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Olivier Ruchet (Traducteur)
EAN : 9782348057359
600 pages
La Découverte (07/01/2021)
4.36/5   11 notes
Résumé :
Pourquoi, malgré des intentions parfois sincères et orientées vers le bien-être de leurs populations, les États modernes les ont-ils si souvent malmenées, voire meurtries ? Pourquoi, malgré les moyens colossaux mis en œuvre, les grands projets de développement ont-ils si tragiquement échoué et ravagé l’environnement ? Dans cette recherche foisonnante, James Scott démonte les logiques bureaucratiques et scientifiques au fondement de ces projets « haut-modernistes », ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans son soucis d'accroitre la lisibilité et la simplification de manière à faciliter la levée de l'impôt, la conscription et la prévention des révoltes, l'État, dans l'Europe du début de l'ère moderne, s'est appliqué « à rationaliser et standardiser ce qui n'était auparavant qu'une sorte de hiéroglyphe social » (la langue, les noms de famille, les unités de mesure, les villes et les transports, les propriétés, les registres de population et les cadastres, etc). James C. Scott étudie les logiques bureaucratiques et scientifiques de projets « haut-modernistes » choisis parmi un vaste champ d'exemple de cette « ingénierie sociale », de la foresterie scientifique à l'urbanisme planifiée Le Corbusier, en passant par la planification autoritaire en Tanzanie et la collectivisation de l'agriculture soviétique. Tous ont échoué. À l'encontre de ces « approches autoritaires centralisées et surplombantes », il défend le rôle de formes de savoirs pratiques qu'il nomme « mētis ».
(...)
Impressionnant par l'ampleur des champs étudiés, cet ouvrage est en réquisitoire implacable contre « l'impérialisme » de la planification étatique, bureaucratique et capitaliste, un vibrant hommage à l'intelligence collective, une preuve de confiance en ceux qui pensent que « le chemin se créé en marchant », comme dit le poète.


Article (très) complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Jusqu'il y a peu, James C, Scott était un nom comme un autre -celui d'un universitaire savant, dont les travaux sur les origines des civilisations humaines n'intéressaient guère que ses collègues directs, fascinés ou irrités par ses thèses iconoclastes. Mais le succès de Zomia (La Découverte, 2013), son livre consacré aux territoires vivant à l'écart de toute mainmise étatique, puis de Homo Domesticus (La Découverte. 2019), sa relecture incendiaire de la "révolution néolithique", ont changé la donne. Soudain, Scott est devenu une des figures chéries de ceux qui s'interrogent sur les raisons pour lesquelles i l y a quelque chose de pourri dans notre monde.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Certaines formes de savoir et de contrôle requièrent une réduction du champ de Vision. Cela offre le grand avantage de mettre en évidence certains aspects précis d’une réalité par ailleurs bien plus complexe et difficile d’accès. Par le truchement de cette simplification, le phénomène placé au centre du champ de vision est rendu plus lisible et il est dès lors plus aisé de lui appliquer des mesures et des calculs précis.
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Au cours du XIX° siècle, le bien-être de la population fut de plus en plus perçu comme une fin en soi, et pas seulement comme un moyen de enforcer la puissance de la nation. Une condition essentielle de cette transformation fut la conception nouvelle de la société comme objet réifié séparé de l'État et pouvant être décrit scientifiquement. Ainsi, la production de savoir statistique sur la population - profils démographiques, occupations, taux de fertilité, alphabétisation, taux de propriété foncière, propension au respect de la loi (telle qu'indiquée par les statistiques sur la criminalité) - permit aux agents de l'État de la représenter de manière nouvelle et élaborée, tout comme la foresterie scientifique permit au forestier de décrire la forêt avec un degré de précision inégalée. […] Les données statistiques se muèrent en lois sociales. Il n'y avait ensuite plus qu'un petit pas à faire pour passer d'une description simplifiée de la société à sa refonte et sa manipulation, guidées par l'idée de son amélioration. Si l'on était capable de changer les contours de la nature afin de concevoir une forêt mieux adaptée, pourquoi ne pas changer les contours de la société dans le but de créer une population mieux adaptée?
La portée de ces interventions était quasiment infinie. La société devint un objet que l'État pouvait administer et transformer dans le but de le perfectionner. Un État-nation progressiste pouvait concevoir sa société selon les standards techniques les plus avancés proposés par les nouvelles sciences morales. L'ordre social existant, que les Etats passes avaient plus ou moins tenu pour acquis et qui se reproduisait jusqu'alors sous l’œil attentif de l'État, fit pour la première fois objet d'une gestion active. Il devint possible d'imaginer une société artificielle, fabriquée, conçue non par la force des coutumes et des accidents de l'histoire, mais suivant des critères scientifiques conscients a rationnes. […] Les projets d’amélioration de la vie quotidienne furent portés par des hommes et des femmes politiques progressistes en matière d'urbanisme et de santé publique et mis en œuvre sous forme de villes-usines modèles ou de nouveau organismes d'aide sociale. Les sous-populations jugées défaillantes et de ce fait potentiellement menaçantes - les indigents, les vagabonds les malades mentaux et les criminels - furent généralement l'objet des formes les plus intenses d'ingénierie sociale.

Les fondements de cette perspective sont fortement autoritaires. Si un ordre social planifié vaut mieux que les strates contingentes et irrationnelles accumulées avec le temps et la pratique, deux conclusions s'ensuivent. Seuls ceux qui disposent du savoir scientifique nécessaire pour saisir et créer cet ordre social supérieur sont aptes à gouverner dans la nouvelle ère. De plus, ceux qui, du fait de leur ignorance rétrograde, refusent de se soumettre au plan scientifique, doivent être rééduqués afin de lui être utiles, ou bien ils seront balayes. […]
L'idéologie haut-moderniste tend ainsi à dévaluer ou à bannir la politique. Les intérêts politiques ne peuvent qu'entraver les solutions sociales imaginées par les spécialistes équipés d'outils scientifiques adap tés à leurs analyses. À titre individuel, les haut-modernistes pouvaient souscrire à des vues démocratiques sur la souveraineté populaire ou à des positions libérales classiques concernant le caractère inviolable de la sphère privée, qui réfrénaient peut-être un tant soit peu leur ardeur, mais celles-ci étaient extérieures à leurs convictions haut-modernistes et souvent en conflit avec elles.
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Par elles-mêmes, les règles simplifiées ne peuvent en effet jamais générer de communauté, de ville ou d’économie florissante. De façon plus explicite, on peut avancer que l’ordre formel se comporte toujours dans une très grande mesure comme un parasite aux dépens des processus informels, dont il ne reconnaît pas la présence mais sans lesquels il ne pourrait pas exister, et qu’il ne peut ni créer ni maintenir par lui-même. 
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L’agriculture moderne et scientifique – caractérisée par la monoculture, la mécanisation, les semences hybrides, l’emploi d’engrais et de pesticides et la forte intensité capitalistique – a engendré un niveau de standardisation sans précédent.
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L’idée que les urbanistes se faisaient d’une ville ne correspondait ni à ses fonctions sociales et économiques réelles ni aux besoins individuels des habitants (les deux étant liés). Leur plus grande erreur tenait à la conception purement esthétique de l’ordre.
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Videos de James C. Scott (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de James C. Scott
À l'occasion de la publication de HOMO DOMESTICUS. HISTOIRE PROFONDE DES PREMIERS ÉTATS, le magazine Diacritik et les étudiants du Master Écopoétique et Création d'Aix-Marseille Université dialoguent avec JAMES C. SCOTT, historien et professeur de sciences politiques à l'Université de Yale (prochainement en ligne sur Diacritik.com, dans la rubrique "Ecocritik"
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