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Citations de Günther Anders (226)


En 1956 le philosophe Allemand Günther Anders nous parle de sa vision du futur :
"Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau et la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.
« Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste... que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissants, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. »
« On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s'interroger, penser, réfléchir. »
« On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté »
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L'exploitation de l'ignorance en vue de l'annihilation - c'est le danger auquel chacun d'entre nous est désormais exposé
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La tâche de ceux qui nous livrent l'image du monde consiste ainsi à confectionner à notre intention un Tout mensonger à partir de multiples vérités partielles.
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L'ambiguïté propre aux émissions de radio et de télévision consiste en ceci qu'elles mettent d'emblée et par principe leur destinataire dans une situation où est effacée la différence entre vivre un événement et en être informé.
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Le fait même qu'il existe quelque chose comme l'expérience pour l'humain doit être interprété à partir de sa situation spécifique dans le monde ; dans la mesure où l'expérience représente une communication de l'humain avec le monde, elle peut elle-même servir d'indice pour la situation spécifique de l'humain et son intimité tout aussi spécifique avec le monde.

L'humain étranger au monde, p. 17
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Günther Anders
L’une des tâches d’une “anthropologie philosophique” (pour autant qu’une telle anthropologie soit légitime) consisterait à identifier et à faire l’inventaire de nos incapacités fondamentales. Et cette tâche ne serait pas seulement celle de l’anthropologie, mais appartiendrait aussi à la “biologie philosophique” (…). Car l’incapacité susmentionnée n’est pas, bien entendu, un monopole humain, elle caractérise tous les êtres vivants, de toutes les espèces – voir l’exemple du ver de terre.
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Le diable s'est installé dans un nouveau logis. Et même si nous sommes incapables de le faire sortir de son repaire du jour au lendemain — pour autant que nous voulions l’en faire sortir —, il nous faut au moins savoir où il se cache et où nous pouvons le débusquer : pour ne pas le combattre dans un coin où il ne se réfugie plus depuis longtemps et afin qu’il ne se paie pas notre tête depuis la pièce d’à côté.
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Que nos repas désignent des temps dévolus à notre restauration est le signe de notre humanité. Car entre les repas se déploie le temps libre de toute consommation et le vaste horizon du monde non consommable, le territoire de l’absence, de ce qu’on ne peut contempler, envisager, le territoire du possible – bref : le monde de l’esprit. Vraiment ? Aujourd’hui encore ? Guère. Car la tendance pointe vers une consommation ininterrompue, vers une existence vers laquelle sans cesse nous consommons comme nous respirons : sans cesse nous mâchons du chewing-gum ; sans cesse, nous écoutons la radio. Et comme il n’est rien qui ne devienne produit de consommation, la substitution d’un produit par un autre garantit la non-interruption de la consommation. Une situation animale. Non, la situation des animaux les plus vulgaires. Pas celle des animaux qui embrassent l’horizon, du regard ou en le survolant, afin d’atteindre leurs proies. L’horizon de ceux-ci est encore vaste ; leur temps, dans sa plus grande partie, libre de consommation. Mais celle du poulet, éternellement picorant.


Consommation de longue durée
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Préface à la cinquième édition :

"Non seulement ce volume que j'ai achevé il y a maintenant plus d'un quart de siècle ne me semble pas avoir vieilli, mais il me paraît aujourd'hui encore plus actuel. Cela ne prouve rien quant à la pertinence de mes analyses de l'époque : cela prouve seulement que l'état du monde et la condition humaine que je décrivais étaient déjà très dégradés, qu'ils n'ont guère changé sur le fond depuis 1956, et ne le pouvaient d'ailleurs pas. Ces observations n'étaient pas des pronostics mais des diagnostics. Les trois thèses principales : que nous ne sommes pas de taille à nous mesurer à la perfection de nos produits ; que ce que nous produisons excède notre capacité de représentation et notre responsabilité ; et que nous ne croyons que ce qu'on nous autorise à croire - ou plutôt ce que nous devons croire, ou plutôt ce qu'il faut impérativement que nous croyions -, ces trois thèses fondamentales sont malheureusement devenues, à l'évidence, plus actuelles et explosives qu'elles ne l'étaient alors, en raison des risques encourus par notre environnement dans le dernier quart de ce siècle. Je souligne donc que je ne possédais à l'époque aucune puissance "visionnaire", mais qu'en revanche 99% de la population mondiale étaient incapables de voir - ou plutôt avaient été rendus incapables de voir, phénomène que j'avais dénoncé sous le nom d'"aveuglement devant l'apocalypse".

Les textes que j'ai consacrés à la situation nucléaire ("Temps de la fin et fin des temps"), mon journal d'Hiroshima (L'Homme sur le pont) et ma correspondance avec le pilote d'Hiroshima, Claude Eatherly, attestent que je ne suis pas revenu sur la position que j'avais adoptée, dans le quatrième essai de ce livre, sur l'armement nucléaire : au contraire, mes activités dans ce domaine se sont intensifiées depuis cette époque. En fait, je trouvais inconvenant de se contenter de théoriser de façon universitaire sur la menace apocalyptique, ce qui m'a fait retarder de plusieurs années le second tome de L'obsolescence de l'homme. La bombe n'est pas seulement suspendue au-dessus au-dessus des universités. Entre la parution du premier tome et celle du second, j'ai donc consacré l'essentiel de mon activité à m'opposer à l'armement nucléaire et à la guerre du Vietnam. Je n'ai cependant pas de réserves à faire aujourd'hui sur l'essai que j'ai à l'époque écrit sur la bombe. Je le tiens même pour plus important qu'il y a vingt-cinq ans, parce que désormais les centrales atomiques obstruent le regard que nous pouvons porter sur la guerre nucléaire et ont fait de nous des "aveugles à l'apocalypse" encore plus aveugles qu'auparavant.

Le deuxième essai, Être sans temps, sur le Godot de Beckett, a lui aussi gagné en actualité depuis sa rédaction, il y a vingt-huit ans, parce que j'y décrivais le monde, ou plutôt l'absence de monde, des chômeurs - misère qui aujourd'hui, après un demi-siècle, recommence à se généraliser.

Le jugement totalement pessimiste que j'ai porté sur les mass média dans le troisième essai ("Le monde comme fantôme et comme matrice") n'a pas trouvé beaucoup plus d'écho sur le moment. Certes mes thèses - la télévision rend l'homme passif et lui apprend à confondre systématiquement l'être et l'apparence ; le monde devient le reflet des images puisque les événements historiques se règlent toujours par avance sur les exigences de la télévision - sont encore plus valides qu'alors, et aujourd'hui, vingt-cinq ans après la rédaction de ces réflexions, certains hommes politiques au pouvoir tiennent compte de mes mises en garde. Mais les thèses en question ont malgré tout besoin d'être complétées et parfois d'être durcies : même s'il est apparu depuis lors que les images télévisuelles nous livrent à domicile, dans certaines situations, une réalité qui, sans elles, nous resterait étrangère. La perception de la réalité est certes préférable à la perception des images, mais celles-ci valent pourtant mieux que rien. Les images de la guerre du Vietnam retransmises quotidiennement dans les foyers américains ont pour la première fois "ouvert" les yeux vides et las de milliers de citoyens, déclenchant ainsi une contestation qui a grandement contribué à mettre fin au génocide qu'on était en train d'accomplir à l'époque.

Quand j'ai écrit ce plaidoyer, non pas, malheureusement, pour qu'advienne un monde plus humain, mais tout simplement pour que continue d'exister un monde, un grand nombre de mes lecteurs potentiels n'avaient pas encore vu le jour dans notre monde ténébreux. Ils réaliseront que la situation révolutionnaire, ou plutôt catastrophique dans laquelle l'humanité est capable de s'autodétruire -, que cette possibilité réelle, dont il n'y a aucune raison de s'enorgueillir, avait déjà été préparée avant leur naissance, et que les devoirs qui sont aujourd'hui les leurs avaient déjà été autrefois ceux de leurs parents et de leurs grands-parents.

Je conclus en formulant de tout mon cœur, pour vous et pour vos descendants, le souhait qu'aucun de mes pronostics ne se vérifie.

(Günther Anders, Vienne, octobre 1979)
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« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe: on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »
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Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels
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Le pilote de l'avion U2 Powers n'avait aucune idée de sa mission ? C'est justement ça qui le rend coupable. Car, ce que de nos jours nous ne pouvons en aucune circonstance nous permettre, c'est justement de ne pas être au courant.

Justement ça.
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Si les historiens du parlementarisme travaillaient de la même façon que les professeurs d'université qui traitent du demi-siècle écoulé avec l'aide de Freud, Kafka, Picasso, Joyce, ou Schönberg, ils pourraient laisser de côté tous les discours tenus dans les parlements et se contenter de transmettre les interjections " écoutez, écoutez ! ". Ulysse ou Pierrot Lunaire, témoins de leur temps ? Ils étaient au contraire, comme toutes les œuvres d'art majeures, ceux qui accompagnèrent leur temps de leur non. Rien, sans doute ne prouve aussi clairement l'hypocrisie d'aujourd'hui comme le fait que désormais des béni oui-oui rémunérés transmettent la collection de " non ", comme prétendus témoins du passé culturel commun, à des classes entières d'apprentis béni-oui-oui ; et vérifient ensuite ( naturellement à l'aide de cartes perforées) que ces classes dominent bien ce qu'en aucune circonstance elles ne devraient se permettre de faire.

Dominer.
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Si l'importance et la notoriété du sport croissent si rapidement, c'est parce que nos chances d'une compétition réelle baissent de jour en jour en raison de la monopolisation et de l'économie planifiée. Les passions refoulées hors de la réalité trouvent refuge, aliment apparent et durée dans le jeu ; tout comme des motifs religieux ou magiques surannés ont trouvé refuge, aliment apparent et durée dans le conte de fée. La structure des jeux est probablement " idéologique" ; c'est-à-dire que les règles du jeu représente les règles de la réalité, les passions du jeu, les passions réelles d'hier. Remarquable est par exemple le rôle extraordinaire du jeu d'échecs en Union soviétique, bien que ( ou plutôt, parce que ) la chance d'une confrontation personnelle dans un combat d'homme à homme n'existe pas là-bas. - D'autre part, il est certes possible qu'existent également des jeux " utopiques "ou " prophétiques " : c'est-à-dire des jeux qui anticipent les formes sociales de demain, mais sous une forme inoffensive et inattaquable, " ludique " justement.

Le sport comme idéologie.
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La conquête de la nature a déjà derrière elle son retournement dialectique : l'océan survolé devient un océan délaissé ; la jungle franchie, une jungle jamais vue ; le plein devient le vide ; l'étant, le non-étant - bref : tout le connu et l'inconnu deviennent à nouveau inconnus ; aussi inconnus qu'à l'Impérator son sujet, qu'il peut ignorer parce qu'il règne sur lui. Le moment n'est-il pas venu de sortir du placard les vieux Atlantes en vue d'attester à leurs honorables taches blanches une nouvelle validité ? Seulement, ces taches blanches ne signifieraient plus aujourd'hui " encore inconnu " mais " de nouveau inconnu ". - Point final de cette évolution : la Terre dans son entier comme tera incognita. - Le baconisme d'aujourd'hui : le pouvoir devient non-savoir.

Baconisme Inversé.
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p 30 – B : le problème des médias n’est-il pas aussi un problème de langue ? La langue de l’ère industrielle veut dissimuler. Nous parlons de « parc de traitement des déchets », « de risque subsistant », de « commission de protection contre les radiations ». n’avons-nous pas besoin d’une autre langue ? A : en tout cas, nous devons démasquer ce vocabulaire. la critique de la langue devrait devenir l’objet principal de l’enseignement.
P 30 – je crois qu’« espoir » n’est qu’un autre mot pour dire « lâcheté ». qu’est-ce, au fond, que l’espoir ? Est-ce la croyance que les choses vont s’améliorer ? Ou la volonté qu’elles deviennent meilleures ? Personne n’a encore jamais produit une analyse de l’acte d’espérer. (…) il ne faut pas faire naître l’espoir, il faut l’empêcher. Car personne n’agira par espoir. Tout espérant abandonne l’amélioration à une autre instance. Oui, la météo s’améliore, je peux peut-être espérer. Le temps ne devient pas meilleur ainsi, ni pire. Mais dans une situation où seul l’agir individuel compte, « espoir » n’est qu’un mot pour dire qu’on renonce à l’action personnelle.
P 77 – nous avons parfaitement le droit d’avoir recours à une violence défensive, même si celle-ci ne s’appuie sur aucun pouvoir « officiel » ou « légal », c’est à dire sur aucun État. L’état d’urgence justifie la légitime défense, la morale l’emporte sur la légalité. Il est sans doute inutile, deux siècles après Kant, que je démontre la validité de cette maxime. Nous ne devons pas être troublés de nous voir traités de « casseurs » (…) : ils ne sont que le signe de l’analphabétisme moral de ceux qui nous collent cette étiquette.
P 79 – l’inversion : alors que nous, qui défendons la paix et nous élevons contre les périls, nous nous faisons traiter de « casseurs » lorsque notre contestation sort des limites strictement verbales, les puissances véritablement agressives se qualifient elles-mêmes de « défensives ». Les empoissonnements consécutifs à l’épandage d’agent orange au Vietnam ou (…) le bombardement de Tripoli n’émanaient bien entendu pas d’un « département of agression » mais d’une « département of defense », et ce bien que jamais, même en rêve, il ne serait venu à l’idée ni du Vietnam, ne de la Libye (…) d’attaquer les États-Unis, d’en formuler le projet ; ils n’en ont pas les moyens. Si les agresseurs se qualifient eux-mêmes de défenseurs (et que, corrompus par leur propre discours, ils ne s’étonnent même plus de porter ni de revendiquer cette étiquette mensongère), nous ne devons pas nous étonner qu’ils nous traitent ensuite, nous qui luttons pour la paix, de gens « agressifs » et utilisent contre nous (…) des armes qui sont indubitablement des armes de guerre. Ce sont leurs actions contre-révolutionnaires qui font de nous des révolutionnaires et créent une situation qui s’apparente vraiment à une guerre civile non déclarée. Si un citoyen est blessé, cela prouve qu’il est un agresseur.
P 85 – la violence pour dépasser dialectiquement la violence ? C’est ça. Comme nous n’avons qu’un seul objectif, à savoir le maintien de la paix, nous espérons que nous n’aurons plus besoin de la violence après la victoire (si jamais nous la remportions, ce dont nous devons douter en permanence). Nous ne devons jamais avoir recours à la violence que comme un moyen désespéré, une contre-violence, un expédient provisoire. Car elle n’a d’autre objectif que d’instaurer un état de non-violence. Aussi longtemps que les puissances établies utiliseront la violence contre nous (…) qui sommes dépourvus de tout pouvoir, nous qu’elles ont à dessein privés de pouvoir- en menaçant de transformer les régions où nous vivons en champ de ruines contaminés ou bien en y construisant des centrales nucléaires « inoffensives » - aussi longtemps qu’elles chercheront à nous dominer, à exercer une pression sur nous, à nous humilier ou à nous anéantir – ou tant qu’elles se contenteront simplement d’avoir la possibilité de nous anéantir (un tel « simplement » suffit bien!) - nous serons obligés de renoncer à notre renoncement à la violence pour répondre à l’état d’urgence. Autrement dit:sous aucun prétexte nous n’avons le droit de faire un mauvais usage de notre amour de la paix et d’offrir ainsi l’opportunité à des personnes sans scrupules de nous anéantir, nous let les enfants de nos enfants. (…) face à des personnes dénuées de tous scrupules, il n’y a rien de pire que la soumission.
P 86 – ministre Zimmermann : « la résistance non-violente est aussi une forme de violence. Pour la simple raison qu’il s’agit d’une résistance. » bref : la résistance en tant que telle est violence. La belle équation ! Dites-moi donc ce que cette équation, cette formule qui résume les fondements de toutes les dictatures, a de commun avec ma maxime ? Elle dit tout le contraire ! Car ce que j’affirme – et vous savez combien je répugne à le faire – ce n’est pas que la non-violence est une forme de violence, mais tout le contraire, à savoir que le recours à la violence qui nous est imposé n’est légitime que parce que son objectif est l’instauration d’un état de non-violence. L’objectif est d’assurer la paix (qui est mise ne péril par d’autres que nous). Rien d’autre. Et vous trouvez vraiment, sérieusement, que cette maxime est aussi moralement suspecte que l’équation de Zimmermann qui, elle, stigmatise toute liberté, toute opinion indépendante, toute contradiction comme autant de formes e sédition ? (…) certes, ma maxime a aussi une signification négative. Elle veut dire aussi que nous resterons incapables de ramener à la raison les partisans des missiles et des surgénérateurs en leur adressant des discours pacifistes, en les caressant dans le sens du poil (…) ou en utilisant des arguments rationnels.(…) c’est précisément parce que je suis un rationaliste que je le fais. Seuls les illuminés surestiment la force de la raison.
P 90 - Toute personne qui, comme Zimmermann, déclare que la résistance non-violente est violence parce qu'elle est résistance (...) fait de toute libre expression, de toute critique du pouvoir quelque chose de répréhensible. C'est la fin de toute liberté.
P 92 – la paix n’est pas un moyen à mes yeux. C’est une fin. Elle ne peut pas être un moyen, parce qu’elle est la fin par excellence. Je ne supporte plus que nous restions là, les bras croisés alors que nos vies et celles de nos descendants sont menacées par des personnes violentes ; je ne supporte plus que nous hésitions à répondre à la violence par la violence. Le vers de Hölderlin, si prisé des beaux parleurs « au lieu du péril croit aussi ce qui sauve » est tout simplement faux. Ce qui sauve n’a crû ni à Auschwitz ni à Hiroshima. Notre devoir est d’ajouter le principe suivant au nombre de ceux qui peuvent sauver : il faut détruire la menace en menaçant les destructeurs.
Voir en écho, le texte de Simone Weil « oppression et liberté » (video de Hauméa cinema),
https://www.youtube.com/watch?v=G5tFDDIhrh8&feature=share&fbclid=IwAR0IU72w1NoVAIxbiSEMUA2bualSBZV9q1lMxVdCp4VDd05ESjChBTP1te4
p 114 - « today’sproblem is not how to get or to produce something, but how ti get rid of it »
p 116 – notre « malédiction » ne consiste donc plus, comme c’était encore le cas récemment, dans le fait que nous soyons condamnés à la finitude de l’existence, c’est à dire à la mortalité mais au contraire dans celui que nous ne puissions pas endiguer ou dépasser l’infinitude et l’immortalité (les effets de nos actes). Si paradoxal que cela paraisse, ce qui nous limite (c’est à dire ce face à quoi nous restons désemparés), c’est l’infinitude des effets de nos actes. L’omnipotence est notre défaut le plus fatal.
P 125 – si des hommes comme Strass s’accommodent des manifestations (qui ne deviendront bien sûr semblables à une guerre civile qu’à cause des « mesures préventives » policières et militaires qu’on prendra contre elles), c’est parce qu’elles viennent à point nommé pour eux. Ils comptent même sur elles pour que leurs mesures soient perçues comme des « actions de sauvetage » par leur électeurs. Celui qui applique la violence avec succès semble prouver par ce succès même que son application de la violence est juste, qu’elle est un acte de sauvetage légitime et – c’est ce qui compte le plus – que le coupable est celui à qui il fait violence. C’est cela que souhaitent prouver ceux qui combattent les manifestants.
P 138 – pour faire bref, je crains que, si vous continuez à étendre à intervalles réguliers les révolutions du week-end d’une façon aussi pédante, ou bien vous ne tarderez pas à tirer la langue ou bien – et cela correspond à la fausse parousie- elles deviendront une chère habituelle après laquelle vous réclamerez. Je crains aussi que vos enfants n’appellent ces journées vides d’expériences des « journées ela révolution ». vous finirez même par attendre et exiger que les gouvernements reconnaissent et sanctionnent vos journées, voire les organisent (…). j’entends déjà la voix du ministre Wallmann, son discours de circonstance sortant des hauts-parleurs dans lequel il vous confirmera votre statut de citoyen libre, au moins une fois par semaine, de jouer à la révolution. Mais si, par je ne sais qu’elle erreur d’un jour, il devait vous arriver de triompher, si ce que vous avez exigé et aimé exiger depuis si longtemps arrive réellement, alors une grande tristesse s’emparera de vous, parce que vous ne saurez plus comment commencer vos week-ends. Car il n’y a rien qui perturbe si profondément le sens de la vie que d’atteindre une fin. Il ne vous restera qu’à retourner au sauna.
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Vers 1900, l’humanité vivait dans un monde qui avait fait de tout — aussi bien de l’homme, du temps de l’homme que de la relation d’homme à homme — un élément interchangeable dans le système des marchandises. L’interchangeabilité signifie que plus aucune chose n’est identique à elle-même mais que toute chose est en fait déterminée et définie par sa relation à l’ensemble des autres marchandises, par le marché. Elle est, comme dit la sociologie, « aliénée ».
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Celui qui se pique de ne se baigner que dans l'eau pure, polluera.

Punition
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Rien n'est plus honteux que d'être pris en flagrant délit de vertu par les indignes. Rien n'est plus indigne que de provoquer cette situation.

Bassesse
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Si quelqu'un qui te doit quelque chose veut t'exprimer sa gratitude, ne l'en dissuade pas par la formule convenue ‹‹ c'est la moindre des choses ››. Si tu espères ainsi minimiser ton mérite, tu te trompes. Ton débiteur le comprend comme : ‹‹ Tu est " la moindre des choses " ›› et se sent floué de la chance, par son remerciement, de ‹‹ se hausser ›› à ton niveau. Écoute plutôt attentivement son discours et n'oublie pas qu'il ne lui en coûte pas moins de prononcer ses mots, qu'à toi, de leur prêter ton oreille. La réception respectueuse du remerciement est la dernière partie du don que tu crois déja avoir derrière toi.

Prendre est plus difficile que donner
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