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Critiques de Ismaïl Kadaré (257)
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Avril brisé

Début du XXe siècle. Ecriture sobre et juste. L'histoire de l'Albanie et de ses coutumes (Kanun). Livre très dur et pourtant ce n'est que la vérité dans un pays où le droit coutumier l'emporte sur le droit officiel. Je le recommande.
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Avril brisé

A qui profite le crime? au poids écrasant la la fatale tradition, morale séculaire au delà du sens moral. Il y a du Kafka dans ce Kadaré là... mais aussi de l'exagération. Il eu fallu le placer hors du temps pour lui ôter la dimension politique.
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Avril brisé

Le sombre récit du Kanun est aussi funèbre que magnifique, mais "Avril brisé" est peut-être avant tout l'une des plus belles histoires d'amour jamais écrites. L'histoire d'une passion aussi intense que fulgurante, celle d'un amour absolu bien qu'aucun mot ne soit jamais échangé entre les amants. Il aura suffi d'un regard...
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Avril brisé

Chronique d'une mort annoncée... Oh, je ne dévoile rien... Tout est dit dans la première page. Dans les montagnes albanaises, sur ce que Kadare nomme le Plateau, le temps est figé. Les montagnards ne vivent pas au XXè siècle (l'auteur situe son histoire au début du siècle) mais au Moyen-Âge. Tout est figé par le Kanun... code de lois qui régit la vendetta, qui réglemente le fait de prendre le sang dû en tuant un membre d'une famille qui a offensé la sienne.



Et ainsi de suite, car la vendetta ne s'arrête jamais. Ou plutôt si, elle peut s'arrêter si on paie au lieu de tuer. Mais l'honneur se lave dans le sang, pas dans l'argent. On peut se donner toutes les justifications possibles, nous glisse à l'oreille l'auteur... comme pendre une chemise ensanglantée et mesurer le temps qui passe en regardant les taches de sang changer de couleur... en fustigeant le fils chargé de prendre le sang de la famille adverse... le sang se monnaie.



Kadare nous livre un drame en 3 actes (et 7 tableaux/chapitres). D'abord la dette de sang est effacée par Gjorg, qui devient à son tour la cible de la famille opposée. Il va entamer un voyage pour réclamer un sursis de 30 jours. Acte deux, Bessian, un écrivain de la ville, arrive avec sa femme en voyage de noces sur le Plateau. A travers ce regard exalté que pose Bessian sur les traditions et la vie sur le Plateau, on a une approche étrange de la vendetta. Si les montagnards semblent parfois vivre cela comme une fatalité, comme une malédiction, Bessian glorifie et porte aux nues cette vengeance coulée dans le Kanun... Acte 3, la femme de Bessian tombe amoureuse de Gjorg. Et vice versa. Gjorg, plutôt que d'essayer de se cacher, va tout faire pour la retrouver, pendant que celle-ci se morfond et sombre dans la mélancolie.



On dirait un drame shakespearien.



On atteint le summum de l'absurde en traversant le village où plusieurs familles sont en conflit, paralysant toute activité jusqu'à ce que le village finisse par disparaître. On en rirait presque si ce n'était pas aussi dramatique. On sombre dans le cynisme quand le préposé chargé de collecter les dettes de sang se compare à ses collègues qui prélèvent les taxes sur le foncier ou la récolte de maïs...



Gjorg et Bessian sont deux facettes de la même réalité. Et à travers la femme de Bessian, Kadare montre que si les femmes sont exclues de la vendetta (pas de sang dû pour une femme), elles en subissent les conséquences. A ces protagonistes viennent se greffer d'autres: le Plateau est une entité quasi vivante, le temps qui passe est crucial, un juge du Kanun et ses deux acolytes, le prince qui perçoit le prix du sang...



Tous ces personnages ont intérêt à perpétuer la tradition. Kadare dénonce violemment ce système où iln'y a point d'honneur, mais seulement un souci mercantile.



C'est écrit avec lenteur, et un certain sens du drame. C'est sombre et on ne peut nourrir aucun optimisme, dès la première page. On se sent atteint par le mal ambiant, par cette chappe de plomb qu'impose le Kanun sur les actes et les gens. Si le thème me parle, le style est très éloigné de mes goûts. C'est mon deuxième livre de Kadare, et il me convainc davantage que La Pyramide. La dénonciation des totalitarismes, des diktats par Kadare me semble cependant assez simpliste, et univoque. C'est finalement fort dichotomique.
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Avril brisé

Un beau roman qui mêle passé et présent à travers la confrontation de deux histoires : celle d'un jeune couple en voyage de noces(lui est écrivain), venu étudier ce rite ancestral et sanglant du kanun ou vendetta d'honneur et celle d'un jeune montagnard qui vient venger son frère et auquel il ne reste plus, selon la terrible loi, que 30 jours à vivre. Une écriture sobre pour exprimer la douleur, l'incompréhension et la résignation......
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Avril brisé

C'est une relecture.



J'avais été éblouie, foudroyée par cette tragédie. J'en avais gardé une immense envie d'aller voir ce pays des Aigles, survivance  du monde antique, Homère ou Sophocle, Shakespeare d'Hamlet ou de Macbeth....



Nous revenons d'Albanie. Certes, je n'ai pas vu ces tours de claustration qui m'avaient tant impressionnée dans le roman. C'est plutôt en Grèce dans le Magne que je les ai imaginées. En revanche, des maisons fortifiées avec meurtrières et abris souterrains, nous en avons visitées et on peut les imaginer comme lieux de ces vendettas sans fin.



La relecture a été aussi impressionnante que la découverte.



Dans une époque intemporelle, qui ressemble au Moyen Age,  un avion d'une ligne régulière  relie Tirana à une capitale étrangère.  Les références au roi Zog permettent de situer l'action dans les années 1930.



Pendant de nombreux siècles, du temps des Ottomans, un code avait réglé la vie des montagnards albanais: le Kanun.  Il fixait aussi bien des détails de la vie quotidienne comme la politesse en entrant dans une maison étrangère, la transmission et le bornage des propriétés, le devoir d'hospitalité que le prix du sang dans les cas d'homicides, de blessures et de vendetta.



Avril Brisé est l'histoire d'une vendetta. Le 16 mars, Gjorg tue Zef, dans les règles et obtient une trêve de 30 jours. Le 17 avril, la bessa expirera et il sera alors poursuivi par la famille de Zef. Voici l'explication du titre : le mois d'Avril sera ainsi coupé en deux:



"dehors régnait mars, mi-souriant, mi-glacé avec cette dangereuse lumière alpestre qui n'appartenait qu'à lui. Puis viendrait avril, ou plutôt sa première moitié seulement. [...]Avril, dès maintenant, s'enveloppait pour lui d'une douleur bleutée....Son avril inachevé...."



Pendant le mois qui lui reste à vivre normalement, le meurtrier doit payer le Prix du sang à un prince mystérieux, régler ses comptes, terminer les travaux en suspens...Gjorg ira à la découverte du monde, à pied, sur le Plateau autour de chez lui. En route il rencontre un couple de la ville, un écrivain et sa femme en voyage de noces. L'écrivain s'intéresse aux traditions, au folklore, liés au kanun. Leur voyage leur semble romantique.



"Ses amis l'enviaient en lui disant : tu vas t'évader de l'univers de la réalité pour gagner celui des légendes, l'univers de l'épopée proprement dite que l'on trouve rarement dans notre monde. Puis venait l'évocation des fées et des oréades, des rhapsodes, des derniers hymnes homériques du monde et du Kanun, terrible mais si majestueux...."



Bessian, l'écrivain explique à sa femme que dans ces contrées l'hospitalité est sacrée, l'hôte a le statut d'une semi-divinité?



Apercevant le ruban noir qui marque les meurtriers, ils leur semblent arriver dans le pays de la mort:



"Oui, reprit-il, nous sommes entrés dans le royaume de la mort comme Ulysse, à cette différence près qu''Ulysse dut descendre pour l'atteindre, alors que nous devons monter."



Quand ils rencontrent Gjorg, porteur du ruban noir, livide, il leur semble rencontrer Hamlet



"Hamlet a été poussé à al vengeance par le fantôme de son père, poursuivit Bessian, enflammé. Mais sais-tu quel fantôme terrible se dresse devant le Montagnard pour le pousser à se venger."



Cependant Kadaré ne se contente pas d'écrire une version moderne d'une tragédie antique. Il livre aussi par l'intermédiaire de personnages comme l'Intendant du Sang, chargé de prélever l'impôt du sang, ou du médecin  qui expertise les blessures, une analyse économique, marxiste, de ce sombre commerce. Il n'est plus seulement question d'honneur de famille mais aussi d'une sinistre comptabilité. La vendetta comme le règlement d'une dette.



"en d'autres termes, comme je vous l'ai dit au début, souvent derrière le décor quasi-mythique, il faut rechercher l'élément économique. Vous m'accuserez peut être de cynisme, mais à notre époque, le sang, comme tout le reste, a été transformé en marchandise"



L'arrivée de la jeune femme de l'écrivain dans un monde strictement masculin est un élément de déstabilisation. On sent que le monde millénaire des montagnes est bientôt gagné par la modernité des villes.




Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Avril brisé

Chronique d'une mort annoncée.

Le kanun, l’équivalent balkanais de la vendetta, a obligé Gjorg Berisha à « reprendre » le sang dû par une autre famille de son village : il sait maintenant que c’est son tour et décide de profiter du temps qui lui reste avant de revenir se soumettre à la loi du kanun.

En vertu d’une coutume ancestrale albanaise, quand un membre d’une famille est tué par un membre d’une autre famille, un des hommes de cette dernière se voit obligé, dans les trente jours, de se soumettre à la règle du Kanun. Il doit rentrer au village, tout en sachant que la famille de l’assassiné est forcée, selon ce code de l’honneur, de le tuer. Il n’a qu’à pas rentrer, me direz vous, oui mais le code de l’honneur, alors, on en fait quoi ????

Bien évidemment de notre point de vue occidental, pragmatique et individualiste ce code de l’honneur nous semble complètement barbare et ridicule… mais ne faisons pas trop les malins, il est une île française pas très éloignée de nos côtes où la vendetta n’était pas un vain mot il y a encore quelques années et continue à faire des victimes sous forme de vendetta politique.

Si cette histoire se déroule au début du XXe siècle, il est très intéressant et effrayant de constater qu’en Albanie, la vendetta et le Kanun ont fait un retour en force inattendu depuis 1992 et la chute du régime communiste : en effet, pendant cette période les cas de vendetta étaient punis avec la plus extrême sévérité et leurs auteurs fusillés en place publique.

Une histoire étrange, funeste et funèbre et cependant très belle.

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Avril brisé

C'est une histoire dure que nous raconte Ismail Kadaré dans 'Avril brisé'.

Tout se passe au début du siècle dans le nord de l'Albanie où 'le Kanun de Lek Dukagjini', permet aux habitants de ces régions reculées de venger la mort de quelqu'un.

L'un d'eux nous est présenté lorsque son chemin croise celui d'un jeune couple citadin qui se trouve là-bas, en voyage de noces.

On suit le couple qui s'installe et découvre une région qui réserve des surprises, mais aussi le jeune Gjorg qui a une mission à accomplir. On pense bien que leurs chemins vont se croiser encore, mais on n'imagine pas dans quelles circonstances.

L'auteur prend le temps pour mettre les choses en place. Il nous laisse surveiller, découvrir... Et peu à peu le rythme s'accélère pour nous amener jusqu'au bout.

Un livre marquant.
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Avril brisé

2 histoires se cotoient pour ne se rencontrer qu'au moment du drame final, annoncé dès le début du roman. La première est celle de Gjorg, la victime de l'histoire, humble jeune homme d'un plateau albanais. La deuxième est celle de Bessian et Diane, jeunes mariés citadins venus en voyage de noces sur le plateau. Gjorg, est en sursis jusqu'au 17 avril, car il est un maillon de la chaîne de la bessa, vendetta coutumière sur un plateau albanais. On vit la vendetta de l'intérieur, avec ses règles à la fois strictes et absurdes, que tout le monde a néanmoins à coeur d'appliquer pour éviter le déshonneur. On en vient à comprendre que les juges eux-même, qui vont de village en village pour trancher les cas litigieux de ce droit coutumier complexe et pointilleux (le Kanun), ont eux-mêmes conscience qu'il s'agit d'une comédie absurde. On comprend également que le seigneur local entretient cette coutume par intérêt matériel, de même que les humbles, premières victimes, initient ou perpétuent la vendetta, plus pour des raisons matérielles (limites entre les propriétés par exemple) que pour des raisons d'honneur. Le couple de jeunes mariés, quant à lui, va passer d'une vision intellectuelle, idéalisée et aseptisée du monde du plateau, à une vision désabusée et sordide des meutres et du cadre de vie. Kadaré, comme toujours, arrive à se situer à la frontière du réel et du mythe et arrive à rendre très présents les paysages fantasmagoriques.
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Avril brisé

Que dire? Une impression de tragique, d’absurde. Absurde et tragique, tragique parce qu’absurde. Sur ce plateau d’Albanie, les familles se déchirent et se déciment à qui mieux mieux, respectant la tradition sanglante du Kanun. On suit dans ses pérégrinations funèbres Georg, qui a respecté à la lettre les lois du kanun ( tuer et être tué), s’acquitter du prix du sang. Il croise la route d’un jeune couple en lune de miel, fasciné par ces coutumes ancestrales et barbares. Tous se croisent, se cherchent avec fièvre, se trouvent ou se manquent sur le plateau durant la trêve dont c’est bientôt la fin.

Lorsque la dernière page se tourne, tout est accompli, le drame s’est noué et dénoué, le périple est achevé. Le Plateau, « créé pour des créatures titanesques » a exercé son funeste sortilège.
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Avril brisé

Gjorg est allongé dans la lande du nord de l'Albanie, fusil à l'épaule , prêt à tirer . Après avoir fait mouche, il rendra honneur à sa victime en ajustant son corps comme le veut la coutume. Désormais, Gjorg n'est plus chasseur , il est devenu proie. Ainsi le veut le Kanun.



Le Kanun , est un ensemble de règles en vigueur dans le nord de l'Albanie mais également dans quelques régions des pays limitrophes. Parmi ses règles, il y a la reprise de sang. Si un membre d'une famille est tué, elle a le droit de tuer à son tour un membre de l'autre famille. Ces règles, datant du XV ème siècle avait pour but d'encadrer les trop nombreux règlements de comptes .

Ce livre, extraordinaire , nous porte dans un monde où le droit est celui du Kanun et n'a rien à voir avec nos modèles . L'auteur dresse un inventaire de tous les aspects du Kanun : L'hospitalité, l'honneur, les tours de claustration , la bessa (zone de trêves), les rituels au mariage, le rôle des prêtes, le coté économique du Kanun...

Ce livre , au delà de son histoire, véritable témoignage de la vie des montagnards du nord de l'Albanie, a une grande part d'humanité au milieu de règles sanguinolentes.

Les personnages principaux nous font découvrir tous les aspects de ces lois et comme dans toutes les sociétés, on voit bien le rôle joué par l'argent aussi surprenant que cela puisse paraître.

Ce livre est une porte d'entrée merveilleuse, parce qu'en plus le plaisir de lecture est immense, sur un monde encore en vigueur à deux heures trente d'avion de la France.
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Avril brisé

L'Albanie a été totalement isolée du reste de l'Europe, de 1945 à 1985, sous la coupe du dictateur Enver Hoxha. Quarante ans d'isolement, petit pays communiste renfermé sur lui-même et barricadé dans la crainte de la contagion extérieure.

Le récit de Avril brisé se déroule au 20ème siècle et pourtant : il suit le destin inéluctable d'un jeune qui s'est vengé et devra donc mourir, car la vendetta régit les liens au sein de la société. Le Kanun dispose que si le sang coule, alors il devra couler à nouveau. Nous voilà à suivre ce jeune pétrifié à l'idée de devoir mourir, qui croisera un couple. Une femme et un écrivain, en voyage de noce, qui s'intéressent aux rites et coutumes du kanun.

L'écriture est oppressante, la tension omniprésente, refermer le livre est un soulagement tant le récit est maîtrisé.
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Avril brisé

Un roman de vengeance digne d’une fantasy médiévale.



En Albanie au début du vingtième siècle, la « Kanun » régit la vie sur les hauts plateaux. Une partie de ce code concerne le sang, l’obligation de venger un meurtre qui fait que des familles s’entretuent depuis plusieurs générations. Et aujourd’hui, c’est au tour de Gjorg de tuer Zef Kryeqyqe, l’assassin de son frère. Et quand ce sera fait, il deviendra la prochaine cible…



En parallèle, un écrivain a amené sa jeune épouse en voyage de noces dans cette région à la nature pourtant hostile en cette saison. L’homme s’intéresse depuis longtemps aux légendes et aux textes du Kanun et explique ce qui se passe à sa femme (et aux lecteurs…).



Un troisième personnage aura voix au chapitre : l’intendant de sang. Car on apprendra qu’en plus de s’entretuer, les paysans doivent payer un impôt sur chaque meurtre… Une source de revenus appréciable pour le prince!



Ce premier contact avec la littérature albanaise m’a tout à fait déstabilisée. C’est un roman qui dérange, car le « Kanun » n’est pas une invention de l’imagination fertile de l’auteur, c’était la réalité, du moins à l’époque du roman, une terrible réalité…

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Avril brisé

Plongée dans l'obscurantisme. Des coutumes héréditaires qui ne valent que parce que toute une région montagnarde les appliquent à la lettre et ne sont pas sans rappeler des immobilismes liberticides comme la charia, sont ici révélées par l'auteur. Ce que je n'ai pas aimé c'est qu'au lieu de dérouler son propos sous forme d'essai ou de ne s'attacher, sous forme romanesque, qu'à son personnage principal, Gjorg, qui vit en plein ces absurdes obligations sanguinaires, il mêle divers personnages pour traiter son sujet (un écrivain, sa femme, un intendant) alors que la force du roman réside dans le drame personnel de celui qui est "obligé" par "les brumes de l'ignorance ancestrale"( phrase reprise de Paul Bowles).
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Avril brisé

Sur les hauts plateaux albanais où subsiste la loi du Kanun, si l'hôte de passage, quasi un dieu, succombe à une vendetta, celui qui l'héberge se doit d'en laver le sang, se mettant à dos l'autre famille. Quarante quatre morts plus tard on retrouve Gjorg, en embuscade pour laver la mort de son frère, un crime qui le fera gibier à son tour après une trève de trente jours pendant laquelle il est tenu d'assister à l'enterrement, de partager avec l'autre famille le repas funéraires et d'aller payer l'impôt du sang chez le prince!



C'est sur la route de la citadelle d'Orosh qu'il croisera le regard de Diane, emmenée en lune de miel par Bessian, journaliste fasciné par ces lois barbares inspirées de la mythologie grecque.



J'en ressors hébété par ces 'gamineries', cette vie absurde et pourtant, comme le soulignent Gjorg et Bessian, combien moins terne que celle des gens de la vallée.

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Chronique de la ville de pierre

Voici la chronique d'une ville albanaise à l'heure de l'occupation, tantôt italienne, tantôt grecque, au gré des éphémères victoires et des revers de fortune de ses envahisseurs. Accrochée vaillamment à un éperon rocheux, elle apparaît immuable dans sa complexion tarabiscotée et biscornue, carapace de pierre abritant la chair tendre de ses habitants, gens simples, mystiques et passionnés. C'est qu'elle en a vu défiler, cette ville de pierre, des hivers rigoureux, des tremblements de terre et des fléaux humains, tour à tour possession des Romains, des Normands, des Byzantins, des Turcs et des belligérants de la dernière grande guerre. C'est part le regard d'un enfant, plein de fantasmagorie, d'étonnement et de questionnement que se déroule cette chronique. Naturellement enclin à attribuer une personnalité à cette ville, ainsi qu'aux demeures de sa famille, des pièces de ces dernières, l'enfant demeure fasciné par le ballet, pourtant terrible, des avions de chasse et des bombardiers, alors que la ville se voit contrainte à la défense passive et que ses habitants se terrent dans les caves profondes transformées en abris anti aérien.



La réalité de la situation albanaise durant la dernière guerre était pourtant un sujet prometteur par son côté singulier et méconnu. Malheureusement j'ai trouvé la prose ou la traduction d'une platitude rébarbative, le récit m'est assez vite apparu comme une collection d'anecdotes plus ou moins pertinentes.
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Chronique de la ville de pierre

"Chronique de la ville de pierre" est un roman déroutant par bien des aspects comme pouvait l'être "Avril brisé". Ils sont à la fois similaires et si différents!

Similaires par le lieu de l'intrigue. L'Albanie profonde, dans les montagnes, une terre rocheuse et grise très froide voir glaciale pas tant par la température en elle-même que son aspect. Similaires dans la violence également: ces deux livres racontent une vie rude et cruelle, tellement éloignée de ce que nous connaissons aujourd'hui.



"Chronique de la ville de pierre" se passe au début du 20ème siècle, en plein pendant la guerre. Ce qui est intéressant ici, c'est le point de vue du personnage principal. Il n'a pas de nom, c'est un jeune garçon né dans cette fameuse ville de pierre et qui ne l'a jamais quittée. La manière dont il voit les choses est assez surprenante: en effet il y a chez lui une sorte de naïveté touchante qui côtoie une insensibilité à la mort et la violence. Cet enfant rêveur étrange, nous emmène dans son monde bizarre où la mort et la guerre sont quotidiennes et deviennent même synonyme pour lui de jeu et d'émerveillement.



J'ai vraiment été touchée par cette histoire et ses personnages bien qu'ils soient très très nombreux et difficiles à identifier.

Le style d'écriture de Kadaré est un peu plus compliqué dans ce roman, plus tortueux, plus évasif. Il y a également des morceaux de texte tronqué appelés "chroniques" qui permettent de contextualiser l'intrigue mais m'ont parfois laissée perplexe.

Ce n'est pas un bouquin forcément très accessible bien qu'il ne soit pas horriblement compliqué.



Conclusion:



Une claque!



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Chronique de la ville de pierre

J’ai longtemps hésité à lire Ismail Kadaré ; la figure de l’écrivain en exil, opposant au totalitarisme, m’assommait d’avance. Finalement ce livre m’a intéressée car j’ai découvert la seconde guerre mondiale d’un point de vue très différente du nôtre, celui des Albanais. Les habitants voient leur ville de pierre occupée alternativement par les Grecs et les Italiens, comme elle l’a été par les Turcs dans le passé. Ils n’ont jamais une vision surplombante des événements, ils vivent le quotidien d’un pays en guerre dans toute son absurdité.

La narration se fait du point de vue de l’enfant qu’était Kadaré à l’époque, et ce petit garçon apporte une touche de magie à tout ce qu’il voit. La ville est personnifiée, comme l’est aussi la citerne de la maison et ses échos mystérieux. Un chou transporté à la main par un des personnages devient à ses yeux une tête coupée. Les mots écrits dans les livres ou sur les affiches se transforment, ils prennent vie indépendamment de leur sens. Tout cela fait exister le personnage, alors que les autres sont comme des figures à l’arrière-plan. Malgré tout je n’ai pas pu m’identifier au petit héros, ni être vraiment emportée par ma lecture. Je l’ai appréciée comme un document plus qu’un roman.
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Chronique de la ville de pierre

Ismaïl Kadaré nous ramène en Albanie, à Gjirokaster, et nous conte les années 30 à travers la vision d'un jeune enfant courant de sa grande maison de pierre à celle des ses voisins, avide de racontars et de jeux d'enfants, et attentif aux superstitions des femmes et aux histoires sordides qui circulent.



Suivant le batifolage permanent du narrateur, le lecteur s'immisce dans la société albanaise, avec ses codes et ses traditions, mais aussi dans le microcosme d'une ville, d'un quartier. Mais le reste du monde n'est jamais bien loin, et les occupants italien et grec se succèdent, au grand dam pour certains, à la grande joie d'autres.



Une jolie fresque pour accompagner une petite virée dans cette très belle ville perchée sur les collines d'une montagne, même si cette lecture ne m'a pas laissé un souvenir impérissable ; j'ai préféré Qui a ramené Doruntine ? du même auteur.
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Chronique de la ville de pierre

Kronikë në gur

Traduction : Edmond Tupja





Après la raideur compassée du "Général de l'Armée Morte", après l'errance blafarde, parmi les brumes du petit jour et celles, plus malignes, du crépuscule, de ces deux protagonistes principaux pour ainsi dire anonymes, après la boue froide du sol albanais, transformé par les pluies en une gangue qui rechigne à restituer les os des soldats étrangers morts depuis plus de vingt ans - après les tâtonnements d'un auteur à ses débuts, conscient de la valeur du sujet choisi mais aussi du traitement délicat qu'il lui impose, après ces phrases courtes, qui piétinent et hésitent, aussi désorientées semble-t-il que les deux héros, après ce texte prometteur mais qui réclame du lecteur constance et même entêtement ...



... cette "Chronique de la Ville de Pierre" constitue une surprise des plus agréables. Optant cette fois pour la fraîcheur de l'enfance, Kadare réveille, pour nous conter cette vision de la Seconde guerre mondiale s'invitant dans l'Albanie profonde, le petit garçon qu'il était à l'époque. Du coup, s'il ne peut éviter les scènes d'horreur dont il fut le témoin, il lui est par contre loisible d'adoucir un peu les angles en faisant preuve de cette gaieté, de cet humour que l'on recherche en vain dans son "Général de l'Armée Morte."



Une ville bâtie à flanc de montagne, où l'ivrogne qui glisse dans une rue peut fort bien se retrouver le lendemain à cheval sur un toit, un peu plus bas ; un monôme de femmes tout de noir vêtues et commérant de porte en porte en s'arrêtant à chaque perron pour déguster le café traditionnel ; des hommes qui répondent à leurs lamentions en pérorant de leur côté, de manière considérée comme plus "virile", au café du coin ; des jeunes gens qui traînent en ayant l'air d'attendre quelque chose (mais quoi ?) ; des occupants qui changent souvent de nationalité, Italiens le matin avec le commandant Arcivocale à leur tête et Grecs l'après-midi, sous la houlette du commandant Katantzakis en attendant les Allemands qui entreront, à la nuit tombée ou au petit jour, avec leur chef Kurt Vollersee ; des collaborateurs et des maquisards qui rongent leur frein en épiant et en dénonçant ; quelques sorcières ou qui se prennent pour telles ; les Grandes Vieilles qui, parce qu'elles ont dépassé le siècle d'existence, énoncent, lorsqu'elles se risquent au soleil, des oracles dignes de l'Antiquité ; des éxécutions qui ressemblent à des règlements de compte et des règlements de compte qui ressemblent à des exécutions, et la vie quotidienne qui continue à mener parmi tout cela son petit train d'indifférence, voilà tout ce que voit, se rappelle, vit et commente le jeune narrateur.



Il le fait avec la naïveté de ses onze ans préservés qui, en même temps, découvrent le monde des adultes, un monde perturbé par une guerre que personne, dans la ville de pierre, pas même les lâches, ne considère comme une guerre pour l'Albanie. Tous patientent, tous courbent la tête, attendant la fin de celle-ci et le départ des étrangers pour passer enfin à la seule guerre qu'ils accepteront : celle qui rendra l'Albanie libre et indépendante.



Ayant posé sa main dans celle de l'enfant-narrateur, le lecteur le suit avec confiance et une sorte de fascination, tant dans ses vagabondages personnels (son béguin contrarié pour Maguerite et ses rêves avec Suzanne) que dans ceux qui intègrent les siens et ses concitoyens. A son tour, le lecteur redevient enfant et jette, sur cette mini-société remuante et conformiste, où les filles n'ont d'autre espoir que le mariage, un regard étonné, amusé ou réprobateur mais curieusement dénué des a priori de l'âge adulte. C'est que, sous la plume de Kadare, il découvre en fait une Albanie plus complexe qu'il ne l'imaginait, avec des personnages hauts en couleur et très bien campés - peut-être aussi un peu idéalisés mais sans excès - des personnages incroyablement vivants avec lesquels il ne détesterait pas faire connaissance. Pour autant, l'auteur ne fait pas l'impasse sur les défauts de son peuple comme ce désir de vendetta qui tourne ici à la maladie pure et simple ou encore cette éternelle minorité qui est le lot de la femme albanaise.



"Chronique de la Ville de Pierre" remporte donc une double victoire : avant tout, il incite à découvrir d'autres ouvrages de Kadare mais il pousse également son lecteur à s'interroger sur l'Albanie et à tenter de voir au-delà de l'image sociétale, à la fois réactionnaire, figée et machiste, qu'elle a malheureusement tendance à donner d'elle. ;o)
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