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Critiques de Ismaïl Kadaré (257)
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Disputes au sommet

Un pêle-mêle génial autour d’une conversation téléphonique.

En juin 1934, Staline téléphone à Boris Pasternak, au sujet de l’arrestation du poète Ossip Mandelstam.

Ismail kadare délire avec ironie, sur les différentes interprétations données à ce dialogue entre deux géants : le tyran et l'écrivain.

Auteur volubile, le romancier albanais crée des diversions, parle de culture, dénonce le totalitarisme et met l’accent sur les grands mythes de l’humanité.

Parfois bouffon, toujours lucide et brillant, il s’oppose aux dogmes communistes et souligne la fragilité du dictateur face à la poésie et au savoir.

Depuis Néron et Sénèque jusqu’à notre monde du XXI ième siècle, rien à changer, l'écrit reste une arme pour combattre l’inconcevable.
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Eschyle ou le grand perdant

Eschyle fut le premier et le plus grand, selon Kadaré, puis vinrent les petits jeunes : Sophocle et Euripide.

C’est une belle analyse, originale de ce qu’il reste de l’œuvre du créateur de la tragédie grecque.

Eschyle le Grec est le grand perdant, car, père de la tragédie au Vè siècle avant JC, il ne reste que 7 de ses œuvres sur une centaine. Une multitude des recherches ont été faites, mais Kadaré pense qu’il a été victime de la censure politique, à tel point qu’à la fin de sa vie, dégoûté, il partira s’exiler en Sicile. Pourquoi la censure ? Les grecs étaient très sensibles au théâtre, il y avait des concours et des émotions, à tel point que lors d’une représentation d’une pièce de Sophocle, les spectateurs ont failli faire une émeute car le « méchant » en faisait trop ; l’auteur a dû monter sur scène pour rassurer les gens en leur disant qu’il serait « puni » dans la scène suivante !

Eschyle s’est-il inspiré, comme Homère, de la riche mythologie et de la guerre contre Troie ? Kadaré penche plutôt pour les fêtes dionysiaques, avec masques, cérémonies de mariage et cérémonies funèbre : un héros ou un couple de héros, un lieu, une scène, un temps limité, des émotions fortes.

Après un passage sur la peine que lui procure la perte de 90 œuvres d’un poète capital, Kadaré analyse certaines de ses œuvres d’un point de vue mythologique, mais pense, et c’est là la grandeur d’Eschyle, que toutes ses pièces avaient un message symbolique pour les dirigeants de la Grèce.

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Après un début difficile pour moi, peu fan du théâtre, je me prends au jeu de suivre l’auteur dans son analyse des pièces, analyse, ou plutôt enquête qui ressemble à celle d’un policier, puis Kadaré se lance dans l’interprétation politique.

Sur les sept œuvres restantes, quatre me semblent finement analysées :

- « Les Perses »

- « Les sept contre Thèbes »

- « Prométhée enchaîné »

- « L’Orestie »

Je ne rentre pas dans les détails, ce n’est pas le propos ici, mais je soulève plusieurs études très intéressantes de l’auteur :

1 ) Les prédictions d’Eschyle, comme l’invasion par l’est, avec « Les Perses » : vers moins 500, les Perses essayent d’envahir la Grèce. Deux mille ans plus tard, les Ottomans assombrissent les journées des Grecs et des Balkans, pour plusieurs siècles.

2 ) Le parallèle entre la culture albanaise jusqu’au milieu du XXè siècle, et les agissements des acteurs de la Grèce antique : le Code Coutumier albanais prévoit la dette de sang, « la reprise de sang », c’est-à-dire que si un membre de ta famille est tué, tu dois reprendre le sang en tuant le meurtrier, et c’est ce qui se passe dans les tragédies grecques.

3 ) « La tragédie grecque s’est suicidée » a dit Nietzsche. Oui, affirme Kadaré, ou plutôt, elle est restée en hibernation à cause de la censure politique grecque, et est réapparue grâce à Shakespeare deux mille ans plus tard ( je m'étonne qu'il n'y ait pas un mot de Corneille ou Racine ).

4 ) La question de La Belle Hélène. Le poète Homère, VIII avant JC a traité la guerre de Troie dans « L’Illiade », en disant que celle-ci avait été provoquée par l’enlèvement d’Hélène, femme du roi de Sparte Ménélas par Pâris, prince troyen. Or, pour Ismail Kadaré, selon la version d’Eschyle dans « L’Orestie », c’est faux : c’est l’offense de l’invité Pâris à l’hôte Ménélas, plus que le rapt d’Hélène, qui déclenche cette « première guerre mondiale ». Bon, c’est un peu pareil, sauf que Kadaré précise qu’on reprouve là l’article 460 du fameux droit coutumier albanais. L’Albanie, voisine de la Grèce a gardé, surtout dans ses montagnes inexpugnables, son droit Coutumier qui faisait office de constitution, alors que la Grèce, envahie par les Romains, puis par les Turcs, l’a perdu.

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Bref, on apprend plein de choses, et sous un angle différent de l’œil occidental, dans cet essai 😊

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Eschyle ou le grand perdant

Paru en 1985, ce livre est écrit par Kadaré alors que l'Albanie connait des moments difficiles. En tant que créateur, comment ne pas se sentir enfermé par un contexte anti-libertaire? En prenant Eschyle comme héros de sa réflexion, l'auteur élargit sa réflexion sur le pouvoir de la création face au politique.

Le sous-titre est tout un programme : le père de la tragédie grecque est à la fois un auteur reconnu et pourtant un homme bien mystérieux et paradoxal; si paradoxal que seules 7 pièces survivent sur plus de quatre-vingt...De là Kadaré émet des hypothèses intelligentes et novatrices pour l'époque, tentant de comprendre les racines véritables de la tragédie ainsi que la disparition presque entière de l'œuvre du tragédien.

En écho à sa propre histoire, il éclaire la tragédie grecque à la lumière des Coutumiers et textes des Balkans qui, pour lui, ont préservé jusqu'à nos jours les grands thèmes fondateurs que l'on retrouve chez Eschyle ainsi que les grands mécanismes qui mettent en place la Tragédie : l'importance du Droit, les crimes du sang et la vengeance.







Une belle mise en perspective qui est devenue un classique pour l'étude de la Tragédie grecque!
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Froides fleurs d'avril

La fin du communisme équivaut à la retraite des dieux. La liberté échoit au narrateur sous forme de démence. Approche esthétique originale surtout dans l'usage du mythe.

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Froides fleurs d'avril

Tout écrivain, n'est-ce pas, même parmi les plus grands, aura publié des livres qu'on considérera « moins bons », voire parfois pas bons du tout, c'est à dire carrément ratés!

Suis-je tombé dans ce cas, en commençant la lecture de l'oeuvre d'Ismail Kadaré, salué par la critique et par de très nombreux lecteurs dans le monde entier comme l'un des plus grands écrivains européens contemporains, par ce livre qui m'aura profondément déçu?



D'une part, un récit que j'ai trouvé trop éclaté, sans vrai fil conducteur, hésitant entre différentes approches narratives, pour la plupart, à mon sens, inabouties. Puisant pêle-mêle dans des sources à la fois romanesques et existentielles, historiques, sociologiques, politiques, métaphysiques et/ou mythologiques, quasiment tout dans ce livre reste inexpliqué, ou peu développé, voire par moment introduit puis abandonné tout simplement. (Qui est Zef, par exemple, l'ami proche que Mark semble chercher, sans véritablement chercher d'ailleurs, et dont on n'aura plus aucune nouvelle dans le développement postérieur du récit ?).



D'autre part, des personnages qui ne m'auront suscité aucune empathie, aucune identification (c'est la moindre des choses, il me semble, que puisse attendre un lecteur qui s'investit !!).



À commencer par Mark Gurabardhi, l'artiste, personnage central et sorte de Mersault encore plus inconsistant que l'original, qui ne passe même pas à l'acte comme le personnage de Camus, ne s'engageant à pas grand'chose, si ce n'est peut-être à avoir peur de se prendre une balle perdue par la baie vitrée de son atelier, à s'accommoder tant soit peu à la réalité environnante d'un ville de province où il se sent étranger, et à faire l'amour avec son amie et modèle de laquelle il ne sait pas grand'chose non plus, même pas son nom de famille!



Bien-sûr, on pourra toujours invoquer l'argument que c'est exactement ce que l'auteur voulait décrire, à savoir le « flou » qui a suivi la fin de la dictature communiste en Albanie, à partir de années 1990, les premiers pas, encore incertains à l'époque, d'une nouvelle démocratie en train de se chercher et, surtout, l'insécurité face à l'avenir, associée à l'angoisse de la résurgence de vieux fantômes restés ensevelis longtemps par la répression du régime communiste, dont notamment la « kanun », code d'honneur traditionnel albanais d'origine médiévale basé sur l'honneur et la "vendetta" entre familles et clans, entraînant à nouveau dans les régions reculées du nord du pays de nombreux bains de sang en série.



Certes...

Néanmoins, de mon point de vue de lecteur, je trouve qu'on ne réussit pas forcément à décrire le "flou" par une écriture et une construction de récit qui seraient elles-même "floues", abusivement elliptiques ou laissées inabouties, comme c'est le cas de ces Froides Fleurs d'Avril, ni tout à fait allégoriques, ni vraiment réalistes.



En définitive, je reste sur ma faim sur ce plat choisi au hasard, servi trop froid à mon goût..!

Et concernant la cuisine de cet auteur, j'espère à l'avenir être conseillé préalablement par de vrais "connaisseurs", avant de m'y risquer à nouveau...



...

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Froides fleurs d'avril

Roman choisi un peu pour sa couverture - Les amants de Magritte - et un peu pour l'auteur que j'apprécie en général.



Début des années 2000 en Albanie, Mark est peintre. En rentrant à son atelier, il pense à son ami Zef qu'il n'a pas vu depuis 15 jours, à sa maîtresse et modèle (son prénom n'est pas cité), à l'ancien régime communiste qui était en place en Albanie il y a une dizaine d'années. La voiture du commissaire le double à vive allure. Un peu après son amie arrive, se déshabille (elle est modèle, et Mark est en train de réaliser un nu ), elle lui raconte l'histoire d'un braquage de banque qui vient d'avoir lieu.



Voilà un livre étrange : intéressant mais étrange. L'écriture est belle et imagée, avec une alternance de chapitres (ancrés dans le réel) et de contre-chapitres (des contes ou des mythes revisités comme par exemple l' Histoire de la femme qui avait épousé un serpent ou le mythe de Tantale)



Mark "tourne en rond" dans sa vie : il est inquiet de la disparition de son ami Zef mais pas vraiment à sa recherche (un reste de fatalisme du régime communiste où les gens disparaissaient sans laisser de traces?). Il est aussi inquiet à l'idée que sa petite amie envisage de  le quitter : Elle est plus jeune que lui et semble en ce moment plus coquette et distante (aurait-elle un amant ? )



En toile de fonds se déroule un Kanun (sorte de vendetta très codifiée). L'auteur pousse l'absurde jusqu'à faire demander à un personnage si l'Etat peut mener lui même un Kanun...



Superstition ? Manipulation ? j'ai aimé retrouver des thèmes déjà évoqués dans le "palais des rêves" (les rêves justement, le poids de la société sur les choix d'un individu...).



En tout cas intéressant même si je n'ai pas du tout compris la fin qui m'a laissée dubitative...et même un peu déçue...
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Froides fleurs d'avril

Le premier roman d'Ismaïl Kadaré qu'il m'a été donné de lire. Il ressort de cette lecture un sentiment très mitigé et pas de véritable engouement pour ce livre, très étrange où la légende se mêle à la réalité. Après la chute du régime communiste le lecteur assiste à un basculement de la société albanaise dans un autre monde, là-dessus se dresse une affaire de kanun qui remonte à la fin des temps et une histoire d'amour qui trouve difficilement sa place dans cette oeuvre. Un livre qui ne m'aura pas offert de grandes émotions et qui sera vite oublié. Ce n'était pas ce que je recherchais et je suis d'autant plus déçue que le titre du roman est très poétique.
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Hamlet, le prince impossible

Je ne peux pas dire que c'est un mauvais livre, je ne suis pas assez spécialiste de Hamlet (je n'en ai à peine lu quelques extraits lors de ma scolarité), ni même de Shakespeare.

Ici Kadaré propose un essai multi-couches. Il aborde le héros Hamlet à travers ses avatars, qu'il trouve notamment dans l'histoire de son pays, l'Albanie. Il compare aussi Hamlet à Oreste, Oedipe, ses antécédents, ses frères... Hamlet est un héros dont des formes préexistaient à celle de S., Kadaré les présente aussi. Il parallélise Hamlet et son auteur Shakespeare en termes de flou de biographie, d'énigme... Ou se situe la vérité dans ces séculaires analyses, psychanalyses et recherches... On ne tranchera pas.

Kadaré oppose ou réconcilie l'Art (avec un grand A) et le génie avec la vie, les gens, les peuples. Compare Shakespeare et Jésus, des incompris ou des trop compris.

Bref, vous l'aurez vous-même saisi, ce livre n'est pas... saisissable. Sauf peut-être si vous êtes déjà au fait avec toutes ces idées et ces questionnements. Ce qui n'est pas mon cas, je le répète. Trois étoiles et puis j'irai m'acheter Hamlet version Shakespeare. Not so bad, anyway.
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Invitation à l'atelier de l'écrivain

Deux "confessions littéraires" dont la première, "Invitation à l'atelier de l'écrivain" a été écrit en Albanie c'est-à-dire sous l'oppression et la seconde "Le poids de la croix" dans l'amère liberté de l'exil. Le tout constitue un témoignage de haut intérêt sur la condition du créateur au sein d'une dictature.

Kadaré pose la question du rapport de force entre l'individu de génie et la société abêtie. S'il semble à première vue que l'artiste doive être écrasé, éliminé, que son œuvre soit vouée aux oubliettes, l'analyse révèle, sinon le contraire, du moins des chances de victoire de l'art sur ce qui le nie.
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Invitation à un concert officiel et autres récits

La plupart des thèmes fétiches d'Ismaïl Kadaré sont sans doute abordés, d'une façon ou d'une autre, au fil de ces neuf nouvelles. En cela, "Invitation à un concert officiel" offre au lecteur qui ne la connaîtrait pas encore une bonne introduction à l'oeuvre de l'auteur albanais.
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L'Accident

J'ai été très déçue et n'ai pas apprécié (à sa juste valeur ?) cette lecture. Si le roman débute comme un roman policier, avec un accident étrange, des personnages secrets sur lesquels on voudrait en savoir plus, la suite du livre, à mon goût s'étire un peu en longueur. La recherche du policier, qui retrace les derniers mois des deux amants, leurs discussions, leurs dissensions, permet certes d'en apprendre plus sur eux, mais l'ensemble m'a semblé toujours trop énigmatique, un peu compliqué. Je n'ai pas réussi à accrocher à la suite de l'histoire, à cette quête improbable et vaine pour trouver la vérité, reconstituer les faits, j'ai trouvé cela un peu ennuyeux, long. Je n'ai pas non plus tout bien compris de la fin, bref, une déception... Mais il en faut parfois, et je ne remets absolument pas en cause le talent de l'auteur, qui maîtrise un style parfait et très agréable à lire. Juste que c'était un peu trop... ésotérique ? pas assez cartésien en tout cas pour mon esprit étriqué qui demande à un fait une cause possible, et sinon se perd en conjectures et élucubrations !




Lien : http://liliba.canalblog.com
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L'Accident

Je suis contente d'avoir découvert cet auteur. En lisant la quatrième de couverture, j'ai pensé à une enquête politico-policière sur les problèmes de l'Albanie.

Mais, l'auteur se concentre plutôt sur la relation amoureuse entre les deux personnages principaux. Je n'ai pas tout compris, le style d'écriture ne m'a pas trop convenu. Le début du livre promettait beaucoup, je me suis perdue au milieu et j'ai raccroché à la fin. Vous l'aurez compris, mon avis est mitigé, il faudrait que je lise un autre titre de cet auteur pour me faire une idée un peu plus positive.
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L'Accident

Très déçue par ce livre.



Pourtant la quatrième de couverture m'avait prévenue : "Dans cette oeuvre magistrale, l'auteur a tenté de raconté l'irracontable : une histoire d'amour ou l'histoire d'un meurtre, voire une toute autre histoire les recouvrant toutes les deux tel un masque ? Jusqu'à la fin, la question ne cesse d'obséder le lecteur."



Et c'est exactement ce qui se passe : jusqu'à la fin, nous ne savons pas où l'auteur voulait en venir. Il n'a pas réussi à choisir entre le meurtre et l'histoire d'amour. 300 pages après, on ne sait toujours pas ce qui s'est passé dans la voiture le jour de l'accident.

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L'Aigle

Court conte politique et philosophique aux analogies bibliques de toute beauté; anges déchus, paradis et enfer, L'Aigle de Kadaré est une diatribe contre l'état Albanais d'une cruelle poésie. Ce roman écrit par le plus grand auteur albanais baigne dans une atmosphère surréaliste confinant au fantastique absurde. Et n'est pas sans évoquer Kafka. La fin, aussi belle qu'émouvant nous ramène à notre condition d'être d'espoir. Grandiose !
Lien : http://labibliothequeanuages..
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L'Année noire

1910, année de la Grande comète et naissance complètement déjantée d'un pays, l'Albanie, traversée en tous sens par les armées turques, françaises, hollandaises, grecques, italiennes, serbes, moténégrines... sans compter les milices et l'armée régulière au service du roi.



Ah! le roi, choisi par les Grandes Puissances, c'est Guillaume de Hollande à qui l'on a demandé de se faire circoncire afin de se rapprocher du peuple qui en rigole bien pendant que consuls et galantins de la capitale se disputent les faveurs de la séduisante Sara Stringa.



L'écriture d'Ismaïl Kadaré avec son petit côté Istrati, coule comme j'adore et me réconforte après une demi douzaine de livres que j'avais trouvé 'bavards'.

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L'Année noire

Je suis tombée sur ce livre aux puces de Genève et je n'ai pu résister à renouer avec cet auteur que je suis depuis de nombreuses années.



La réunion de deux romans courts en un seul volume se justifie tout à fait ayant été écrits l'un après l'autre, il n'est cependant pas étonnant que cette chronologie ait été inversée dans l'ordre d'édition, afin de garder la chronologie des époques concernées.



Qu'à cela ne tienne, il n'en reste pas moins deux textes éminemment "Kadaréen", oserais-je dire.



L'année noire est celle de 1914. Alors que l'Albanie vient de retrouver son "indépendance" vis-à-vis de l'empire ottoman, elle reste cependant sous tutelle des grandes puissances qui y installent un prince Allemand qui ne se maintiendra cependant que quelques mois au pouvoir. C'est dans cette Albanie désorganisée, en proie à toutes les ambitions régionales et internationales que Kadaré situe l'expédition d'un groupe de quelques hommes partis en guerre de reconquête (?) de défense (?) de leur territoire, avec quelques vieux fusils et un canon sans munition.

Un prétexte pour nous rappeler, non sans quelques traits d'humour, de la cacophonie qui a prévalu dans cette région de l'Europe au début du siècle dernier.





"Dieu, quelle confusion, quel embrouillamini ! Avant même de voir le jour, l'Etat albanais était devenu un fouillis inextricable. On ne savait même pas si l'Etat existait ou non On n'en connaissait pas la capitale, car un jour une ville s'avisait de se proclamer telle, et le lendemain c'était le tour d'une autre. Les sceaux du gouvernement étaient perdus. On ne retrouvait plus les frontières. On les traçait , disait-on, avec de longues cordes, mais chacun tirait d'un côté ou de l'autre, et la nuit, un troisième venait effacer les signes de la journée."











Le cortège de la noce s'est figé dans la glace, écrit entre 1981 et 1983, dresse un portrait déchiré de l'état de cette province suite au soulèvement étudiant d'avril 1981. Au travers des accusations de plus en plus absurdes portées à l'encontre d'une femme médecin accusée d'avoir soigné des manifestants blessés et du procès en séparatisme qui lui est fait, Kadaré fustige la réaction du pouvoir serbe et dénonce la montée des nationalismes.





"Martin Shkréli (...) savait aussi autre chose : si sombre et si sanglante que fût la vieille épopée des kreshniks, elle s'illuminait parfois du voile blanc des jeunes mariées, de la joie des noces qui allaient unir Serbes et Albanais. Une angoissante incertitude pesait toutefois sur ces unions : le cortège du fiancé n'atteignait jamais la maison de la jeune fille d'où il devait la ramener. Les Ores, Erinnyes slaves ou albanaises, figeaient soudain ce cortège dans la glace, comme des statues de pierre, avant le terme du voyage."



J'ai retrouvé dans ce court roman, les pages d'anthologie sur l'absurdité des pouvoirs absolus, sur ces procès sans fin et surtout sans fonds, sur la montée de la méfiance entre anciens collègues, entre anciens amis.


Lien : https://meslecturesintantane..
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L'Année noire - Le cortège dans la noce s'est f..

Ecrit en 1981-1983, dans la foulée même des événements, "Le cortège de la noce s'est figé dans la glace" touche certes son lecteur précisément par l'humanisme qui s'y exprime à travers les personnages de Martin et de Teuta Shkréli, par leur volonté délibérée de continuer à espérer alors qu'ils ne se font pourtant guère d'illusions... Mais surtout c'est un texte qui reste d'une actualité brûlante, tant il fit preuve d'une lucidité prémonitoire quant aux événements qui suivirent.
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L'envol du migrateur

Le livre tourne autour de la soi-disant liaison d'un très vieux poète avec une jeune admiratrice. De cette liaison résulte la publication d'une plaquette au titre réjouissant : "Les visites de la demoiselle Ana G. dans ma tour". Pour en savoir plus, le narrateur se rend au fin fond de la province perdue, dans un autocar brinquebalant, par une route où les contrôles de police sont légion parce que le dictateur est en visite par-là aussi.
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La Fille d'Agamemnon

Récit très dense qui se passe en une journée, mais pas n'importe quelle journée. Celle du premier mai, pendant lequel avait lieu le fameux défilé, la fête la plus importante du temps du communisme. Faire partie des élus qui pouvaient y assister dans une des tribunes officielles, était très couru, cela indiquait que l'on était en faveur, une récompense des plus importantes et visible à tous. Et notre personnage principal se trouve pour la première fois de sa vie convié à cette distinction. Mais en même temps, la femme qu'il aime lui annonce leur rupture. Son père, promu numéro deux du parti, ne veux pas qu'elle fréquente cet individu douteux, de peur que cela ne finisse par nuire à sa carrière. Et Suzana se soumet à l'injonction paternelle.



Un livre vraiment réussi, les descriptions des festivités du premier mai sont sarcastiques et cruelles à souhait, en même temps que l'auteur trouve un ton plus lyrique pour évoquer l'amour du narrateur et de Suzana. Même si la comparaison avec Iphigénie ne m'a pas complètement convaincue, c'est un livre qui décortique avec justesse et sans emphase le quotidien et les mécanismes de domination dans un régime totalitaire. Tout en gardant une dimension humaine.
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La Fille d'Agamemnon

L'histoire du transport clandestin du manuscrit de ce livre hors de l'Albanie communiste est déjà en soi émouvante.

Mais il suffit de l'ouvrir pour ne plus le lâcher; je suis ressortie fascinée par la puissance de l'allégorie antique pour décrire la lente mais inexorable tragédie du broyage de l'individu par le système . Encore mieux que l'Antigone d'Anouilh !
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