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Critiques de Herman Melville (524)
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Bartleby

De par son format, Bartleby me faisait moins peur que Moby Dick pour découvrir la prose d'Herman Melville.



Il s'agit plus d'une nouvelle que d'un roman mais, si j'en crois l'abondante littérature autour de cette novella, il aura fait couler beaucoup d'encre, cet entêté de Bartleby.

L'histoire nous est racontée par un narrateur, chef d'une étude juridique située sur Wall Street. Même si la rue n'est pas encore la place financière qu'elle est devenue, elle est le symbole d'un New-York résolument tourné vers la modernisation, les affaires et les profits.



Il y a pourtant du Dickens dans la description des bureaux de l'étude, claquemuré entre deux hauts immeubles tout proches qui bouchent la vue des fenêtres. le narrateur dresse avec un certain humour les caractéristiques pittoresques de ses trois premiers employés, dénommés uniquement par leur surnom : Dindon, Pince Coupante et Biscuit au gingembre. Tout un programme et le maître de l'étude a déjà fort à faire pour maintenir une harmonie.



Arrive alors Bartleby, bien mis mais efflanqué et d'une pâleur prononcée. Installée dans le bureau du chef, derrière un paravent, il copie les actes juridiques avec constance. Mais à la moindre demande autre, une seule réponse devenue célèbre : "J'aimerais mieux pas". Quand il décide de ne plus exécuter de copie, même réponse. Pire qu'un non tranché car, d'une certaine façon il ne refuse pas catégoriquement mais il préfère ne pas faire, d'une voix calme et posée. Et de s'enfermer à la fois dans son mutisme et dans son "ermitage" entre la fenêtre quasi aveugle, la porte et le paravent.



Le pauvre narrateur, un brave homme, oscille entre l'énervement devant cette résistance passive et la bienveillance face à un homme assurément pauvre, seul et qui n'a d'autres ressources que d'habiter l'étude. En tout cas, l'attitude de son commis oblige son employeur à de nombreuses interrogations et même à des remises en question de lui-même. Lui si posé, jonglant jusqu'ici avec les caractères de ses trois autres employés avec tact, en vient à une agitation à lui peu commune. Et même à ressentir le joug de cet implacable "J'aimerais mieux pas" peser sur ses épaules jusqu'ici sans faille.



Certains exégètes de l'oeuvre ont vu dans le personnage de Bartleby une sorte de gréviste dénonçant l'avidité des affaires et les dérives d'un capitalisme à ses débuts. D'autres, par la récurrence à sa face blême quasi spectrale, le définissent comme une apparition rappelant le narrateur, conseiller juridique efficient et de confiance, à se remémorer les préceptes chrétiens face aux turpitudes du droit et des affaires.



Je ne me sens pas les connaissances nécessaires pour trancher et, après tout, toute lecture s'accompagne aussi d'interprétation. Pour ma part, je réagis face à cet homme buté dans son "J'aimerais mieux pas" comme le narrateur. Face à un tel employé, ou même un collègue, ma patience serait mise à rude épreuve. Pourtant, au-delà de son inactivité bornée, il y a effectivement chez lui une part de misère, tant matérielle qu'existentielle (rester des heures face à une fenêtre donnant sur un mur...) qui touche ma fibre sensible.



Herman Melville clôt son récit en laissant le mystère entier : qui est vraiment Bartleby? D'où vient-il? Pourquoi une telle résistance passive? Que des questions sans guère de réponse. On commenceavec Dickens, on finit façon Kafka. Et pourtant, je n'ai pas trouver ce dénouement frustrant. J'ai beaucoup apprécié la vivacité du style de l'auteur. Ses portraits offrent une touche d'humour dans la morosité de ce travail répétitif de commis aux écritures.



Bartleby m'a permis de considérer avec la crainte de m'attaquer à un grand nom des lettres américaines. Moby Dick est un texte antérieur à Bartleby de trois années. Il me tarde désormais de me rendre à Nantucket faire connaissance avec Ishmael et le capitaine Achab.
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Moby Dick

La lecture de ce classique - qui n'en fut pas un à l'époque de sa publication - m'a toujours à la fois attiré et repoussé. D'abord par sa taille - 800 pages, les pavés me font toujours ce double effet - mais surtout par l'association de cette longueur à un sujet qui me semblait difficilement pouvoir passionner sur un tel "trajet". L'aventure doit être rapide, nerveuse, pour me divertir. Ou en tout cas variée, ce qui me semblait improbable pour une chasse au cachalot, fut-il blanc et légendaire.

Force est de constater que Moby Dick est bien plus qu'un roman d'aventure. Prenant prétexte de cette poursuite d'un animal mythique - l'affrontement réel avec l'animal représente 30 pages sur les 800 - Melville tisse tout à la fois une ode aux baleiniers, une réflexion philosophique sur l'homme et la nature, une analyse des rapports humains en micro société.

Le choix du mode de narration et du narrateur lui-même est décisif. Melville s'inspire de sa propre expérience et choisit un marin débutant, homme cultivé néanmoins et à la recherche d'aventure. Cela nous offre le recul nécessaire, tout en même temps que l'ironie, la soif d'apprendre et de découvrir du personnage. On peut ainsi observer le vrai héros de l'aventure, le capitaine Achab, tout en lui conservant longtemps une part de son mystère. Les chapitres courts permettent aussi de garder un certain rythme, même si j'ai eu certaines périodes de ralentissement de lecture, mais également causées par des raisons personnelles.

Une lecture en tout cas salutaire, comme celles de nombre de classiques à qui les années mais surtout les lecteurs des époques successives garantissent ce statut. Un classique est un livre qui ne laissera jamais indifférent et combattre nos réticences à en affronter certains est sans doute un de nos devoirs de lecteur.



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Bartleby

Homme étrange et texte troublant que ce "Bartleby, le scribe" : un texte court, et qui pourtant emmène le lecteur dans une lecture riche de contrastes et génératrice d'une troublante tessiture de sensations.

De l'humour jouissif des premières pages où sont introduits les personnages jusqu'à la plainte déchirante des dernières relatant la triste fin de Bartleby.

De la première impression de liberté de Bartleby, l'homme qui dit non, opposée à la prison où l'on finit par l'enfermer dans sa solitude.

De l'univers étroit de l'étude notariale sur lequel Melville ouvre le récit à l'évocation d'une désespérante condition humaine sur laquelle il le referme.



Qu'est-ce donc alors que ce "je ne préférerai pas" que Bartleby oppose sobrement à toute demande?

Je rejoins Daniel Pennac qui affirme en quatrième de couverture de l'édition Folio : "Qui a lu cette longue nouvelle sait de quelle terreur peut se charger le mode conditionnel. Qui la lira le saura."
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Bartleby

Je préférerais ne pas l'écrire cette critique, rester ainsi face à la couverture, me taire, cesser de parler, de dire n'importe quoi, cesser de frapper ce clavier innocent. Je préférerais ne pas vous raconter Bartleby ni vous dire de quoi ça parle. Ne pas avoir à expliquer le processus de la dépression, expliciter les symboles de la relation père-fils, prouver mes hypothèses, justifier mes assertions, ne pas rendre compte. Je préférerais ne pas avoir à...



Je préférerais ne pas vous dire comment, je crois qu'il faut traduire I would prefer not to...



Même recopier le texte, le citer, ça non plus je préférerais ne pas...

Être copiste parfois appelle le silence, l'immobilité, l'effacement...

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Moby Dick

Lu une première fois en 2018 en duo avec mon fils de 9 ans, et relu pour les cours de français de 5ème.

Même si mon p'tit loup peut se débrouiller seul, il goûte encore le plaisir de partager les lectures sympa avec sa maman.

La première fois, nous avions découvert Moby Dick dans un album illustré par Jame's Pruniet qui fut un grand moment d'émerveillement. L'album est de grande taille et les peintures à l huile sont magnifiques. On a l'impression de contempler des tableaux.

Cette fois, nous nous sommes penchés sur un roman en version poche et même si le plaisir des yeux n'y était pas, l'imagination a vite pris la suite.

On a très vite été captivé par le récit d'Herman Melville. Ça sent bon l aventure, la mer, le dépassement de soi, le danger, la survie.

Ishmael le héros aime bourlinguer, partir à l aventure. Sur terre, il ne tient pas en place. Il embarque avec Queequeg un homme de nouvelle Zélande qu' il prend d abord pour un cannibale et qui deviendra son ami à bord d' un baleinier. Le capitaine du Pequod n a qu'une obsession: retrouver et tuer Moby Dick, une énorme baleine blanche rusée qu' il déteste.



Depuis sa précédente rencontre avec la baleine, le capitaine est devenu fou, ivre de rage et de rancoeur, assoiffé de vengeance.



Un incroyable face à face entre l homme et la nature.



2éme lecture aussi plaisante que la première peut être même meilleure.
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Bartleby

Je préfèrerais pas vous en dire trop sur ce trop court roman.. je préfèrerais pas tout vous dévoiler sur ce personnage étrange qu'est Bartleby. Enfin, quand je dis tout... ce que le narrateur lui-même en sait, et finalement ce n'est presque rien, quelques mois dans le même bureau, rien de plus, à peine quelques mots, que je préfèrerais mieux pas vous dévoiler, si vous-même n'en savez rien.

Disons que Bartleby débarque un jour dans ce bureau où travaille déjà deux personnages - Dindon et Lagrinche - aux tempéraments remarquablement lunatiques. Quel bonheur d'avoir cet homme fin, silencieux et travailleur comme nouveau compagnon! Jusqu'au jour où le patron lui demande un service...



Bartleby est donc un roman, ou plutôt une nouvelle beaucoup trop courte à mon goût, mais écrit avec beaucoup de finesse et d'ironie. On y perçoit l'absurdité dans laquelle on peut balancer sous le poids infime de quelques paroles, la fragile stabilité des relations, de l'existence, tout simplement.

Lu à la suite de Le Bonheur dans l'Echec, une autre nouvelle de Melville, on y retrouve des points communs: l'évolution vers une sorte de délire, la générosité du narrateur, l'absurdité d'une vie...

Merci Daniel Pennac de m'avoir donné envie de découvrir ce livre! (clin d'oeil à Des Chrétiens et des Maures)
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Moby Dick

David Herbert Lawrence qui détestait la philosophie et surtout Kant, "la bête", aimait pourtant une autre bête, Moby Dick. Il lui consacre le chapitre 11 de ses Essays on Classic American Literature, et je ne vois pas bien ce qu'on pourrait dire de mieux sur le sujet que ce qu'en a dit ce provocateur surdoué. Evacuons la zoologie: Moby Dick est un grand cachalot (sperm whale) et non pas une baleine. Mais Moby Dick est aussi un symbole. Symbole de quoi? Melville, selon Lawrence, n'en était pas sûr lui-même et c'est bien tout l'intérêt de ce roman qui peut se lire au moins deux fois dans une vie; enfant pour l'aventure et plus tard, pour filer la métaphore jusqu'au au bout du filin, là où se plante le harpon. Trois jours de combat mystique perdu, pour Lawrence, c'est la malédiction de l'Amérique blanche qui entraîne dans sa noyade toutes les autres ethnies embarquées avec elle dans sa quête folle, pour quelques pièces. Moby Dick c'est aussi Jesus et Socrate que le pouvoir pourchasse et crucifie, causant sa propre perdition. "Captain Ahab", pour Melville, toujours selon Lawrence, c'est, déjà en 1851, le maniaque fanatique américain qui engloutit tout avec lui dans son projet de civilisation dérisoire et l'océan fait en sorte qu'il soit oublié pour toujours. "and the great shroud of the sea rolled on as it rolled five thousand years ago."
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Moby Dick

Moby Dick, roman emblématique de Herman Melville, est un océan à lui seul, une lame de fond, un tsunami qui emporte tout, les éléments et les hommes avec. C'est une épopée, une tragédie antique, des forces souterraines et invisibles sont réunies ici pour conduire les personnages de ce récit dans une longue descente en enfer.

Les héros sont beaux, sont fiers, déjà abîmés par des siècles de misère et de fatalité. Savent-ils le destin qui les attend ? Même s'ils le savaient, je crois bien qu'ils iraient quand même dans cette aventure. Au fond, je pense qu'ils le savent déjà. Intimement.

Lorsque je me suis enfin décidé à lire ce roman il y a très peu de temps, j'en ai découvert une version tout à fait par hasard dans une édition pour la jeunesse, auprès de la médiathèque de ma commune. Cette classification m'a un peu surpris.

Moby Dick, sans l'avoir encore lu, je connaissais déjà un peu ce qui porte le récit, le dénouement aussi, une sorte de légende qui précède le roman, qui l'entoure, l'accompagne.

Moby Dick, bien sûr c'est une énorme baleine blanche. Peut-être, ou peut-être pas, mais c'est bien autre chose, c'est un mythe, un fantôme, une croyance, un désir, Moby Dick est bien autre chose qu'une baleine blanche...

Nous entrons dans ce récit en compagnie d'Ismaël, ancien instituteur de campagne. Peut-être par désillusion ou dépression nerveuse, il décide de prendre la mer comme d'autres décident de mettre fin à leurs jours.

L'argument général tient en peu de mots. Ismaël, jeune marin de commerce cherche à s'engager sur un baleinier. Il s'embarque à bord du Péquod en compagnie d'un ami harponneur du nom de Quequeg, un indien. Comme j'ai aimé ce personnage de Quequeg ! C'est le personnage que je préfère du roman, avec ses tatouages qui courent sur sa peau comme un livre et ses rites chamaniques. J'aurais tant voulu qu'il survive à cette épopée...

Il y a donc ce navire le Péquod, Ismaël se fond dans la masse anonyme des marins, ceux-ci sont témoins dès le début de l'embarquement de l'obsession vengeresse du capitaine Achab. Il y a cette folie incroyable d'un homme.

En effet, ce navire baleinier est commandé par le capitaine Achab, habité par l'idée fixe de tuer une baleine blanche du nom de Moby Dick, qui lui a arraché une jambe lors d'une précédente expédition de pêche.

Ismaël d'ailleurs est le narrateur du récit. Parfois sachant que tout va tourner très mal, je suis rassuré d'entendre à chaque page la voix du narrateur, je me suis dit qu'au moins celui-ci en aura réchappé. Parfois certains auteurs sont tordus, font même parler les morts dans la narration. Ici Ismaël sera le seul survivant de cette épopée dantesque. Je ne divulgue aucun mystère, tout cela se sait dès le début.

J'adore les baleines, de préférence vivantes, j'aime le chant des baleines, j'aime Jacques Prévert mais je me souviens qu'enfant, le poème intitulé La pêche à la baleine, de son recueil Paroles, où un marin pêcheur revient au pays comme l'enfant prodigue, jetant sur la table familiale une baleine, m'avait paru d'une cruauté à la fois cocasse et inouïe.

Alors forcément J'avais un léger a priori, je suis venu à ce roman en me disant que Moby Dick serait mon alliée dans ce récit, en imaginant jubiler à chaque fois que cette baleine mettrait en difficulté ou en péril les marins du Péquod. Oui je reconnais être entré dans ce roman avec un parti pris.

Et puis je me suis attaché aux multiples personnages. Tous les personnages sont ici magnifiques.

Mais Moby Dick est invisible, absente dans une large partie des pages qui jalonnent le roman. La tension est palpable dans l'attente, c'est la force du roman. Moby Dick, c'est un peu Apocalypse Now, c'est Dracula, c'est King-Kong, c'est le Vieil homme et la mer, c'est Alien... Il y a l'attente de la bête, sa rencontre future, attendue, attendre qu'elle surgisse enfin, tout cela est déjà palpable et fait la force du récit.

À cette lecture, j'y ai vu une oeuvre quasiment philosophique sur la destinée des femmes et des hommes, mais on pourrait aussi y voir comme une simple sortie de pêche, ce qui serait un peu réducteur me semble-t-il. Entre les deux visions, il y a sans doute plusieurs nuances et c'est aussi la force infinie de ce roman.

J'aime Ismaël, j'aime savoir qu'il survivra, il sera le seul rescapé du Péquod. Mais je suis triste qu'il n'y aura pas d'autres survivants...

Parfois les fureurs vengeresses sont capables de tout détruire, y compris ceux qui les animent et ceux qui y sont invités, c'est sans doute là la dimension tragique du récit.

Et puis ici des scènes sont décrites avec tant de réalisme. Chaque personnage est d'une construction ciselée à merveille. J'ai pleuré lorsque ce petit mousse fut puni pour désobéissance et la façon dont il fut puni...

J'y ai vu un livre intemporel, traversant les âges, les mers, les rivages, les ports et les pontons. J'y ai vu un récit capable d'atteindre nos rivages.

Il y a tellement de détails que je me suis dit, ce récit classé en livre de jeunesse sera-t-il perçu à sa juste teneur ? Dans ces messages ? Mais ce n'est pas à moi lecteur de porter quelconque jugement. Au contraire, si de jeunes lecteurs peuvent venir à la littérature par ce récit merveilleux, ce sera une magnifique aventure.

Lire, relire Moby Dick aujourd'hui en 2020 me semble plein de sens, une nouvelle manière de regarder cette oeuvre d'une autre manière, regarder la mer et l'humanité, proposer une approche forte sur le respect de l'environnement. Protéger les baleines et l'océan qui les berce.

Porter une attention à nos vies. Moby Dick est mon amie.
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Hôtel de la baleine

Le soleil s’est couché, la pluie redouble, dédouble même les ombres, vision troublée par le brouillard qui commence à envelopper la solitude du quai, bittes d'amarrage laissées à l'abandon nocturne. J’erre, la démarche volontaire, dans la pénombre d’un bord d’océan, New Bedford, Massachussetts, prêt à embarquer, un livre de poche dans la poche de ma vareuse. Au ciel, des étoiles qui scintillent avec parcimonie entre les nuages venus fendre l’éclat de la nuit. Dans ma tête, les étoiles d’un rêve que je pensais inaccessible, le mythique Cap Horn. Embarquer sur un baleinier.



Je navigue dans les ruelles, à la recherche d’une étincelle, la lumière qui ouvrirait ma voie, celle de la taverne, senteur de poussière, ivresse du grand large. Là-bas, on doit y boire, de quoi finir ma nuit ou ma vie. Surtout la possibilité de rencontrer des capitaines qui seraient susceptibles de m’accueillir à leur bord, la chasse à la baleine est dans le move en ce siècle. L’hôtel de la baleine, un nom prédestiné, besoin de m’allonger, trouver un lit, un banc, une moleskine avant de me retrouver l’œil hagard sur le pont d’un navire à gerber les entrailles de ma putain de vie. J’entre, pénètre l’antre de la baleine, tel Jonas dans sa splendeur littéraire.



Une chambre ? Ah ça va pas être possible, à cette heure-ci, tout est complet. Il y a bien un banc, mais les échardes et le froid glaçant qui glisse sous la fenêtre… Ah si, vous pouvez partager le lit d’un harponneur, à l’étrange nom de Queepeg. Étrange, c’est peut dire, la réflexion est longue, je ne dors pas dans n’importe quel lit, les mœurs douteux me font douter même de la confiance à mettre, dans le lit d’un harponneur qui doit en plus puer la poiscaille et le vomis.



Allongé sur le lit, même double, je ne peux fermer l’œil d’une nuit, attendant le jour, un livre posé sur mon cœur au cas où l’on voudrait l’y enfoncer un pieu. Une lampe torche balaye sous la porte la poussière de cette chambre miteuse et craquelante. Un homme entre, capitaine, ô mon capitaine, est-ce lui, cet harponneur qui vadrouille toute la nuit de ce jour saint… Frisson, les pages de mon bouquin s’envole, tout un chapitre même, le chapitre 3 de Moby Dick.
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Bartleby

Étrange récit que celui-ci, et étrange personnage que celui de Barleby. Car ce qui prend dès le départ l’apparence d'une satire sociale se termine en une méditation ô combien désespérée sur l'humanité. C'est un texte qui, bien que court, est tellement riche qu'on n'en finirait pas de le décortiquer et de l’analyser. Et pourtant, il se lit d'une traite, sans donner l'impression au lecteur qu'il va lui falloir rassembler la totalité de ses ressources cognitives pour l'appréhender. C'est un récit ambivalent, à la fois simple et complexe, qui donne beaucoup à réfléchir. Un texte qui ne s'oublie pas facilement.



Et tout d'abord, il y a la question de la narration et du point de vue du narrateur (anonyme), avec lequel il est bon de prendre quelque distance. Ce personnage du narrateur, qui raconte l'histoire de Bartleby, arrive en effet à se présenter au lecteur comme quelqu'un de compatissant, bienveillant, soucieux des autres... alors qu'en y regardant de plus près, ça n'est pas si évident que ça. Ne serait-ce que parce qu'il s'offusque dès les premières pages de ce que la charge de Maître de la Chancellerie de New York a été supprimée, ce qui a entraîné pour lui la disparition d'une rémunération d'autant plus intéressante que le poste ne demandait pas beaucoup d'efforts. Voilà des propos qui, tout en nous laissant immédiatement penser que Bartleby est d'une veine indubitablement comique (ce qui est le cas), vont bizarrement offrir un contraste frappant avec les dernières paroles du même narrateur. Et l'on verra que, sous ses dehors compatissants, il est après tout soucieux de ses affaires et de son confort au point de transiger avec ses principes les plus généreux. Le fait est que, bienveillant ou pas, ce personnage du narrateur est surtout bousculé, dérangé, malmené, secoué, heurté, déstabilisé par l'attitude de son employé Bartleby, tout comme le sera le lecteur.



C'est que Bartleby, c'est, entre autres, le grain de sable dans le rouage d'une société new-yorkaise fin-de-siècle bien réglée. Pourtant, a priori, il n'est qu'un employé ordinaire embauché dans un cabinet juridique ordinaire situé dans le quartier de Wall Street. Quoique... En y regardant une fois encore de plus près, on peut se demander si ce cabinet est ordinaire ou pas. Que penser de ces deux employés, Dindon et Pince-nez, qui à tour de rôle, et selon un agenda qui semble pensé à la minute près, se montrent des copistes exemplaires ou, tout au contraire, multiplient les bourdes et les excès ? Et que penser de leur employeur, qui préfère ne pas les renvoyer (eh oui, la fameuse formule est déjà là, non énoncée, mais insidieuse !), considérant que les qualités de l'un compense les défauts de l'autre, et vice-versa (je rappelle qu'à l'époque on pouvait évidemment très facilement renvoyer n'importe quel employé sous n'importe quel prétexte, et qu'on ne s'en privait guère) ? Reste en tout cas que notre narrateur et employeur juge, tout comme, apparemment, ses clients, l’alcoolisme de Dindon et l'irascibilité de Pince-nez comme acceptables. Or, l'arrivée de Bartleby va bousculer le fragile équilibre du cabinet et de l'organisation du travail. Se montrant tout d'abord un employé extrêmement consciencieux, il va opposer une force d'inertie incroyable à son employeur, non pas en refusant tout net d'accomplir une tâche professionnelle, mais en répondant avec douceur qu'il "préférerait ne pas" l'accomplir - je précise que la formule employée par Bartleby en américain est "I would prefer not to", qui est donne en français, selon les traducteurs, "Je préférerais pas" ou, ce qui me semble plus juste "Je préférerais ne pas".



Ce "I would prefer not to" va être le point de bascule du texte et le point de départ d'une méditation du narrateur, qui dépassera de loin la réflexion sur une société contemporaine qui brise les êtres humains. Bartleby va, sans d'ailleurs le vouloir, contaminer toute la vie du cabinet (tout le monde va se mettre à utiliser le verbe "préférer" à tout bout de champ). Petit à petit, il en viendra à ne plus accomplir aucune des tâches professionnelles pour lesquelles il a été embauché et passera son temps à regarder par la fenêtre un mur grisâtre qui fait face au cabinet. L'employeur, désemparé, se heurte désespérément à l'inertie de Bartleby toujours grandissante, et passe par des humeurs toujours changeantes : incompréhension, pitié, curiosité, agacement, lâcheté, ruse, exaspération, désespérance. Et comme les affaires sont les affaires, et que l'humanité est l'humanité (au moins selon Melville), l'histoire de Bartleby va se terminer fort tristement.



Alors, que penser de ce Bartleby, qui, un jour soudain, déclare à la face du monde qu'il "préférerait ne pas" ? C'est la grande question de ce texte, et toutes les interprétations, ou presque, sont permises, sans d'ailleurs se contredire. De fait, je me garderai bien d'essayer de trancher. Je préfère nettement que vous lisiez vous aussi "Bartleby".
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Bartleby

D’abord il faut préciser que j’ai lu la version traduite par Pierre Goubert, présentée par J-P Naugrette, et éditée par le livre de poche. Je le dis car cette présentation – à lire après coup (comme souvent d’ailleurs) - et le dossier qui suit le roman sont tout à fait remarquables.



Oh Bartleby, ce petit livre immense de Melville, comme disait Derrida (enfin, il parait) …



Bartleby, cet homme énigmatique qui ne se nourrit que de biscuits au gingembre. Bartleby, employé d’un bull shit job … Quoi, déjà ? En 1850 ? Eh oui, ça existait déjà à l’époque ? et dire qu’on voudrait nous faire croire que c’est une invention récente, due à la numérisation, mais non, le ver est dans le fruit du capitalisme depuis le début.



Bartleby, ce gratte-papier discret, tranquille, peu bavard et qui se rendra vite désagréable aux yeux de ses collègues par son refus d’obtempérer, sans pour autant cesser de faire son travail. Bartleby, cet être rétif à toute forme d’autorité, qui aurait certainement pousser à bout tous les petits managers à la con de notre chère modernité, les kapos en puissance et autres arrivistes et tricheurs sans vergogne, Bartleby, celui qui réussit à désarmer le plus doué des people managers, jusqu’à le « déviriliser » (et ça c’est quand même puissant, comme mot dans la bouche de son chef. Et tellement révélateur de ce qu’on appelle le « people management »).



Bartleby ou l’effronterie tranquille.



À propos de ce roman, certains parlent de la « tentation du retrait ». Je ne suis pas tout à fait d’accord : d’abord, parce qu’une fois que vous avez lu Bartleby il ne cesse d’occuper une grande part de votre espace mental. Il n’y a pas un jour où, dans votre travail quotidien ou dans vos discussions avec vos ados, une parole, une remarque, une attitude vous rappelle ce brave Bartleby. Ensuite, Bartleby ne laisse pas le champ libre, bien au contraire, il reste, il campe dans ses retranchements, il occupe l’espace, et jamais ne décide de céder sa place. Il refuse de s’impliquer dans la vie de bureau, sans pour autant se résigner ou lâcher la place. Non, il est là où il est, poussière incongrue, malvenue dans l’engrenage d’un quotidien tout tracé mais peut-être pas si prévisible, sécurisé et bétonné que ça.



Salutaire Bartleby … tu es, pour moi, le symbole de résistance pacifique, avec ton refus de te conformer aux « évidences ».



Quoi qu’il en soit, Bartleby est l’un des rares romans qui rejoint ma pile (mais ce n’est pas vraiment une pile, plus un sac en toile, prêt à emporter sur mon île déserte ou dans mon abri atomique aussitôt que l’affreux Vlad aura appuyé sur son gros bouton) des livres « à relire un jour »… car ce roman mérite plusieurs lectures et, je suis sûre, se révèlera un peu plus à chaque lecture, comme une jeune fille farouche …

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Bartleby le scribe (BD)

Partenariat sur NetGalley j'ai lu cette Bande dessinée sur ma tablette et je pense que j'ai perdu là beaucoup de la qualité des dessins et sur la vision des différentes planches composant la BD. Les BD en numériques c'est pas glop !

Les dessins de la ville de New York sont très beaux et l'atmosphère est bien rendue.

Les personnages, eux, sont davantage caricaturaux alors que les bâtiments sont très réalistes.

Mais venons en à l'histoire, car cette BD est l'adaptation d'une nouvelle de Herman Melville connue et reconnue...

Mais moi je ne l'ai jamais lu et par contre j'aurais désormais envie de la découvrir, pour voir si elle m'apporterait plus d'éclairage sur ce texte.

Car en effet je suis restée un peu sur ma fin et quelques éléments de compréhension de l'image m'ont sans doute échappé ... Sur la fin... Est-ce la véritable fin de Bartleby ?

J'ai retenu par contre la fameuse phrase :



"Je préfèrerais ne pas le faire"



Comme une résistance passive de la part d'un exécutant. Cette phrase peut être inspirante et utile pour répondre aux ordres que l'on juge idiots ou inutiles par exemple ! Hum hum 😇



Je vais pas vous faire le coup en vous disant que je préfèrerais ne pas émettre d'avis ce ne serait pas convenable... Mais je pense que la lecture de la nouvelle au préalable est sans doute une bonne chose pour un peu plus comprendre le sens de tout ça... Si sens il y a ...



En tout cas l'énigmatique Bartleby le scribe aura très bien su susciter les commentaires et les idées de beaucoup de monde plus intelligent que moi ...



Merci à NetGalley et aux éditions Dargaud pour ce partenariat



Quant à vous si vous préférer ne pas suivre mon avis

ou au contraire le suivre c'est bien vous qui voyez !



#BArtlebyleScribe #NetGalleyFrance



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Moby Dick

Je viens de retrouver cette édition Milan Jeunesse dans l'un des derniers cartons de notre déménagement (au bout de presque deux ans...). L'adaptation du texte est honorable, et je mesure bien le défi que cela a dû représenter : raconter Moby Dick en une quarantaine de pages.

Mais surtout, surtout, il y a les illustrations de Jame's Prunier. Elles font de cet album une véritable splendeur, qu'on ne se lasse pas de feuilleter.

Le récit n'a plus beaucoup d'importance. Les tableaux multiplient les histoires à l'infini et sont des portes ouvertes sur l'imaginaire. On dirait le regard à la fois réaliste et mélancolique que poserait un Edward Hopper sur le temps de la marine à voile.

J'ai plus d'une fois lu ce livre, le soir, à mes enfants, et je m'y suis souvent perdu avec délices.
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Bartleby

Ah Bartleby ! Triste témoin d'une humanité où le capital prévaut sur la morale !



Il n'est pas aisé de se plonger dans l'oeuvre de Melville, et l'histoire de Bartleby n'y fait pas exception.

Cet être, en apparence nihiliste, incompris de ses collègues de travail et de beaucoup de lecteur, est une figure emblématique et la résistance passive ; et il contient à lui seul beaucoup des questionnements et préoccupations de son auteur.



Bartleby ne sait, ne peut et ne veut se conformer à la recherche de rentabilité et de plaisir immédiat. Plutôt que d'imposer ou lutter pour ses idéaux et valeurs morales, il décide de se retirer de ce 'jeu', qu'importe si cet acte doit lui être fatal.



Une oeuvre pessimiste qui annonce la naissance du nouvel homme et de l'homme américain - incompatible avec la sévère éducation protestante de Melville - avec un personnage aussi énigmatique que marquant.
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Bartleby

Il faut découvrir Bartelby comme si on ne connaissait pas les raisons de son succès littéraire (ou en tout cas, il faut faire semblant de les avoir oubliées). On progressera ainsi de l’ennui amusé –car même au-delà de son personnage principal, Herman Melville sait conférer aux seconds rôles et aux décors les symptômes d’une absurdité généralisée- au délire froid et disjoncté. On ne sait pas si Bartelbys’ébroue dans la folie ou s’il assume une perversité qu’il déguste en tête à tête avec lui-même. Son vice tient en une seule phrase insignifiante qui finit par envahir totalement l’horizon de la nouvelle. Très mal rendue dans cette traduction, on lui préfèrera la tournure plus ancienne du : « Je préfèrerais ne pas » qui traduit en quelques mots le mystère apparent du personnage –obsolète, méprisant, lascif- tout en litote ironique, traduisant une rhétorique parfaite qui écrase l’adversaire et l’empêche de trouver la moindre prise pour répliquer.





La réussite de la formule transmet son pouvoir tortionnaire jusqu’au lecteur. Maître du sadisme appliqué, Bartelby déchaîne nos propres fantasmes de cordiale infamie. On trépigne sur place tout au long de cette lecture d’une effroyable cruauté. D’un fond mouvementé, elle présente pourtant une apparence d’austère civilité : la culture est d’une barbarie effroyable !


Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Bartleby

Le narrateur, une soixantaine d’années, est un homme de loi. Rien ne le met en colère, sauf la suppression de la charge de Conseiller à la cour de la Chancellerie. À l’époque où la charge lui fut conférée, il dut augmenter le nombre de ses employés. Il recruta donc Bartleby, un homme « pitoyablement respectable » comme copiste.

Il n’eut d’abord qu’à se louer de ses services. Mais un jour qu’il eut quelque chose à lui demander, il s’entendit répondre : « je préfèrerais pas ». Et ça ne s’est pas arrêté là.

Une curieuse nouvelle qui a fait couler beaucoup d’encre.

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Moby Dick

Moby Dick est un classique de la littérature américaine que je m'étais toujours promis de lire. J'ai pu me tenir ma promesse grâce à une boîte à livres.



Je suis contente de ce voyage sur l'Océan Pacifique et les mers du monde à la recherche de Moby Dick, baleine blanche mythique avec qui le capitaine Achab a un compte à régler. Voyager à bord d'un baleinier du XIX ème siècle, c'est apprendre beaucoup de chose sur la navigation en général (sur les baleiniers en particulier) et sur les mammifères marins.



Mais lire Moby Dick, c'est surtout partir en voyage dans les méandres de l'esprit humain ; c'est accompagner le capitaine Achab dans sa folie et son désir de vengeance contre notre volonté. Si le narrateur Ismaël reste tout du long plutôt objectif, tenant son rôle d'observateur, il n'en va pas de même pour les autres personnages. Et c'est tout naturellement que le lecteur s'identifiera au personnage du second Starbuck, plus mesuré et clairvoyant, bien que non dénué d'empathie envers Achab. J'ai beaucoup aimé ce personnage !



Herman Melville a une très belle plume. Il agrémente son récit, assez noir finalement, de touches d'humour qui permettent de nuancer les émotions ressenties. Ses personnages sont tout aussi nuancés, très bien caractérisés et parfaitement attachants malgré leurs caractères fort différents. J'ai bien relevé de ci de là quelques connotations religieuses mais je ne m'y connais pas suffisamment pour en parler dans ce billet.



Ce que je retiendrai pour ma part de cette lecture, c'est une très belle plume, un beau voyage, et une belle surprise (je m'attendais plutôt à un récit d'aventures du type L'île au trésor alors que Moby Dick est clairement plutôt tourné vers la réflexion même si les aventures sont bien présentes).
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Moby Dick

La richesse de la langue et du style ne peuvent passer inaperçus. Pour l’anecdote, je discutais avec un ami qui me soutenait qu’un bon écrivain devait pouvoir être reconnu à la lecture de n’importe quelle phrase prise au hasard dans l’un de ses livres. Un peu troublée par cette exigence, j’ai voulu lui démontrer que ces attentes étaient sans doute beaucoup trop hautes et j’ai saisi le volume de Melville à portée de main.



Sincèrement, je prend cette phrase au hasard :



« Âprement et régulièrement aiguillonnées par les sarcasmes de l’Allemand, les trois baleinières du Pequod avançaient maintenant presque de front et, dans cet ordre, le rattrapèrent momentanément. »



Pifomètre le plus pur ! Et je vous assure que n’importe quelle autre extrait du roman porte la marque de son auteur de manière indubitable. Cette simple découverte me fascine. Ces presque 600 pages m’ont tenu en haleine plusieurs jours, et par petites touches – Moby Dick est aussi une lecture éprouvante relevant d’avantage de l’effort que de la distraction. Mais quelle délice ! Il s’en est suivi – comme il se doit après la lecture d’un véritable chef d’œuvre – une bonne semaine de « deuil » littéraire où toute lecture me paraissait fade, voire grinçante ou vaine, y compris les essais.



J’ai pu lire ça et là des chroniques enthousiastes quant à la dimension métaphysique de Moby Dick. A la lecture pourtant, j’étais d’avantage en position de monter dans une baleinière en saisissant mon harpon, qu’absorbée par des méditations vastes et bienvenues sur l’humanité, la vengeance et autre quête initiatique. Aujourd’hui, en tentant laborieusement de rassembler mes impressions, je ré-ouvre les pages cornées le mois dernier et constate a posteriori tous ces énoncés – pourtant limpides – sur les doutes, les failles et les travers de l’Homme. La dimension métaphysique est à peine sous-jacente, elle est explicite tout au long du roman. Herman Melville réussit l’exploit de nous parler au plus profond, tout en nous offrant un roman d’aventure époustouflant.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Bartleby

I would prefer not to.



La formule m’était connue, sans que le livre le soit : lacune réparée après la lecture de Bartleby de Herman Melville, dans sa traduction de Jean-Yves Lacroix et dans sa belle édition réalisée par Allia.



Sous-titré « Une histoire de Wall Street », ce court roman qu’on appellerait probablement novella aujourd’hui, narre une partie de la vie de l’énigmatique Bartleby, employé aux écritures ou scribe dans un cabinet juridique new-yorkais réputé.



Embauché pour prêter main forte à ses collègues Dindon, Pince-Nez et Gingembre, il va progressivement et poliment refuser toute nouvelle tâche professionnelle puis extra-professionnelle, répétant en boucle cette réponse obsessionnelle et systématique de « I would prefer not to » à son patron.



Cet homme venu de nulle part, sans passé identifié, sans envergure aucune, sans prétention non plus va symboliser ce petit grain de sable insignifiant qui va progressivement mettre à mal puis détraquer la mécanique bien huilée du business glorieux américain, sans que quiconque ne trouve matière à endiguer cette résistance d’un nouveau genre.



Bartleby ne travaille plus, ne mange presque plus, ne quitte plus son bureau, devient indéchiffrable, indélogeable et invirable. C’est le sparadrap du capitaine Haddock, dont nul ne sait comment se débarrasser.



Bartleby est une fable en absurdie, au style soutenu et élégant, qui donne à réfléchir sur le libre arbitre et le traitement humanitaire – ou pas - que l’on propose à ceux qui sont en marge de la norme.



Un texte qui a nourri la controverse de générations de traducteurs et pleinement satisfait ma première incursion chez Melville.
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Bartleby

La lecture de Bartleby le Scribe ( 1850) m'a déçue car sans arrêt j'ai pensé au Manteau de Gogol ( 1841). Il y a plein de points communs entre Akaki et Bartleby. Tous les deux sont de ternes copistes zélés, sans passé et sans avenir. Tous les deux ont du mal à parler. Tous les deux ont une idée fixe : Akaki désire un manteau, Bartleby ne désire rien du tout, il "préfèrerait ne pas ". Tous les deux vont connaître une triste fin solitaire. Mais voilà, le style de Gogol est vif, enlevé, mordant du début à la fin avec un narrateur complice du lecteur. L'absurdité et l'angoisse sont contrebalancées par le burlesque et la vivacité du récit. le récit de Melville manque de rythme et le comique des premières pages s'épuise au fil du texte. Il faut dire que le narrateur est le véritable personnage principal du texte, un honnête homme raisonnable et auto-satisfait, qui va voir son petit monde dérailler. Or ce narrateur n'est pas drôle du tout. A la fin seulement, il fait preuve d'humanité mais il est trop tard.
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