Si Richard Segal avait pris le temps de lire l'horoscope toujours très pointu de Jeune & Jolie, il se serait claquemuré pour les dix années à venir, ce qui lui aurait épargné la période de sa vie la plus désespérante qui soit.
a - Richard et Paula viennent de découvrir un nouveau jeu, le " je t'aime moi non plus ".
% - Riri rame comme un damné dans ce nouveau job qu'il vient de décrocher.
♪ - Ritch biberonne comme jamais après avoir eu toutes les peines du monde à s'en détacher.
7 – Coeur de Lion renfermait en lui, à l'insu de son plein gré, un traumatisme adolescent mais ça, c'était avant. Avant de croiser accidentellement son ancien tortionnaire. Les deux gamins ont grandi, sa haine de l'autre tout autant.
Au fait, le héros s'appelle Richard. L'aviez-vous deviné?
Si sa vie fait passer celle de Cosette pour un délicieux conte de fée, il n'en demeure pas moins l'acteur principal, seul personnage susceptible d'infléchir cette spirale infernale. Seulement voilà, une propension surdimensionnée à l'échec conditionné plus tard, le chaos sans fin qu'est devenue sa vie semble n'avoir d'autre limite qu'une auto-destruction programmée.
Bienvenue dans le monde bucolique de Richard, sorte d'interminable gastro pachydermique. Et bon appétit si vous êtes à table !
Mauvais Karma est un bon bouquin qui alterne le meilleur comme le pire.
Le meilleur avec cette mise en situation improbable. Difficile de ne pas se demander comment tout cela finira tout en se réjouissant - pour les plus sadiques dont je fais partie – du flot d'emmerdes discontinu suscité par ce anti-héros au bord de l'implosion. Le rythme est soutenu, l'écriture à l'instar de l'intrigue captent durablement l'attention, les pages se tournent sans qu'il faille jamais se forcer, signe d'un intérêt certain pour l'infortuné Richard.
Le pire tient en un prénom, Paula, sa douce, que l'on adorerait voir réchapper d'un attentat pour, dans la foulée, être envoyée ad patres, éclatée sous les roues d'une ambulance se rendant sur les lieux du drame. Empathie proche du zéro absolu.
Les rapports de couple sont d'un gonflant achevé. Le gugusse a deux passions dans la vie. Passer son temps à tenter de reconquérir sa mégère apprivoisée. Roucouler lamentablement comme deux ados boutonneux adorant sautiller dans la rue à l'unisson tels deux cabris siamois tout en dévorant une douze boules passion-tripes au lard-harissa, les yeux larmoyants d'un trop plein de bonheur insoutenable retrouvé, sur l'air sans fin de " ma petite amie est de retour " d'un Cloclo qu'aurait jamais dû s'improviser électricien.
Exceptées ces rares poussées d'urticaires, Mauvais Karma tire largement son épingle du jeu. L'itinéraire suicidaire de ce jeune cadre à la dérive séduit. Et puis y a même pas de vrais titres de Cloclo à l'intérieur, alors...
3,5/5
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Max Fisher a tout pour être heureux ,une entreprise innovante et prospère ,une maîtresse pulpeuse ,Angéla et tout l'argent qu'il désire .Seule ombre au tableau ,sa femme ,qu'il déteste .Alors il va décider de s'en débarrasser grâce au réseau d'Angéla qui connait un tueur à gages .Seulement ,dès le contrat lancé ,tout va partir en sucette! Un bon thriller ,drôle et plein de rebondissements .
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Séducteur habile
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Ce tome contient une histoire complète qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2021, écrits par Jason Starr, dessinés et encrés par Dalibor Talajić, mis en couleurs par Marco Lesko, avec des couvertures réalisées par Dani. Le tome contient également un texte de 2 pages du scénariste explicitant les circonstances de la création de la série, un texte d'une page de l'artiste, 2 pages de crayonnés pour les couvertures, la couverture variante de Mike Deodato Jr.
Dans un appartement de Manhattan, le papa Matthew Ryan est en train de préparer le petit déjeuner pour ses deux enfants de moins de dix qui sont déjà attablés : Emily et Justin. Son épouse Jennifer est déjà habillée, avec son manteau à la main, et elle farfouille dans son sac à la recherche de ses clés ou de son portable. Elle ramasse le biberon de Justin qui vient de tomber, et s'en va alors que l'alarme incendie se déclenche parce que le papa vient de rater les œufs. Il lui rappelle qu'ils ont rendez-vous à dix-neuf heures pour le récital de ballet de leur fille. Dans une grande tour de Manhattan, elle fait visiter les bureaux de la firme où elle est associée, à de nouveaux gros clients : Angela Foley, Harrison Wexler et Michael Stern. Arrivés dans la grande salle de réunion, elle leur présente les deux autres associés seniors : Denise Jenkins et James Stevenson. Alors qu'ils s'apprêtent à discuter affaires, le téléphone de Jennifer sonne. Elle sort pour y répondre : c'est Matthew qui souhaite savoir où elle a mis les couches de Justin parce qu'il n'y en a plus dans le sac habituel et qu'il vient de se lâcher. Elle répond qu'elle n'a pas le temps de tout expliquer et lui raccroche au nez. Elle va reprendre le cours de sa réunion.
Une fois la réunion terminée, les clients indiquent qu'ils ont d'autres réunions toute la journée, mais qu'ils ont prévu une soirée à Hudson Yards. Ses deux partenaires ayant déjà d'autres obligations, Jennifer Ryan déclare qu'elle sera ravie de les y retrouver. Le soir, avec une vue imprenable sur le monument Vessel, elle prend donc un cocktail Angela. Alors qu'elles papotent, Alex Miles vient saluer Angela qui le présente à Jennifer. Angela souhaitant aller saluer quelqu'un, Alex et Jennifer entament une conversation très plaisante, dérivant sur ses obligations de mère. Elle finit par le quitter et prend un taxi pour rejoindre le ballet de sa fille. Elle parvient sur place, avec une demi-heure de retard sur la fin de la représentation. Il ne lui reste plus qu'à rentrer chez elle et à s'excuser auprès de Matthew qui lui fait sentir sa déception, et évoque celle encore plus grande de leur fille Emily. Il finit par aller se coucher seul. Les jours suivants, la vie quotidienne reprend ses droits : promenade en famille dans les rues arborées, accompagner les enfants à des activités, les emmener jouer au parc, et dans le même temps, elle ne parvient pas à oublier le contact de la main d'Alex sur la sienne. Le lendemain, elle va chercher un café dans l'établissement en bas de son immeuble de bureau et elle a la surprise de voir arriver Alex Miles, venant prendre son petit-déjeuner.
Ce n'est pas le premier thriller de cet auteur pour l'éditeur AWA : il avait déjà écrit Red Border (2020, illustré par Will Conrad, une histoire poussive et peu convaincante. Le masque sur la couverture et la notion de relation sans lendemain font tout de suite penser à 50 nuances de Gris (2011) d'EL James. L'utilisation d'un masque pour des pratiques sexuelles entre adultes peu également faire penser à d’autres relatons aventureuses comme The Discipline Volume 1 (2016) de Peter Milligan & Leandro Fernandez. Le lecteur s'attend donc à des infidélités adultérines, et une forme de mise en danger de cette épouse jeune cadre dynamique à l'avenir prometteur, commençant à éprouver des regrets de s'être encombrée d'une famille. Peut-être que le masque annonce également un élément surnaturel qui viendrait incarner la passion charnelle de l'une ou de l'autre ? Le lecteur attend donc qu'il se passe quelque chose. Il peut compter sur Jason Starr pour rester très pragmatique, au ras-des pâquerettes même : Jennifer est sensible au charme bien réel d'Alex, à sa gentillesse, à sa sollicitude, à la liberté qu'il semble incarner, bref à tout ce qui s'oppose au train-train quotidien dépourvu de glamour, autant de contraintes l'empêchant d'être toute entière à sa carrière dans ce cabinet d'avocats de grand standing, où les deux autres associés sont plus âgés, plus de 20 ans de plus qu'elle, et attendent beaucoup de cette nouvelle collaboratrice. Les dessins sont d'ailleurs tout à fait dans ce registre pragmatique.
Dalibor Talajić travaille régulièrement pour illustrer des aventures de superhéros Marvel Comics, souvent pour un résultat qui peut sembler un peu fade par rapport aux pages plus spectaculaires de ce type de comics. La prise de contact avec cette histoire ne fait pas ressortir cette caractéristique. L'artiste dessine dans un registre réaliste et descriptif, totalement en phase avec la tonalité du scénario, avec un bon niveau de détails. De temps à autre, le lecteur voit bien que l'artiste se contente de représenter un visage en plan rapproché dans une case de la largeur de la page, mais il laisse surtout la place au lettreur pour caser toutes les informations requises par le scénariste. Il y a également plusieurs séquences avec des cases où se trouvent uniquement la tête de l'interlocuteur : là encore c'est une exigence du scénariste qui se justifie par un échange purement verbal au cours duquel seule l'expression du visage va indiquer quelque chose. Pour le reste, Talajić est réellement investi dans l'histoire qu'il raconte à commencer par les différents environnements. Certes, il n'est pas un décorateur qui sort du lot, mais il reproduit avec consistance la cuisine où Matthew rate le petit-déjeuner des enfants, la grande salle de réunion, aussi fonctionnelle qu'impersonnelle, le bar à la mode pour rencontres de sortie de bureau, l'appartement des parents de Matthew avec un aménagement très différent de celui de Jennifer et de leur fils, ou encore le pavillon d'Alex Miles. De ce point de vue, Talajić remplit son contrat de donner à voir au lecteur les différents lieux avec la sensibilité idoine, jusqu'à la représentation très convaincante du monument Vessel (2019) conçu par l'architecte Thomas Heatherwick.
Dans sa postface, le scénariste indique que la réalisation de cette histoire lui est apparue plus délicate que lorsqu'il écrit des romans, car il ne peut pas noyer chaque case d'un flux de pensées intérieures, et qu'il doit trouver des solutions visuelles avec l'artiste, pour faire passer les émotions correspondantes. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut trouver que les moyens retenus sont vraiment basiques, ou plutôt bien trouvés. Toujours est-il, qu'ils sont appropriés et efficaces. Jennifer libérant son pied de son escarpin, Jennifer touchant son alliance alors qu'elle parle à Alex, le petit coup d'œil rapide au téléphone pour guetter un message, le regard de côté pour éviter de montrer franchement sa lassitude à son conjoint, la colère face au maître chanteur, la gêne à avouer sa culpabilité à son conjoint, le petit verre de vin pour se détendre, se toucher les cheveux, etc. D'un côté, le lecteur peut éprouver l'impression que l'artiste va piocher dans une bibliothèque de postures et d'expressions toutes faites ; de l'autre côté, il s'en sert avec intelligence et à propos. Le lecteur est donc bien immergé dans la banalité du quotidien, la banalité d'une femme éprouvant la sensation de rater des occasions, la banalité d'un adultère sans panache.
Au bout de deux épisodes, le lecteur doit se rendre à l'évidence : pas de surnaturel dans ce récit. Ce dernier est exactement ce qu'annonce le titre : un coup d'un soir. Et voilà… Bien sûr le récit ne s'arrête pas là, et le scénariste surprend le lecteur en restant dans un registre adulte, et en montrant les personnages réagir comme des adultes intelligents. Forcément, il rajoute un personnage un peu providentiel qui nécessite un petit peu plus de suspension consentie d'incrédulité, mais pas tant que ça. L'auteur emmène alors le lecteur dans un thriller bien pensé, avec pas uniquement l'enjeu du chantage exercé contre Jennifer Ryan. Jason Starr raconte son histoire sans esbrouffe, sans révélation fracassante, sans moment de tension insoutenable, mais posément et honnêtement. Lui aussi sait intégrer un ou deux éléments plus remarquables, par exemple un concert du groupe Greta van Fleet, comme une réponse au Vessel. Le lecteur tique peut-être à un ou deux éléments, comme la sensei ou l'effet potentiellement dévastateur de la vidéo, mais pour le reste il y croit.
Un thriller de plus dans l'océan de la production de comics annuelle, avec des auteurs pas forcément très vendeurs. En outre, associer le pragmatisme de Dalibor Talajić à la banalité de Jason Starr ressemble à une recette pour créer un récit d'une rare platitude. Il y a un peu de ça, et en même temps ces deux créateurs sont de solides artisans. Ici, ils travaillent de concert et racontent quasiment honnêtement une histoire de chantage immonde et crédible, avec des personnages principaux refusant de jouer le rôle de victimes se laissant faire, et voyant plus loin que le bout de leur nez avec leur objectif de faire cesser les agissements de cet ignoble prédateur.
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Un bon petit moment passé avec cette BD, genre comics, toute de noir et blanc vêtue.
L'histoire est une enquête policière, teintée de fantastique. On y trouve tour à tour, et avec de belles illustrations, des jeunes filles pulpeuses, des flics blasés et fatigués, du gore (mais bien traité, ça reste soft), du sexe, des meurtres sacrificiels, un prêtre pervers, des druides sanguinaires.
Tout ça de nos jours, à New York, entre des ifs et des buildings.
C'est rapide, musclé, sanglant et légèrement érotique.
Le scénario est solide, la fin est un peu convenue mais colle bien à l'ensemble. Les dessins sont bons, pas du tout exagérés par rapport au genre comics.
Une belle petite découverte au hasard des fouilles dans une bibliothèque.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020, écrits par Jason Starr, dessinés et encrés par Will Conrad, avec une mise en couleurs réalisée par Ivan Nunes. Il se termine avec une postface de deux pages du scénariste, et une illustration en pleine page de Mike Deodato junior. La couverture a été réalisée par Tim Bradstreet.
À Juárez au Mexique dans un pavillon en banlieue, trois couples d'amis discutent de la situation. Eduardo, professeur assistant en sociologie, évoque son dernier cours avec ses étudiants : son intervention sur le fait de vivre dans la peur constante du crime organisé, sur la nécessité de dénoncer les crimes. Sa conjointe Karina Santiago a d'ailleurs déposé un témoignage sur une malversation dont elle a été témoin. La conversation évolue vers le fait que les hommes ne respectent pas toujours la parole des femmes. Un coup est frappé à la porte. La maîtresse de maison va ouvrir et se trouve nez à nez avec deux individus armés de fusils automatiques. Ils ouvrent le feu, tuant net deux invités, puis le plus jeune se lance aux trousses de Karina. Eduardo tue César d'un coup de couteau dans la nuque. Dans sa somptueuse villa, Javier Jefe, allongé dans son lit, profite d'un massage par une jeune femme en string, tout en se plaignant qu'elle n'est pas très douée. Sa séance de relaxation est interrompue par un de ses hommes de mains qui vient l'avertir que le raid a échoué : son neveu César y a trouvé la mort, et Karina est parvenue à s'enfuir avec Eduardo. Jefe indique à la prostituée qu'elle peut repartir à Guadalajara, et exige qu'on lui amène Manny, celui accompagnait César.
Eduardo et Karina se sont enfuis avec leur voiture. Ils se rendent bien compte que leurs options sont comptées. Il faut qu'ils abandonnent leur véhicule pour ne pas être repérés, et qu'il ne leur reste qu'à traverser la frontière à pied pour trouver refuge aux États-Unis. Eduardo a du mal à se remettre du fait qu'il ait tué un homme. Jefe est en train d'interroger Manny : ce dernier est agenouillé par terre, les mains liées dans le dos, et le pistolet de Jefe braqué directement sur son front. Il l'abat froidement devant ses hommes de main. L'un d'eux indique que la voiture des fuyards a été retrouvée à proximité de Socorro. Karina et Eduardo continuent de marcher. Ils n'ont plus de réseau, mais elle a pu télécharger une page de conseil pour traverser la frontière. Le meilleur moment est avant l'aube. Au milieu de nulle part, ils tombent sur Tito un adolescent qui leur donne des conseils pour réussir à traverser. Après une discussion délicate, ils finissent par se décider pour le suivre. Afin de diminuer son stress, Tito s'est roulé un petit joint, et il en propose une bouffée à Eduardo qui accepte bien qu'il n'en ait pas l'habitude. Ils finissent par arriver devant un barrage mobile routier, sans aucun policier. Ça ne s'annonce pas bien compliqué de traverser la frontière.
La scène d'introduction commence par une discussion évoquant la qualification de Juárez comme ville avec le plus haut taux de criminalité du monde, ainsi qu'une forme de machisme larvé et bien réel, mais sans vraiment rien développer, en restant au niveau de gentilles généralités. Le premier meurtre survient brutalement dès la page 3, indiquant que le récit se situe plutôt dans le genre thriller & action, que chronique sociale réaliste. Effectivement, le scénariste utilise ensuite des conventions de ces deux genres pour une intrigue rapide, sans chercher à approfondir ces personnages, ou les thèmes évoqués. Le lecteur s'accroche et attend de voir ce que le couple en fuite va devoir affronter. Une fois la frontière passée avec perte et fracas (6 morts), ils sont recueillis par une famille texane dans un ranch qui leur offre l'hospitalité pour leur donner le temps de se remettre avant de repartir. Pendant ce temps-là, Javier Jefe continue de progresser pour les rattraper, tout en marquant chaque étape d'une ou deux exécutions sommaires pour bien rappeler qui est le chef, et quel est le prix de l'échec. La suite contient encore un interrogatoire particulièrement éprouvant, ainsi que plusieurs morts brutales et soudaines.
Will Conrad est un artiste qui a travaillé pour Marvel et pour DC Comics. Le lecteur note une certaine filiation avec Mike Deodato junior, les cadrages penchés et les éclatements de cases en moins. Il réalise ses dessins dans un registre descriptif et réaliste, avec un niveau de détails élevé, ainsi que des décors présents dans 90% des cases. Le lecteur éprouve alors une impression de reportage, pouvant suivre des êtres humains plausibles dans des lieux finement représentés. Dès la première page, le lecteur est impressionné : une vue en extérieur du pavillon, de sa pelouse, de l'allée où est garée la voiture, du mur de clôture, des pavillons voisins, avec un éclairage rendant bien compte de la nuit tombante et des sources d'éclairage artificiel. Puis on passe à l'intérieur, et le lecteur peut voir la table mise, les modèles de chaise, le tableau accroché au mur. Il peut en déduire le niveau de revenu des hôtes, ainsi que leur goût en matière d'aménagement. Il peut ensuite comparer cet aménagement avec celui de la chambre à coucher de Jefe qui est plus clinquant. Eduardo et Karina passant un certain temps chez leurs hôtes texans, le lecteur les accompagne d'une pièce à l'autre : la salle à manger spacieuse et simple, la chambre également spacieuse et confortable, la véranda avec son banc en bois, les différents bâtiments du corps de ranch, le bureau de Raymond Colby Benson le troisième avec son tableau représentant le siège de Fort Alamo (1836), la cuisine, le sous-sol.
L'artiste doit également rendre visuellement plausible le passage clandestin de la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Il commence par montrer Karina et Eduardo, chacun avec leur sac à dos, marcher dans une zone désertique, un peu au petit bonheur, droit devant eux. Il retranscrit bien la nature désertique et sauvage, sans aucune habitation ou aucun être humain à des kilomètres à la ronde. Conformément au scénario, il représente une route avec un simple barrage à base de croix et de fils barbelés. Pourquoi pas ? En fonction de son état d'esprit, le lecteur accepte plus ou moins facilement ce moment clé de l'histoire. Quel est le degré de probabilité de l'existence d'un point de passage aussi facile, sans garde ? Cette frontière mesure 3.150 kilomètres et il y a vraisemblablement des zones aussi désertiques ; d'un autre côté, les épreuves surmontées par les immigrants clandestins semblent indiquer que ladite frontière est difficilement franchissable. En fonction de sa volonté à consentir plus ou moins de sa suspension consentie d'incrédulité, le lecteur accepte plus ou moins facilement cette scène. Dans tous les cas, cela l'amène à reconsidérer la nature du récit, et à y voir plus un récit de genre qu'autre chose.
Ce récit ne constitue donc pas un commentaire sur l'émigration mexicaine aux États-Unis, ni sur le taux de criminalité de Juárez, ni sur une forme latente de misogynie. Les discussions entre Karina et Eduardo prennent parfois la forme de prises de bec, mais là encore, le scénariste reste au niveau de chamailleries qui ne donnent pas une idée de l'intimité des interlocuteurs, ni la profondeur de leur relation. Karina se plaint que son conjoint ne l'écoute pas, ne prenne pas en compte ses idées, comme si le fait d'être un homme rendait d'office ses propositions plus pertinentes. Elle le remet à sa place, mais de manière machinale, sans grande conviction, ce qui conduit le lecteur à en faire de même, en se disant que ces dialogues sont de pure forme. Du coup, il reporte son attention sur l'intrigue. Jason Starr joue d'abord sur la question de savoir si le couple parviendra à traverser la frontière, puis sur la réalité de l'accueil de la famille Benson. Le franchissement de la frontière s'avère donc beaucoup plus simple que prévu, une vraie passoire, peut-être un peu organisée. La famille Benson se montre très prévenante, offrant gîte et couvert, par pure bonté d'âme. Le couple note bien quelques détails bizarres, comme les remarques racistes du plus jeune frère, le caractère bourru du père, le goût très étrange des chimichangas servis par la mère. À partir de là, soit le lecteur n'a jamais lu d'histoire de ce genre, et il se laisse porter par la découverte d'une intrigue bien glauque. Soit il en a déjà lu de vaguement avoisinantes et il a du mal à croire le caractère prévisible de celle-ci ainsi que son manque d'originalité. Il n'arrive pas non plus à croire que le scénariste puisse lui-même croire au suspense en toc qu'il met en œuvre.
Une histoire qui démarre bien avec une narration visuelle très soignée dans un registre réaliste et descriptif permettant au lecteur de se projeter dans chaque endroit, de croire en ces personnages plausibles, et de les accompagner dans la zone désertique proche de la frontière entre le Mexique et la États-Unis, ainsi que lors de leur séjour dans le ranch d'un famille texane accueillante. Rapidement, le lecteur se demande si le scénariste compte vraiment sur le fait qu'il va croire ce qu'il lui raconte, et va accrocher au suspense de l'intrigue. Plus il avance dans l'histoire, plus il se rend compte que l'intrigue manque d'originalité et de profondeur.
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Un thriller un peu ésotérique qui avait bien commencé et qui se termine de façon assez conventionnelle. L'idée est quand même un peu bizarre : récupérer le frisson de l'acte sexuel pour se régénérer et augmenter sa durée de vie. On se croirait dans un jeu vidéo...
On se servira pour cela des légendes celtiques et plus précisément de certaines pratiques des druides. Le cadre sera bien celui d'une ville de New-York où les rencontres fortuites peuvent se payer cher. Cette ambivalence de genre ne fonctionne pas toujours bien.
Cela reste un polar de bonne facture qui manque néanmoins d'originalité et qui se déverse dans une surenchère d'hémoglobines gratuites (tête coupée, corps démembré...). Graphiquement, le travail est bien réalisé avec des personnages au regard expressif. Cet album est le premier d'une collection baptisée "Dark night" pour les amateurs de polar. A surveiller!
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Il s'agit d'un roman écrit à 2 mains par Ken Bruen et Jason Starr. On y retrouve bien la plume de Ken Bruen dont je suis fan.
Les dialogues sont toujours aussi truculents et plein d'humour, c'est un vrai délice.
Les personnages sont toujours aussi déglingos et dénués de tout sentiment ... Ça bute à tout va !!! A la fin, il ne reste pas beaucoup de survivants. L'histoire est complètement déjantée, ça va à 100 à l'heure, on tourne les pages sans jamais s'ennuyer.
C'est un roman policier bine noir mais assez léger et facile à lire. Et il faut le prendre pour ce qu'il est. Si vous recherchez de la profondeur, de la psychologie et des sentiments, il faut passer sa route.
Par contre, si vous voulez passer un bon moment, sans vous prendre la tête, et en vous fendant la gueule alors ce livre est fait pour vous. Bref du Ken Bruen pur jus, si on aime il ne faut pas passer à travers.
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Un bon roman, agréable à lire. J'ai bien aimé le style de Jason Starr qui rend son récit vivant grâce notamment à ses nombreux dialogues. Deux bémols néanmoins : la façon dont les mésaventures de David commence ne m'a pas paru très crédible et la fin, surprenante mais trop sèche, est insuffisamment développée, ce qui laisse un goût d'inachevé. Il n'en reste pas moins un roman plaisant qui mérite le détour. 7,5 donc.
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Les mésaventures d'un jeune italien dans le Brooklyn des années 80, mené en bateau par une bande de petits salopards malfaisants : notre brave Mickey va payer très cher ses désillusions, à l'issue d'un épisode initiatique d'une rudesse qui confine au sordide. Un petit roman bien mené, mais sans réelle envergure. Sur des thèmes très proches, Pelecanos et Price (Richard) on fait tellement plus puissant...
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Apparemment Ken BRUEN n'est pas un auteur très connu en France, à voir le peu de lecteurs sur Babelio et la rareté des critiques de ses romans.
Et pourtant, cet écrivain irlandais vaut le détour, par son humour noir et déjanté, son style incisif et ses histoires bien troussées.
Ici, il s'agit d'un roman à deux voix puisqu'il le co-signe avec Jason STARR, auteur que je ne connais pas du tout, mais on y retrouve bien son style et son humour, donc un excellent moment de lecture distrayante.
Bien sûr, certains y trouveront des exagérations, trop d'hémoglobine et trop peu de sens moral, mais c'est ce qui fait tout le sel de ce polar !
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Les personnages que met en scène Jason Starr sont fascinants, de même que la lente mais inexorable déchéance qui les attend. Et autant dire que Loser - au sens tragique du terme - est à la fois un titre idéal pour ce roman, et aussi un parfait qualificatif pour les antihéros qu'affectionne tant l'auteur.
Quinze ans que Tommy Russo cumule les petits jobs insignifiants en attendant qu'un producteur repère ses talents de comédien. Mais après quelques rôles de figuration, les auditions se sont faites de plus en plus rares. Alors en attendant, Tommy travaille comme videur à l'O'Reilly's Bar, dont le patron le considère presque comme son fils. C'est sans doute pour ça qu'il a déjà accepté plusieurs fois de lui verser des avances sur son salaire, mais le problème c'est que ce n'est jamais assez, Tommy flambe tout dans les paris sportifs.
Alors quand une vieille connaissance lui propose de s'associer avec quatre autres parieurs pour acheter un cheval de course, Tommy sent que la chance lui sourit enfin. Seul problème : la mise de départ est de 10000 dollars. Tommy ne peut pas laisser passer l'occasion et pense alors au coffre-fort du bar, dont il a mémorisé la combinaison grâce à son étonnante mémoire visuelle...
Lui qui n'a jamais été un délinquant va alors faire un pas de côté qui finira par l'emmener bien loin de la frontière.
Si Tommy a certainement une existence médiocre, elle n'est pourtant pas misérable. Et le plus frappant est qu'il n'a pas forcément la poisse, mais qu'il fera systématiquement les mauvais choix.
Dans sa chute lente mais vertigineuse, plusieurs perches lui seront tendues mais il les ignorera toutes, s'enfonçant chaque fois un peu plus, gâchant sans s'en rendre compte à la fois toutes les belles occasions qui se présentent mais gâchant aussi tout - relations humaines ou professionnelles - ce qu'il a pu construire jusque-là. S'enfonçant dans un déni total, aveuglé par ses rêves de gloire, il perd pied. Sa lucidité sur les conséquences de ses actions semble s'effacer, un peu comme s'il sombrait lentement mais sûrement dans une espèce de réalité parallèle proche de la folie, jusqu'à l'irrémédiable.
Comme dans Mauvais karma, La Ville piège, Frères de Brooklyn ou encore Petit Joueur, Starr décrit avec une redoutable efficacité cette bascule, cet évènement déclencheur, aussi anodin soit-il, qui va précipiter ses personnages dans une engrenage fatal et agir sur eux comme un révélateur de leurs névroses et tendances sociopathes.
C'est cet implacable mécanisme de la chute et de la déchéance qui fascine le lecteur jusqu'à le saisir à la gorge. Et qui fait de Jason Starr le chroniqueur affûté de nos folies contemporaines.
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