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Citations de Jacques Spitz (152)


Jacques Spitz
Le danger de devenir idiots n'est pas de nature à effrayer les hommes, car, à tout prendre, ça ne les changera pas beaucoup.

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Il y a des gens qui ne sont jamais contents. Ils vous trouvent trop tristes, ou trop gais. Avec eux, toujours quelque chose de trop. Moi, j’aime beaucoup le « trop », c’est le signe d’une riche nature.

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Assis face à face, nous nous sommes d'abord dévisagés -si l'on peut dire- en silence. En pleine lumière, nous évaluions, d'un œil sévère encore qu'invisible, nos débris réciproques, comme deux femmes qui jugent de leur toilette.
Il avait non seulement perdu les fémurs mais son os iliaque pourri était percé des vers. Une moisissure verdâtre sourdait entre les vertèbres de sa colonne et, les sutures de son crâne ayant cédé, il avait l'air d'avoir pris pour tête la carapace hérissée de piquants d'un vieux crabe. Sur le sternum s'étalait une espèce de crachat noirâtre et rongeur. Son état de décomposition était beaucoup plus avancé que le mien.
- Vous auriez dû vous faire incinérer, c'eût été moins écœurant ! Fis-je pour rompre le silence.
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— Mesdemoiselles, messieurs, commença alors le professeur, la venue de l’an 4000 que nous devons sous peu célébrer, me fournirait le prétexte, si prétexte il devait y avoir, au sujet du cours que j’ai choisi de traiter devant vous pendant la présente année scolaire. Il m’est apparu, en effet, que le moment était venu où l’on pouvait dresser un tableau d’ensemble, riche en multiples perspectives, de cette époque de l’histoire du globe et de l’humanité que, le premier, j’ai baptisée du nom d’ère quinquennaire, et qui va de la fin de l’ère quaternaire, en l’an 2006, jusqu’à nos jours. Au cours de cette première leçon, je me contenterai de vous exposer dans ses grandes lignes le plan général du cours que je vais être amené à vous faire.
Nous commencerons d’abord par un rappel rapide des conditions de vie à l’ère quaternaire, cette époque aujourd’hui presque oubliée, si mal connue, cette époque dis-je où la terre comptait cinq parties du monde habitables, trois races de différente couleur, et où l’humanité, qui atteignait alors le chiffre de deux milliards d’individus, était morcelée en nations différentes dont la principale occupation était de se battre entre elles pour s’arracher des lambeaux de territoire ou des droits à l’exploitation des richesses naturelles. Nous avons peine à concevoir la gravité de ces rivalités d’un autre âge. Mais toute l’époque quaternaire peut être placée sous le signe de la lutte : combats entre individus, combats entre tribus, luttes des seigneurs féodaux, guerres entre nations, entre classes, entre races. Le trop-plein des forces de la jeune humanité placée dans des conditions de vie exceptionnellement faciles, n’avait alors pour s’employer que ces rivalités dont nous ne trouvons plus la trace héréditaire que dans les jeux brutaux auxquels se livre encore de nos jours l’heureuse confrérie du jeune âge.
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« Je ne me sens pas bien. » Cette phrase a-t-elle encore un sens quand, depuis si longtemps, on ne se sent plus du tout ?

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On a sonné, secoué la porte. Allongé sur le divan, je n’ai pas bougé. J’attendais que la porte s’ouvre toute seule. Mais elle a tenu bon, elle a compris : c’est une amie.

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Il se comparait au berger chaldéen rêvant sur le mystère des étoiles, à la sentinelle avancée guettant dans les marches polaires l’avance de la vague de froid qui, d’un pôle à l’autre, ne ferait plus de la terre qu’une immense banquise. Il se comparait à tout, sauf à ce qu’il était : un pauvre homme amoureux et déçu.
À vrai dire, il s’attachait moins aux aurores magnétiques qu’à la contemplation des simples nuages. Diaphanes, jetant sur le ciel comme une moire, une retombée de dentelles, ils laissaient jouer sur leurs contours changeants les teintes les plus exquises allant, par des passages d’une gradation insensible, du rose pimprenelle au gris tourterelle, de la pourpre de Tyr au blond d’Hollywood. Parfois, passait entre les déchirures un soleil rougeoyant, moins soucieux de répandre sa chaleur que de raffiner encore sur les jeux de lumière dans les draperies nuageuses. Sur le déclin de sa vie, l’astre du jour devenait électricien de théâtre. Ses feux se dispersaient en fêtes magnétiques, en feux d’artifices tirés pour les funérailles du système solaire, deuil silencieux et grandiose qu’un cœur mélancolique pouvait trouver en harmonie avec son amertume. C’est là que peu à peu Pat chercha à oublier qu’il aimait…
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Dans Tombouctou 2, la ville souterraine à plus de huit cents mètres de profondeur, Pat flânait. Il suivait le boulevard O à P dont la voûte d’émail blanc offusquait moins son regard que les voûtes en béton. Flanqué d’immeubles de douze étages, avec leurs rez-de-chaussée transformés en vitrines brillamment éclairées à la lumière froide, le boulevard O à P, de cent mètres de large et de soixante-quinze mètres de haut, était une des plus importantes artères. Le long des monorails suspendus au sommet de la voûte parabolique glissaient sans bruit les trains électriques urbains, et de trois cents mètres en trois cents mètres s’élevaient les colonnes de marbre des stations nichées dans le creux des grands arcs de soutien. Le courant de ventilation qui balançait légèrement les robes des passantes, était chargé d’une légère odeur de verveine. À ce signe Pat reconnut qu’il était cinq heures, l’heure élégante. À six heures, soufflerait la brise marine, plus énergique et plus salubre pour ventiler la foule sortant des ateliers.
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Qu'est-ce que la causalité ? Le rapport qui unit la cause à l'effet. Il y a des nuages, il va pleuvoir. J'entre dans l'eau, je vais me noyer. La terre tourne autour du soleil, demain sera pareil à hier. Lien causal partout autour de moi. Le monde est causal. Pas de miracles. J'enferme le monde dans la vision causale que j'en prends. Mais ne croyez-vous pas que le monde, le vrai monde, s'en fout, lui, de la causalité ? La neige se soucie-t-elle de savoir qu'elle provient de l'eau congelée ? Et la vapeur serait bien étonnée si on lui parlait de son père l'eau. D'autant qu'elle pourrait prétendre l'inverse avec autant de raison. Ce monde pourrait avoir un autre aspect que l'aspect causal. On pourrait l'habiller de tout autre vêtement, en venir à le voir sous un nouveau complet veston, une houppelande, un justaucorps, une toge, que sais-je ? Ce serait précisément faire un voyage dans la causalité, une excursion dans la "chose en soi" comme disent les philosophes.
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La pensée que je vois ce que je n'aurais jamais dû voir ravive ma curiosité pour ma propre vision du monde. Je délaisse la photo qui ne peut rien m'apprendre de neuf (toujours les mêmes arbres, les mêmes maisons, les mêmes femmes...) pour revenir au témoignage de mes yeux. Je fais même entrer ce témoignage tel quel dans mes toiles et ne peins plus que des scènes entre squelettes. On dira que j'ai une imagination macabre. Je m'en moque. Il faut d'abord peindre ce que l'on voit... Et puis, ces personnages réduits à leurs os conviennent admirablement aux valeurs ambrées, patinées, opaques qu'ont pour moi les couleurs les plus claires à leur sortie même du tube. Je ne vois sur ma palette que bitume, noirs verdâtres, violets à reflets lie-de-vin, qui sont les couleurs mêmes de la décrépitude en harmonie avec mes nouveaux sujets, genre "Fêtes Galantes au Cimetière".
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La guerre ! Ainsi toutes les inquiétudes dont témoignaient les gens durant ces derniers temps n'étaient pas sans fondement. Je ne peux m'empêcher de penser qu'ils ont enfin obtenu ce qu'ils voulaient : cette espèce d'excitation collective qui semble nécessaire de temps à autre aux organismes sociaux, comme un stimulant est parfois nécessaire à l'individu. Il ne leur faut rien moins que la perspective d'un massacre général pour les sortir de leur torpeur habituelle.
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Peut-être m’avez-vous classé dans la catégorie des originaux, disait-il. Dans la vie, j’ai choisi de penser. Les hommes, ces animaux qui pensent, pensent si peu, que celui qui s’y refuse à observer pareille parcimonie fait sans doute figure d’original…

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Tout, ici-bas, m’aura déçu : hommes, femmes, sans compter moi-même. Les hommes sont de tristes pantins, les femmes de funèbres putains, et moi, sans talent, sans grandeur, je suis un lâche pour avoir condescendu à vivre pendant près de trente ans en pareille compagnie.

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Je suis mort, et il n’y a rien de changé dans l’univers : dirai-je que c’est un peu décevant ?

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- Toi non plus, tu n’as pas la vocation. Tous les peintres, les vrais, sont optimistes…
- On ne peut être optimiste quand on voit des gueules comme les vôtres.

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Voici l'exemple de la famille Randon. Une famille d'honnêtes ouvriers, c'est-à-dire qui furent honnêtes avant la mise en pratique de la flohrisation. Depuis que s'est-il passé ? Le père pour gagner sa vie dans la mécanique de précision a dû accepter de réduire sa taille à 24 centimètres. Sa fille aînée Flora, pour suivre une mode imbécile, qu'elle a encore exagérée comme tous les faibles d'esprit, s'est fait développer jusqu'à 2,60 mètres. Le second fils, né bossu, dans l'espoir de faire oublier son infirmité en grandissant artificiellement, a poussé le traitement jusqu'à 3,20 mètres, sans autre résultat que de ressembler à un immense polichinelle. La mère a voulu suivre son mari dans la direction du nanisme, mais sans courage pour aller jusqu'au bout elle est restée à 53 centimètres. Enfin dans une crise d'amour maternel, mal compris naturellement, pour pouvoir continuer à dorloter et serrer dans ses bras son dernier-né, son Benjamin, elle l'a fait diminuer jusqu'à 12 centimètres.

"Je vous demande, messieurs, d'imaginer ce que peut-être le spectacle de ces gens réunis autour de la table familiale. Quelle unité, quel amour, quelle entente peuvent régner entre des êtres dont la taille s'échelonne entre 10 cm et 3 mètres et plus ? De quelle autorité peut jouir un père haut comme un tire-bottes devant ses grands dépendeurs d'andouilles d'enfants ?"
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Du fond de l’abîme du temps, par-delà les années, le voyageur de la causalité tourne vers sa planète natale un télescope qui n’est qu’un Kodak !

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Je reviens des cabinets. Quel est donc ce sort qu’est le nôtre, et qui veut que, pour tout, exactement pour tout, jusque pour accomplir les actes les plus élémentaires, il nous faille péniblement lutter ?… Ainsi, dire que tout le monde nous fait ch… est une vulgarité qui n’a même pas l’excuse d’être exacte. Je sais bien qu’il y a la colique, mais si c’est là la solution !…

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Si vous vous plaignez tant de ce monde, vous n’êtes pas forcé d’en rester citoyen.

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Avec ses cheveux blonds noués à la mode nouvelle en une masse épaisse pleine d’éclairs sur la nuque, certain air de victoire irradiant de son front soigneusement courbé, avec ses yeux couleur d’aube transparente et le dessin précis de ses narines ouvertes comme des conques intelligentes à l’air qu’elle respirait, Évy, soleil de chair vivante, n’avait qu’à paraître pour chasser de son éclat les fantômes des plus belles enchanteresses du passé, pauvres étoiles lointaines que s’efforçait de ranimer l’imagination de Pat le rêveur. Et ce présent vainqueur était comme un défi jeté à la poussière morte des siècles dont auprès d’elle aucune résurrection ne semblait plus possible…
Près d’Évy, Pat éprouvait amèrement la vanité de tout ce qu’il avait jusqu’à ce jour aimé. Par bonheur, il y avait cette voix qui l’empêchait de s’attacher à elle sans espoir et pour toujours, cette voix au timbre dur, autoritaire, la voix des filles du sous-sol, et qui était le point faible de cette précieuse créature.
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