Jacques Cartier

B LE DÉCOUVREUR
1 La mer intérieure
Le 20 avril 1534, Cartier quitte Saint-Malo avec 60 hommes sur deux navires . " Avec bon vent navigant " , il parvient à Terre-Neuve le 10 mai. (...)
Il rencontre alors les Micmacs , qui "commencèrent à traffiquer en grande joie " avec les Français, habitués qu'ils étaient à un tel négoce depuis un demi-siècle. Continuant son trajet vers le nord, Cartier parvient à Gaspé , où , le 24 juillet 1534, il fait élever " une croix de trente pieds de haut , et un écriteau (...) où il y avait VIVE LA ROI DE FRANCE. "

Né à Saint-Malo une année avant l'arrivée de Colomb aux Antilles , Cartier grandit dans l'atmosphère enfiévré d'un port qui participe à l'intense trafic maritime suscité par les Grandes découvertes . Tout Malouin qui se respecte doit être marin.

Jacques Cartier nait à Saint-Malo en 1491, un an avant que Christophe Colomb, porté par les alizés, prenne pied en Amérique. Bercé par les noroits, Jacques grandit entre les astrolabes et les sextants. La mer est son horizon, les découvreurs ses héros. Son père, commerçant, ravitaille les navires en partance. Interprète en langue portugaise, Jacques répond à l'appel du large, navigue sans doute jusqu'au Brésil. En 1520, il épouse Catherine des Granges, la fille du connétable de la ville. Ce beau mariage lui ouvre les portes de la haute société malouine. En 1534, François Ier le charge de découvrir de l'or et un passage vers le Cathay, c'est-à-dire la Chine. Cartier appareille le 20 avril. Il accoste à Gaspé, ne voit pas l'embouchure du fleuve Saint-Laurent mais à son retour, le 5 septembre 1534, il ramène avec lui deux Indiens iroquois qui apprennent assez de français pour évoquer bientôt un « royaume du Saguenay » dont les richesses supposées avivent l'intérêt du roi. Le 19 mai 1535, Cartier met le cap sur le Canada à bord de La Grande Hermine. Il remonte le Saint-Lau- rent mais est contraint d'hiverner à Stadaconé (Quebec) où le scorbut décime son équipage. Il regagne Saint-Malo au printemps 1536. Le contexte politique freine l'aventure canadienne. Cartier ne reprend la mer qu'au printemps 1540. Il rentre en juin, chargé d'or et de diamants qui s'avèrent de la pyrite et du quartz. L'expression « faux comme des diamants du Canada» fait fortune. Pas Cartier. Bon vivant, « bon biberon», il coule cependant des jours paisibles à Saint-Malo, interrompus par une épidémie de peste qui l'emporte le 1er septembre 1557.

Et lesdits sauvages nous ont certifié que c'était le chemin et commencement du Canada, lequel allait toujours en rétrécissant jusqu'au Canada ; et puis que l'on trouve l'eau douce dans ce fleuve qui va si loin , que jamais homme n'avait été jusqu'au bout, qu'ils eussent oüi ; et qu'il n'y avait pas d'autre passage que par bateau.

Après que messire de Mouy, chevalier , seigneur de la Milleray , et vice-amiral de France , eût reçu les serments et fait jurer les capitaines, maîtres et compagnons des dits navires de bien loyalement se porter au service du roi sous la charge du dit Cartier, partîmes du havre et port de Saint-Malo, avec les dits deux navires, du port d'environ soixante tonneaux chacun , équipés,
les deux, de soixante et un hommes, le vingtième jour d'avril de l'an mil cinq cent trente-quatre. Et avec bon vent naviguant , vînmes à Terre-Neuve le dixième jour de mai , et atterrîmes à Cap de Bonne Viste ( Bonavista) , situé au ....degré de longitude .

2 ) LE SAINT-LAURENT

.....Aussi, le 19 mai, Cartier s'embarque-t-il avec 100 hommes sur La Grande Hermine , la Petite Hermine et l'Émérillon , à la recherche de la mer rêvée.
.....Une quinzaine de jours plus tard , l'équipage pénètre dans le fameux fleuve
" qui va si loin , que jamais l'homme n'avait été jusqu'au bout " . La vallée du Saint -Laurent est à cette époque contrôlée par les Iroquois , qui sont répartis en trois royaumes: le mystérieux Saguenay que Cartier croira atteindre par l'Outaouais, le Canada, et enfin le plus puissant Hochelaga.

Passant outre le Saguenay, Cartier se rend jusqu'au royaume du Canada
----qui s'étend sur moins de dix milles ----et dont la capitale est Stadaconé ou Québec. (....) le 19 septembre, laissant une parie de ses hommes à Stadaconé pour surveiller navires et vivres, Cartier part avec le reste de son équipage pour Hochelaga, où il arrive le 2 octobre. Le bon accueil reçu au long du parcours se transforme en " une joie merveilleuse " que lui manifestent un millier d'Iroquois à Hochelaga.

Et après que nous fûmes sortis de la dite ville, furent conduits par hommes et femmes de la place sur le montagne, mentionnée plus haut, qui est par nous nommée Mont-Royal.

Nous nommâmes ces îles , îles de Margots ( Îles -aux oiseaux ) .....Nous les trouvâmes pleines de beaux arbres, prairies, champs de blé sauvage, et de pois en fleurs, aussi gros et aussi beaux comme je n'en vis jamais en Bretagne, qu'ils semblaient y avoir été semés par des laboureurs.Il y a force groseilliers, fraisiers et rosiers de Provins, persils, et d'autres bonnes herbes de grande odeur.

Mais à cause du trop long temps quil nous fallut pour passer entre la Bretagne et la Terre-Neuve, nous nous trouvâmes en grand besoin d'eau pour les bétes, tant les chèvres que les porcs, et les autres animaux que nous avions apportés pour les faire se reproduire dans le pays, et que nous fûmes forcés d'abreuver avec du cidre et d'autres breuvages.

Hochelaga se trouve au milieu de cette campagne, auprès dune montagne, qui est aussi labourée et fertile. Nous nommâmes cette montagne le Mont Royal [Montréal]. La ville est toute ronde et entourée de trois rangs de bois, à la façon d'une pyramide croisée par le haut. Elle n'a qu'une porte d'entrée, qui se ferme avec des barres. Sur cette clôture, en plusieurs endroits, il y a des sortes de galeries, avec des échelles pour y monter, qui sont garnies de roches et de cailloux. La ville compte environ cinquante maisons, longues d'à peu près cinquante pas ou plus chacune, et larges de douze ou quinze pas ; et toutes sont faites en bois, couvertes de grandes écorces et pelures de bois aussi larges qu'une table et bien cousues artisanalement à leur façon.

Et étant à la dite île, nous trouvâmes pleine de forts arbres, comme chênes, ormes, pins, cèdres et autre bois des nôtres, et pareillement y trouvâmes force vignes, ce que nus n'avions pas vu auparavant dans toute cette terre; et pour ce , la nommâmes l'île de Bacchus ( île d'Orléans ) .

Le capitaine ,voyant leur bon amour et bon vouloir ,fit approcher la barque où il se trouvait;et il leur donna des couteaux et de la verroterie,ce dont ils montrèrent une extrême joie...

Quoi voyant, descendirent aussi a terre, portant de ces peaux, dansant toujours et faisant plusieurs cérémonies, et, entre autres, ils se jetaient de l’eau de mer sur leur tête avec les mains, si bien qu’ils nous donnèrent tout ce qu’ils avaient, ne retenant rien, de sorte qu’il leur fallait s’en retourner tout nus et nous firent signe qu’ils retourneraient le lendemain et qu’ils apporteraient d’autres peaux

Et le mercredi suivant, dix-neuvième jour dudit mois de mai, le vent bon et convenable ; et appareillâmes avec lesdits trois navires, savoir La Grande Hermine, ....la Petite Hermine...et au troisième et plus petit navire , nommé l'Émérillon.