Conférence Cercle Ernest Renan - Orphée, orphisme et christianisme par Guy RACHET
- [...] Sache donc, innocente demoiselle, que le Créateur a ménagé dans le bas du ventre des filles un saint sanctuaire où se déroule le très saint mystère de la création, car c'est là que se forme l'enfant avant qu'il naisse au jour.
- Ceci, je le soupçonnais à la suite de mes lectures et de la vue du ventre arrondi que promènent parfois les dames que j'ai rencontrées en ville...
- Ce que tu sembles ignorer, c'est que, dans son infini prévoyance, le Créateur a façonné avec amour, en prenant modèle sur la rose, une porte charmante entre les cuisses des femmes, qui permet d'accéder dans le saint sanctuaire. Et il a voulu que cette porte charnue fût sensible au passage des visiteurs, de manière que les maîtresses de ces huis trouvassent le plus grand plaisir dans ces visites.
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[...] Une main grasse se posa sur son bras et la fit frissonner. Elle se tourna vers Hypathius qui caressait ses bracelets.
- De bien beaux bijoux, remarqua-t-il.
- Des cadeaux de mes amants, expliqua-t-elle d'un air détaché tout en retirant son bras.
- Ils sont bien généreux.
- Sans cela ils ne peuvent espérer devenir mes amants. Mais ce n'est là que peu de chose, à peine une entrée en matière.
- Il est vrai qu'aucun ne peut se targuer d'être le futur maître de l'empire.
L'arrivée de Théodoros évita à la jeune femme de répondre ... [...]
Il la coucha sur le vêtement qu'il avait étalé dans l'herbe et entreprit de la couvrir de baisers et de caresses.
- Mon doux amant, ce que vous me faites là est bien merveilleux mais, de grâce, ne profitez pas de ma faiblesse pour me ravir ma virginité, soupira-t-elle - ayant décidément compris ce qu'on entendait par l'honneur, lequel allait, de fait, se nicher en de curieux endroits.
- [...] Les baisers ne peuvent être échangés que dans l'intimité.
- Ah ! est-ce mal de donner un baiser ? Ma mère m'en donne pourtant devant nos gens.
- C'est fort différent. Le baiser des amants se donne sur la bouche.
- En quoi cela est-il différent ? La bouche et les joues sont si proches l'une des autres !
- Et elles se sont mises ainsi nues devant le peintre ?
- Comment faire autrement ? Il n'y a rien là de blâmable, ma chérie. La pudeur ne réside pas dans le port d'un vêtement mais dans la réserve de l'attitude.
- Il faudrait que je sois ou bien fort philosophe ou bien désespérée pour ne point redouter la mort. Ne pense pas qu'il ne me soit jamais arrivé de tourner mes méditations vers ce grand mystère. Or j'en reviens toujours à me dire ceci : ou il y a une vie après la mort ou il n'y en a pas. Dans ce dernier cas la mort n'est qu'une illusion, elle n'effraie en nous que la conscience du vivant parce qu'elle est la dissolution de cette conscience.
- [...] Sachez, messieurs, que le démon rôde en tout lieu et que nombreux sont ceux qui ont avec lui passé un pacte et qui se cachent dans l'ombre. Il n'est pas une ville, pas un village où il n'ait fait des ravages et perverti les âmes. Il convient d'être vigilant car le diable est parmi nous et il peut tous nous entraîner sur ses pas et de là en enfer. [...] Un inquisiteur est comme un bon limier qui sans répit traque sa proie et que jamais rien ne lasse ni ne rebute, qui marche dans les voies de Dieu et agit pour la plus grande gloire du Seigneur et de notre Sainte Mère l'Eglise. Il ne connaît ni père ni mère, ni fils ni fille, ni pauvre ni riche, ni manant ni prince, il ne voit que les âmes, et le doigt du Seigneur lui découvre celles qui sont perverties ou possédées par le démon.
- Les malheurs d'autrui [...] n'apportent que peu de réconfort à ceux qui se trouvent dans la détresse.
Mon frère bien-aimé, tu le sais (...) la vie des villes n'est pas faite pour moi. J'aime ma liberté, voyager selon ma fantaisie ou mes caprices, me retirer dans cette solitude qui tant me convient lorsque m'en prend le désir, sans avoir de compte à en rendre à personne.
J'ai le sentiment de ne pas être de mon temps, de vivre en un monde sans beauté ni vertu qui n'est pas celui où j'aurais dû naître. (...)
Voici le jardin que j'ai conquis de mes mains sur les eaux de la rivière pour y installer le demeure des Muses...près de la source, de ce puits sans fond qui paraît s'enfoncer dans les entrailles de la montagne pour y chercher les flots clairs de la rivière divine (...) j'ai alors pris mon essor et me suis élevé vers ce que je prétends être le ciel de la littérature.