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Citations de Guillaume Jan (69)


J'erre seul dans la pièce principale, faiblement éclairée par un carré de plastique translucide incorporé au toit de chaume, je bois une tasse de café froid pour me revigorer, un album photo est posé sur la table. Il raconte en images la vie de quelques-uns des bonobos de Wamba. Un chercheur, peut-être Takayoshi Kano, a commencé à faire leur trombinoscope, avec un portrait de chaque individu, son nom, son âge et le groupe auquel il ou elle appartient. Mines curieuses, songeuses, surprises, inquiètes, concentrées ou rieuses, qui révèlent de plus belle la proximité de ces grands singes avec l'Homo sapiens.
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Livingstone avait un rêve pour l'Afrique, mais on ne l'a jamais pris au sérieux. Et ce rêve, c'était qu'elle s'éveille. C'était que le progrès élève la vie des populations, grâce aux vertus conjuguées de la civilisation, du commerce et de la chrétienté.
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Deux heures plus tard, le bourgmestre nous réveille en nous touchant l'épaule : il vient nous apporter notre extrait de mariage, l'acte officiel qui prouve que nous n'avons pas rêvé pendant notre délicieuse somnolence, et il repart aussitôt, dans ses grosses bottes en caoutchouc. Je pose les yeux sur le document, qui est cousu d'erreurs. Vite, je me lève pour rattraper l'élu, pour qu'il corrige au moins l'orthographe, mais Bélange me retient.
- Laisse, c'est la meilleure preuve que l'acte est authentique. Dans les villages, aucun bourgmestre n'écrit sans faire de fautes.
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Nous n'avons pas découvert de terres inconnues, pas été les premiers à gagner les sommets, pas remonté les grands fleuves jusqu'à leur source. Tu as tout de même arpenté le monde en pionnier, mais tu l'as fait discrètement, sans arrogance ni vanité, sans orgueil, sans calcul. Librement. Tu as voyagé de manière inédite sur des voies si peu fréquentées, tes textes le racontent avec ardeur. Ils tracent le drôle de chemin qu'a pris ta vie après que tu as aperçu l'obélisque dans les pages d'un illustré - une vie de saute-ruisseau, une vie à grimper aux arbres, une vie à dessiner des vallées, une vie à dessiner des vallées, à gravir des montagnes, à franchir des cols, une vie à guetter la lumière, une vie à faire confiance à la nuit, une vie à scruter les étoiles, une vie à chevaucher des dix heures d'affilée, une vie à te coucher tard, à te lever tôt pour écrire, une vie à remonter le temps, à revenir sur le motif, à rapiécer tes souvenirs, une vie à rêver dans les deltas du diable vauvert, une vie à fuir l'ennui, une vie à résister, une vie à t'émerveiller, une vie sans tendresse, une vie à marcher en équilibre au bord des torrents, à entrer seul dans les villes inconnues, à chercher l'amour qui t'avait été ravi ou que tu n'as pas su garder, une vie à colmater les vides, une vie à ne pas toujours réussir mais au moins à essayer, une vie à ne rien finir, une vie à ouvrir les voies, à tracer un sillon que j'ai suivi et que des floppées d'autres voyageurs ont suivi - tous les garçons perdus que la route a réconciliés avec leur sort, toutes les femmes intrépides qui ont eu le courage d'aller voir ailleurs.
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Et l'inutile, au final, n'est-ce pas l'essentiel ? Faire des ricochets jusqu'à l'autre rive, nager au coucher du soleil, grimper aux arbres, guetter les étoiles filantes, écouter la mer dans un coquillage, discuter une nuit entière, marcher pieds nus dans l'herbe, traverser l'Afrique en sandales, toutes ces belles choses ne seraient-elles pas les plus importantes de notre existence, puisque ce sont d'elles que l'on se souvient à l'heure de notre mort, puisque ce sont elles qui nous sauvent ?
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La colonne débouche sur des villages razziés, dépasse des cadavres d'esclaves abandonnés au bord des sentiers parce qu'ils étaient trop lents ou qu'ils étaient malades. Parfois, les villageois des environs réussissent à en sauver quelques uns. Ils les libèrent de leurs chaînes, les requinquent et les revendent à la prochaine caravane : Livingstone découvre que les indigènes sont, en grande partie, responsables de la mise en esclavage de leurs frères.
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Les compagnies forestières signent un gros contrat avec le gouvernement et un petit contrat avec les habitants, m'explique-t-il. Le gros contrat c'est un chèque pour le président ; le petit contrat, une promesse d'amener du sel et du sucre, d'entretenir les routes, les écoles et les hôpitaux. Mais cette promesse n'est jamais tenue.
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Stonetown, capitale de l’île de Zanzibar. Main sur la hanche, pied en avant, comme dans les tableaux des romantiques allemands, je contemple le soleil plonger dans l’Afrique éternelle. Je suis excité, un peu inquiet aussi : je n’ai pas pris le temps de me renseigner avant mon départ précipité et j’ai oublié mon guide touristique – à croire que je l’ai fait exprès. Pour me rassurer, je me dis que nous sommes au XXIe siècle, il y a des routes, des aéroports et des téléphones portables. Les voyages se font facilement, nous ne sommes plus au temps des explorateurs. Les Arabes ont cessé leurs razzias esclavagistes et les Occidentaux rendu leurs colonies, après s’être copieusement servis au passage. L’Afrique est devenue moderne, elle a découvert la misère, la dette extérieure, la kalachnikov, les mines antipersonnel… Quoi d’autre ? Allons voir ! Allons voir !
De la terrasse de l’hôtel, vue panoramique sur les toits de tôle rouillée, où ricochent les Allah akbar – c’est l’heure de la prière. Quelques corneilles grises, des volées d’hirondelles, une odeur d’épices et d’océan, les têtes ébouriffées des cocotiers. Le décor est exotique, mais je ne suis pas encore entré dans mon voyage, il manque quelque chose. Je repense à cette phrase, entendue au café, la veille de mon départ : « L’imagination est supérieure à la connaissance. » Où ai-je lu qu’Arthur Rimbaud, délirant sur son lit de mort, répétait qu’il voulait « retourner à Zanzibar ! Retourner à Zanzibar ! » ?
Il n’y avait jamais mis les pieds.
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Flanqué de Gjorg, son interprète, il caracole sur un sentier de caillasse grise, derrière deux lascars à gilet en peau de mouton et aux moustaches consistantes, et qui portent une carabine en bandoulière. Le sentier rase un précipice, l’escorte assure la protection du visiteur jusqu’au prochain col et Lejean marmonne sur sa selle. Une fois de plus, la vieille carte dont il se sert pour débrouiller sa route ne correspond pas à la réalité du terrain : le chemin est mal tracé, pas un sommet n’est correctement indiqué, aucune altitude n’est mentionnée. Comment s’appelle le pic qui domine cette cordillère ? On lui répond un nom compliqué encore jamais référencé. Sa hauteur ? Ils ne savent pas. Personne n’y est jamais monté ? Ils ne savent pas. Lejean soupire. Il va falloir faire une halte, annonce-t-il à Gjorg, qui soupire à son tour et explique aux moustachus que le Français est pointilleux sur les questions topographiques. Et pressé : il est déjà descendu de son cheval, prépare ses instruments de mesure, boussole, baromètre, longue-vue, compas, sextant peut-être, et marche vers la ligne de crête. Les gardes du corps ouvrent de grands yeux.
– C’est dangereux, annonce le premier.
– Les bergers sont armés, renchérit le second.
– Ils n’ont pas pour habitude de laisser les inconnus rôder dans leur champ de vision.
– Ils tirent sans explications.
– Et ils visent bien.
– Notre territoire s’arrête à cent pas. On ne peut faire aucune confiance à ceux d’en face.
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La silhouette a surgi comme un faune en travers du chemin. Elle s’avance dans le reflet des flaques, bancale mais déterminée, emmitouflée dans un manteau aux poches bourrées de papiers. Visage sombre, front bombé, tête nue, tignasse brune, tempes à peine dégarnies, une fine barbiche jusqu’au torse, l’homme va dans le paysage figé, les sourcils froncés, l’air grave. Ses lèvres sont sèches, il frissonne : il est rentré dans son village natal avec une fièvre. La maladie le consume, la froide humidité l’épuise, ses bottes sont usées. Il vient de traverser l’Europe dans sa grande largeur, après un voyage de huit mois à travers les Balkans. On dira ensuite qu’il était affecté par la situation politique, la défaite de la France contre la Prusse, l’annexion d’une partie du pays, les milliers de morts causés par les incuries d’un empereur à la mords-moi-le-nœud. Il s’inquiète aussi d’une malle, sa malle, égarée entre Venise et la Bretagne, qui contenait les esquisses de ses dernières cartes. Hirsute, voûté, contrarié, le nomade de la lande ne brille pas ce matin de janvier 1871. Sait-on seulement qu’il a été journaliste pour le compte des prestigieuses revues de la capitale ? Sait-on qu’il a collaboré avec Jules Michelet, le plus populaire des historiens du XIXe siècle ? Sait-on qu’il a été diplomate ? Sait-on qu’il est un des cartographes les plus célébrés de son époque ? Sait-on qu’il a marché sur les traces de Marco Polo et d’Alexandre le Grand ? Sait-on que la Société de géographie le tient en haute estime, que Jules Verne le cite dans ses livres d’aventures ? Alors qu’il longe la berge du Jarlot, le ténébreux vagabond ne prête pas attention aux lavandières, qui pouffent en le voyant flageoler dans sa pelisse trop grande. L’une d’elles défie son style farouche en aboyant : Bismarck ! Voilà Bismarck !
Mais il n’est pas Otto von Bismarck. Il ne souhaite pas écraser la France pour rendre toute sa grandeur à l’Empire germanique. Il est Guillaume Lejean, voyageur modeste et dessinateur de cartes, fils de paysans devenu, un temps, vice-consul à Massaouah sur la mer Rouge. Il est un touche-à-tout des explorations, de retour d’une expédition sur le mont Olympe et sur une rhapsodie d’autres sommets. Il se remet de ses éblouissements dans son village de Plouegat-Guerrand, dans le nord du Finistère, et s’en va acheter un livre à Morlaix, laissant la vapeur s’échapper de sa bouche comme le font les locomotives et les enfants.
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Ce matin, la cour est soigneusement balayée pour décourager les serpents, un bel avocatier trône au centre.
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J'ai trois coqs vivants sous mon siège, liés par les pattes, et le coude de mon voisin enfoncé dans les côtes.
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A Zanzibar, Marc le Suisse m'avait raconté qu'il s'y était fait arracher son appareil photo par une bande d'enfants des rues - un agent de police, qui passait par là, les prit aussitôt en chasse et tua l'un des fugitifs d'une balle dans le dos.
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Avant d'accueillir le tribunal, Arusha était un simple bourg: chemins de terre rouge et chèvres aux carrefours, poussées par des Massaïs en pagnes à carreaux (...) J'en croise un (...) Il étudie "le tourisme", ayant bien compris que ça lui rapporterait davantage que le lait de ses chèvres.
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abandonner ses valises dès son arrivée, ne serait-ce pas une belle idée de voyage?
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Il est midi lorsque nous franchissons la ligne de l’équateur et que nous bifurquons sur la droite, pour rejoindre la Maringa. Takayoshi Kano n’a trouvé aucune trace de bonobos sur cette portion de route, puisqu’ils ont tous été exterminés. Sa chaîne déraille, il consulte ses cartes, un agent dépenaillé essaie de lui soutirer un extravagant matabiche, l’étranger se défend avec tout le lingala qu’il connaît et note sur son carnet : « Plus l’officier est incompétent, plus il cherche à créer des problèmes. » La plupart des pays s’améliorent d’année en année, ils progressent, bitument leurs routes, construisent des écoles ou équipent des hôpitaux, ils se facilitent la vie. Le Congo empire. Depuis le premier passage de Takayoshi Kano en 1973, cet État mastodonte est en délitement perpétuel. L’économie se disloque jour après jour, d’abord rafistolée par des bricolages et des rustines, maquillée par de la poudre aux yeux, perfusée par des emprunts internationaux sous Mobutu. Plus tard, on découvrira que le Président maréchal aura amassé une des plus grosses fortunes mondiales, que ses comptes en banque contiendront à peu de chose près la somme des subsides accordés au Zaïre. Et son pays gigantesque n’aura plus guère d’écoles, plus guère d’universités, plus guère de routes, plus de services publics.
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Belange met sa main dans ma main et j’ai l’impression de toucher du bonheur brut, du pur, du solide – n’est-ce pas une utopie mille fois plus précieuse que celles qui faisaient tourner la tête aux conquistadors ? Oui, tout ce qui nous arrive est de la circonstance et nous sommes libres, nous sommes libres d’éparpiller nos vies dans la poussière ou de les faire luire comme de l’or.
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Au petit jour, à la lueur de la lanterne d’Elvis, nous rassemblons nos affaires dans la case de boue sèche. Ce n’est pas très difficile, nous sommes partis légers de Kinshasa. Belange n’a que son sac à main bleu ciel, avec une bande de tissu imitation léopard, un camouflage idéal pour la jungle. A l’intérieur, elle a fourré en vitesse un coupe-ongles, du talc, des médicaments pour soigner les crises de paludisme et des comprimés pour atténuer les courbatures, trois culottes à fleurs, un tee-shirt First Lady et des boucles d’oreilles bleues, pourquoi s’encombrer davantage ? Mon sac à dos est à peine plus grand. J’y ai casé deux caleçons de rechange, un honnête morceau de savon, de la crème solaire pour épargner mes bras pâles, une lampe de poche, mon téléphone portable, qui ne devrait pas beaucoup servir, une brosse à dents et nos deux pagnes – le pagne, c’est le couteau suisse africain, il sert de drap ou d’oreiller, d’écharpe pour les soirées un peu fraîches, de vêtement léger mais digne quand on descend se laver à la rivière, de serviette, de paravent ou de marquise, de porte-bébé pour les mamans, de baluchon de fortune, de ceinture de sécurité dans les minibus qui n’en sont pas toujours pourvus ou encore à se protéger la tête du soleil ou des accidents de moto si on l’enroule en turban ; et si l’on noue une de ses extrémités, il fait porte-monnaie. J’ai aussi un livre, une épaisse biographie de David Livingstone, 1813-1873, le père des explorateurs de l’Afrique, le premier Blanc à vouloir s’y fondre corps et âme, ça peut être instructif. En cours de route, nous avons également acheté des boîtes de lames de rasoir pour les offrir aux Pygmées, ce sera notre cadeau d’arrivée. C’est tout. Je ne connais pas très bien l’Afrique, mais suffisamment pour savoir qu’il vaut mieux s’y charger au minimum ; je suis toujours épaté par les voyageurs qui partent vadrouiller dans le monde lestés d’une montagne sur le dos – où la mettront-ils cette montagne, quand il faudra s’entasser pêle-mêle dans une pirogue ou marcher toute la journée sous le soleil écrasant ? Nous n’avons rien pour nous protéger de la pluie – ce n’est pas du tout raisonnable, d’autant que l’orage a tonné une partie de la nuit. Nous n’avons pas non plus de moustiquaire et nous portons des tongs aux pieds, tant pis si nous croisons un serpent en colère.
Finalement, nos plus redoutables adversaires seront les fourmis : voyager, ça sert aussi à revoir ses préjugés.
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C'est par où, l'aventure ?
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Livingstone avait un rêve pour l'Afrique, mais on ne l'a jamais pris au sérieux. Et ce rêve, c'était qu'elle s'éveille. C'était que le progrès élève la vie des populations, grâce aux vertus conjuguées de la civilisation, du commerce et de la chrétienté - on devait encore penser, à cette époque, que le bonheur pouvait être imposé par la force, on croyait encore que l'Europe savait tout mieux que les autres. (p.297)
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