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Citations de Hanne-Vibeke Holst (40)


Elle n'a pas peur du noir. Seulement des images.

Il est plus de minuit, entre le 20 et le 21 décembre. Charlotte ne dort pas. Elle garde les yeux ouverts pour ne pas se laisser envahir par les images. Elle essaye de distinguer les objets et les meubles dans la pénombres. L'armoire, la chaise, les molakani sud-américains sur les murs, les lames des stores vénitiens. Elle écoute le son diffus de la circulation sur Jagtvejen, entend le bruit lointain d'un klaxon, puis celui de la sirène d'un véhicule. Elle se laisse bercer par le jazz langoureux qui provient de l'appartement d'en dessous. Les notes sensuelles d'un solo de saxophone flottent a travers le plancher comme des volutes bleus d'une cigarettes. Celui lui rappelle New-York, le club ou ils avaient dansé un soir a Greenwich Village. Avant les jumeaux. Les jumeaux qui toussent de temps en temps de l'autre coté du mur. Surtout Jens a cause de son asthme. Elle démêle ses jambes des longues jambes de son homme, se dégage de son bras posé autour de ses épaules. Le bras retombe lourdement sur le drap. Rien ne peut réveiller Thomas, ni le son du canon, ni les ambulances, ni la toux des enfants. Il dort du sommeil du juste, selon sa propre expression, du sommeil d'un homme qui n'est jamais poursuivi par ses démons. Comment pourrait-il comprendre les siens ?
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Elle aurait été fière de mon potager si elle avait vécu assez longtemps pour le voir. Elle aurait compris ça bien mieux que toutes ces paperasseries dont je m'occupe!
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Seuls quelques intimes, ceux qu’un futur ex-conseiller appelle la junte, sont présents dans le bureau du Premier ministre le 20 novembre 2001, le soir des élections. Ils ne sont pas plus d’une poignée à partager le vin et la petite collation servie pour l’occasion. Le même futur ex-conseiller, le seul à faire honneur à l’excellent plat de poisson, comparera ce dernier repas à la cène, avec l’humour noir qui le caractérise. Il qualifiera l’ambiance dans le bureau du Premier ministre, où deux écrans de télévision sont allumés simultanément, l’un sur DR1, l’autre sur TV2, de surréaliste, dès le moment où les premières estimations anéantissent tout espoir pour le gouvernement de Per Vittrup de rester en place, comme l’avaient prédit les oracles. Avec son sens du détail, il décrira les narines frémissantes d’Elisabeth Meyer et la chevelure incendiaire de Gert Jacobsen, mais en premier lieu, il déplorera le refus presque autistique de la tête de file des sociaux-démocrates de s’exprimer sur cette débâcle. Moins de 30% des suffrages exprimés ! La gifle est si cuisante que le pessimiste le plus invétéré, en l’occurrence le conseiller lui-même, n’aurait jamais pu imaginer défaite plus écrasante. Qu’attend-on d’un véritable leader dans une situation aussi dramatique ? Qu’il demande à ce qu’on le laisse seul, peut-être ? Qu’il sorte un revolver du tiroir de son bureau ou un sabre de son fourreau pour en finir avec l’existence ? Ou qu’il prenne dans sa poche un beau discours et se présente devant ses pairs pour assumer l’entière responsabilité de la défaite qui, contrairement à la victoire, est le plus souvent orpheline ? Toutes sortes de réactions sont admissibles, sauf la sienne, que le bientôt ex-conseiller comparera à celle d’une « poule qui continue à tourner en rond dans la basse-cour, refusant d’admettre qu’on vient de lui couper la tête. »

Quand le résultat final est annoncé, se souviendra le conseiller, c’est Elisabeth Meyer qui se révèle une fois de plus être le membre le plus viril du gouvernement. Elle est la seule à lui poser tout haut la question que tout le monde se pose tout bas : « Quel enseignement comptes-tu tirer de cette déculottée, Per ?

-Pardon ? » dit le Premier ministre sortant, en même temps qu’il téléphone au président de l’antenne régionale de l’ouest Jutland pour savoir où ils en sont du comptage des suffrages personnels. Pour s’assurer qu’il est toujours dans le top cinq.

Le futur ex-conseiller remarquera, tout en écrasant sa cigarette dans la carcasse dépouillé du poisson, que c’est à ce moment précis que Meyer et Jacobsen se détachent de lui, physiquement. Brusquement. Comme un couple qui se prend par la main pour sauter d’un train qui déraille.

« Est-ce parce qu’ils utilisent constamment le terme historique que je sais que cette soirée va être décisive, d’une façon ou d’une autre ? Y compris pour moi ? Est-ce pour cette raison qu’en dépit de tous mes efforts, je suis si nerveuse que je parviens à peine à tenir mon briquet immobile en allumant ma cigarette ? Pourtant j’ai pensé à tout. Je suis sûre de n’avoir rien oublié. J’ai posé les tranches de saumon mariné à côté des tranches de pain de seigle et non dessus. Je me souvenu qu’il aime que son assaisonnement soit servi à part dans un ramequin. J’ai mis de la margarine à table plutôt que du beurre, à cause de son cholestérol. Il y a une bouteille de son Chablis préféré dans le réfrigérateur et, à tout hasard, j’ai aussi mis au frais deux bouteilles de bière Carl’s Special, puisqu’il aime bien, parfois, boire une petite rousse avant de se mettre au lit. J’ai posé un vase de roses miniatures sur la table, avec un bristol blanc sur lequel j’ai écrit : « Félicitations, chéri ! »
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Les juifs n'ont pas le droit de prendre leur propre vie. J'espère que tu me pardonneras d'avoir pris la mienne. Comme nous avons pardonné à ceux qui se jetaient contre les grilles électrifiées des camps. Ou qui se contentaient de courir et de laisser leurs bourreaux mettre fin à leurs misérables existences en leur tirant dans le dos. Il fut un temps où je les trouvais lâches d'avoir fait ce choix. Maintenant, je ne sais plus. Il faut du courage pour admettre qu'on n'a plus d'avenir.
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Il paraît que la dernière chose qu'on perd est la capacité à dire "oui" et "non", et celle de sourire. Pour finir, on n'arrive même plus à tenir la tête droite. On est revenu au stade de nouveau né, avec la différence qu'on n'a plus d'avenir.
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Après les premières semaines, à la fois bouleversantes et pleines d'harmonie, elle avait tout de même commencé à ressentir l'ambivalence du sentiment maternel. Elle détestait l'avouer mais il lui arrivait parfois de façon fugitive de sentir le cordon ombilical s'enrouler autour de son cou, la serrer et menacer de l'étrangler.
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Il a compris avant elle ce qu'elle commence tout juste à réaliser. Que le soleil levant est aussi une cible qui s'élève dans le firmament. Son rôle est de la protéger.
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Peu de Danois naissaient aujourd'hui avec une cuillère en or dans la bouche, mais la plupart en avait une en argent, à laquelle ils n'attachait pas de valeur particulière, ne se sentant redevables de ce privilège ni envers la collectivité ni envers leur prochain, pour utiliser un terme tombé en désuétude. Les Danois étaient tellement gatés qu'ils ne voyaient plus l'abondance dans laquelle ils baignaient et en demandaient toujours plus. Ils voulaient tout, ici et maintenant.
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Si je comprends bien, quand on fait ce métier, on a le choix entre une mort lente et tranquille ou une mort rapide et violente?
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Pourquoi, au Danemark, n'osons nous pas dire la vérité à propos des étrangers ? Pourquoi ne voulons nous pas reconnaître que nous sommes entrés dans l'ère des grandes migrations de populations ? Nous ne pouvons pas laisser les pauvres dehors et continuer à vivre comme des colons blancs à l'intérieur d'une réserve de lait et de miel. Nous allons devoir remballer notre arrogance et apprendre à nous comporter avec plus d'humilité.
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(Au cimetière juif de Copenhague)
-Oui, c'est calme. Mais ce n'est pour ça que j'aime et endroit. Ici, il y a tous les gens qu'on connaît, explique Rachel avec un large geste. Les Rosenbaum, les Bodnia, les Garodkine, les Cohen, énumère t elle.
-Et les Epel, conclut Elisabeth avec un petit sourire. Tu penses sincèrement que vous allez vous revoir ?
La tante lève un regard papillonnât sur sa nièce.
-Une chose est sûre, on ne se reverra pas ailleurs !
Meyer éclate de rire. Si ça, ce n'était pas de l'humour juif !
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Il comprend soudain pourquoi il se rend à cette soirée à contrecoeur. C'est tout simplement parce qu'il ignore comment on joue le rôle de femme de ministre quand on est un homme.
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Pour lui elle était les cinq continents rassemblés en un seul. Elle était le nord, le sud, le froid, le chaud, la sécheresse et la pluie. Depuis toujours, depuis le premier jour, depuis cet été où il avait aimé ses ravins et ses gorges, ses Vallons et ses cols, ses forêts impénétrables et ses prairies en fleur.
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Enfin, il est horrifié de voir sa femme continuer à dévorer avec appétit son tournedos béarnaise et ses pommes de terre au four pendant que le reporter parle du jeune garçon qui s'est fait tabasser.
Il n'avait qu'à rester chez lui ! Réplique t elle calmement en réponse à l'exclamation choquée de Kim.
Mais enfin ce n'est qu'un gamin ! Il a quinze ans !
Impassible, elle reprend de la sauce.
Un petit rat finit un jour par devenir un gros rat.
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J'adore les parfums des premiers jours du printemps. C'est comme si le nez sentait pour la première fois, comme s'il s'allongeait pour percevoir l'odeur de....d'un processus vieux comme le monde qui se produit quoi qu'on dise ou qu'on décide.
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La politique est l'art des possibles... On doit parfois être prêt à avaler quelques couleuvres.
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Comme il allait devoir le faire lorsque sa première patiente de la matinée, une VIP étrangère, serait dans son bureau. Il s’agissait d’une Danoise élégante, aux cheveux couleur de miel, encore très belle malgré sa naissance remontant à 1944, et épargnée par cette dureté des traits qui marquait si souvent les femmes juives quand elles avançaient en âge. Ça devait être le côté ashkénaze qui transparaissait. L’une des branches de sa famille ne descendait-elle pas des von Litauen qui avaient atterri au Danemark sur leur route pour les États-Unis, après avoir dû fuir les pogroms du tsar, comme tant d’autres à cette époque ? En tout cas, c’est ce que lui avait raconté Bent, son sympathique frère au visage couvert de taches de rousseur et aux yeux aussi verts que les siens, quand ils avaient survolé ensemble son arbre généalogique, un exercice dans lequel beaucoup de ses patients juifs excellent. La plupart savent d’où ils viennent et ceux qui ne le savent pas font en sorte de le découvrir. Qui étaient leurs arrière-grands-parents, où avaient-ils émigré, qui s’était installé où et surtout qui avait survécu et qui avait disparu ? Victime de l’holocauste comme on disait.
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Descendant de pionniers sionistes rescapés des camps de concentration, le docteur Shalev n’avait jamais connu le luxe de pouvoir se plaindre de l’insoutenable légèreté de l’être. La peur que l’État d’Israël soit un jour effacé de la carte du monde avait gâché son enfance et, adolescent, il avait traversé une douloureuse crise existentielle après que son meilleur ami avait été victime d’un kamikaze déguisé en soldat israélien qui s’était fait sauter dans un bus en chemin pour Haïfa. Ce méfait palestinien et les représailles qui s’étaient ensuivies avaient amené Idan Shalev à douter que la vie lui apporte autre chose que malheur et souffrance, haine et vengeance. Cette crise lui avait fait tourner le dos à Dieu et au sionisme, et préférer la médecine à une carrière militaire dans le naïf espoir de contribuer à faire le bien et à soigner les gens. En ce jour de novembre, après avoir effectué sa séance de méditation quotidienne sur sa terrasse, déposé un baiser sur le front de sa femme enceinte et avoir lancé, la cigarette au coin des lèvres, sa spectaculaire jeep jaune canari dans le Battery Tunnel pour abattre à un train d’enfer la distance entre son domicile et son cabinet de Brooklyn, il s’était presque convaincu que s’il n’accomplissait pas de miracles au quotidien, au moins il travaillait pour le bien de ses concitoyens. Immigrant ambitieux et neurologue passionné, il s’efforçait d’aider les patients débarquant chaque jour plus nombreux des quartiers chics de Manhattan pour le consulter. Mais tout cela ne suffisait pas à son bonheur. D’une part, il ne parvenait pas à se débarrasser du sentiment de culpabilité d’avoir fui Israël, ce qui lui valait de fumer un paquet de Marlboro par jour. D’autre part, et malgré tout le mal qu’il se donnait, il détestait être régulièrement obligé de condamner des hommes et des femmes qui venaient chercher, pleins d’appréhension, le résultat redouté de leurs scanners et de leurs analyses.
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C’est à cause de patientes comme elle qu’il a renoncé à abandonner la cigarette. La première de la journée, il l’avait déjà fumée chez lui, en douce, après le petit déjeuner, sur la terrasse de son appartement au quatorzième étage, où il aménageait en ce moment un jardin d’inspiration méditerranéenne, une curiosité au milieu de ce paysage de gratte-ciel. C’était toujours avec une grande fierté qu’il présentait ses pommiers encore chétifs, son figuier sur espalier, ses vignes et leurs premières grappes de raisin qui, ajoutés à quelques conifères à feuillage persistant, viendraient un jour occulter la vue sur Ground Zero d’un côté, sans cacher la statue de la Liberté de l’autre. Si ses invités n’étaient pas suffisamment impressionnés par ce panorama qui lui avait coûté un bras, et qu’ils n’avaient de goût ni pour les plantes aromatiques ni pour les tables en mosaïque marocaine, il avait encore un atout dans sa manche – le même qu’avait utilisé l’agent immobilier pour lui vendre l’appartement. Sur cette terrasse de Battery Park reposait un morceau de l’aile de l’avion du vol 11 de l’American Airlines, celui que l’Égyptien Mohammed Atta avait détourné au nom d’Allah pour le diriger sur la tour nord à 8 h 46, le 11 septembre 2001. L’anecdote était en général suivie par un silence recueilli. Certaines personnes, les femmes en particulier, frissonnaient et allaient se réfugier à l’intérieur, pendant que d’autres, les hommes en général, cédaient à une fascination morbide et restaient immobiles et silencieux jusqu’à ce que l’ennui leur donne des fourmis dans les pieds.
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Qu’attend-on d’un véritable leader dans une situation aussi dramatique ? Qu’il demande à ce qu’on le laisse seul, peut-être ? Qu’il sorte un revolver du tiroir de son bureau ou un sabre de son fourreau pour en finir avec l’existence ? Ou qu’il prenne dans sa poche un beau discours et se présente devant ses pairs pour assumer l’entière responsabilité de la défaite qui, contrairement à la victoire, est le plus souvent orpheline ? Toutes sortes de réactions sont admissibles, sauf la sienne, que le bientôt ex-conseiller comparera à celle d’une « poule qui continue à tourner en rond dans la basse-cour, refusant d’admettre qu’on vient de lui couper la tête». Quand le résultat final est annoncé, se souviendra le conseiller, c’est Elisabeth Meyer qui se révèle une fois de plus être le membre le plus viril du gouvernement. Elle est la seule à lui poser tout haut la question que tout le monde se pose tout bas : « Quel enseignement comptes-tu tirer de cette déculottée, Per ? – Pardon ? » dit le Premier ministre sortant, en même temps qu’il téléphone au président de l’antenne régionale de l’Ouest-Jutland pour savoir où ils en sont du comptage des suffrages personnels. Pour s’assurer qu’il est toujours dans le top cinq. Le futur ex-conseiller remarquera, tout en écrasant sa cigarette dans la carcasse dépouillée du poisson, que c’est à ce moment précis que Meyer et Jacobsen se détachent de lui, physiquement. Brusquement. Comme un couple qui se prend par la main pour sauter d’un train qui déraille.
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