C'est une "pomme" comme elle dit d'elle-même, Marie Guilbaud : une pomme, c'est rouge à l'extérieur et blanc à l'intérieur...
Née d'un père français arrivé au Québec dans le début des années soixante-dix et d'une mère autochtone, cette femme qui dirige sa vie avec détermination est une métis à qui on a toujours reproché de ne pas être une "vraie".
Véritable pionnière de la conduite d'un train, seule, à travers l'immensité glacée du nord québecois, Marie se heurte au machisme des mécaniciens et des chauffeurs ; de Sept-îles sur la côte nord du Saint-Laurent à Schefferville cité minière à la frontière du Labrador, le train qu'elle conduit transporte des boulettes de fer.
Une nuit de pleine lune, au coeur de la forêt boréale, c'est l'accident : le train s'arrête, il a heurté un orignal blanc et des dizaines de wagons ont déraillé. Pendant qu'elle les inspecte, elle voit apparaître l'ombre d'un géant dont la légende hante le territoire. Elle tombe, se blesse... et se réveille dans un grand manoir au milieu de nulle part. Le beau "géant", un certain Jonas Melville, va s'occuper d'elle une petite semaine, le temps qu'elle se remette. Mais ce n'est pas ce n'est pas seulement un trappeur vivant en ermite et un ami des premières nations...
Sur un sujet original et avec la savoureuse langue québecoise, l'auteure développe un bon suspens autour d'une entreprise minière, de la beauté sauvage du site, des peuples autochtones, d'une certaine idée de la domination masculine et de la littérature. Les deux protagonistes sont férus de lecture et l'on parle de "La bête humaine" et "Moby Dick"...
Elle est très douée pour raconter de belles histoires cette auteure et le.a lecteur.trice en redemande ; seul petit bémol, le ressenti d'ambiguité à la fin de la lecture concernant la préservation de l'environnement ; on a un peu l'impression que c'est le train et la mine qui "gagnent la partie", le défenseur de la nature étant un fou furieux animé de très mauvaises intentions et agitant les populations d'origine... Mais c'est ça aussi la littérature : discuter pour défendre ses idées.
Extrait (p 13) : " Dehors, toujours rien d'autre que du blanc, du blanc, du blanc. Des lames de neige doivent recouvrir la voie, mais les locomotives n'en font qu'une bouchée. D'habitude, je me sens aussi puissantes qu'elles, je fais corps avec mon train, peau de fer et moral d'acier. La compagnie minière qui m'engage a décidé il y a des années qu'il n'y aurait plus qu'un seul conducteur à bord, et ça fait mon affaire. J'aime la liberté, la solitude, la grande paix dans ma cabine."
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