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Citations de Héctor Abad Faciolince (111)


Chez nous vivaient dix femmes, un enfant et un monsieur. Les femmes étaient Tatá, qui avait été la nourrice de ma grand-mère et avait presque cent ans, était à moitié sourde et à moitié aveugle ; deux bonnes — Emma et Teresa — ; mes cinq sœurs — Maryluz, Clara, Eva, Marta et Sol — ; ma mère et une bonne sœur. L’enfant, moi, aimait le monsieur, son père, par-dessus tout. Il l’aimait plus que Dieu. Un jour j’ai dû choisir entre Dieu et mon père, et j’ai choisi mon père.
(Incipit)
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En fin d’après-midi, on s’asseyait tous dans l’oratoire autour de ma grand-mère, mes sœurs et moi, et des femmes surgissaient peu à peu de tous les coins de la maison, des parentes, des domestiques et des voisines, toujours vêtues de noir ou de sombre, comme des cafards, un fichu sur la tête et un chapelet à la main. La cérémonie du rosaire était présidée par l’oncle Luis dans sa vieille soutane tachée de cendre et lustrée à force de repassages, avec ses mains pourries de lépreux, sa tonsure chenue, et son allure de géant, souriant et furibond en même temps, scandalisé et désolé par les péchés routiniers et les irrémédiables pécheurs qu’il devait chaque après-midi absoudre dans le confessionnal de son appartement. Il attendait patiemment, en fumant cigarette sur cigarette et se brûlant les doigts, répétant sempiternellement sa vieille cantilène désespérée (« Ah, quand atteindrons-nous le Ciel, quand ! »), tandis qu’arrivaient les femmes « du dedans » et du dehors.
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Je me souviens tout spécialement avoir lu, parmi bien d’autres livres, les sept volumes d’À la recherche du temps perdu. Avec une passion et une concentration que je n’ai jamais retrouvées dans aucune autre lecture. De février à avril, en lisant Proust, je découvris ce que je voulais faire vraiment : lire et écrire tout le temps de ma vie. Deux géants marquèrent la littérature du XXe siècle, Joyce et Proust, et je crois que suivre l’un ou préférer l’autre est un choix aussi important en matière de goût littéraire qu’en politique être de droite ou de gauche. Certaines personnes s’ennuient en lisant Proust et se passionnent pour Joyce : pour moi, il se passe exactement le contraire.
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L’expression de l’affection entre hommes relevait du snobisme ou de la pédérastie, et seules étaient permises les claques dans le dos, comme la plus grande marque de tendresse. Ma grand-mère Eva disait qu’il était « complètement impossible d’élever les enfants sans la férule et sans le Diable », et ainsi le faisait-elle savoir à ma mère, qui n’usait ni de l’une ni de l’autre. Mon grand-père disait parfois à mon propos : « Cet enfant, il faut l’élever à la dure. » Mais mon père lui répondait : « La vie est là pour ça, qui cogne durement sur tous ; pour souffrir, la vie est plus que suffisante, et je ne l’aiderai pas. »
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"L'esprit rebelle, je ne veux pas le perdre. Je ne me suis mis à genoux, si ce n'est devant mes roses, et je ne me suis sali les mains que dans la terre de mon jardin".

page 238
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Il est des moments dans la vie où la tristesse se concentre, comme l'on extrait l'essence d'une fleur pour en faire un parfum. Ainsi parfois dans notre existence la souffrance se décante jusqu'à devenir dévastratrice, insupportable.
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Vous pouvez donc faire venir des péons, mais pas pour qu'ils travaillent pendant que vous, comme des petits seigneurs, vous les regardez en leur hurlant des ordres,ça non.Même les péons seront propriétaires.
-Ah, insista Pelaez,vous êtes donc de ces gens modernes qui croient que nous sommes tous égaux,Blancs et Noirs, riches et pauvres,intelligents et crétins?
-Non,je ne crois pas cela,répondit Echeverri trés calmement en souriant.Ce que je crois,c'est que lorsqu'on entreprend quelque chose,il faut donner la même chose à tous,comme lorsqu'on commence une partie de cartes ou de dominos......tous auront le même jeu en main.Ensuite, la chance, le talent ou l'effort décideront.Et les abus des méchants et la bêtises des bêtas.Ces choses ne sont pas statiques comme les rochers mais fluides comme les rivières. P.129
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C'est toujours pareil: on ne désire que ce qu'on n'a pas. P.303
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La chronologie de l'enfance n'est pas faite de lignes mais de soubresauts. La mémoire est un miroir opaque et brisé, ou, pour mieux dire, elle est faite d'intemporels coquillages de souvenirs éparpillés sur une plage d'oublis.
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"Les livres sont un simulacre de souvenir, une prothèse pour se rappeler, une tentative désespérée de rendre un peu plus durable ce qui est irrémédiablement limité."
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J'aimais mon père d'un amour animal. J'aimais son odeur, et aussi le souvenir de son odeur, sur le lit, lorsqu'il partait en voyage et que je demandais aux bonnes et à ma mère de ne pas changer les draps ni la taie d'oreiller. J'aimais sa voix, j'aimais ses mains, ses vêtements soignés et la méticuleuse propreté de son corps. Quand j'avais peur, la nuit, je me glissais dans son lit et il me faisait toujours une place à côté de lui. Il n'a jamais dit non. Ma mère protestait, elle disait qu'il me gâtait, mais mon père se poussait un peu et me laissait monter. Je ressentais pour mon père la même chose que mes amis disaient éprouver pour leur mère. Je sentais l'odeur de mon père, je posais un bras sur lui, je mettais mon pouce dans la bouche et m'endormais profondément jusqu'à ce que le bruit des sabots des chevaux et les clochettes de la voiture du laitier annoncent le lever du jour.
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J'aimais mon père d'un amour animal. J'aimais son odeur, et aussi le souvenir de son odeur, sur le lit, lorsqu'il partait en voyage et que je demandais aux bonnes et à ma mère de ne pas changer les draps ni la taie d'oreiller. J'aimais sa voix, j'aimais ses mains, ses vêtements soignés et la méticuleuse propreté de son corps. Quand j'avais peur, la nuit, je me glissais dans son lit et il me faisait toujours une place à  côté de lui. Il n'a jamais dit non. Ma mère protestait,  elle disait qu'il me gâtait, mais mon père se poussait un peu et me laissait monter. Je ressentais pour mon père la même chose que mes amis disaient éprouver pour leur mère. Je sentais l'odeur de mon père, je posais un bras sur lui, je mettais mon pouce dans la bouche et m'endormais profondément jusqu'à ce que le bruit des sabots des chevaux et les clochettes de la voiture du laitier annoncent le lever du jour.
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Mon père n'aima jamais l'exercice direct de la médecine et il y avait là, selon ce que je pus reconstituer bien plus tard, une sorte de traumatisme précoce dû à un professeur de chirurgie à l'université. Il l'avait un jour obligé à retirer la vésicule d'un patient alors qu'il n'avait pas encore assez de métier et pendant la cholécystectomie qui est une opération délicate, il avait ligaturé le cholédoque du malade, un homme jeune d'environ quarante ans qui était mort quelques jours après l'intervention. Mon père fut toujours d'une maladresse absolue. Il était trop intellectuel même pour un médecin et manquait totalement de cette adresse de boucher que doit avoir, en tout cas, un chirurgien. Pour lui, même changer une ampoule était des plus difficiles, ne parlons pas d'une roue (quand il crevait, disait il en se moquant de lui-même, il devait s'arrêter au bord de la route, comme n'importe quelle femme, et attendre qu'un homme lui porte secours) ou de la révision du carburateur (qu'est-ce que c'est que ça ?) ou d'extraire proprement une vésicule sans toucher les conduits délicats qui passent par là. Il ne comprenait pas la mécanique et conduisait à grand-peine des voitures automatiques parce qu'il avait appris tardivement à conduire, et toute sa vie, chaque fois qu'il devait affronter l'acte héroïque de s'engager dans un rond-point au milieu de la circulation intense, il le faisait en fermant les yeux et il disait éprouver, chaque fois qu'il prenait le volant, "une profonde nostalgie pour le bus". Il n'était pas plus apte à aucun sport et en cuisine, il était plus que nul, incapable de se faire un café ou un œuf à la coque.

page 143
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La propriété donne mal au crâne et crée de l'injustice : la propriété nous rend avares et mesquins. La propriété nous lie les mains. Si je n'avais rien, de quelle liberté je jouirais, de quelle pureté. Enfin dépouillée de tout. Ne pas régler de factures, ne pas payer d'impôts, ne pas se tracasser pour l'assurance, les trous dans le toit, les clôtures et les bêtes, voilà l'idéal.
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La vie ne tient qu'à un fil, et dans l'air il y a des ciseaux qui volent au vent.
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Le cardinal, par son ordre impitoyable, semblait prononcer les paroles par lesquelles Créon voulut laisser sans sépulture le frère d'Antigone : "Jamais un ennemi, même mort, ne devient un ami." Et mon oncle, frère de mon père, semblait dire les mots d'Antigone, sœur de Polynice : "Je ne suis pas née pour partager la haine mais l'amour".

page 210
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Les plus riches estimaient qu'avec sa manie d'égalité et de conscience sociale, il poussait les pauvres à la révolte.
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L'esprit du sauternes ravive ce qu'il y a de plus vivant en nous : la possibilité d'unir deux pensées.
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Ce furent des années de bonheur, dis-je, mais la félicité est faite d'une substance si légère qu'elle se fond facilement dans le souvenir, et si elle remonte à la mémoire, c'est avec ce sentiment écœurant que j'ai toujours rejeté comme inutile, mièvre et finalement nuisible à la vie au présent: la nostalgie. Non plus que les tragédies qui ont suivi ne doivent ternir ce souvenir heureux, ni le teinter de malheur ou de ressentiment envers le monde; pas plus que l'injustice ou la tristesse du passé n'effaceront les indubitables périodes de joie et de plénitude. Rien de ce qui est advenu ensuite n'entachera d'amertume ces années heureuses.
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La beauté vous condamne : elle vous ouvre toutes les portes pour ensuite les fermer.
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