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Critiques de Iouri Kazakov (31)
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La belle vie

« La place est encore chaude des êtres qu'il a regardé vivre. »



Telle est l'impression première – intensément lumineuse – que l'on retiendra de la lecture des pièces de Iouri Kazakov (1927-1982). « Pièces »… bien qu'il s'agisse de « nouvelles » : pièces composites ou « morceaux » épars d'un puzzle sensoriel rassemblant tout un monde cohérent au lyrisme puissant : univers extrêmement personnel évoquant pour nous – bien que moscovite dans sa genèse – le « provincialisme » cosmique – tout aussi singulièrement universel - du polonais Bruno Schulz.



Drôle de constellation qu'offre un recueil de « morceaux » (qu'on imagine soigneusement choisis) de Iouri Kazakov ! La belle couverture de Georges Lemoine réalisée pour l'édition de poche « folio » de « La belle vie » (LIOGKAIA JYZN), recueil de douze nouvelles publiées de 1957 à 1963 en Russie avant que d'être traduites en français par Lily Denis en 1964, nous le signifie avec ferveur : « La belle vie » nous parlera de nostalgies, de saisons se succédant (feuilles d'automne que fait glisser le vent devant le visage de la bien-aimée), de beauté fugitive, de pureté d'une nature vierge (taïga mythique mais aussi rivages de l'enfance s'effaçant de notre mémoire) – nature que l'on sait menacée dans son existence, de crépuscules de vies éparses à la surface de ce Grand Nord mystérieux dont l'auteur – toute sa vie littéraire durant – a été l'un des plus talentueux dévots.



(1) – « La belle vie » [1957] (pages 9-27) : est celle de Vassili Pankov, l'ingénieur-technicien nomade, monteur de chaudières de turbine, fantasque cigale dont nous suivrons les pas au long de six chapitres. Vassili se noyant d'alcools forts (dûment mérités) sitôt que le travail s'achève… tâtant les filles autant que son accordéon (toujours sans prévenir : lestement et bruyamment)… importunant tous les passagers d'un train de ses ivresses pénibles… avide de faire du bruit, d'attirer l'attention sur lui, d'« exister » pour autrui… technicien consciencieux puis fêtard sans limites, accroché à ses preuves d'existence… heureux, finalement ! Récit-trajectoire sans fin d'un feu-follet… Récit également prémonitoire si l'on songe – avec terreur et empathie – à la fin de la trajectoire existentielle de l'auteur...



(2) – « Dans le brouillard » [1957] (pages 28-35) : ou l'errance nocturne d'un mécanicien (Koudriavtsev) et d'un agronome (un de ses amis dont nous ne connaîtrons que la fonction). A l'issue de cette chasse sans un seul coup de fusil (mais en laquelle on se sera égaré bien volontiers), le brouillard du titre se dissipera, Koudriavtsev fera sortir sa femme Zoïa sur le perron de leur maison cernée par la forêt. N'ayant plus qu'à scruter avidement le ciel à son côté, sentant soudain son propre corps plus léger, le fusil sur l'épaule un peu plus froid et lourd ; attendant que le brouillard se dissipe, humant avec sa femme la réapparition espérée des étoiles – tout comme le chien reconnaît son maître.



(3) – « Martha l'ancienne » [1957] (pages 36-47) : récit « à la première personne » d'une longue cohabitation au bord de la Mer Blanche, rencontre que l'auteur scinde en quatre chapitres, comme autant de révélations successives. Un voyageur loge dans l'isba d'une très vieille femme, seule survivante du large cercle de tous les siens. le temps revient en arrière ; le narrateur découvre les photos de Martha du temps de sa jeunesse… Depuis, les ravages du temps, la dureté du climat, le poids des chagrins et des mille misères de toute une vie de plus en plus solitaire. Tout semble avoir été impitoyable à une aussi frêle existence. On se souviendra longtemps du coffre aux photos et vêtements de la vieille femme : vêtements de sa jeunesse mais aussi d'autres soigneusement pliés, qu'elle a préparés pour embellir sa dépouille mortelle, son pauvre corps tassé, déformé et flétri… On s'émerveillera des odeurs de plantes séchées et de résine : cette sorte de royauté secrète de l'isba cernée de la lumière blanche du dehors. Une des plus émouvantes évocations qui soit de ces « existences fantômes » : fantomatiques seulement d'apparence puisque nul ne semble – avant l'auteur et son extrême pudeur – y avoir prêté la moindre attention…



(4) – « La sonnerie du bréguet » [1959] (pages 48-64) : Lermontov « doit » rencontrer Pouchkine mais arrivera trop tard… Les traîneaux sillonnant les rues de Saint-Pétersbourg, passant devant le Palais d'Hiver, la forteresse Saint-Pierre Saint-Paul, la coupole et les colonnades de Saint-Isaac par un jour d' « atroce » froid hivernal… le coupé de Pouchkine passe au loin, inaccessible : le poète en descend, tenant le bras de sa femme Nathalie aux vêtements somptueux ; ils gravissent les marches de quelque palais où une réception les attend… Mikhaïl Lermontov ne peut approcher son idole. Alors, et bien que sujet d'une forte grippe, il traîne avec d'autres hussards, s'enivre et s'affaiblit davantage, ratant plusieurs fois l'occasion de parler au poète – ou du moins de s'en faire mieux connaître… Comme la bataille, la mort ou la gloire échapperont au lieutenant Drogo du « Désert des Tartares » de Dino Buzzati, Pouchkine échappera à la curiosité de Lermontov (disciple inconnu parmi d'autres) et périra en duel. Lermontov périra à son tour d'une balle tirée en plein coeur, cinq années exactement après la rencontre ratée. le « bréguet » – cette montre de poche à répétition – aura sonné bien inutilement ses « deux heures »…



(5) – « Trali-lali » [1959] (pages 65-85) : Iégor, le jeune garde-bouées du fleuve, en pince pour Aliona : il est encore jeune, certes, mais déjà un bel ivrogne… bien que ne donne tout le sel à son existence que sa passion de chanter (comme au Bolchoï) – bien sûr en duo avec Aliona en s'asseyant face à la rivière, tous deux appuyés contre le flanc d'une barque et contemplant ce qui vient. Cigale qui ne veut rien attendre d'autre et se fiche bien de voir l'hiver venir… puisque « Tout ça c'est de trali-lali », sa phrase-refrain favorite ponctuant les quatre parties de ce tendre « morceau de vie »…



(6) – « Les Kabiasses » [1960] (pages 86-102) : un authentique conte fantastique ! Ioukov, « directeur du club de Doubki » rentre de son travail au kolkhoze voisin jusqu'à Doubki par une belle nuit d'août, devenant – du moins jusqu'à sa rencontre de son camarade Popov, « du Comite régional des Komsomols » – héros involontaire d'un conte nocturne De Maupassant... C'est que le vieux Matvé l'avait pourtant bien mis en garde : " – Ce que c'est ? [...] Si tu leur tombes entre les pattes, tu verras ben ! [...] Ben, ils sont... [...] ils sont noirs. Y en a avec du vert... ". Effectivement, Ioukov finira par "les" entrapercevoir sur le toit d'un appentis... tandis que dans de grands battements d'ailes, une chouette tracera son chemin sinueux ponctué de hululements par-dessus cette interminable route de retour que doit suivre l'infortuné, survolé sans cesse par cet oiseau de malheur laissant des près blanchis de lune (sur sa gauche) pour regagner la forêt nocturne et sans limites (sur sa droite) : cette forêt qui "les" cache... Le temps d'une nouvelle profondément originale par l'invention d'une poétique propre, Iouri Kazakov se montre maître d'un art fantastique étonnamment suggestif : il signe ici un "classique" moderne du genre...



(7) – « Regardez ce chien qui trotte ! » [1961] (pages 103-119) : c'est le soir et un autobus s'éloigne d'une grande ville. A son bord, un encore jeune citadin (Krymov) rêve de s'offrir trois jours et trois nuits de pêche au bord d'une rivière lointaine, aux méandres charmeurs. L'homme est mécanicien, travaillant dans une grande usine : il commence à bavarder avec sa voisine de siège - celle-ci simplement curieuse de le connaître [car parler de "femme curieuse" : pléonasme...]. Bref, ils sympathisent... Nous retrouvons ici presque la situation-point de départ du roman "Neige" d'Orhan Pamuk (bien postérieur) mais l'arrivée du printemps dans le Nord de la Russie européenne précède la neige de l'arrière-pays du Plateau Anatolien derrière les vitres du bus ou du car (embuées chez Pamuk, idéalement transparentes chez Kazakov) et la jeune citadine précède le futur voisin grincheux... Le jeune homme arrivera à destination au bout d'une nuit certes sans sommeil mais aussi "de doux voisinage". Il négligera d'inviter sa voisine de se joindre à lui à l'ombre des saules où il plantera sa canadienne... Car la jeune femme descendue avec lui "pour voir", ne sera pas retenue par un geste, une parole et remontera dans l'autobus qui repart vers Pskov où elle lui a dit être attendue. Les trois jours de paradis en solitaire se passent comme prévu et l'homme subitement se rend compte du vide laissé par cette passagère qu'il a laissé repartir... ou qu'il "n'a pas su retenir". La thématique des "Belles Passantes" d'Antoine Pol, qu'immortalisa la voix de Georges Brassens fait irruption ici en point d'orgue - car l'échappée est bien de celles qu'on a laissée s'échapper par étourderie ou inconscience. Et l'on aura beau cogner - très fort et sans trêve - sur son genou dans l'autobus du retour, où soudain l'on "pleure et se lamente" en se disant bien tard : " Mais pourquoi l'avoir laissée ? ". L'un des morceaux de l'ensemble le plus profondément émouvant en sa note cathartique finale.



(8) – « Un automne, sous les chênes » [1961] (pages 120-147) : " Nous avancions sans bruit et sans une parole, comme dans un rêve blanc qui nous aurait enfin réunis." Un homme sort dans à la nuit tombante avec une lanterne : il part attendre une femme à l'un des débarcadères de l'Oka. L'une des rares nouvelles de cet ensemble (avec "L'île") témoignant d'une possibilité de bonheur conjugal. Le contrepoint fulgurant des scènes de nature nocturne est offert par le souvenir douloureux d'une errance sans but du couple dans les rues glaciales, avenues bordées de réverbères et parcs déserts de Moscou (d'où l'on se fait chasser des bancs par la police municipale), lorsque les hôtels sont pleins, les taxis chers et la gare fermée... qu'il faut tout en marchant - pieds glacés et vêtements humides de sueur - attendre l'aube jusqu'au premier train du matin...



(9) – « A deux en décembre » [1962] (pages 148-163) : il l'attend à la gare, chargé de ses skis. Elle arrive. Ils prennent le train : pour jusqu'au bout de la ligne... Il est juriste, trentenaire, habite Moscou comme elle. Repense à l'Estonie où ils étaient allés ensemble. Une sorte de paradis perdu avec ses "pommes d'Antonovo à l'arôme pénétrant" qu'on a mises à mûrir partout - "sur l'appui des fenêtres, sous le lit, dans l'armoire". Il pense aussi à l'été de leurs prochaines vacances, à leur canoë et à la tente où ils dormiront. Mais les voilà déjà arrivés au bout de la ligne, ils doivent rejoindre la datcha, chaussent leurs skis, font la trace de crête en crête... mais la datcha leur paraîtra décevante à l'arrivée - "minable" : l'amour entre eux n'est-il pas en train de périr - ou même déjà éteint ?



(10) – « Adam et Eve » [1962] (pages 164-204) : un personnage fictif, profondément antipathique - le peintre Aguéiev (une sorte de clône houellebecquesque, pessimiste fort banalement autocentré, alcoolotabagique sans surprise et se considérant comme un artiste considérable, évidemment génial et précurseur, encore incompris des critiques routiniers de son temps) HANTE les 41 pages de cette traduction de la plus longue des nouvelles du recueil. Nous croyons (naïvement et jusqu'au bout) à un possible retournement final, à une quelconque - et même timide - "illumination" altruiste, à quelque bouffée d'humanisme en guise de remord... Or, il n'en sera rien. Du côté de ce personnage central, la moindre parcelle d'empathie se révélera tout simplement impossible à éprouver, l'autosatisfaction perdurera ainsi que le "beaufisme" intégral (tel un "casque intégral" isolant ou réfrigérant tous ses sentiments) du Génie autoproclamé... Mais le voilà - tout en attendant à la gare la compagne qui devra le supporter durant les jours à venir - rêvant déjà de "s'envoyer la serveuse finnoise" - cette "grande serveuse rousse qui lui apporta sa vodka" - et la draguant à coup de : " Tu m'entends ? Je suis un peintre de génie, connu de l'Europe entière, tu saisis ? ". Puis la charmante Vika arrive : elle est l'une de ses conquêtes moscovites, comme les autres dûment fascinée par le peintre "à scandales". La scène donne évidemment un avant-goût de l'enfer que vivra la jeune femme (victime consentante, du moins initialement...) durant les quarante-huit heures qui suivront dans la petite ville, puis durant la traversée en bateau (où ils feront très vite "couchette à part"), puis dans l'île où ils sont censés incarner - par une discrète ironie de l'auteur - les nouveaux "Adam et Eve" : le tout sous l'oeil bienveillant et aveugle d'une hôtesse , Gardienne et patronne du minuscule hôtel situé sous l'église de l'île... Vika repartira - Dieu, merci pour elle ! - par le premier bateau, profondément flétrie par l'égoïsme de son fat compagnon (qu'elle plaçait sans doute sur quelque piédestal d' "artiste-anti-systême") et la seule survenue d'une aurore boréale réunira encore pour quelques minutes hors du temps ces deux individualités séparées jusque dans leur contemplation muette. Kazakov ne prend pas parti en distribuant quelques "bons" ou "mauvais" points à ses personnages mais les laisse vivre dans leur être profond et évoluer (ensemble puis séparés) "tels qu'il sont"... Et pour "l'artiste" Aguéiev, le spectacle de son quotidien se révèle assez édifiant... En les comparant à ce dernier, ces - tout relatifs - misanthropes que furent les peintres Turner et Van Gogh en deviennent des monstres d'humanisme et d'altruisme... même si quelque peu "difficiles à vivre" !



(11) – « L'île » [1962] (pages 205-228) : un homme de 35 ans, marié et père de deux enfants, inspecteur de son état, rencontre une jeune femme de 25 ans, responsable de la station météorologique d'une île minuscule - sur laquelle veille un phare. Ils se plaisent dès la première entrevue : celle-ci se prolonge. les mains se frôlent puis se touchent, les corps se serrent bientôt. le lieu s'y prête. L'homme doit rester une semaine entière dans l'île pour accomplir sa mission - ce qui permettrait à "leur histoire" de se développer... Un télégramme lui ordonne de prendre le shooner qui accostera dans la nuit et repartira à l'aube. Le récit sans doute le plus poignant du recueil - où il nous est donné d'être heureux en un si court instant, en attendant le déchirement de la séparation. Chaque heure compte. L'aube sera limpide et la mer transparente. Depuis le rivage, un grand chien - déjà attaché à eux - les regardera se séparer en silence : l'homme se hisse lentement dans le shooner tandis que la jeune fille mutique reprend les rames de la barque...



(12) – « Je pleure et me lamente » [1963] (pages 229-246) : trois chasseurs dépareillés réunis le temps d'un crépuscule et d'une nuit : un philologue de 40 ans (un nommé Iélaguine), un garde-chasse trentenaire (Khmoline) et Vania, un gamin de quinze ans, parfait novice... Pour ce dernier, ce sera : sa première bécasse descendue puis sa première ivresse... et l'impossibilité de dormir. Sous l'effet des senteurs de gibier rôti et de l'alcool fort, le discours-titre de ce morceau final du recueil : "Je pleure et me lamente" est repris sans cesse par Iélaguine - ce philologue et maître de conférences qui "parlait de la mort, disait que cette garce d'acier viendrait un jour s'asseoir sur sa poitrine et l'étouffer et alors adieu la joie et tout le reste, que rien n'est plus torturant que la conscience de cette mort inévitable que "je ne suis que cendre et poussière, j'ai regardé dans la tombe et n'ai vu qu'ossements, ossements décharnés et j'ai dit alors : lequel est roi ou guerrier, juste ou pécheur ? Je pleure et me lamente quand je songe à la mort et que je vois, gisant dans sa sépulture, notre beauté créée à l'image et à la ressemblance divines, devenue hideuse, sans gloire et sans apparences !"



Mais ne point oublier de remercier ici nos très chers "camarades" précurseurs : Nastasia-B l'initiatrice puis Bookycooky et enfin andman qui ont contribué COURAGEUSEMENT à nous faire découvrir cet auteur immense en notre petit pays "accro" à tant de mornes sous-houellebecqueries bien surlignées pour les mal-comprenants, pays où l'on voit aussi - hélas ! - tant d'autres "chers camarades" Babeliotes se précipiter grégairement D'ABORD sur "LE" dernier-machin-NON-littéraire-bien-voyant-mais-dont-on-parle (les déballages de Mme Trierweiler ou les dernières Cinquante Nuances de Beauf'eries)... et négliger, voire oublier peu à peu ce que l'on nommait il y a peu "art littéraire" : devenu phénomène de plus en plus minoritaire... "matière noire" de plus en plus étouffée, discrète et inaperçue...
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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La petite gare et autres nouvelles

Un rectangle jaune dans la nuit, la fenêtre éclairée d’une isba : l’envie de s’approcher et de regarder à l’intérieur. L’ensemble est sobre, presque austère. Dans un angle, un poêle ronfle et sur une table basse, un thé qu’on devine réconfortant laisse échapper ses volutes fumantes. Ce pourrait être le décor d’une des nouvelles de Iouri Kazakov, nouvelles écrites entre 1954 et 1958 et rassemblées dans cet ouvrage. Des scènes de vie qui animent des protagonistes ordinaires magnifiés par la justesse de leurs sentiments. Leurs histoires amoureuses sont parfois contrariées, parfois balbutiantes voire maladroites mais toujours présentées avec une sincérité qui émeut. Dans ce registre, j’ai particulièrement apprécié « Manka », une nouvelle qui met en scène une jeune factrice un peu sauvage, apeurée par la découverte de ses premiers émois amoureux. Mais c’est en fait la nature qui s’invite le plus au travers des nouvelles. Avec un immense talent, l’auteur restitue les différents états de la forêt ou de la campagne, comme un tableau changeant selon les heures du jour ou les saisons. Il ajoute à ce tableau une palette sonore (est-ce sa carrière de musicien qui l’influence ainsi ?) faisant bruisser la forêt et crisser la neige de mille manières. Cette dernière devient presque un personnage à part entière, tant l’auteur sait trouver d’adjectifs pour la qualifier. Iouri Kazakov n’est pas en reste non plus pour décrire la mer et ses états tumultueux, la nouvelle « Manka » comporte une scène de relevé de filets sous la tempête absolument prodigieuse. Précisons que « Manka » est dédiée à Constantin Paoustovski, un autre nouvelliste russe que je ne connaissais pas et qui, d’après les rapides lectures que je viens de faire, avait aussi le don, de magnifier dans ces textes, la Russie rurale. Est-ce par ce qu’elle a été autant malmenée à l’époque du stalinisme que cette Russie là a été défendue de manière aussi poétique et sincère par certains auteurs ? Mais si on en discutait autour de ce thé qui nous attend ?

Merci à Nastasia qui m’a donné envie de découvrir cet auteur.




Lien : http://leschroniquesdepetite..
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La petite gare, et autres récits

À la Chasse

Nouvelle de Iouri Kazakov



Ne à Smolensk situé en Russie dans le sillage des guerres, comme si c'était prédestiné de le dire, en 1927 en Russie communiste, pas moins significative de l'ajouter, Iouri Kazakov, fils d'ouvrier, doit son salut à la qualité de ses études professionnelles qui le destinent tour à tour vers le génie civil, puis la musique et enfin l'écriture.

Il me fait penser à Jakes Helias qui, élève studieux et brillant, aura la chance d'obtenir une bourse qui lui permettra d'accéder à l'université à l'issue de laquelle le métier d'enseignant lui tendait les bras..

Iouri n'est pas qu'un contemplatif, il scrute les âmes et dans cette Russie bolchevique il va en voir de toutes les couleurs. Il sera, la famille sera d'abord affligée par la déportation du père au goulag pour avoir refusé de dénoncer un crime. Cela impactera sa vie comme si c'est lui qui l'avait fait -surtout quand on n'a rien fait . La famille alors s'était exilée à la rue Arbat de Moscou, quartier des artistes ou Pouchkine demeura un temps. Les Kazakov vont y vivre chichement. Iouri retournera au pays qui l'a vu naître. Il ne reconnaîtra plus rien, plus personne ; le sentiment sera l'amertume et il tournera le dos définitivement à son cher pays. À propos de la musique, musicien et professeur de conservatoire, Iouri n'obtiendra pas le poste qu'il convoitait à cause des antécédents paternels. Il tournera le dos à la musique définitivement. Il lui restera la littérature et là, il va engager de sérieuses études comme il a toujours su le faire, sa sensibilité d'artiste va être mise à l'epreuve. . Il va écrire la nouvelle : « La Petite gare » qui est un joyau de la littérature russe, ainsi que de nombreuses autres nouvelles empreintes d'un réalisme poignant et de poésie . On ne sort pas indemne de telles lectures tant l'humanité qui s'en dégage est attachante.

Iouri a des valeurs, et une culture, il a vu du pays et se projette à travers des personnages pour lesquels nous avons une empathie certaine.

Il s'épuisera dans de telles conjonctures, sa vie ne sera jamais apaisée à l'image du Dniepr finalement qui aura vu tant de soldats le traverser pour des issues incertaines ..

Sur la tard, il va ne plus rien produire et se mettre à boire. Il quittera sa maison de Moscou pour se réfugier à la campagne dans sa datcha où il ne sera plus que l'ombre de lui-même. Il n'y aura pas d'alternance et encore moins de rémission : le dépit pour le dépit. Les épisodes ensoleillés de sa vie brilleront à jamais dans son dos..



Et si comme cela ne suffisait pas à son destin éprouvé, cabossé, de sa mort alors, sa datcha sera dépouillée et des manuscrits emportés que l'histoire ne dit pas s'ils tombèrent un jour entre de bonnes mains..



«  .. il gratta l'herbe, écarta les marguerites aux longues tiges solides, mais il n'y avait rien qu'une terre grise, de vieilles feuilles pourries, de petits bolets gluants ; des fourmis se traînaient, les gouttes de sang d'un fraisier tremblotaient. « Naturellement … C'est le tourbillon de la vie, se disait Piotr Nikolaievitch déçu et chagrin. Tout passe, tout change .. Voyons' ça suffit, avons-nous même été ici autrefois ? » il se leva, regarda autour de lui : c'était la, quelque part sous un sapin, qu' ils avaient leur hutte. Où la chercher ? Elle était si bell, si fraîche le jour, si chaude la nuit, cette hutte ! Comme il l'avait bien construite, avec son père !.. Où était donc ce sapin ? Est-ce que tout ça, il ne l'avait pas rêvé en fin de compte ? »



Ah' ces rêves qui deviennent rêves d'un passé réel heureux qui a prit fin dans de tristes circonstances dont je mesure plus encore avec Kazakov qu'ils déchirent le coeur des hommes comme je ne l'avais imaginé, porté à croire dans ma solitude que ça n'arrive qu'à soi-même. Je ne pense pas que ça aide dans la vie d' apprendre que ça arrive aux autres : un tel écho ne fait qu'aviver des plaies ..comme un bateau qui se fracasse contre un récif pensant rejoindre la terre ferme !..

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Teddy histoire d'un ours

C'est l'histoire d'un ours qui vit en cage dans un cirque où il parade accessoirement comme une bête de curiosité, c'est dire le pauvre sort qui lui est promis. Oh on ne lui jette pas des pierres, on lui lance plutôt des cacahuètes, mais est-ce vraiment cela la vie d'une telle bête ? Jusqu'au jour où contre toute attente, il est libéré. Fatalement sa vie recluse qui a trahi ses forces naturelles le pousse dans la nature avec une fragilité dramatique. C'est le paradoxe de la jouissance d'une liberté nouvellement acquise toute relative dont la limite est sa vulnérabilité. Comme c'est pas à pas qu'on se fait au monde dans lequel on vit, c'est pas à pas que cet ours touchant comme un chien abandonné va s'armer dans une nature hostile dont il n'aurait jamais dû être privé, jusqu'à devenir féroce. Sa joie et sa liberté finale, il les trouvera dans son équilibre de vie, comme une nouvelle naissance. La vie, sa propre vie n’a pas de prix n’est-ce-pas !



Moi qui n'aime pas les cirques, j'ai été conquis de l'incursion humaine de Kazakov dans ce monde dual de clown blanc-clown triste qui ne m'a jamais fait rire. J'aurais pu commencer par appeler cet ours Teddy, mais je préfère finalement le voir gommé et qu'il soit heureux plutôt que malheureux avec un nom qu'on crie à la foule !



Magnifique nouvelle de Iouri Kazakov où l'on note toute sa sensibilité et tout son talent d'ecrivain. Je ne saurais aussi éluder sa sobriété d'écriture et l'authenticité de ses écrits que j'ai déjà vantés ici.
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La petite gare et autres nouvelles

Il s’agit d’un recueil de 12 nouvelles, d’un auteur soviétique d’origine biélorusse, qui semble avoir connu son heure de gloire en URSS à partir de la fin des années 50. Il s’agit d’après la présentation de l’éditeur de son premier livre publié.



Les auteurs russe (Tchekov, Tourgueniev, Gogol, Bounine, Nabokov etc) maîtrisent admirablement l’art si particulier de la nouvelle, celui de dépeindre en quelques (ou quelques dizaines) de pages une personnalité, un caractère, de créer une ambiance, de donner à ressentir un paysage ou un milieu social, l’air de rien à partir de petites choses. Tout cela dans une approche pleine de respect et d’empathie avec les personnages, typiques d’une mentalité, d’une façon de penser « russe », même si l’universel est aussi là derrière une façade pittoresque.



Iouri Kazakov est complètement dans cette lignée. Il nous parle de gens simples, paysans, pêcheurs, ouvriers, même si parfois un observateur visiblement plus instruit raconte leur histoire. Leurs vies ne sont pas aisées dans la majorité des cas, leurs aspirations simples, une forme de bien être physique et un peu plus d’aisance matériel, l’amour y tient une grande place, et une revendication de dignité, même si ce ne sont pas forcément eux-même qui arrivent le mieux à l’expliquer. La nature, ses beautés et ses joies sont présents dans de nombreuses nouvelles, quelques animaux y ont leur place. Iouri Kazakov dresse une sorte de tableau d’une Russie éternelle, même si des changements apparaissent. Il ne faut pas s’attendre à une évocation de la situation politique de l’époque dans ces textes, quelques petites allusions de-ci, de-là , qu’il faut décrypter, sauf dans une nouvelle, Les vieux, dans lequel l’auteur oppose un ancien ouvrier, devenu gardien, à un ancien riche, qui a tout perdu à la révolution. Tikhon, le pauvre ouvrier, a fini par trouver une forme de reconnaissance dans la nouvelle société, alors que Krouglov, l’ancien millionnaire, n’est que haine impuissante face à sa perte de statut. Kazakov fait aussi un peu de propagande au sujet du vote en URSS. Mais tout cela reste finalement assez discret, et on sait à quel point il était difficile d’écrire dans ce pays à l’époque. J’ai d’ailleurs été surprise par les évocations de la religion, par l’image d’un pays en grande partie resté croyant malgré les injonctions et les persécutions.



Ces textes, modestes par leur format, par leurs personnages et par les événements décrits, sont dans l’ensemble magnifiques, d’une grande justesse et d’une écriture superbe. Ils contiennent des rêves, des souffrances, des attentes, des incompréhensions, comme toutes les vies humaines, et font naître une sorte de reconnaissance fraternelle avec les personnages, qu’ils n’idéalisent pas, mais qu’ils regardent avec humanité et attention.



Merci à @Dourvach d’avoir attiré mon attention sur ce livre.
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La petite gare et autres nouvelles

Ambiances ambiances.

Ce sont effectivement les mots qui résument le mieux mon sentiment après avoir tourné la dernière page de ce livre.



Chacune de ces nouvelles est l'occasion de nous immerger dans un moment de vie quotidienne en Russie à l'époque soviétique. Chaleur ou violence humaines, refuge dans la sérénité de la nature, nostalgie ou rejet de l'époque précédente. Mais ce qui m'a le plus touché sont incontestablement les moments de poésie en prose que ces nouvelles permettent à l'auteur de distiller.



Ainsi dès la première nouvelle (la petite gare):

" avec un faible bruissement, les feuilles roulaient sur le quai, se rassemblaient en tas, chuchotaient avec mélancolie une histoire qui les concernait, puis, dispersées par le vent, se remettaient à tourbillonner sur la terre humide, roulaient dans les flaques, et enfin, plaquées à la surface de l'eau, cessaient de bouger. Tout le paysage était baigné d'humidité, de froidure"



Merci aux babelionotes qui ont posté les critiques qui m'ont permis de découvrir ce collier de perles!
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La petite gare, et autres récits

На полустанке и другие рассказы... Et je dois commencer par citer ici notre amie Nastasia-B : "À ce niveau d'écriture, on comprend que la littérature est réellement un art. À ce niveau d'écriture, on s'aperçoit que l'outrage d'une traduction ne peut entacher que très faiblement la lumière du propos. Iouri Kazakov parvient à écrire de la prose comme vous rêveriez la poésie : simple, limpide, évidente, belle, puissante, essentielle, magique".



Car j'ai ressenti ce même émerveillement devant certaines oeuvres méconnues d'André DHÔTEL ("La maison du bout du monde", "Ma chère âme"), de Yachar KEMAL ("Terre de fer, ciel de cuivre", "La légende des mille Taureaux"), Tarjei VESAAS ("Palais de glace", "Les oiseaux") : ce monde sensible a cette lumière particulière que seuls quelques-uns parviennent encore à discerner... Iouri Kazakov était du nombre. Une matinée au bord de la rivière, le drame tapi dans une lumière dorée irisant la rosée sur les fougères ... Iouri Kazakov détestait visiblement "la grande ville" (où il était né) : comme on le sent bien, et comme on partage ! Comme on préfèreévidemment les bords de Loire et ceux de l'Evre de Gracq aux particules fines du brouillard jaunâtre parisien... Comme on aime les "écrivains provinciaux", au fond ! (ces Maupassant aux odeurs de vase remuée...). Dans ce monde des premiers éblouissements, dans cette "littérature des Pouvoirs Premiers" (comme l'écrivait Notre "Saint" Ramuz...), le monde sensible respirait à l'état d'enfance : on y souffre, on y pleure, on s'y noie... Les tentacules d'une pieuvre d'eau douce peuvent vous aspirer au fond de la rivière (c'est cet affabuleur de Michka Kaïoulenko qui vous l'affirmait quand vous portiez des culottes courtes, tels Iachka et Volodia...).



(1°) "La petite gare" [1954] nous fait entrer immédiatement dans le coeur et l'âme de la très jeune fille au fichu, tête penchée sur l'épaule de son compagnon haltérophile — celui qui l'abandonne — très lâchement en partance vers la ville (Moscou et ses mirages...) : il n'y a plus qu'à sécher ses larmes dans le foin de la charrette qui l'entraînera vers on ne sait quels autres cieux tristes... Une histoire immortelle, n'est-ce pas ?



(2°) "Une matinée tranquille" [1954] nous fait partager les fanfaronnades (et la connaissance naturaliste) estivales de Iachka — le "cousin des champs" — et son ahuri d'"ami des villes", Volodia (tout juste sorti de son ignorance crasse moscovite) : il a fallu se lever avant l'aurore pour aller pêcher au-dessus du gouffre de la rivière lointaine...



(3°) "Nocturne" [1955] est le récit presque "dhôtélien" d'une longue marche solitaire d'un chasseur dans les senteurs de la plaine et des forêts (cette senteur tenace des pinèdes sèches) jusqu'à un lac lointain... et une rencontre double autour d'un feu de camp...



On repense à ce recueil d'exceptionnelles nouvelles " Le Vent du Nord" ("Vindane") de Tarjei VESAAS, pour leur côté âpre et panthéiste... [Comparer la prose de Kazakov à celle de Vesaas n'est pas — pour nous — un mince compliment !]



Ainsi, on a hâte de découvrir très bientôt l'intégrale de ce beau recueil (première traduction : 1962 ; ouvrage reparu dans la collection "L'imaginaire" de Gallimard) et l'autre recueil — conseillé par Nastasia B, que nous remercions ici vivement pour nous avoir amenés discrètement et efficacement aux oeuvres de Iouri K. — "La belle vie" au titre si charmeur...
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La petite gare et autres nouvelles

Iouri Kazakof, écrivain "soviétique", ne fut jamais dans les clous. Né un peu tard, en 27, pour fuir le stalinisme, trop tôt pour ne pas suivre ses parents qui vont s'installer au 30 de la rue Arbat à Moscou qui est la rue des artistes, proche d'un théâtre et de la maison de Pouchkine ; laissant ainsi leur village natal en Biélorussie. de ce déracinement, Iouri Kazakov ne s'en remettra jamais. il apprendra vite à ses dépens de quel bois on se chauffe en Union soviétique avec ce qu'il faut pour nourrir son aversion du régime : à l'âge de 6 ans, il voit son père arrêté et rejoindre un camp du goulag pour avoir dénoncé la collectivisation des biens en plein stalinisme. Cette affaire équivaudra à une disgrâce pour la famille. Et le jeune Iouri quoiqu'il fasse verra ses démarches entravées : pour être tour à tour ingénieur en génie civil, prof de musique .. car c'est un fils de condamné. Dans les années 50, il veut devenir écrivain. Il ne sera pas un écrivain soviétique bien que sa fibre artistique l'y prédestinait. Ses écrits vont être considérés par la nomenklatura comme négatifs, ne répondant pas à la volonté idéologique de l'Union soviétique. Il retournera voir son village natal et en reviendra meurtri. Il n'y trouvera en lieu et place que des friches. Dans les années 60, il ne sera plus publié dans son pays, mais à l'étranger. Son père libéré du camp restera en exil, proche du camp, proche du syndrome de Stockholm aussi. Il est vrai qu'une génération passée dans un goulag, ça marque les esprits. Plus ça va aller, moins il va publier. Déçu par la vie, il se mettra à boire et mourra en 1982 à Moscou. Il avait quitté la rue Arbat, pour aller s'installer dans le nord de Moscou dans sa Datcha lors des dernières années avant sa mort.



Il ne fut donc pas un écrivain de l'orthodoxie soviétique, fallait-il s'en glorifier, je ne le pense pas.. Lui qui aspirait aux joies simples, naturelles de la campagne, à la relation avec ses gens proches de la nature, authentiques, les picaresques copains, aurait dit Steinbeck, il la goutera peu, très peu, avec son père notamment, ils aimaient tous deux la chasse ; Il la concevra dans ses écrits, à défaut de la vivre autrement qu'avec parcimonie. Lui qui aimait aussi la musique, je laisse la vie de cet artiste sur une note triste.



Cette Petite gare est mignonne, sensible. Pourquoi Gallimard-Philippon 1962 venir estampiller cela : littérature soviétique. Heureusement que j'ai commencé par avertir le lecteur sur ce sujet. Iouri Kazakov qui a tout fait pour s'éloigner de ce système à vomir qui jugeait ses textes trop personnels. Heureusement que le wagon de Staline s'est détaché à ce moment-là, sinon on ne serait même pas ici pour en parler. Et qu'est-ce que c'est vouloir à tout prix trouver une ressemblance avec Tchékhov, Tourgueniev, Bounine, ça a vraiment le chic pour m'énerver. A ce que je sache, Iouri Kazakov n'a pas été poursuivi pour plagiat de ces grands noms. Avec la censure soviétique, il serait allé au camp direct. Vous vous rendez compte : un parfum de Bounine dans ses textes : insupportable pour la GPU. Quant à la " tonalité du grand nord", c'est vraiment de saison avec ce gla-gla qui fait dehors. On passe d'un glaçon à l'autre, c'est merveilleux ! Et cette "tonalité musicale" n'est pas pour nous surprendre, il a été imbibé de culture musicale notre cher Iouri Kazakov et si les soviétiques avaient permis à ce fils de condamné pour des clopinettes, nous aurions peut-être aussi dans sa bio, une corde de plus à son arc, compositeur, musicien ..



Il faut lire ces premiers textes de Iouri Kazakov, vraiment. Certainement plus littéraires que ceux du prosaïque Norman Mac Lean, s'il faut absolument faire des comparaisons. Voilà donc un artiste "soviétique" qui aura toujours couru après le bonheur et qu'il l'aura eu qu'en de trop rares occasions, juste ce qu'il faut pour un supplice. Merci l'Union Soviétique ..
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Martha

Sur un thème évocateur, émouvant et poétique, l'auteur soviétique Iouri Kazakov fait le portrait attachant d'une dame âgée qui ne s'illumine plus de rien si ce n'est de souvenirs enfouis, qui a vu partir les siens, il ne lui reste plus que des petits-enfants partis loin sur les mers ; son train train machinal, de subsistance, l'occupe un peu, pour le reste elle se rend vers le rivage pour prier pour ceux qui restent que peut-être elle ne reverra pas, elle se prépare en quelque sorte à sa propre mort. En tant que vieille femme de la mer bercée de solitude pesante et courageuse, elle fait des gestes simples qui semblent propres à la nuit des temps.



L'auteur dans une sobriété remarquable a réussi son pari d'être touché par la grâce de cette brave vielle femme et de nous la faire partager avec brio et sensibilité, y ajoutant une note presqu' intemporelle.



On sait que l'auteur catapulté par le sort à Moscou dans sa toute jeunesse, arraché à sa province natale, reviendra sans cesse vers son pays natal bordé de l'insouciance de sa jeunesse et de souvenirs, et quand il y revient il n'y trouve que désolation ; il s'obstine néanmoins à aller vers les braves gens, fuir cette société nouvelle qui ne lui rendra jamais la déportation de son père dans un camp du Goulag pour non-dénonciation de crime. Le crime dont il s'agit ici, entendons-nous bien ; il s'agissait d'avoir dénoncé les horreurs de la collectivisation !



La rue Arbat de Moscou, ma rue incontournable, où va s'installer la famille Kazakov au numéro 30, une plaque y porte son nom, célèbre à Moscou que j'ai déjà évoquée ici et arpentée sur les traces de Pouchkine, Tolstoï et Bounine, la rue des artistes, n'aura pas eu pour le jeune Kazakov la même résonnance, loin s'en faut, ce ne seront au bout du compte que tristesse et malheur à cause des horreurs de la guerre. Alors quand je foulerai à nouveau cette rue Arbat, quand la Covid voudra bien nous laisser un peu de liberté, je la verrai encore un peu plus chargée, mais cette fois de mélancolie et de tragique de la vie de l'écrivain Iouri Kazakov.



L'écrivain mènera finalement une vie désenchantée, et cela se ressent dans cette oeuvre écrite en 1957.
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La petite gare et autres nouvelles

Superbe découverte que ce recueil de nouvelles de l'écrivain russe Iouri Kazakov (1927-1982), que Gallimard a édité en français en 1962 dans la collection "littératures soviétiques" dirigée par Aragon. Kazakov nous raconte des épisodes de la vie de personnes modestes, vivant dans des villages perdus au milieu des forêts, près d'un lac ou au bord de la Mer Blanche. Il est souvent question d'un homme qui vient de la ville et qui s'installe dans un village, où les anciennes traditions, notamment celles des vieux-croyants sont encore vivaces en dépit de l'administration soviétique. Le style m'a semblé proche de celui de Jean Giono, avec un regard à la fois perçant et amoureux porté aussi bien sur les personnes que sur la nature et les animaux. Mes nouvelles préférées : Une matinée tranquille, Le bleu et le vert, Acturus chien courant, Manka, Les cornes de renne.

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La petite gare, et autres récits

Quai d'attentes, d'un sourire à un au revoir les regards se fuient et se croisent.



Pages de vie, de lectures qui se tournent puis disparaissent.



Prochain chapitre, dernier chapitre puis, dernière page.



Les mots s'en vont, la mémoire fait place aux souvenirs puis, plus rien que cette fin sans espoir de lendemain.
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