échappé .

il n'empêche que ces nouvelles plutôt intimistes , se fondant sur des détails ou des objets , sans doute un peu auto biographiques forment un bon moment de lecture , paisible , comme si l'on discutait avec un ami. Beaucoup de tendresse dans une Yougoslavie où les bombes tonnent.

On est semble-t-il loin du style utilisé dans les romans par l'auteur, beaucoup plus épique .

On côtoie l'enfant qui fait des coups en douce , le mari attentionné, le fils respectueux de son père.

La langue est envoutante , ou plutôt apaisante. une belle découverte qui m'amènera avec certitude vers un roman de cet auteur.

J'avais oublié de signaler l'excellente qualité du papier et le plaisir de toucher ce livre.

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Soixante-neuf tiroirs

Les soixante-neuf tiroirs sont ceux d’un secrétaire en bois de rose, mais c’est aussi le nombre de chapitres du roman : voilà le lecteur prévenu, il va devoir pénétrer progressivement dans les secrets de l’intrigue que Goran Petrović a imaginé, mais tous les tiroirs ne se laissent pas ouvrir facilement, et une fois ouverts il ne sera peut-être pas possible de remettre le meuble en état. C’est qu’il y a un emboîtement des différents plans du récits, des chevauchements, des mélanges…. Tant de possibles en somme…. C’est que nous sommes dans le monde merveilleux des livres et de leurs amoureux, et qu’il n’est pas possible d’épuiser tous les possibles d’un livre, tous ces sens, toutes les possibilités de voyage qu’il ouvre. Et au final, c’est cela que les personnage de Soixante-neuf tiroirs demandent à la lecture : la possibilité de voyager, de quitter leur monde, d’en découvrir, voire d’en créer un autre, et si possible de partager avec les gens qu’ils aiment leurs découvertes, ou de rencontrer des gens qui ont le même amour, la même passion pour les pages.



Un étudiant en littérature, correcteur à ses heures, se voit confier la mission de corriger un livre déjà écrit. Il croisera dans ses pages une charmante jeunes fille et une vieille dame, leurs chemins convergeant vers une merveilleuse demeure, dans un parc de rêve. Mais plein d’autres personnages sont aussi des hôtes de cette demeures : une vielle cuisinières, un couple, une famille, un vieil professeur… Les époques et les histoires se croisent, s’entremêlent, entre rêve et réalité, le quotidien, le contingent et l’imaginaire. Mais rendre notre imaginaire aussi réel que le quotidien n’est-ce pas l’un des buts de la littérature ?



Ce livre parle du pouvoir de la littérature, de ce qu’elle représente pour ses inconditionnelles amoureux, et nous raconte aussi, l’air de rien, l’histoire de la Serbie, à travers les personnages, leurs destins compliqués, leur besoin d’évasion et de rêve. Et aussi bien sûr d’amour, de passion, absolue et éternelle, comme les romans qui la racontent.
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Soixante-neuf tiroirs

En lisant le roman de Goran Petrovic, on s’introduit à pas feutrés dans un jardin merveilleux, d’une fascinante complexité, où le mystère est omniprésent. Jugez donc. Par un procédé poétique dont le narrateur omniscient a le secret, son héros, Anastase, a le pouvoir de rencontrer une femme dans les pages d’un livre, à condition qu’elle lise au même moment que lui.

Tombé amoureux de Mademoiselle Houville, les lettres ne lui suffisent plus. L’écriture d’un roman, décor et théâtre de leur idylle (« un récit sans histoire, des pages et des pages de descriptions faire pour une femme qu’il n’avait jamais connue en dehors de ces pages »), lui permettra de prolonger leurs ébats jusqu’au jour où la belle, rattrapée par la réalité de son mariage d’intérêt, renonce à la lecture, et à son amant. Il en reste un ouvrage singulier, un objet brûlant, que celles et ceux qui l’approchent vénèrent comme la relique d’un temps sacré. Tous, cuisinière, amis, correcteur, lectrice attitrée, bibliothécaire, seront touchés par la candeur de l’œuvre et n’auront qu’une obsession : la rendre pérenne.

Le roman de Goran Petrovic est une ode à la lecture mais c’est aussi une réflexion sur le pouvoir de la fiction et la joie qu’elle procure au milieu d’un monde anxiogène. Ça ne vous rappelle rien ?

Malheureusement, on finit par s’ennuyer dans cette allégorie. Un peu comme si vous décidiez de traverser la Méditerranée en bateau et que passé le ravissement des premières encablures, la torpeur vous saisisse, jusqu’à regretter l’odyssée. Peut-être aussi que mon ignorance de l’histoire des Balkans m’a empêchée d’apprécier les nuances de cette histoire.

Dernier reproche. Même si j’apprécie hautement Zulma, je ne suis pas convaincue par leurs couvertures « papier-peint ». Celle-ci est particulièrement vilaine, et si éloignée de la douceur des propos tenus.

Bilan : 🌹





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Soixante-neuf tiroirs

Adam, étudiant en lettres serbe et passionné de littérature, a constaté un phénomène étrange : quand il s'absorbe dans un livre, il finit souvent par rencontrer d'autres lecteurs qui ont ouvert le même ouvrage en même temps que lui. Quand un mystérieux donneur d'ordre lui confie un beau livre relié d'un auteur inconnu avec comme mission d'en réécrire certains passages, il va entrer dans un drôle de monde où se croiseront d'autres passionnés de lecture dans une demeure et un jardin qui semblent faits pour eux.



J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre qui m'a d'abord résisté : commencé dans le cadre d'une lecture commune, j'ai fini par l'abandonner au bout d'une cinquantaine de pages, n'arrivant pas à me passionner pour son propos malgré le côté très intrigant des premiers chapitres. Remotivée pour finir cette lecture avec une de mes comparses, je l'ai réouvert quelques mois plus tard et mystère, le roman m'est cette fois-ci apparu beaucoup plus passionnant et abordable et je m'y suis replongée avec grand plaisir ! Il faut dire que le postulat de l'auteur est vraiment génial et ouvre des perspectives vertigineuses quand il décrit cette capacité de certains lecteurs à entrer au sens propre dans un livre au point d'en parcourir les paysages, de s'écarter s'ils le souhaitent de l'intrigue principale pour flâner à leur guise dans ses décors et d'y croiser d'autres lecteurs en train comme eux de parcourir cet ouvrage. Quand on adore lire et qu'on passe beaucoup de temps dans les livres, on ne peut que rêver et être séduit par cette idée, en dégustant toutes les trouvailles et les variantes que l'auteur va broder autour de ce point de départ !



Il faut ajouter à cela une bonne dose de mystère et des personnages hauts en couleur dont on a tout de suite envie de résoudre le mystère. Le roman est découpé en différentes lectures dont chacune va nous conter une petite partie de l'histoire qui gravite autour de ce mystérieux livre, Ma fondation par Anastase S. Branitza. On y découvre une vieille femme et sa demoiselle de compagnie, puis l'auteur lui-même, gamin revenant les pieds trempés de ses excursions livresques en bord de mer devenant jeune homme éperdument amoureux, on y croise un peu sympathique agent des services secrets tchèques spécialisé dans la surveillance et la délation de ses concitoyens et on y rencontre enfin notre ami Adam, embarqué lui aussi dans cette histoire et essayant de comprendre où il a mis les pieds. C'est vertigineux, délicieusement emberlificoté et tarabiscoté, plein de mises en abîme (le livre dans le livre dans le livre...) où personnages, auteurs et lecteurs se croisent et s'entremêlent et malgré la complexité de la trame initiale l'auteur ne se perd jamais, nous régale de petites coïncidences et d'indices se répondant d'époque en époque avant de retomber magnifiquement sur ses pieds en explicitant enfin tous ces mystères.



Petit bémol (qui doit expliquer ce qui m'avait bloquée au début), cela reste un livre touffu, à la fois de par sa richesse, l'auteur excellant en descriptions très fournies, nous noyant parfois sous les références, les listes d'objets, les points de détail dont chacun sera une des clés et des redondances de l'histoire et de par son ancrage dans l'histoire et la réalité serbe dont personnellement je ne connais que très peu. Il est parfois difficile de s'y retrouver entre les différents personnages aux noms slaves, de se repérer dans ce Belgrade oscillant entre passé et présent ou, je suppose, de comprendre certaines allusions ou références de l'auteur. J'ai donc trouvé quelques longueurs et certains chapitres ou lectures m'ont moins passionnée que d'autre. Mais malgré ces quelques difficultés, le propos reste très accessible et je me suis également régalée de toute l'ironie dont l'auteur fait preuve pour dénoncer en demi teinte toute l'absurdité de l'histoire et notamment du régime communiste et de la paranoïa ambiante qui s'est installée après guerre.



Soixante-neuf tiroirs est finalement un roman que j'ai trouvé extrêmement riche et particulièrement passionnant malgré un abord pas toujours facile. Il valait clairement la peine de s'accrocher un peu et je pense qu'il faudrait le relire plus tranquillement pour se délecter de chaque allusion ou de chaque clin d’œil mis en place par l'auteur, comme dans ce secrétaire donnant à l’œuvre son titre, dont les tiroirs imbriqués finissent par mener au 69e tiroir qui ouvre tout droit sur l'infini. Un roman que je garde précieusement pour, qui sait, en faire une relecture un jour !
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Soixante-neuf tiroirs

Sans nul doute, une oeuvre originale : un livre dans un livre, sur un livre, des vies en parallèle, la fiction s'emberlificote dans la réalité, où ne serait-ce pas l'inverse ?, le passé s'emmêle avec un présent, les protagonistes réels ou imaginaires, rêvés, et une histoire, une identité serbes fortement marquées, affirmées, bien réelles.

De surcroît, l'écriture est assurément, elle aussi, affirmée, belle, poétique souvent, réaliste assez souvent, surréaliste parfois. La vérité n'existe pas. La littérature est la vie.

Cherchez la vérité dans les soixante-neuf tiroirs. L'espace, la vie, la littérature s'ouvrent avec le soixante-dixième sur l'infini.

Remarquablement construit, ce roman est étonnant, captivant, exigeant.

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Soixante-neuf tiroirs

Voilà un livre bien étrange, où il est question d'un roman à la couverture en maroquin rouge, d'un auteur inconnu, d'un correcteur d'épreuves de revues, d'une vieille dame un peu folle, apprenant à la jeune fille qui lui tient lieu de dame de compagnie à traverser la réalité pour se retrouver plongée dans l'histoire romanesque qu'elles sont en train de lire et bien évidemment où il est question d'amour, d'amours plutôt, qui se croisent et s'entrecroisent, mais se rencontreront-ils ? et où donc, dans la réalité romanesque ou la réalité vraie ? Mais quelle est encore la réalité ?



Assurément une lecture inhabituelle. Mais cela fait du bien de décrasser ses habitudes littéraires, non ?
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Atlas des reflets célestes

Atlas des reflets célestes n'est pas un livre pour tout le monde. Mais chacun devrait tester son aptitude à lire de quelque chose de différent, loin de tout réalisme dans un univers onirique et poétique. La référence évidente est Borges mais cela n'est qu'une indication, Goran Petrovic crée sa propre fantaisie qui ne connait comme seule limite celle de l'imagination. Tout commence avec l'idée saugrenue qu'a un petit groupe d'amis d'enlever le toit de leur maison et de vivre à ciel ouvert. Le genre d'initiative que le voisinage n'apprécie guère et qui donne lieu à quelques scènes cocasses. Peut-on qualifier Atlas des reflets célestes dans la catégorie des romans ? De la fiction en tous cas, compilation de récits hétéroclites, de songes éveillés (ou pas), où la magie met son grain de sel sans que cela n'émeuve les protagonistes du livre, bien au contraire puisqu'elle est leur façon de vivre. Eloge de la différence et du droit à rêver, loin de tout matérialisme avec un regard singulier sur l'amour, la mort et les étoiles. Entre autres choses. Composé de micro histoires, le roman suit sa route de façon débridée et joyeuse. Un livre inclassable qui détone totalement dans la rentrée littéraire (était-ce une bonne idée de le sortir à cette période où les sorties se bousculent ?). En fin de compte, un bon révélateur pour chaque lecteur qui au fil des pages pourra se demander s'il a conservé intact sa capacité d'émerveillement de son enfance.



Un grand merci à Babelio et aux Editions Noir sur Blanc !


Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Soixante-neuf tiroirs

Où les livres surprennent et enferment, où les livres permettent l’évasion au sens propre, où les livres fourmillent d’espions, où les livres peuvent se refermer comme des pièges.



« Malgré la froide reliure en maroquin, le livre était chaud, intensément vivant, son pouls secret battait sous les doigts du jeune homme ».



Un lundi d’hiver à Belgrade. Lundi, un jour propice aux commencements de toute sorte, comme chacun le sait (par exemple une confiture d’abricots entamée un lundi ne moisira pas, dixit la mère de l’un des personnages). Adam est contacté par un homme qui lui demande d’annoter un mystérieux manuscrit.



Ielena travaille chez une charmante vieille dame, Natalia Dimitriévitch, qui vit dans un monde où les livres attrapent froid et où on peut fréquenter les magasins d’antan.



Le rapport ? Ces personnages peuvent utiliser les livres, s’y projeter, et même y rencontrer d’autres lecteurs, à la faveur d’une lecture commune, ou plutôt simultanée. Mais cela, seulement à la condition de mener une lecture totale, et non pas une lecture du bout des yeux. « Elle commençait à percevoir aussi d’autres présences. Au même moment, une multitude de gens différents, dans un tout autre coin de Belgrade, dans une autre ville, même à l’autre bout du monde, lisaient le même livre ».



Tous les personnages se retrouvent dans la très spéciale Fondation, un livre conçu comme un monument à l’amour perdu, où chaque détail est un chef d’œuvre longuement ciselé, mais qui risque fort d’être endommagée par des personnages malveillants.



Un roman un peu dans la veine des fabuleux Jasper Fforde, mais en moins drôle et en plus mélancolique ; un livre onirique qui exerce un charme étrange et indéniable, une poésie fragile et subtile ; bref un objet étonnant, qui vaut le détour, et donne envie de découvrir d’autres œuvres de cet auteur, peut-être dans l’excellente collection « Motifs » du Serpent à Plumes avec son très riche catalogue de littérature balkanique. Joli livre donc découvert grâce au très addictif site Babelio.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Atlas des reflets célestes

J'ai adoré ce livre.



Mais en fait, ce n'est pas un livre.



Il en a bien l'aspect, rectangulaire, l'assemblage de feuilles semble cohérent, j'ai même vérifié la numérotation continue des pages. Mais ça s'arrête là.



En l'ouvrant, on ne sait pas quand on l'a commencé. Est-ce lors de la préface qui n'en porte pas le nom? Est-ce au moment du titre calligraphié? Est-ce à la lecture de la première planche? Est-ce ensuite dans l'index qu'étrangement on parcourt tant il regorge de mots délicieux et énigmatiques?

Je n'ai pas la réponse...



Mais il est certain que tous nos repères sont perdus. Le voyageur des livres aguerri que je pensais être se trouve face à un choix. Abandonner ce livre et garder ses convictions? Redevenir un enfant et se laisser porter?



J'ai tenté la seconde route et j'ai accompli un voyage merveilleux. J'ai regardé dans le miroir du Nord qui raconte ce qui fut, ce qui est et ce qui sera. J'ai attendu Etta durant de longues années au pied de son ombre perdue. J'ai dormi sous le toit bleu de la maison. J'ai écouté, chaque jour, le crissement quasi érotique des graviers sous les pas de la jeune fille, sans savoir son nom.

Oui, tout cela je l'ai fait. Et bien plus encore!



Et si vous me croyez, vous aussi vous le ferez.

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