Citations de Hélène Lenoir (52)
L’idée d’avoir fait tout ce voyage pour rien et de rentrer bredouille la rendait tour à tour furieuse, amère et angoissée. À cause de l’argent, elle le dit. S’en voulait d’avoir renoncé à autre chose de bien plus « juteux » pour ce soi-disant scoop dont elle se fichait complètement en réalité,
Il regardait droit devant lui. S’ouvrait prudemment au plaisir d’être simplement dehors un vendredi soir après dîner en compagnie d’une belle femme, une étrangère qu’il se sentait vaguement chargé de guider dans la ville, une Française qui pouvait d’une seconde à l’autre le laisser seul, partir en courant vers des lieux animés ou choisir un autre garde du corps plus fiable, plus distrayant, tandis qu’il poursuivrait sa promenade, sans amertume, supposait-il, content, quoi qu’il arrive, de s’être laissé entraîner à marcher un soir d’été jusqu’au fleuve...
Trop tard... mais trop tard contient encore quelques instants. Constatation, dépit, le train, le rendez-vous manqués, mais on y est, une trentaine de secondes pour reprendre son souffle, ses esprits, regarder l’heure, elle vient de le faire, discrètement en reposant son verre, infime rotation du poignet qu’elle a aussitôt levé et fait disparaître derrière ses cheveux, le casque secoué, étincelle d’une boucle d’oreille qu’il n’avait pas encore remarquée.
Le destin... c’est un mot. Très grand. Trop grand. Mais tout est trop grand dans cette histoire... c’est pour ça que tout le monde y va avec ses petits commentaires. J’ai entendu des choses invraisemblables, hier surtout. C’était la sensation du jour. Aujourd’hui, ça se tasse un peu, heureusement.
Sa dernière pensée, pourquoi est-ce que ça n’aurait pas été la vie ? Une certitude : l’enfant vivant et elle, plus forte que le fleuve...
Thérèse a compris, une diction très claire avec ces intonations un peu traînantes qu’ils ont dans le Sud, l’accent bavarois ou viennois, elle n’a pas assez d’expérience pour le reconnaître, et, si c’est celui d’ici, la mélodie n’a rien à voir avec les cataractes des papoteuses ou du chauffeur de taxi, même le garçon n’avait pas ce... parce qu’il s’appliquait à parler distinctement, alors que lui, ce raffinement lui est naturel, un flegme rassurant, c’est un homme cultivé, son français est parfait, c’est un homme, un monsieur, je viens de rencontrer un homme...
C’est tellement incroyable. Tout. L’enchaînement des circonstances, les gamins, la poussette qui passe juste dans le trou, le seul endroit du parapet qui était démoli, paraît-il, et juste un jour où le fleuve est vraiment dangereux... Dix kilomètres... Je me demande si ce n’est pas très exagéré. Les gens aiment toujours en rajouter. Enfin, même si ce n’étaient que cinq, je n’arrive pas, c’est tellement inimaginable...
Arriver dans un lieu inconnu demandait du calme, du temps pour soi. C’était comme entrer doucement dans l’eau sans être houspillée, éclaboussée par les nageurs, la grande nageuse crawlant élégamment autour d’elle...
Marcher bien droit, ne pas regarder ni à droite ni à gauche, se concentrer sur les panneaux, ignorer les gens quels qu'ils soient et l'odeur, les portes ouvertes dans les couloirs, prendre l'escalier plutôt que l'ascenseur, mais d'abord le hall, ça recommence, chaud, froid, respire, Elvire, respire....
Réanimation. Accés interdit au public. Oui, mais je suis la mère. Attendre ? Attendre que quelqu'un bouge cette porte ?....
Comme si elle prenait en moi la substance,l'énergie,je ne sais pas,je ne peux pas dire exactement...Dans mon lit,hier soir,je pensais à l'histoire des vases communicants,mais le jour où elle aura tout pris,qui me rendra ou me donnera?
Je ne sais rien.Je ne sais pas qui est ma fille.Depuis longtemps.Ca fait plus de trois ans qu'elle a quitté la maison.Sa vie,comment voulez vous?...Je ne sais rien d'elle.Sauf qu'elle a voulu mourir deux fois,elle a essayé,mais pourquoi je ne sais pas.
On a le temps.
Vous, je ne sais pas, mais moi oui, même si j'ai pour la première fois la sensation que c'est très court, qu'il faut faire vite, je vais avoir quarante ans...