Extrait de BUFFO BUTEN & howard, un portrait de Howard Buten, clown (BUFFO), écrivain
(auteur du best seller "Quand j'avais 5 ans je m'ai tué") et psychologue spécialisé dans l'autisme.
Il y avait une photo sur le bureau du Dr Nevele, des enfants, et il y avait une photo de Jésus-Christ qui doit être une fausse pasque y avait pas d'appareils photo à l'époque. Il était sur la croix et on lui avait accroché un écriteau. Y avait écrit ONRI. Mais je vois pas ce que ça a de drôle.
-Pourquoi le fou a t-il jeté sa montre par la fenêtre ?
-Parce qu'il voulait voir s'envoler les minutes.
Alors, mon papa m'a dit que tous les jours il y a des gens qui deviennent morts et que personne sait pourquoi. C'est comme ça. C'est les règles. Et puis, il est redescendu. Je suis resté assis sur mon lit, très longtemps. Assis comme ça, longtemps, longtemps. J'avais quelque chose de cassé à l'intérieur, je sentais ça dans mon ventre et je savais pas quoi faire. Alors,je m'ai couché par terre. J'ai tendu le doigt avec lequel faut pas montrer et je l'ai appuyé contre ma tête. Et puis j'ai fait poum avec mon pouce et je m'ai tué.
Quand j’étais petit, j’emportais toujours un maillet de croquet chez le dentiste. Je ne m’en suis jamais servi mais enfin je savais que je l’avais.

Quand j'étais enfant, j'aimais bien imposer aux gens l'épreuve du silence qui consiste à croiser les bras sans rien dire en attendant que les autres comprennent ce qu'ils ont bien pu faire de mal. Ce qui m'a permis d'apprendre que si la parole ne vaut pas grand-chose, les mimiques sont tout aussi mal comprises des masses, et m'a donc apporté surtout l'isolement et la solitude – que je recherchais d'ailleurs, étant dès cette époque en porte à faux avec la plupart des gens et cherchant sans succès un autre moi-même pour devenir copain avec lui.
Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai appris que la communication n'a rien à voir avec les mots et se produit seulement quand deux personnes, équipées par hasard d'un émetteur et d'un récepteur de la même marque – des trucs que ne révèle aucune radiographie, aucun électro-encéphalo –, parviennent on ne sait comment à se rencontrer dans ce pauvre monde où tout un chacun se trimbale seulement avec du matériel bricolé sur mesure, ou les grandes marques, incompatibles avec la mienne et où la parole n'est vraiment qu'un des accessoires les moins importants (Seuil, 1987 : pp. 25-26).
Mon lit est au milieu de la rangée. Y a six lits dans mon aile et quatre autres enfants. Je connais pas leur nom encore sauf un. Il s'appelle Howie, il dort dans le lit d'à côté, il a des cicatrices partout de quand il a jeté un bidon d'essence dans le feu. Il est méchant. Je lui ai demandé s'il y avait des hot-dogs à la résidence Home d'Enfants les Pâquerettes et y m'a dit cause à mon cul ma tête est malade. (C'est des gros mots). Le lit d'à côté du mien, de l'autre côté est vide. Peut-être qu'un petit garçon va venir y dormir qui sera mon ami.
"Etre différent, c'est pas forcément être malheureux."
Au quatrième étage, j’ai fait mon numéro de chapeau pour les enfants atteints de maladies incurables. C’est eux qui ont le plus de ri. D’un seul coup, dans ma tête, j’ai vu ces deux masques, la comédie et la tragédie, qui recouvrent tous les visages de tous les gens du monde en même temps et je voulais les arracher pour voir ce qu’il y a en dessous et je les arrachais et en dessous il y avait d’autres masques.
Je suis resté assis sur mon lit très longtemps. Assis, comme ça, longtemps, longtemps. J’avais quelque chose de cassé à l’intérieur, je sentais ça dans mon ventre et je savais pas quoi faire. Alors je m’ai couché par terre. J’ai tendu le doigt avec lequel faut pas montrer et je l’ai appuyé contre ma tête. Et puis j’ai fait poum avec mon pouce et je m’ai tué.
J'ai dit quelque chose mais si bas qu'elle ne pouvait pas l'entendre, j'ai dit s'il te plait ne me quitte plus parce que quand tu n'es pas là il me manque un morceau de moi-même et je n'ai nulle part où aller où je ne sois pas en morceaux. Je l'ai serrée contre moi. Je l'ai tenue, serrée comme ça. J'ai dit une prière à Dieu auquel je ne crois même pas pour qu'il fasse qu'elle ne me quitte plus jamais, pour qu'il fasse arriver quelque chose, là, tout de suite, qui la ferait rester pour toujours.