Citations de Guy Sorman (32)
Investir dans leur propre avenir leur est interdit dans la mesure où tout crédit leur est dénié : la terre ne leur appartenant pas – elle appartient à l’Etat -, nul ne peut offrir sa propriété en garantie contre un prêt bancaire. Dans un pays pauvre, l’inégalité devant le crédit vaut condamnation à la misère à perpétuité. Le Parti, qui le sait, n’envisage pas pour autant que la terre puisse être donnée plutôt que concédée au paysan qui la cultive : la propriété foncière risquerait de faire émerger une classe moyenne qui ne devrait plus sa survie au Parti. (p. 112)
Partout dans le monde, les travaux publics financent les partis politiques ; la Chine ne fait pas exception. Lorsque la corruption devient par trop visible, le Parti réprime les lampistes, s’en vante, mais ne touche pas au système qui lui profite. (p. 109)
Un désastre social, aussi, car les associations taoïstes et bouddhistes étaient les seuls lieux de charité et de solidarité existant en Chine ; elles n’ont été remplacées par rien et les pauvres, les isolés, les vieillards, les chômeurs sont abandonnés à eux-mêmes. (p. 90)
La révolution culturelle ? Quelle différence avec Auschwitz ? demande Liu Xia. Tous les Chinois qui avaient les mains blanches, non abimées par le travail manuel, et un diplôme, étaient arrêtés par les gardes rouges, torturés, et trente millions en moururent. La vraie distinction entre Auschwitz et la révolution culturelle ? En Europe, on s’interroge sur l’origine du mal, avec l’espoir d’en prévenir le retour ; en Chine, cette réflexion est interdite puisque le Parti qui a ordonné la Révolution culturelle est au pouvoir. Ses dirigeants actuels ont été gardes rouges. (p. 71)
Jean-Paul Sartre, toujours sensible à l’esthétique de la violence, fut évidemment maoïste sans même qu’il lui fut nécessaire d’aller en Chine. « Un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant », écrivait Molière. (p. 12)
Pour tout ministre, se retrouver dans un palais d'Ancien Régime, plutôt que dans un immeuble de bureaux contemporain, comme en Scandinavie o en Allemagne, ou dans une maison bourgeoise comme à Londres, influence nécessairement le comportement. La mémoire des lieux, les dorures, le protocole transforment le député le plus modeste en prince du sang. L'Etat français devrait déménager.
Prétendre que nos valeurs sont menacées suppose qu’elles puissent être précisément énumérées. Or on ne le peut pas. (p.183)
Le barbare est « dangereux » parce qu’il « légitime » le populisme : ni l’immigré ni le populisme en eux-mêmes ne suffiraient à menacer l’ordre bourgeois, mais leur singulier face-à-face constitue un péril réel. (p.360)
La société moderne est perturbée par la confrontation culturelle, économique, géographique, entre la bourgeoisie et la barbarie à la manière dont elle le fut par la confrontation entre le prolétariat et la bourgeoisie.
Contrairement au communisme qui n'envisage qu'un modèle universel, le libéralisme, lui, est toujours sur mesure.
Les faits ont illustré le succès des sociétés ouvertes qui ont participé au système mondial et l'échec des sociétés fermées qui ont été pillées par leurs kleptomanes nationaux.
Si Tocqueville accordait une grande importance aux religions, c'est parce qu'il y voyait un garde fou contre l'égalitarisme.