AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Hervé Bougel (16)


Nous savons simplement que tout peut basculer, à tout instant. Notre ordinaire est fragile, suspendu. Les cris dans la nuit, les disputes, les coups échangés dans la salle à manger. Le marteau qu’il brandit un soir, l’écran de télévision fracassé: Regarde ce que j'en fais de ta saloperie de télé!
La peur, à tout instant, la peur même au sommet de la joie, quand elle survient. La peur incessante, celle qui poigne le cœur. La peur qui enserre, la peur qui réduit, la peur qui diminue la vie. La peur qui harcèle. La peur qui tord le ventre et monte à la tête. p. 45
Commenter  J’apprécie          120
Je ne sais à quoi t’a servi de tant lire : tu n’as rien compris, tu n’as rien appris. J’ai vu ta folie.
Commenter  J’apprécie          60
J’ai tenté de me battre contre le sommeil. J’ai toujours peur d’aller me coucher. Les nuits sont brutales, les nuits sont pleines de cris. Les nuits sont noyées de mensonges. Les nuits sont envahies de fantômes fragiles. Les nuits sont sans issues.
Commenter  J’apprécie          40
Il ne faut pas chanter, il ne faut pas lire, il ne faut rien dire. Je dois me taire, nous devons faire silence pour protéger des secrets connus de tous. Ça doit être ça un bon secret : chacun le connaît, personne n'en dit rien.
Commenter  J’apprécie          40
La peur, à tout instant, la peur même au sommet de la joie, quand elle survient. La peur incessante, celle qui poigne le cœur. La peur qui enserre, la peur qui réduit , la peur qui diminue la vie. La peur qui harcèle. La peur qui tord le ventre et monte à la tête.
Commenter  J’apprécie          40
La sensation d’un bonheur fragile me survole. Je me demande si ça va durer ; aujourd’hui au moins, et c’est déjà bien.
Commenter  J’apprécie          30
Le courage n'est qu'une ombre vacillante, une petite flamme rouge dans la forêt, mais elle peut tout embraser.
Commenter  J’apprécie          30
Je lui ai demandé si ces blessures lui faisaient mal.
- C'est comme tout, au début on est surpris... Ça fait un peu mal, oui, puis, à force, on n'y fait même plus attention.

p.42
Commenter  J’apprécie          20
J'avais peur de ma mère, des gifles de ma mère. Pas de celles qu'elle pourrait me donner, mais de ce que c'était que ces gifles. C'étaient des gifles pour tuer les mots. C'était si difficile, quelquefois, de ramasser son courage.
Commenter  J’apprécie          20
Il a toujours en tête cette idée d'apprendre la vie. Personne chez nous ne comprend ce que ça veut dire, apprendre la vie. Nous savons juste que nous devons la connaître, cette vie, mais pour en faire quoi, pour aller où ? Sous la charge de notre ignorance, nous nous taisons.
Commenter  J’apprécie          20
Quelquefois, on aimerait cracher rouge pour montrer qui l'on est. Moi, j'étais Luis Ocaňa.
Commenter  J’apprécie          20
C'est bien plus facile comme ça, éviter, contourner, se taire, ne pas regarder, ne pas voir.

p.93
Commenter  J’apprécie          10
Le poulet aux olives doit être prêt. Nous abandonnons les Chabert devant la porte vitrée de leur immeuble.
– À cet après-midi!
Tendue, Brigitte avance à grands pas.
– C’est l’heure de La Séquence du spectateur, il faut se dépêcher.
Nous longeons le mur du lycée, une haute masse de pierres blanches sur laquelle des élèves ont tracé à la peinture noire un immense Vive l’anarchie. Un cèdre colossal émerge de la cour, il écrase de son envergure les fenêtres étroites des classes. Notre immeuble, le rouge, est en face.
C’est rapport à la couleur des volets que nous désignons les HLM. Le rouge, c’est le nôtre, il y a aussi le vert, celui d’en bas, le jaune de l’autre côté de notre avenue Édouard-Herriot, puis, plus éloigné, le bleu, c’est déjà ailleurs.
Brigitte touche mon bras:
– Sylvie Chabert demande si tu veux bien l’aimer.
Je ne réponds pas. Ça me gêne, cette Sylvie soudain amoureuse. Je n’ai pas, moi, très envie de l’aimer. Si grosse, si vilaine, ses fortes lunettes sur son nez épais. Puis, les poils évoqués par son frère m’écœurent, découragent par avance le sentiment.
Nous sommes à nouveau invités l’après-midi. Il faudra poursuivre les jeux, rendre les devoirs, finir les gâteaux de pierre.
Je n’ai pas très envie, non, d’aimer Sylvie Chabert, mais comment refuser d’aimer qui vous le demande? D’autres, à l’école, Rinaldi, Couttaz, le grand Colomban, sauraient bien y faire. Je préfère mon ignorance, je préfère me taire.
Commenter  J’apprécie          10
INCIPIT
Dimanche 24 juin
Le dimanche à midi, c’est poulet aux olives. Mon père, un torchon accroché à l’un des passants de sa ceinture, touille les morceaux de volaille mêlés aux herbes parfumées qui remontent dans les bulles de la cuisson, du fond de la marmite.
Le dimanche à midi, c’est poulet aux olives et purée, maison.

Ce matin, ma sœur Brigitte et moi avons joué à la lisière du petit bois avec les Chabert, Sylvie et son frère Bernard. Le petit bois est planté tout près des immeubles: quelques troncs, une haute haie bien taillée. Ici, Losserand, le concierge des HLM, vient déposer, poussant sa brouette puis à fourche pleine, des paquets de feuilles mortes, des amas d’herbe coupée. C’est un lieu peuplé de chats sauvages. Ils tuent des oiseaux, des souris qu’ils chassent cavalant sur les poutres. Des chats cracheurs: si l’on approche, de la griffe ils nous menacent, hargneux. Nous retrouvons des ailes déchirées, des plumes, des petits os brisés.
– Pas question d’aller vous amuser là-bas! Je l’ai déjà dit! Les chats vous crèveraient les yeux! commande notre mère.

Sylvie et Bernard Chabert sont venus tôt, sans doute leurs parents les ont-ils fichus dehors – avoir la paix. Il fait doux, l’été s’installe. Dans la cuisine, notre mère s’affaire, couteau pointu en main. Mon père dort encore dans la chambre où jamais nous ne pénétrons. Sur la table de formica jaune gît le poulet, croupion béant, tête tranchée.
– Le trou du cul de la poule, le trou du cul de la poule! crie Brigitte, excitée.
De ses doigts déjà noirs, elle palpe la bête roide. Notre mère l’écarte, d’une main à l’épaule.
Dans le petit hall de l’entrée, les Chabert patientent. Bernard danse d’un pied sur l’autre. Sylvie est sage, les mains croisées dans le dos, grosse et laide, boudinée dans une robe bleue. Des lunettes aux verres épais, sertis d’une lourde monture, ravinent les ailes de son nez en trompette. Son frère a le visage mince, le menton pointu souligné d’une profonde fossette, un épi émerge de son crâne, ses yeux sont gros, ronds, verts. Je connais mal Chabert, nous ne fréquentons pas la même école, je suis au Colombier, l’école des garçons, lui est à Saint-Joseph, chez les curés.
– Chabert! Le catho! La gueule de grenouille!
On lui parle comme ça, dans le quartier.
Brigitte a organisé cette matinée de jeu. J’ai suivi sans en avoir vraiment envie, je sais que je vais m’ennuyer. Tous les quatre, nous quittons l’appartement. Short et chemisette bleue pour moi, robe rouge et bob jaune vissé sur le crâne pour Brigitte.
– Prenez garde au soleil, il est dangereux! crie notre mère du fond de la cuisine.

Les filles veulent jouer à l’école. Ma sœur a découpé dans le catalogue Vert-baudet des images de mannequins. Elle les a rangées dans une vieille boîte à chaussures qu’elle serre sous son bras.
À même l’herbe rase, elle aligne sa classe de papier.
– Ouvrez vos cahiers! Silence!
Avec Chabert, nous grimpons aux premières branches d’un arbre, un énorme poirier qui pousse en solitaire, déjà orné de fruits verts.
J’écarte les feuilles vives. J’aperçois les fenêtres ouvertes de la cuisine. Notre mère doit procéder à la découpe du poulet. D’un geste de bouchère, tout à l’heure, elle a arraché les tripes, ramassées en paquet dans sa main. Écœuré, je me suis détourné. Puis elle a réservé le cœur et le foie. Prendre garde, surtout, à ne pas crever le fiel. Enfin, le sciage des pattes, jaunes et dures, les griffes, l’ergot.
– Des mollets de coq! Comme les tiens! a ricané Lucien, mon frère aîné, qui passait là en cuissard, préparant ses bidons avant de s’en aller à son entraînement de cycliste.

Au pied du poirier, les filles discutent, grondent les enfants de papier, distribuent bons points et réprimandes. Sylvie Chabert corrige les cahiers d’un stylo de bois. Brigitte dirige la classe.
– Entrez en rang par deux! Et tenez-vous tranquilles! Sinon, je vais donner des baffes!
Bernard Chabert espère que les jeux des filles rejoindront ses projets de garçon.
– Eh! Si on faisait des opérations?
– T’es qu’un obsédé, grince Sylvie, tu ne penses qu’à ça.
Calé contre l’une des premières fourches de l’arbre, je n’ai pas envie de descendre. Un rai de lumière passe l’entrelacs des branches, s’attarde et s’échappe. Ça sent le neuf, le vert, le chaud, l’été nouveau, bien né.
– On pourrait les bombarder de poires pas mûres, glisse Chabert, ça nous ferait rigoler un peu.
– Si c’est pour avoir de la bagarre…
– Si la grosse Claude était ici, reprend Chabert, sa grande bouche en travers, on se paierait une bonne tranche de rigolade!
Du coin des lèvres, il souffle dans ses cheveux. Ça volette sur son crâne.
C’était un autre dimanche, au début du printemps. Nous nous étions trouvés, la grosse Claude et moi, à l’orée du petit bois. J’ai profité de l’instant où elle escaladait un tas d’herbe à brûler pour passer très vite les mains sous sa jupe bleue et descendre sa culotte jusqu’à ses genoux. J’ai vu son gros derrière rose et mou.
– Toi alors! T’es gonflé!
Que faire ensuite? J’ai rougi. J’ai eu peur qu’elle n’aille répéter tout ça à Franck, son frère, un gars du collège. Il m’a semblé pourtant que ça ne lui déplaisait pas de se faire baisser la culotte. Elle riait, dodue, les fossettes allumées.
– Faut pas te gêner!
– Sylvie, elle fait sa maligne, poursuit Chabert, mais je l’ai déjà vue à poil. Je la surveille par le trou de la serrure, dans sa chambre. Elle a du poil au cul.
À l’appel des filles, nous quittons notre cache dans l’ombre. Glissades le long du fût, pieds au sol. Nous participons, de mauvaise grâce et genoux pliés, à la dînette qui suit la classe de papier rangée dans son préau de carton.
Sylvie a rempli d’eau la gourde de métal rouge avec un bouchon jaune, celle que notre mère a achetée l’été dernier pour la colonie de Brigitte à Méaudre, dans le Vercors. Ma sœur prépare un café d’eau sale dans des tasses de plastique décorées de grosses fleurs orange et brunes. Elle trie des pierres plates, des gâteaux.
– Ils sont trop cuits! J’en ai marre, moi, avec ces mômes toujours dans mes pattes!
– Elle est cinglée, murmure Chabert, une lueur inquiète dans ses yeux verts.
Commenter  J’apprécie          10
L'enfant mort, quel est le nom des parents ? Il n'est pas de mot, je crois. Néant est le nom de l'enfant perdu, néant est sa fosse où coule la Loire.
Commenter  J’apprécie          00
Dociles, nous obéissons. Nous avons des vies monotones. Je m'en contente, à défaut de m'en satisfaire.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Hervé Bougel (49)Voir plus

Quiz Voir plus

Venez frissonner avec Richard Matheson

Quand est né Richard Matheson ?

Le 20 février 1926
Le 21 février 1926
Le 22 février 1926

12 questions
16 lecteurs ont répondu
Thème : Richard MathesonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}