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Citations de Hugo Friedrich (26)


A cela s'ajoute une forme de pensée qui se cantonne délibérément dans la sphère des simples opinions privées et du goût personnel. A l'affût de ses réactions spontanées, c'est sa constitution individuelle que l'observateur de soi veut arriver à déceler. "Ce que j'opine, c'est aussi pour déclarer la mesure de ma vue, non la mesure des choses." (II-10) C'est comme si toutes choses, tout ce qu'ont jamais fait ou pensé les hommes, ne lui étaient que des fenêtres pour voir dans sa propre âme, que des moyens de restituer sa propre figure. L'esprit s'est mis à trouver plus d'intérêt à lui-même qu'aux matières qui le mettent en branle. Montaigne a la logique de la subjectivité résolue. Dans la situation historique qui est la sienne, cela signifie la découverte d'un terrain permettant de soutenir la pression de l'énorme culture dont la masse pèse sur le siècle, de l'équilibrer par la poussée antagoniste de l'individualité libre. Au XVI°s, le poids des matières enseignées s'était démesurément accru par l'apport des connaissances humanistes, et avait fini par étouffer le principe d'ordre, encore possible aux débuts de l'humanisme, qui eût permis d'accorder ensemble antiquité et christianisme et d'en dominer la commune étendue. Le résultat fut une polymathie chaotique, une informe accumulation de savoir. Le seul moyen d'en maîtriser la masse restait que l'individu osât rapporter à soi tous les théorèmes, pour leur donner une place dans l'organisation de sa vie et de son âme, ou alors pour les exclure hardiment sans respect des exigences de l'autorité. Quoique encore d'une richesse exceptionnelle, les trésors de culture accueillis dans les Essais y forment un espace aéré dans lequel l'individu se permet d'évoluer à sa guise, de découvrir son originalité, de lui rester fidèle et de dire librement son mot sans se sentir écrasé par la quantité.

p. 16
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[Sources de Montaigne]
Le plaisir érudit de vérifier un à un les emprunts d'un auteur est spécieux. Il donne naïvement dans le panneau de croire qu'une chose dite par deux personnes reste la même. La société des esprits ne consiste pas seulement dans un commerce d'imitation mutuelle. Ce n'est le cas que dans les basses plaines du manque de personnalité. Mais chez les esprits d'un niveau élevé, ce qu'ils reçoivent se regroupe en une configuration nouvelle.

p. 50
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Montaigne est un des auteurs classiques que l'on relit, parce qu'il remplit le fond de ce qu'il dit de possibilités inexprimées ou à peine suggérées que l'on peut chaque fois imaginer différentes. Il se prête à toutes les humeurs de la lecture et garde toujours en réserve le mont dont on a justement besoin : même les subtilités d'interprétation, si dangereuses ailleurs, ne tombent jamais tout à fait à côté de lui. Et il gagne en qualité au fur et à mesure qu'on le lit plus souvent. "C'est un vin qui s'amende en vieillissant", disait déjà des Essais la sagace Melle de Gournay.
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Sous le désordre de la pensée et de la forme des essais, ce qui vit, c'est la physionomie intellectuelle et humaine de Michel Montaigne, "qui passa pour ce qu'il fut, tel qu'il fut lui-même. Sous le désordre de la pensée et de la forme des Essais, ce qui vit, c'est la physionomie intellectuelle et humaine de Michel de Montaigne, "qui passa pour ce qu'il fut, tel qu'il fut lui-même", suivant l'expression de Ranke. Au reste, la difficulté de cette pensée au style vagabond consiste dans l'obligation de mettre dans ses dires la vertu même et la réalité singulière de l'objet, du moment considérés. Elle est entièrement réduite à elle-même. Elle ne peut pas s'en remettre à l'automatisme d'un schéma systématique, qui oriente tout suivant des lignes prescrites et oblige l'auteur, par respect de l'ensemble, des transitions et des enchaînements logiques, à dire des choses qu'il n'eût pas dites pour elles-mêmes. Elle reçoit sa clarté de l'inspiration et sait que l'inspiration peut être plus féconde que la marche ordonnée : à sa lumière, la banalité usée à force d'être dite redevient elle-même un miracle.
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Le style antiquisant donné à cette décision de vivre dans la solitude est évident. Achever une période d'activités publiques et politiques par un retour à l'oisiveté et à la méditation passait, dans les milieux cultivés du siècle d'Auguste, pour l'acte qui convient à la vieillesse; Ciceron, dans le De Senectute, Sénèque et Pline le Jeune dans leurs lettres, ont dit leur sentiment là-dessus. Otium cum litteris (Sénèque, Lettres, 82), la formule est celle d'une forme de vie adoptée par les humanistes de la Renaissance. Pétrarque leur montre la voie; il fournira le modèle même de la solitude érudite transportée de la cellule monacale au cabinet du savant, type profane qui allait désormais évoluer parallèlement aux formes religieuses du renoncement au monde. Plus tard, s'inspirant de motifs platoniciens tirés du Banquet, ce seront des cénacles qui s'isoleront ainsi, par exemple les cercles ésotériques de l'Académie médicéenne; ces formes passeront ensuite en France : l'utopie rabelaisienne de l'abbaye de Thélème en est le reflet littéraire le plus connu. La retraite de Montaigne reste aussi dans la ligne de cette tradition cultivée. Il se décida pour la solitude personnelle dans sa sphère privée domestique. Quoique atténuée, une atmosphère de réclusion lettrée, humaniste, de méditation soliloquante, flottera jusqu'à la fin sur les Essais, convenant beaucoup plus à ses goûts que le commerce du monde avec ses devoirs d'état, de politique, de conversation. Sans manifester toutefois de sentiments rigoureusement hostiles au monde, ni quelque orgueil ésotérique que ce soit, son livre baigne dans un espace serein où la vie de l'auteur, qui poursuit son cours habituel nullement inactif encore, ne pénètre plus que tamisée, et tempérée par le recul de la contemplation.
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Un trait qui avait frappé tous les lecteurs contemporains des Essais est la prétention nobilaire de leur auteur, qui aimait bien viser un peu plus haut qu'il ne convenait au rejeton d'une famille de bourgeois commerçants. Montaigne a parlé de lui-même comme s'il appartenait à la noblesse la plus ancienne. Cet homme par ailleurs si porté à l'humilité semble ici en proie à une vanité dont il n'est pas maître. le fait d'avoir, après la résignation de sa charge, servi à l'occasion comme officier dans les rangs de la noblesse périgourdine l'induisit à s'attribuer la noblesse d'épée. On se hâta d'en sourire ou de s'en moquer, et ce fut un des rares points sur lesquels ses contemporains et la génération suivante ne le prirent guère au sérieux. Scaliger, Bratôme, puis Guez de Balzac plaisantèrent ce travers. Il joue encore un rôle dans la critique de Montaigne minutieusement détaillée par la Logique de Port-Roayl, où il sert à illustrer la folie, la vanité et l'égocentrisme humains dont Montaigne sera le modèle aux yeux des cercles jansénistes.
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Ses fonctions de juge et de conseiller le mirent en contact avec les troubles religieux qui éclataient alors et qui formeront la grande toile de fond historique de sa vie. Comme magistrat, aussi bien que dans le privé, il était toujours resté catholique conservateur. Ce trait est d'autant plus remarquable qu'il n'y avait de notables divergences confessionnelles dans son proche milieu familiale. Un de ses frères et deux de ses soeurs s'étaient ralliés à la Réforme. Une nièce, élevée dans le calvinisme, se convertit par la suite au catholicisme, sous son influence, prétend-on (elle fut même béatifiée au siècle suivant). Un de ses cousins était jésuite. Dans la famille de sa femme, on était notoirement ennemi des huguenots. Les divisions religieuses de l'époque se reflétaient donc dans l'entourage immédiat de Montaigne. Il put prendre ainsi une vue directe du déchirement confessionnel, ce qui est important pour définir, comme nous le ferons, son attitude dans les questions religieuses. (...)
Il faut garder ces faits présent à l'esprit pour savoir que le drapé personnel des Essais couvre une couche d'expériences qui s'étendent aux grandes affaires de la Couronne et de l'Eglise de la France d'alors. Les problèmes de la liberté philosophique et de son accommodement avec la vie de société et la vie politique, qui traversent tous les Essais, Montaigne leur avait fait subir, comme à l'idée maîtresse de son conservatisme sceptique, l'épreuve d'une réalité à laquelle il avait pris lui-même une part active.
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C'est à bon droit que Montaigne qualifie ses Essais de rapsodie (I, 13, p. 48a; 56 et I, 56, p. 303 c; 466), d'oeuvre décousue, fragmentaire. Il offre ainsi lui-même le terme dont les philosophes systématiques se servent depuis toujours (et Kant le fait encore) pour caractériser la pensée préscientifique. (...)
Les Essais apparaissent comme l'exemple classique d'une pensée sans aucun caractère obligatoire ni scientifique, d'une agréable musardise dans l'état esthétique où l'on sait et voit beaucoup de choses sans vouloir cependant s'arrêter à aucune.
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On peut se faire une idée des Essais par une comparaison avec leur extrême opposé, le "système". nous nous appuierons sur la définition bien connue du système donnée par Kant dans la critique de la Raison pure (troisième chapitre de la "Méthodologie transcendantale"). Kant écrit : "Sous le gouvernement de la raison, nos connaissances ne doivent pas former une rhapsodie, mais bien un système...J'entends par système l'unité des connaissances réalisée sous une idée. celle-ci est le concept rationnel de la forme d'un tout, en tant que ce concept détermine a priori aussi bien l'étendue du multiple que la place de ses parties entre elles...Le tout est articulé (articulatio) et non accumulé (coacervatio); il peut s'accroître intérieurement, sans doute, mais non pas extérieurement..."
Prenons tout simplement le contre-pied. Montaigne, sceptique quant aux pouvoirs de la raison, ne se soumet pas à son "gouvernement", mais garde sa liberté dans le flottement des suppositions. celles-ci gravitent dans un jeu de perspectives multiples et évitent de se fixer en connaissances définitives. D'idée rayonnant dans le multiple pour le réduire à l'unité, il n'en connaît pas.
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Montaigne a l'art incomparable de peindre l'ordinaire de sorte à en laisser transparaître l'aspect énigmatique. Ce qu'il obtient en dégageant l'apparence d'un objet plutôt qu'en l'épuisant prématurément par des théorèmes et en le privant ainsi de sa pluralité de sens. "J'ouvre les choses plus que je ne les découvre." (II, 12, p. 480 c; 224). Même ses vues essentielles les plus profondes gardent la fraîcheur de leur origine, la vison concrète.
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Il voit l'homme enchevêtré dans l'entrelacs des contingences de la vie telle qu'elle se déroule tous les jours. Aussi est-il à l'affût du plus grand nombre possible de ces contingences, à cause de la valeur révélatrice qu'elles ont pour la nature d'un individu, -et, à travers celui-ci, pour la complexion variable de la condition humaine. Le trait le plus banal, le plus intime, le plus insignifiant, peut ouvrir le plus fertile aperçu sur l'être.
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Si Montaigne cherche la réalité de la condition humaine, il la cherche dans l'observation de ce qu'elle a de plus quotidien, de plus banal -chez lui comme chez les autres. (...)
Le plaisir que prend l'auteur aux détails est sans bornes, souvent aussi sans règle. (...); toute chose est digne à ses yeux d'être considérée. "Il n'est subject si vain qui ne mérite un rang en cette rapsodie" (I, 13, p. 48 a; 56). Il faut alors le lire comme on feuillette un livre d'images. Il peut arriver qu'il abandonne les banalités sans les travailler. Mais aussi, et c'est le plus fréquent, qu'il les tourne et les retourne pour ainsi dire entre ses mains, au cours d'une longue et pénétrante réflexion, jusqu'à ce que jaillisse l'idée à la lumière de laquelle elles deviennent transparentes.
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Montaigne se sent au soir de la vie et s'exerce à voir toutes choses comme si c'éatit la dernière fois. Une atmosphère automnale s'étend sur les Essais, comme sur les auteurs ches lesquels il puisait si volontiers, Sénèque et Plutarque. Et la vieillesse, pense-t-il, est le temps le mieux fait pour écrire une oeuvre qui se voudrait un autoportrait : c'est l'âge où l'on n'attend plus de surprise du mouvement extérieur de la vie, où l'on n'a plus sous les yeux que l'horizon de la mort, où l'on peut supposer que sa propre nature ne dépassera plus la taille qui lui a été dévolue. "J'ay choisi le temps où ma vie, que j'ay à peindre, je l'ay toute devant moy : ce qui en reste tient plus de la mort", dit-il peu avant la publication du troisième livre (III, 12, p1034 b; 350)
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Il sera question plus loin (au chapitre VIII) des problèmes d'influence littéraire liés à la genèse des Essais. Mais il est nécessaire d'attirer l'attention sur une particularité qui est un des traits essentiels des Essais. C'est leur obstination à se diminuer. L'auteur y procède en assurant être un vieillard que personne n'esttenu d'écouter, et en dépréciant sa littérature, qu'il donne pour un jeu sans art et sans prétention.
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Montaigne avait trente huit ans quand il se retira dans la tour de son château et commença à écrire les Essais. L'âge précoce de cette retraite loin des affaires publiques était plutôt insolite pour un membre de la noblesse de robe. On ne peut qu'en supposer les motifs; lui-même s'est exprimé de façon très vague à ce sujet. Ils tiennent peut-être dans l'obligation, survenue à la mort de son père, de reprendre la charge du château en qualité d'héritier. Il est possible que des déceptions politiques, la satiété de sa magistrature, le chagrin d'avoir perdu son ami La Boétie, aient joué leur rôle. Nous savons en tout cas qu'il s'installa dans sa "librairie", entouré de ses livres dont la plupart lui venaient de la succession de La Boétie.
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On n'est plus obligé d'enfermer l'auteur dans une caste pour le comprendre. Au demeurant, il n'a pas laissé d'éprouver lui-même un certain malaise devant l'étroitesse des gens de sa condition. Il avait une autre échelle de valeurs. Ce n'est pas sans mépris qu'il met par exemple les occupations uniquement militaires et ambitieuses de la noblesse à part de la vaillance philosophique, c'est-à-dire de la grande âme puisant ses forces en elle-même, et il sait que celle-ci n'est pas liée à des conditions de classe (II, 7, p.36.2a; 67). (...)
On y voit combien il est peu satisfait au fond de la caste nobilaire dans laquelle il se range lui-même, et quel besoin il sent d'une véritable humanité -qu'il traduit ici par la formule cicéronienne de la cultura animi. Et plus tard encore il écrit : la noblesse héréditaire est une chose belle, sans doute, mais aussi douteuse; elle peut échoir aussi bien à un homme de valeur qu'à un vicieux; "c'est une vertu, si ce l'est, artificielle et visible, dépendant du teps et de la fortune,...sans naissance non plus que la rivière du Nil..." (III, 5, p.827-828b; 852).
C'est l'idée transmise sans interruption depuis l'antiquité, de la différence entre noblesse de sang et noblesse de caractère. Montaigne est pris ainsi entre une ambition aristocratique, dont il a besoin pour assurer son crédit d'écrivain, et un idéal toujours grandissant de culture de la personnalité, qui s'affranchit des conditions de classe.
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Mais nous pouvons aujourd'hui voir ces choses sous un jour quelque peu différent. Montaigne avait plusieurs raisons d'ambitionner rang et crédit. Elles tiennent à sa tâche d'écrivain et à son idée de la civilisation. La littérature européenne du XVIe siècle, la littérature française surtout, s'apprêtaient à faire passer l'écrivain du domaine spécialisé des théologiens et des juristes au "grand monde, à la société des gens de qualité, et inversement à ouvrir à cette société l'accès à des trésors de l'esprit. L'évolution s'était amorcée dans les cours italiennes du Xe siècle et du début du XVIe siècle. Par rapport à leur degré de civilisation, la noblesse française restait attardée. (...)
La noblesse française était cependant destinée, sortant de la grossièreté de ses vertus militaires, à s'élever à un haut niveau de civilisation, et même à devenir le terrain privilégié de la culture universelle. c'est à ce processus que Montaigne participe. Ecrivain, il s'adressait aussi, pour commencer tout au moins, à des nobles, ses pairs en condition. Ce qui supposait, s'il voulait se faire entendre, un certain nombre de compromis. Le premier consistait à affirmer hautement qu'il était lui-même une personne de condition. (...)
Grâce à cette adaptation constante, Montaigne a inauguré la dignité alors toute nouvelle d'écrivain libre et aidé l'aristocratie française, pour autant qu'elle s'affranchissait de son isolement soldatesque et campagnard, sur la voie qui devait la mener à son plein épanouissement intellectuel, à la grande civilisation du XVIIe siècle. Aussi le succès ne manqua-t-il pas : après avoir vaincu les premières résistances, les Essais sont même devenus un livre à la mode dans la noblesse française, et il fut bientôt de bon ton dans les châteaux et les salons de l'avoir sur sa cheminée.
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Les ancêtres de Montaigne, du côté des Eyquem, étaient de riches négociants de condition bourgeoise. Son arrière-grand-père avait acquis au XVe siècle le château de Montaigne, fief des archevêques de Bordeaux. La noblesse de notre auteur était donc d'origine récente, et reposait sur un achat de terres.
Après avoir été instruit dès le début dans les humanités latines, celui qui ne s'appelait encore que Michel Eyquiem reçut au collège noble de Guyenne, en qualité de fils d'une famille devenue châtelaine, une éducation conforme à son rang de gentilhomme. Son père le destinait à la magistrature, carrière de la noblesse de robe. Il fit donc ses études de droit et entra à vingt-quatre ans au Parlement de Bordeaux.
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Par ce retour à soi, Montaigne, il est vrai, vise à accéder (et c'est le seul accès possible) à la connaissance de la condition humaine à travers sa propre individualité. Si, en effet, l'individualité est la véritable réalité de cette condition, c'est l'analyse de soi qui établira les liens les plus étroits avec cette réalité. Elle le fait en passant par l'expérience intérieure, qui a sur la connaissance objective de l'homme l'avantage d'être immédiate- de cette immédiateté qui offre à l'analyste de soi la garantie de toucher au vif de la chose.
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(...) : les Essais ne partent pas d'une idée normative de l'existence telle qu'elle doit être, mais de sa réalité telle qu'elle est. Aucun sage de style stoicien, aucun saint, d'une manière générale aucune figure de quelque nature que ce soit ne traverse ce livre pour y proposer un modèle absolu d'éducation. La culture cosmopolite de la bonne société, dans laquelle Montaigne voit la plus belle fleur de l'humanité de son temps, y est expressément proposée à titre de recommandation toute libérale, non d'enseignement dogmatique. Plutôt que de s'inquiéter de ce que peut devenir l'homme, Montaigne préfère s'intéresser à la connaissance de ce que l'homme est communément : un être dans la moyenne, dont la qualité humaine est celle des infirmités trop humaines, une créature d'une surprenante diversité, à laquelle sa civilisation, morale, sociale, voire religieuse, sert à se dissimuler plus qu'à se manifester. La grande idée des Essais ne se lasse pas de répéter que l'homme réel est plus riche que tous les modèles idéaux auxquels il s'efforce de s'identifier. "Nous sommes chacun plus riche que nous ne pensons; mais on nous dresse à l'emprunt et à la quest : on nous duict à nous servir plus de l'autruy que du nostre" (III, 12, p. 1015 b; 324).
Chapitre premier. Description préliminaire des Essais (I)
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