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Citations de James C. Scott (78)


A l'origine, ni en Chine ni en Mésopotamie, l'écriture ne fut conçue comme un moyen de représenter le langage.
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L'état s'est constamment efforcé d'aménager le territoire en vue de transformer les zones humides ingouvernables en champs de céréales imposables.
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La fuite, au fondement de la liberté populaire, était le frein principal au pouvoir étatique. Comme nous le verrons en détail, les sujets qui étaient directement menacés par la conscription, le travail forcé et les taxes, plutôt que de se révolter, partaient vers les collines ou un royaume voisin. (Points Seuil, p. 80)
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La logique immanente de l'enclosure, qui n'a toujours eu que peu de chances d'être pleinement mise en œuvre, est l'élimination complète des espaces non étatiques. Ce projet véritablement impérial, qui ne fut rendu possible que par les technologies d'abolition de la distance (routes praticables en toutes saisons, ponts, chemins de fer, avions, armes modernes, télégraphe, téléphone, et désormais technologies de l'information modernes incluant les systèmes de géolocalisation), est si novateur et sa dynamique tellement différente que l'analyse que je développe ici ne saurait s'appliquer à l'Asie du Sud-Est pour la période postérieure à, disons, 1950. Les conceptions modernes de la souveraineté nationale et les besoins en ressources du capitalisme développé ont rendu cette enclosure finale manifeste aux yeux de tous. (Points Seuil, p. 42)
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Les premières sources écrites montrent toutefois que les peuples de la Mésopotamie antique comprenaient le principe de la contagion. Chaque fois que c'était possible, ils prenaient des mesures afin de mettre en quarantaine les premiers cas identifiables en les confinant à leurs domiciles sans laisser entrer ni sortir personne. Ils comprenaient que les voyageurs de longue distance, les commerçants et les soldats pouvaient être porteurs de maladies. Leurs pratiques d'isolement et de prévention préfigurent les mesures de quarantaine de lazarets des ports de la Renaissance.
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Nos ancêtre n'ont sans doute pas manqué de constater à quel point les incendies naturels transformaient le paysage en éliminant la végétation antérieure et en encourageant la colonisation rapide des sols par une quantité d'herbes et d'arbustes, dont beaucoup étaient porteurs de graines, de baies, de fruits et de noix très recherchés. De même, ils ont sans doute observé que les incendies chassaient le gibier fuyant leur avancée, mettaient à nu les nids et les terriens cachés des petits animaux et, surtout, stimulait les espèces végétales et les champignons susceptibles d'attiser l'appétit de proies potentielles.
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p. 134: Je laisse à l'imagination du lecteur ce que pourrait être le récit d'une chèvre antique et omnisciente sur l'histoire de la transmission des maladies au Néolithique.
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Au cours du XIX° siècle, le bien-être de la population fut de plus en plus perçu comme une fin en soi, et pas seulement comme un moyen de enforcer la puissance de la nation. Une condition essentielle de cette transformation fut la conception nouvelle de la société comme objet réifié séparé de l'État et pouvant être décrit scientifiquement. Ainsi, la production de savoir statistique sur la population - profils démographiques, occupations, taux de fertilité, alphabétisation, taux de propriété foncière, propension au respect de la loi (telle qu'indiquée par les statistiques sur la criminalité) - permit aux agents de l'État de la représenter de manière nouvelle et élaborée, tout comme la foresterie scientifique permit au forestier de décrire la forêt avec un degré de précision inégalée. […] Les données statistiques se muèrent en lois sociales. Il n'y avait ensuite plus qu'un petit pas à faire pour passer d'une description simplifiée de la société à sa refonte et sa manipulation, guidées par l'idée de son amélioration. Si l'on était capable de changer les contours de la nature afin de concevoir une forêt mieux adaptée, pourquoi ne pas changer les contours de la société dans le but de créer une population mieux adaptée?
La portée de ces interventions était quasiment infinie. La société devint un objet que l'État pouvait administer et transformer dans le but de le perfectionner. Un État-nation progressiste pouvait concevoir sa société selon les standards techniques les plus avancés proposés par les nouvelles sciences morales. L'ordre social existant, que les Etats passes avaient plus ou moins tenu pour acquis et qui se reproduisait jusqu'alors sous l’œil attentif de l'État, fit pour la première fois objet d'une gestion active. Il devint possible d'imaginer une société artificielle, fabriquée, conçue non par la force des coutumes et des accidents de l'histoire, mais suivant des critères scientifiques conscients a rationnes. […] Les projets d’amélioration de la vie quotidienne furent portés par des hommes et des femmes politiques progressistes en matière d'urbanisme et de santé publique et mis en œuvre sous forme de villes-usines modèles ou de nouveau organismes d'aide sociale. Les sous-populations jugées défaillantes et de ce fait potentiellement menaçantes - les indigents, les vagabonds les malades mentaux et les criminels - furent généralement l'objet des formes les plus intenses d'ingénierie sociale.

Les fondements de cette perspective sont fortement autoritaires. Si un ordre social planifié vaut mieux que les strates contingentes et irrationnelles accumulées avec le temps et la pratique, deux conclusions s'ensuivent. Seuls ceux qui disposent du savoir scientifique nécessaire pour saisir et créer cet ordre social supérieur sont aptes à gouverner dans la nouvelle ère. De plus, ceux qui, du fait de leur ignorance rétrograde, refusent de se soumettre au plan scientifique, doivent être rééduqués afin de lui être utiles, ou bien ils seront balayes. […]
L'idéologie haut-moderniste tend ainsi à dévaluer ou à bannir la politique. Les intérêts politiques ne peuvent qu'entraver les solutions sociales imaginées par les spécialistes équipés d'outils scientifiques adap tés à leurs analyses. À titre individuel, les haut-modernistes pouvaient souscrire à des vues démocratiques sur la souveraineté populaire ou à des positions libérales classiques concernant le caractère inviolable de la sphère privée, qui réfrénaient peut-être un tant soit peu leur ardeur, mais celles-ci étaient extérieures à leurs convictions haut-modernistes et souvent en conflit avec elles.
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Toutes ces techniques administratives [quantitatives] ont pour principal défaut le fait de fonctionner, au nom de l’égalité et de la démocratie, comme une gigantesque machine « antipolitique », balayant des vastes pans du débat public hors de la sphère publique pour les remettre entre les mains des comités techniques et d’administration. Elles entravent la tenue de débats potentiellement instructifs et vivifiants au sujet des politiques sociales, de la nature de l’intelligence, de la sélection des élites, de l’importance de l’égalité et de la diversité, et de la raison d’être du développement et de la croissance économiques. Bref, elles donnent aux élites techniques et administratives les moyens de convaincre un public sceptique (tout en l’excluant du débat) qu’elles ne font aucun favoritisme, n’entreprennent aucune action discrétionnaire obscure, n’ont aucun parti pris.
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Aujourd’hui, au delà de l’État-nation comme tel, les forces de la standardisation sont représentées par des organisations internationales. L’objectif principal d’institutions comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce, l’UNESCO et même l’UNICEF et même la cour internationale, est de propager partout dans le monde des standards normatifs (des « pratiques exemplaires ») originaires, encore une fois, des nations de l’Atlantique Nord. Le poids financier de ces agences est tel que le fait de ne pas se conformer à leurs recommandations entraîne des pénalités considérables qui prennent la forme d’annulation de prêts et de l’aide internationale.
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On ne peut nier que la plupart des grands épisodes de réforme ont été déclenchés par des désordres majeurs que les élites se sont empressées de contenir et de normaliser. Certains préfèreraient sans doute légitimement des formes plus convenables de manifestations, des formes d’action acquises à la non-violence, qui visent une forme de supériorité morale en s’en remettant à la loi et aux droits démocratiques. Nonobstant de telles préférences, les réformes structurelles ont rarement été le fait de revendications convenables et pacifiques.
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J’avance ici l’hypothèse que les deux derniers siècles passés sous l’emprise de l’Etat et des économies libérales nous ont peut être socialisés de telle sorte que nous avons pratiquement perdu toutes nos habitudes de mutualité et que nous sommes par conséquent en danger de devenir exactement les dangereux prédateurs qui selon Hobbes peuplaient la nature à son état sauvage. Le Léviathan a peut être ainsi donné naissance à sa propre justification.
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Pour qu'il y ait État, il doit y avoir contrôle de la population soumise, et seules les céréales le permettent : riz, blé, orge, maïs, sorgho, millet - les quatre première représentant aujourd'hui plus de la moitié de la consommation mondiale de calorie. Et être gouverné, (...) " c'est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, côté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé ".
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Ce que l'Etat a certainement inventé, ce sont des sociétés de grande taille reposant systématiquement sur le travail forcé et une main d'œuvre asservie.
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Mauvaises herbes, nuisibles, vermine et barbares - tous les non domestiqués - menaçaient les acquis de l'Etat céréalier. S'ils n'étaient pas domptés et domestiqués, ils devaient être exterminés ou rigoureusement exclus de la domus.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ?
Dans les livres, on donne les noms des rois.
Les rois ont-ils trainé les blocs de pierre ?
Babylone plusieurs fois détruite,
Qui tant de fois l'a construite?"
-Bertolt Brecht
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Je suis tenté de voir la révolution néolithique récente, malgré toutes ses contributions à la formation de sociétés complexes, comme un cas de déqualification massive. Afin d'illustrer les gains de productivité autorisés par la division du travail, Adam Smith avait recours à l'exemple emblématique de l'usine d'épingles, où chaque phase de fabrication reposait sur une tâche infime exécutée par un ouvrier différent. Tout en exprimant sont admiration pour La Richesse des nations, Alexis de Tocqueville ne pouvait s'empêcher de remarquer : Que peut-on attendre d'un homme qui a employé vingt ans de sa vie à faire des têtes d'épingle?
L'on pourra juger trop sombre cette appréciation d'une percée historique à laquelle on attribue la possibilité même de la civilisation ; du mois pourra-t-on dire que la révolution néolithique a entrainé un appauvrissement de la sensibilité et du savoir pratique de notre espèce face au monde naturel, un appauvrissement de son régime alimentaire, une contraction de son espace vitale et aussi, sans doute, de la richesse de son existence rituelle.
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En tant qu'espèce, nous sommes enclins à nous percevoir comme le sujet agent des récits de la domestication. C'est nous qui avons domestiqué le blé, le riz, les moutons, les cochons, les chèvres. Mais si l'on examine la question sous un angle légèrement différent, on pourrait argumenter que c'est nous qui avons été domestiqués.
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La domestication a changé la constitution génétique et la morphologie des espèces cultivées et des animaux présents dans l'espace de la domus. La cohabitation de plantes, d'animaux et d'humains qui caractérise les sites agricoles a engendré un nouvel environnement largement artificiel au sein duquel la pression de la sélection darwinienne a promu de nouvelles adaptations. Les nouvelles cultures sont devenues des espèces handicapées incapables de survivre sans des soins et une protection constante de notre part. Les moutons et chèvres domestiques ont subi le même traitement : tandis que leur taille diminuait et que leur dimorphisme sexuel devenait moins marqué, ils se faisaient plus dociles et moins conscients de leur environnement. N'est-il pas plausible que dans un tel contexte, un processus similaire ait affecté les humains ? Comment avons-nous été nous aussi domestiqués par la domus, par notre confinement, par une plus forte densité démographique et par nos nouveaux modèles d'activité physique et d'organisation sociale ?
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Le bien-être d’une population ne doit jamais être confondu avec la puissance d’un centre étatique ou palatial. Il n’était pas rare que les sujets des premiers États abandonnent l’agriculture et les centres urbains afin d’échapper aux impôts, à la conscription, aux épidémies et à l’oppression. Sous un certain angle, on peut considérer qu’ils ont ainsi régressé vers des formes de subsistance plus rudimentaires, telles que la cueillette ou le pastoralisme. Mais sous un autre angle, que je crois plus pertinent, on peut se féliciter qu’ils aient ainsi échappé au paiement d’un tribut en main d’œuvre et en céréales, survécu à une épidémie, échangé une servitude oppressive contre un surcroit de liberté et de mobilité physique, voire évité la mort au combat. En pareilles circonstances, l’abandon de l’État pouvait être vécu comme une émancipation. Il ne s’agit certainement pas pour autant de nier que l’existence en dehors de l’État était souvent à la merci de toute sorte de violences et de prédations, mais plutôt d’affirmer que nous n’avons aucune raison de supposer que l’abandon d’un centre urbain entrainât, ipso facto, une longée dans la brutalité et la violence
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