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Citations de Henri Barbusse (303)


Un feldwebel est assis, appuyé aux planches déchirées qui formaient, là où nous mettons le pied, une guérite de guetteur. Un petit trou sous l'œil : un coup de baïonnette l'a cloué aux planches par la figure. Devant lui, assis aussi, les coudes sur les genoux, les poings au cou, un homme a tout le dessus du crâne enlevé comme un œuf à la coque… À côté d'eux, veilleur épouvantable, la moitié d'un homme, coupé, tranché en deux depuis le crâne jusqu'au bassin, est appuyé, droit, sur la paroi de terre. On ne sait pas où est l'autre moitié de cette sorte de piquet humain dont l'œil pend en haut, dont les entrailles bleuâtres tournent en spirale autour de la jambe.

Chapitre 20 : Le feu.
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Henri Barbusse
Deux armées qui se battent, c'est comme une grande armée qui se suicide.

Le Feu (journal d'une escouade), Chapitre 24 : L'aube.
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— Ils te diront, grogna un homme à genoux, penché, les deux mains dans la terre, en secouant les épaules comme un dogue : « Mon ami, t'as été un héros admirable ! » J' veux pas qu'on m' dise ça !
Des héros, des espèces de gens extraordinaires, des idoles ? Allons donc ! On a été des bourreaux. On a fait honnêtement le métier de bourreaux. On le r'fera encore, à tour de bras, parce qu'il est grand et important de faire ce métier-là pour punir la guerre et l'étouffer. Le geste de tuerie est toujours ignoble — quelquefois nécessaire, mais toujours ignoble. Oui, de durs et infatigables bourreaux, voilà ce qu'on a été. Mais qu'on ne me parle pas de la vertu militaire parce que j'ai tué des Allemands.

Chapitre 24 : L'aube.
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Henri Barbusse
On est des machines à oublier. Les hommes, c'est des choses qui pensent un peu, et qui, surtout, oublient. Voilà ce qu'on est.

LE FEU (JOURNAL D'UNE ESCOUADE), Chapitre 24 : L'aube.
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— C'est des journalistes, dit Tirette.
— Des journalistes ?
— Ben oui, les sidis qui pondent les journaux. T'as pas l'air de saisir, s'pèce d' chinoique : les journaux, i' faut bien des gars pour les écrire.
— Alors, c'est eux qui nous bourrent le crâne ? fait Marthereau.
Barque prend une voix de fausset et récite en faisant semblant de tenir un papier devant son nez :
« Le kronprinz est fou, après avoir été tué au commencement de la campagne, et, en attendant, il a toutes les maladies qu'on veut. Guillaume va mourir ce soir et remourir demain. Les Allemands n'ont plus de munitions, becquettent du bois ; ils ne peuvent plus tenir, d'après les calculs les plus autorisés, que jusqu'à la fin de la semaine. On les aura quand on voudra, l'arme à la bretelle. Si on attend quèq' jours encore, c'est que nous n'avons pas envie d' quitter l'existence en tranchées ; on y est si bien, avec l'eau, le gaz, les douches à tous les étages. Le seul inconvénient, c'est qu'il y fait un peu trop chaud l'hiver… Quant aux Autrichiens, y a longtemps qu'euss i's n' tiennent plus : i' font semblant… » V'là quinze mois que c'est comme ça et que l' directeur dit à ses scribes : « Eh ! les poteaux, j'tez-en un coup, tâchez moyen de m' décrotter ça en cinq sec et de l' délayer sur la longueur de ces quatre sacrées feuilles blanches qu'on a à salir. »

Chapitre 2 : Dans la terre.
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Quand on apprend ou qu'on voit la mort d'un de ceux qui faisait la guerre à côté de vous et qui vivaient exactement de la même vie, on reçoit un choc direct dans la chair avant même de comprendre. C'est vraiment presque un peu son propre anéantissement qu'on apprend tout d'un coup.

Chapitre 20 : Le feu.
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La porte s’entrouvre et fait une raie blanche ; la figure d’un petit garçon s’y dessine. On l'attire comme un petit chat, et on lui présente un morceau de chocolat.
- J’m’appelle Charlot, gazouille alors l’enfant. Chez nous, c’est à côté. On a des soldats aussi. On en a toujours, nous. On leur z’y vend tout ce qu’i veulent. Seulement, voilà, des fois, i’s sont saouls.
- Dis donc, petit, viens un peu ici, dit Cocon, en prenant le bambin entre ses genoux. Écoute bien. Ton papa i’ dit, n’est-ce pas : “Pourvu que la guerre continue !” hé ?
- Pour sûr, dit l’enfant en hochant la tête, parce qu’on devient riche. Il a dit qu'à la fin d’mai on aura gagné cinquante mille francs.
- Cinquante mille francs ! C’est pas vrai !
- Si, si ! trépigne l’enfant. Il a dit ça avec maman. Papa voudrait qu’ça soit toujours comme ça. Maman, des fois, elle ne sait pas, parce que mon frère Adolphe est au front. Mais on va le faire mettre à l’arrière et, comme ça, la guerre pourra continuer.
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Chaque être est seul au monde. Cela paraît absurde, contradictoire, d’énoncer une phrase pareille. Et pourtant, il en est ainsi… Mais il y a plusieurs êtres comme moi… Non, on ne peut pas dire cela. Pour dire cela, on se place à côté de la vérité en une sorte d’abstraction. On ne peut dire qu’une chose : Je suis seul.
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Elle nous conduit dans le cellier. Trois gros tonneaux remplissent ce réduit de leurs rotondités imposantes.
- C’est là vot’ petite provision personnelle ?
- Elle sait y faire, la vieille, ronchonne Barque.
La mégère se retourne, agressive.
- Vous ne voudrez pas qu’on se ruine à cette misère de guerre ! C’est assez de tout l’argent qu’on perd à ci et à ça.
- A quoi ? insiste Barque.
- On voit que vous n’risquez pas vot’argent, vous.
- Non, nous ne risquons que not’peau.
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- [...] Après tout, une bombe peut dégringoler sur une promenade à Paris, ou à Bordeaux.
– Oui, oui. Alors c'est trop facile de dire : "Faisons pas d'différence entre les dangers !" Minute. Depuis le commencement, y en a quelques-uns d'eux autres qui ont été tués par un malheureux hasard : de nous, y en a qué'qu's-uns qui vivent encore, par un hasard heureux. C'est pas pareil, ça, vu qu'quand on est mort c'est pour longtemps.
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Ne plus aimer, c'est pire que de se haïr, car, on a beau dire, la mort est pire que la souffrance. J'ai pitié de ceux qui vont deux à deux, enchaînés par l'indifférence. J'ai pitié du pauvre coeur qui a si peu longtemps ce qu'il a ; j'ai pitié des hommes qui ont un coeur pour ne plus aimer.
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Lumière triste du Nord, ciel étroit et vaseux, lui aussi chargé, dirait-on, d'une fumée et d'une odeur d'usine. Dans cet éclairement blême, les mises hétéroclites des habitants des bas-fonds apparaissent à cru, dans la pauvreté immense et désespérée qui les créa. Mais c'est comme le tic-tac monotone des coups de fusil et le ronron des coups de canon : il y a trop longtemps que dure le grand drame que nous jouons, et on ne s'étonne plus de la tête qu'on y a prise et de l'accoutrement qu'on s'y est inventé, pour se défendre contre la pluie qui vient d'en haut, contre la boue qui vient d'en bas, contre le froid, cette espèce d'infini qui est partout.

Chapitre 2 : Dans la terre.
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« Après tout, pourquoi faire la guerre ? » Pourquoi, on n'en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire. On sera bien forcé de voir que si chaque nation apporte à l'idole de la guerre la chair fraîche de quinze cents jeunes gens à déchirer chaque jour, c'est pour le plaisir de quelques meneurs qu'on pourrait compter ; que les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d'armées, pour qu'une caste galonnée d'or écrive ses noms de princes dans l'histoire ; pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d'affaires — pour des questions de personnes et des questions de boutiques. Et on verra, dès qu'on ouvrira les yeux, que les séparations qui sont entre les hommes ne sont pas celles qu'on croit, et que celles qu'on croit ne sont pas.

Chapitre 24 : L'aube.
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Fouillade se lève un peu péniblement à cause de ses articulations rouillées, et va se coucher. Il n'espère plus qu'une chose maintenant : dormir, pour que meure ce jour lugubre, ce jour de néant, ce jour comme il y en aura encore tant à subir héroïquement, à franchir, avant d'arriver au dernier de la guerre ou de sa vie.
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La mégère se retourne, agressive :
- Vous ne voudrez pas qu'on se ruine à cette misère de guerre ! C'est assez de tout l'argent qu'on perd à ci et à ça.
- A quoi ? insiste Barque.
- On voit que vous n'risquez pas vot' argent, vous.
- Non, nous ne risquons que not' peau.
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...Voici fuser et se balancer sur la zone bombardée un lourd paquet d’ouate verte qui se délaie en tous sens. Cette touche de couleur nettement disparate dans le tableau attire l’attention, et toutes nos faces de prisonniers encagés se tournent vers le hideux éclatement.
—C’est des gaz asphyxiants, probable. Préparons nos sacs à figure.
—Les cochons!
—Ça, c’est vraiment des moyens déloyaux, dit Farfadet.
—Des quoi? dit Barque, goguenard.
—Ben oui, des moyens pas propres, quoi, des gaz...
—Tu m’fais marrer, riposte Barque, avec tes moyens déloyaux et tes moyens loyaux... Quand on a vu des hommes défoncés, sciés en deux, ou séparés du haut en bas, fendus en gerbes, par l’obus ordinaire, des ventres sortis jusqu’au fond et éparpillés comme à la fourche, des crânes rentrés tout entiers dans l’poumon comme à coup de massue, ou, à la place de la tête, un p’tit cou d’où une confiture de groseille de cervelle tombe, tout autour, sur la poitrine et le dos. Quand on l’a vu et qu’on vient dire: «Ça, c’est des moyens propres, parlez-moi d’ça! »


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- Ah ! mon vieux, ruminait notre camarade, tous ces mecs qui baguenaudent et qui papelardent là-dedans, astiqués, avec des kébrocs et les paletots d'officiers, des bottines – qui marquent mal, quoi – et qui mangent du fin, s'mettent, quand ça veut, un cintième de casse-pattes dans l'cornet, s'lavent plutôt deux fois qu'une, vont à la messe, n'défument pas et l'soir s'empaillent dans la plume en lisant sur le journal. Et ça dira, après : "J'suis t'été à la guerre."
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– On se demandera, dit l'un : « Après tout, pourquoi faire la guerre ? » Pourquoi, on n'en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire. On sera bien forcé de voir que si chaque nation apporte à l'Idole de la guerre la chair fraîche de quinze cents jeunes gens à déchirer chaque jour, c'est pour le plaisir de quelques meneurs qu'on pourrait compter ; que les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d'armées, pour qu'une caste galonnée d'or écrive ses noms de princes dans l'histoire, pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d'affaires – pour des questions de personnes et des questions de boutiques. Et on verra, dès qu'on ouvrira les yeux, que les séparations qui sont entre les hommes ne sont pas celles qu'on croit, et que celles qu'on croit ne sont pas.
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Le réseau est plus compact encore que nous le croyons, nous qui vivons dedans. Sur les vingt-cinq kilomètres de largeur qui forment le front de l'armée, il faut compter mille kilomètres de lignes creuses : tranchées, boyaux, sapes. Et l'armée française a dix armées. Il y a donc, du côté français, environ dix mille kilomètres de tranchées et autant du côté allemand…
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{au sujet des Poilus}

Ce sont de simples hommes qu'on a simplifiés encore, et dont, par la force des choses, les seuls instincts primordiaux s'accentuent : instinct de la conservation, égoïsme, espoir tenace de survivre toujours, joie de manger, de boire et de dormir.
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