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Critiques de Jacques Dupin (12)
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Échancré

Une écriture pas inintéressante mais pas enthousiasmante. Il paraît que Dupin partageait avec Bataille la «haine de la poésie», qui signifiait pour lui la «destruction salubre d’une encombre de scories et de rosiers attendrissants qui font obstacle à la vue et entravent le pas en chemin vers l’inconnu.» - possible que moi, un petit rosier attendrissant de temps en temps, je trouve au fond que ça ne peut pas faire de mal. J’ai eu l’impression d’avancer dans la grisaille. Possible que ce soit mon côté gnan-gnan qui fait que tout en ayant apprécié au début l’exigence, la profondeur des poèmes de Jacques Dupin, le ton monocorde m’a lassé, leur âpreté, une certaine sécheresse m’ont empêché d’y trouver vraiment mon compte.
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L'embrasure

Une fois n'est pas coutume dans mes critiques d'après lecture, au lieu de parler du livre, du style, du contexte, des thèmes et des influences de l'écrivain, je fais le choix ici d'aborder un recueil – en l'occurrence L'Embrasure de Jacques Dupin, un auteur d'une oeuvre poétique que j'aime beaucoup - par le biais d'un seul texte, ou plutôt par un seul de ses nombreux thèmes : la poésie



Ce texte n'est pas un poème. Il n'en a ni la forme, ni l'éloquence. Dans ce texte, Jacques Dupin livre sa réflexion sur la poésie.



Voici le texte :



« Expérience sans mesure, excédante, inexpiable, la poésie ne comble pas mais au contraire approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent. Et ce n'est pas pour qu'elle triomphe mais pour qu'elle s'abîme avec lui, avant de consommer un divorce fécond, que le poète marche à sa perte entière, d'un pied sûr. Sa chute, il n'a pas le pouvoir de se l'approprier, aucun droit de la revendiquer et d'en tirer bénéfice. Ce n'est qu'accident de route, à chaque répétition s'aggravant. le poète n'est pas un homme moins minuscule, moins indigent et moins absurde que les autres hommes. Mais sa violence, sa faiblesse et son incohérence ont pouvoir de s'inverser dans l'opération poétique et, par un retournement fondamental, qui le consume sans le grandir, de renouveler le pacte fragile qui maintient l'homme ouvert dans sa division, et lui rend le monde habitable. »



Ce texte écrit en 1969 m'a beaucoup intéressé. Si j'apprécie beaucoup de lire de la poésie, je cherche aussi à comprendre le fait poétique, ce qui définit la poésie.

Philippe Jaccottet, Yves Bonnefoy, Jean-Michel Maulpoix, Jean-Pierre Siméon et beaucoup d'autres auteurs ont beaucoup écrit sur elle, ont tenté de définir les contours, les conditions et les conséquences de l'écriture poétique.



En dehors de ces travaux, on pense volontiers aujourd'hui que la poésie est avant tout affaire de goût personnel, d'intérêt particulier. Elle est là pour combler une attente, un besoin. On utilise la poésie pour trouver un réconfort, voire pour certains, pour « sauver le monde ».



La poésie est aujourd'hui largement promue : le marché de l'édition se porte aujourd'hui très bien. On ne compte plus les jeunes maisons d'édition qui publient de plus en plus d'auteurs (la plupart inconnus). Actives sont les Maison de la poésie présentes dans toutes nos régions, qui proposent chacune des soirées lecture ou des poésie-concerts. Puis ce sont les salons de la poésie qui se multiplient un peu partout en France, avec des rencontres organisées avec les auteurs. C'est encore l'éclosion des sites en ligne dédiés à la poésie, l'utilisation des réseaux sociaux par de nombreux auteurs pour diffuser leurs écrits, le nombre imposant d'ateliers d'écriture qui enseignent à tous les règles essentielles d'un bon poème, et plus retentissant encore, les « stars » de la poésie qui font dans le monde entier des soirées de lecture-promotion de leur livre dans de grandes salles pleines à craquer, moyennant le prix d'une place qui dépasse largement celui du recueil, etc.



On le voit, la poésie est partout… et nulle part.

Dans l'effort de promouvoir en grand la poésie, dans toute sa diversité et sa richesse, je crains que l'on ne perde notre vrai lien à la poésie, à ce qui en elle fait sens. Faire sa promotion à grande échelle, c'est susciter, créer un besoin chez le lecteur. L'enjeu est de taille : il faut aimer la poésie, il faut lire de la poésie, vendre de la poésie.



Vue ainsi, elle n'est plus réduite qu'à une valeur en soi, à une fonction, à une utilité. Les arguments éditoriaux ne manquent pas qui nous vantent une poésie « qui fait du bien », qui « sauvera le monde » (encore ?), une poésie « déjà 500 000 lecteurs ! », une poésie qui nous fait aimer un « poète-caution » et nous fait ignorer tous les autres, etc.



Une poésie qui ne créé pas de liens, une poésie qui se différencie, qui n'est plus qu'affaire de goût personnel, qui se retranche des autres et se réfugie dans l'adage « tous les goûts sont dans la nature », qui repousse toujours plus loin les limites de son audience, cette poésie-là m'effraie un peu.



A tout cela, je préfère une poésie multiple, diverse, surprenante, (é)mouvante, dans laquelle le lecteur vient creuser l'infinité du sens et l'oeuvre du langage. Je veux croire en une poésie qui laisse insatiable notre besoin de découvrir des auteurs, des styles, des formes, y compris celles contraires à nos préférences, à notre intérêt, source inévitable d'enrichissement et de vrai attachement à l'écriture, au fait poétique. Une poésie en tout cas détachée du temps et de ses injonctions, une poésie libre et ouverte.





Sans doute ai-je un peu dévié du propos de Jacques Dupin, que l'on veuille bien m'en excuser. Je reviendrai parler de ce grand poète.



.

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Alberto Giacometti : Eclats d'un portrait

Magnifique livre où le poète Dupin -ou faut-il dire l'ami Jacques?- se livre, dans l'atelier parisien de l'artiste, au regard et au pinceau de Giacometti, tandis que l'objectif d'Ernst Scheidegger traque les phases successives de l'oeuvre.



Le poète avec ses mots et le photographe avec ses clichés tentent de fixer, chacun à leur manière, le travail des traits dont le réseau dense et arachnéen traque la figure, cerne les yeux, enfonçant la vérité tout au bout d'une distance soudain sidérale.



Le livre lui-même, enserré dans son étui oblong, - dense, petit, précieux ,- est une sorte de viatique qu'on découvre puis qu'on ouvre avec le sentiment d'une infraction.



Comme si un peu du secret de l'art nous était subrepticement révélé.



Après cette séance de portrait peint, suit une étonnante série de clichés sur l'élaboration d'une tête en glaise, sans le moindre commentaire: on croit voir le ballet des doigts modelant les pommettes, enfonçant les orbites, faisant saillir l'arcade sourcilière. Le livre se clôt sur un troisième chapitre, dans la maison montagnarde de Stampa , dernier hommage à l'artiste et à l'ami disparu.



Un petit livre ouvert sur le mystère infini de la création. ..
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Dehors



Avec celle d'autres poètes, à chaque fois que je reviens vers l'oeuvre de Jacques Dupin, elle suscite toujours autant ma curiosité.



Dans les nombreuses parties qui composent Dehors, le poète expérimente de multiples formes d'écriture (textes en prose, quatrain, poèmes de structure libre ou en un seul vers, etc.).



Mais le plus intéressant chez Jacques Dupin, une constante dans son oeuvre, c'est ce qui sous-tend son écriture, ce qui la structure. Dans ses poèmes, ce qui est dit n'est jamais rapporté à une origine précise, à une situation ou à un sujet déterminé. L'esquisse d'un lieu, d'un paysage, d'une présence, reste en l'état, comme suspendu. Ainsi, dans ce texte :



« Corps décapité d'un seul

l'humus, l'ondée, les feuilles,

l'éclaircie,

d'autres sentes, la forêt,

des feuilles obscures jetées

contre une épaule,

la lumière...



Qu'il se dresse, un corps sans limites,

même le sien, sa déchirure

ravaudée,

l'air siffle

entre ses genoux,

l'écart faiblit, le souffle

tant qu'il traversera ma main...



quelques mots désaccordés

pour mourir » *



La phrase est comme une mise en relation de diverses choses vagues, à peine construites, divergentes, nébuleuses. Elle n'a pas d'ancrage, pas de référence stable, de sujet identifiable, qui soit celui d'un monde reconnaissable. Tout paraît déconstruit, laissé là, à l'abandon.



Dans la poésie de Dupin, il n'y a pas la logique de l'identité, de la subjectivité, de l'ici comme centre de tout. Tout le travail d'écriture se déplace, se met en dehors de la pensée agissante. L'ailleurs de l'écriture, ne se confond pas avec ce qu'elle montre, avec ce qu'elle désigne ou signifie.



Chez Jacques Dupin, la poésie ne semble pouvoir exister que par le double mouvement de la destruction et la (re)création de la parole. Il apparaît comme sa condition. La poésie, pour exister, a besoin d'un vide, d'une vacuité. L'indéterminé, l'incohérence, l'informel sont chez Jacques Dupin des puissances vitales, créatrices du poème. Souvent dans ses textes, on trouve des nuances qui agissent comme des forces contraires, alliant la douceur et l'âpreté au creux des choses :



« chaque infime tassement de vertèbres

t'illumine



ni affres ni pullulement ta pensée



une macération de signes

dans l'oubli la chaux



puisqu'en la respirant

je t'opprime



comme en amour on quitte

une illusion



de territoire



l'intégrité d'un arôme

ingénu



et mutilant »



La poésie de Jacques Dupin a quelque chose en soi qui interroge, qui déconcerte. Elle ne répond pas aux questions, elle ne prétend à rien, elle ne fait que déposer la matière brute des choses, d'une présence, les multiplier, les déplacer, à l'écart de notre subjectivité, de notre rapport au monde et à la langue.



Ce déplacement à l'écart de notre subjectivité est une force créatrice qui nous rappelle que le langage est d'ici, mais aussi d'ailleurs, qu'il est au-dedans de nous mais aussi tout à l'écart, fascinant.



« Il n'y a pas de fin, tout peut reprendre, s'écrire, s'enchaîner : le cri, le calme, le dehors... »



.

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L'Embrasure  - Gravir - La ligne de rupture..

Jacques Dupin nous a quittés ce 27 octobre 2012. Avec son souvenir, c'est tout un pan de ma jeunesse estudiantine qui ressurgit. Ce jour d'Avril où il accompagna ma découverte de Giacometti au gré de dessins et sculptures exposés à la galerie Lelong de Paris. Ce soir d'automne où je le rencontrai après une lecture publique où sa voix grave avait rempli la salle de solennité profonde. Dupin cherchant à exprimer la violence de la rupture, le cheminement dans une nature animée par le feu. Dupin encore, occupé par la rédaction d'une oeuvre sur Miro, intarissable sur le peintre, passant d'une verve passionnée à un silence songeur. J'étais intimidée par l'artiste, mais si désireuse de sonder en lui cette énergie qui pousse à écrire! Dupin que je relis aujourd'hui, honorant un grand poète, incontournable désormais dans le paysage de la poésie française.
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Ballast : Contumace,échancré, le grésil

Jacques Dupin confiait que "La poésie n'a besoin que de mots. Elle peut exister sans les mots. Elle peut se passer de table, de papier, de tremplin. Elle n'a aucun besoin d'être vendable, d'être lisible. Elle se contente de peu, et de moins encore. Elle vit de rien. Ou de l'air du temps. du désir, et de la mort. Et du vide qui la soulève... Pourtant elle s'adresse à quelqu'un. À un lecteur inconnu. À l'inconnu de tout lecteur".



Effort et préoccupation de tous les instants, pour le lecteur : trouver sa voie, dans celle de l'écriture du poète, dans cette part d'inconnu en lui. C'est cet effort qu'exige tout particulièrement la lecture de l'oeuvre de Jacques Dupin. C'est une poésie brute, asymétrique, toujours en déséquilibre et où le sens fait souvent défaut. Elle peut paraitre déstabilisante voire rebutante à la première lecture. Il y a chez l'auteur le refus d'une écriture utilitaire, centrée sur elle-même et le lecteur. Les mots, l'écriture sont pour l'auteur une voie vers l'inconnu (celui du lecteur), vers le temps d'avant le langage, une poésie minérale, organique, d'un temps à venir. C'est tout ce que j'ai senti et aimé dans ce beau recueil.



Poésie visuelle aussi : dans le style de Jacques Dupin, dans le rapport constant et oppressant à la douleur, à la solitude, j'ai souvent pensé aux œuvres de Francis Bacon en lisant le recueil. Ironie de l'histoire et des rencontres, le peintre a réalisé un saisissant portrait du poète en 1971. Une écriture mise en image.
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Miro

Je dois dire que juan Miro n'est pas un artiste qui m'a attiré d'emblée . Ce petit livre m'a permis de mieux comprendre sa démarche et sa place dans l'art moderne. D'abord par le court essai de Jacques Dupin (spécialiste du peintre) puis par la suite de trente reproductions couleurs qui permettent de parcourir son oeuvre.
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Le corps clairvoyant : 1963-1982

Dans un murmure proche à nos oreilles, les poèmes de J Dupin sont brutes comme des minéraux ou comme la bestialité des animaux. Son écriture est sèche et ne laisse aucun échappatoire à son lecteur. (...)
Lien : http://xg-melanges.tumblr.co..
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Ballast : Contumace,échancré, le grésil

D'une grande beauté....J'ai découvert Dupin il y a peu......
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Alberto Giacometti : Eclats d'un portrait

Dans ces Eclats d’un portrait, Jacques Dupin ne nous livre pas le simple compte-rendu, toujours lacunaire, d’un souvenir. Par delà l’anecdote qui concerne le 46 rue Hippolyte-Maindron à Paris (14ème), l’automne 1965 qui vit Giacometti accepter, par amitié pour Jacques Dupin, l’intrusion de la camera de Ernst Scheidegger et le hasard qui permit de retrouver à Zurich, dans les studios de Scheidegger, une caisse remplie des photos du film, ce qu’on lit dans ce très beau livre est une relève.

Il ne s’agit pas pour Dupin de dire on ne sait trop quelle vérité sur ce qui s’est passé dans cet atelier mais dans le jeu entre les images reproduites ici et les mots de Jacques Dupin de dire au plus juste. De reprendre. Porter plus avant le souvenir, cela est relever. Porter hier dans un futur.

Le porter au plus près de cette avancée dans l’inconnu, après que le premier trait comme le premier pas ait introduit le porte-à-faux d’un déséquilibre. Et c’est alors comme un souffle toujours là à tisonner le feu qui à brûler toujours plus, s’effondre braise sur braise. Et c’est cet éboulement, celui d’une interrogation qui s’entretient interminablement elle-même, qui tient, trait à trait, comme tiré du vide et devant nous porté comme devant le regard perdu de Giacometti. Qu’il dessine ou sculpte – les deux séries de photographies sont superbes de complicité attentive – une tête – celle de Dupin, « tête d’un autre dans le regard d’Alberto » écrit-il – surgit moins qu’elle ne se déclôt, sur la toile ou dans le bloc de terre, trait pour trait, pétale de terre après pétale de terre, comme autant de saetas, flèches sonores qui déchirent le ciel vide, à partir d’un tout perdu, ce fantôme de tête que Giacometti a perdu, explique Dupin, à peine s’est-il emparé du pinceau ou de la terre.

Il est ainsi très émouvant de suivre Giacometti et Dupin avancer dans l’ignorance de la fin sans souci d’arriver. Etrange voyage vers la figure ! Vers ce qui se dérobe toujours alors même qu’elle s’affirme, se cache alors qu’elle se montre, se détruit alors qu’elle se construit. Etrange construction dont le processus est de démolition ! Ici travaille la ruine. C’est elle qui édifie, trait contre trait ; coup de pouce contre coup de pouce. Ce qui élève abaisse, ce qui amoindrit relève.

Ce livre est l’autre scène d’une danse . Celle de mains funambules, amoureuses du vide.

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Le corps clairvoyant : 1963-1982

Génie de Jacques Dupin.
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Ballast : Contumace,échancré, le grésil

Critique de J.-Y. M. pour le Magazine Littéraire



Avec L’Embrasure et Gravir, Jacques Dupin, né en 1927, est entré très tôt (en 1971) dans la collection « Poésie/Gallimard ». Il y a quelques années, un volume intitulé Le Corps clairvoyant, édité par Jean-Christophe Bailly et Valéry Hugotte, est venu donner une vision plus juste de son oeuvre, marquée par un constant dialogue avec les grands peintres du xxe siècle dont il fut l’ami (il a travaillé toute sa vie pour la galerie Maeght, puis pour la galerie Lelong). Le volume qui paraît aujourd’hui fait suite au Corps clairvoyant : il reprend trois recueils publiés par Jacques Dupin chez P.O.L entre 1986 et 1996, qui démontrent ici leur extraordinaire unité. Le paysage s’y fait plus minéral que jamais, où le poète abandonne au bord de sa route « les anciens cailloux de croyance », en restant toutefois attentif à la vie animale et aux humbles leçons du corps. Poèmes âpres, fracturés, ascétiques parfois, qui plongent dans la matière pour dire la précarité de la condition humaine.
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