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Citations de Jean Noli (51)


Dans sa cellule de Fresnes, du quartier des condamnés à mort, d'Estienne d'Orves écrit à son fils :

« J’ai considéré que mon devoir était de continuer, puisque tout n'était pas perdu. Bien d’autres Français étaient prisonniers et ne pouvaient plus rien faire. J'étais libre. J'ai continué la lutte pour la France. »

Un peu après, il écrit encore à sa femme :

« Cette décision que j'ai prise n'a pas été sans déchirement pour moi. Au lieu de rentrer tranquillement à la maison, je savais que je ne pourrais vous revoir qu’à la fin de la guerre, si Dieu voulait me le permettre. Mais j'ai senti que là était mon devoir vis à-vis de ma famille, vis-à-vis de mon fils qui aurait été en droit de me dire : « Vous pouviez continuer à « vous battre pour la France, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? »

Le 7 août, près de dix mois après la fin du Poncelet, il apprend avec douleur la mort de son plus cher ami, Bertrand de Saussine. Dans l'isolement et la solitude de sa cellule, il prie à sa mémoire, puis il écrit :

« Hélas ! que de souvenirs me lient à lui ! Caractère toujours égal et quel cœur ! Pauvre cher Bertrand. Il est mort héroïquement selon la tradition des commandants de sous-marins. »
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Seul Saïdi demeure debout, la bouche ouverte dans un large sourire, agitant les bras avec frénésie, comme s'il voulait attirer davantage encore l'attention sur lui. II continue de gigoter, sans se soucier des balles qui sifflent près de lui, jusqu'au moment où le Junker se trouve à 200 mètres devant la corvette, amorce sa remontée pour lâcher ses bombes. Alors, les doigts de Saïdi se referment sur les poignées de la mitrailleuse, et il tire en criant à pleins poumons :

« Ta-ta-ta-ta. »

Bergeret vient d'ordonner de mettre la barre à droite toute, quand une sourde explosion résonne dans le ciel : une épaisse colonne de fumée noire s'échappe du moteur du bombardier. Saïdi le poursuit avec sa pièce, puis il cesse de tirer et rit à gorge déployée, en suivant des yeux l'appareil qui perd de la hauteur et s'écrase en explosant dans la mer.

Stupéfait, Bergeret le regarde et dit :

. « II est devenu fou !

— On dirait plutôt qu'il est fin soûl, ce cochon ! » marmonne Philippon à ses côtés.

Comme s'il désirait fournir une preuve irréfutable, Saïdi sort une petite bouteille d’une poche de sa capote, amène le goulot à la bouche, avale une longue gorgée, puis s'abat sur le parquet.

« Qu'on évacue cet ivrogne et qu'on le remplace ! ordonne Bergeret d'un ton qui ne promet rien de bon.

— Il a quand même descendu un avion, commandant, intervient Philippon.

— C'est vrai, concède Bergeret, mais dans l'état où il se trouve, il ne s'en souviendra même pas ! »
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A 10 heures du matin, flottant comme une épave, la 96 pénètre enfin dans le Dart et s'amarre au ponton.

Tandis qu'on évacue les blessés, Philippe de Gaulle s’avance vers Meurville venu l'accueillir.

L'aspirant, le visage cireux et maculé de sang, salue et dit :

« On vous a ramené votre vedette, commandant.

— Ça ! Une vedette ? raille Meurville. Appelez-la plutôt un gruyère... »

Le commandant de la 23e flottille n'a pas tout à fait tort : le M.T.B. 96, outre qu'il a reçu deux obus de 37, a 78 trous sous sa ligne de flottaison.
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— C'est une chose étrange, la guerre, reprend songeur Bergeret en se servant un nouveau verre de gin. Elle oblige l'homme à chercher des solutions de survie pour échapper à la destruction qu'il a lui-même déclenchée...

Je pense au commandant de l’Ayrshire, un petit chalutier armé du P.Q. 17 qui fait partie des rescapés. Savez-vous comment il a échappé aux recherches des U-boote ? Il est remonté au maximum vers le nord en gardant le cap jusqu’à une banquise, et traînant derrière lui trois autres navires. Quand la petite flotte a stoppé au pied du mur de glace, il s’est dit qu'il lui fallait trouver une solution pour redescendre vers la Russie. Le bonhomme a eu une idée de génie : faire peindre les bâtiments au blanc de céruse. On lui a annoncé alors qu'il n’y aurait pas suffisamment de peinture. Le commandant a réfléchi un bon coup et, là encore, il a trouvé une solution : comme les avions et les sous-marins allemands ne pouvaient venir que du sud, il a fait peindre les superstructures et le flanc droit de chaque bateau. Deux jours plus tard, ils arrivaient indemnes à Arkhangelsk.

— Ce type-là devrait finir au moins amiral !» s'exclame Giret.
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Le destroyer vainqueur avait longé la coque si fine qui, sous les effets du clapot, semblait respirer par saccades. Puis la mer l’avait recouverte, tel un immense linceul de larmes et elle avait disparu. C'était l'E-boot 147. Son commandant était Walter Sobotka. Il y avait à bord, comme passager, un très jeune enseigne de vaisseau : il s'appelait KIaus Dônitz.

Cette nuit atroce du 13 mai 1944, le grand-amiral Karl Dônitz, le chef des loups gris qui avaient semé tant de morts sur leurs routes, s'était retiré, tout seul, dans son bureau du B.D.U. de Berlin, pour pleurer. Il avait deux fils. Tous deux étaient morts à la mer.

Quand ils avaient appris quel mort célèbre ils avaient sur la conscience, les marins de La Combattante avaient éprouvé, sur le moment, de la satisfaction. Et puis, Lucien Boulay avait marmonné :

« C'est Hitler qui devrait aller à bord des Schnellboot. Pas ces pauvres types... »
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La nouvelle de « Catapult » les a assommés de stupeur et d'indignation. D'autant plus qu'ils ne l'ont apprise que dans la matinée du 3 juillet, quand tout était consommé.

Le général de Gaulle est bouleversé. Il fait quelques pas dans son bureau, puis se laisse tomber sur son fauteuil; le regard baissé, il réfléchit tandis que ses doigts tambourinent sur sa table de travail. Devant lui, immobiles, se tiennent Muselier et d'Argenlieu dont les visages tendus trahissent un terrible désarroi. C’est d'Argenlieu qui rompt le silence :

« Quelle connerie l rugit-il. Cela paraît impossible! »

De Gaulle lève les yeux sur lui. D’une voix cassante il lâche :

« Pour votre gouverne, commandant, sachez ceci : quand une connerie est possible, elle se fera. Quand elle est impossible elle est déjà faite. Et celle-ci est de taille ! »

Brusquement Thierry d'Argenlieu se lève.

« Mon général, dit-il, malgré l'engagement que j’ai pris envers vous, je vous demande l'autorisation de me retirer quelques jours. Après les événements dramatiques qui viennent de se dérouler, j'ai besoin d'aller méditer : ma conscience ne sait plus où se trouve son devoir.

— Où comptez-vous aller, commandant ?

Dans un couvent, près de Londres.

— Allez méditer, d’Argenlieu, allez... »

Le général de Gaulle reste seul avec Muselier. L'un et l'autre savent que la tragédie qui vient de s'abattre sur la Marine nationale aura des conséquences fatales.
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Ce soir-là, dans leurs maisons bouclées comme des cellules, les îliens connaissent pour la première fois de leur existence la captivité. Jamais sur cette bande de terre qui est leur unique bien, ils ne se sont sentis prisonniers. Ni l'océan ni le vent ne sont parvenus à les dompter. Les tempêtes et les disettes, ils ont appris à les combattre et à leur résister. Seule la mort terrasse ces êtres obstinés. Mais là, pris dans la nasse tendue par les soldats verts, ils sont comme des poissons empêtrés dans un filet.
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Dans l'île, soumise aux lois du Seigneur, tout péché récolte peu de compréhension et d'indulgence auprès d'une communauté respectueuse des commandements de Dieu. Si l'on fermait les yeux sur les garçons turbulents qui parfois sortaient éméchés du café ou partaient en bordées lors de rares escales sur le continent après la vente de la pêche, on est rigoureux et inflexible avec l'honneur et la vertu des filles.
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- Tu aimes les Anglais ?
Le patron répond sans hésitation :
- Non, c'est une sale race...
- Alors pourquoi tu vas chez eux ?
- Parce que les Anglais c'est comme les femmes : faut faire avec celle qu'on a, vu qu'il y en a toujours de pires. Mieux vaut les Anglais que les Allemands !
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La cloche de l'église n'a pas retenti depuis l'armistice. L'île a le patriotisme en berne.
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Dans le compartiment qui cahote et le rapproche de l'île, il pense à tous ces sacrifices, à toutes ces souffrances, à toutes ces menaces qu'il a consentis. Les rides se sont davantage creusées. Il a vu des gens, amis ou ennemis, mourir. Il n'effacera jamais de sa mémoire ces naufragés aux visages luisants de mazout qui appelaient à l'aide, qui tendaient la main pour être secourus et que l'océan avalait. Il n'oubliera jamais tous ces navires dont il a vu l'étrave se dresser vers le soleil ou les étoiles avant de s’abîmer pour l'éternité. La jeunesse n'a pas été conçue pour côtoyer la mort.
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Bien des souffrances vous guettent, mon garçon. Mais c'est là le prix à payer pour libérer notre pays occupé et pour retrouver, vous, votre île, et moi mon village natal. Bonne chance et bonne chasse ! N'oubliez jamais la phrase d'un écrivain célèbre, dont j'ai oublié le nom. Elle dit : "On peut arracher un homme à son pays, mais on ne peut arracher son pays du coeur de l'homme."
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On était accoutumé, dans l'île, à accepter la furie des tempêtes, la violence du vent, les saccages des pluies. Depuis toujours, les habitants supportaient toutes les épreuves avec résignation, y voyant des manifestations inexplicables de la volonté divine car, prêchait le recteur Matthieu, "les voies du Seigneur sont impénétrables". Des enfants mouraient à la naissance, des hommes disparaissaient en mer, des familles pâtissaient de la misère et parfois de la faim. A toute tribulation on murmurait : Amen. Il manquait encore un tourment à tant de souffrances passées, celui de ne plus être maître chez soi et de se soumettre à un occupant.
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Un chef d'oeuvre est composé de mille détails, mais un détail ne fait pas un un chef d'oeuvre, expliquait Léonard De Vinci. L'existence, aussi, est tissée de milliers de faits et gestes apparemment anodins. Quand Denise m'a souri et puis s'est éloignée dans ses gros souliers qui lui donnaient une démarche de marin frêle, qu'elle s'est retournée pour me saluer et me sourire encore avant de poursuivre son chemin, elle m'a ému autant que les belles dames de jadis qui font les Joconde dans les musées.
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Il n'oubliera jamais tous ces navires dont il a vu l'étrave se dresser vers le soleil ou les étoiles avant de s'abîmer pour l'éternité
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C'était un phénomène étrange, mais tous l'avaient remarqué. Quand on portait les petits cercueils recouverts d'un drap ivoiré au cimetière, un profonde silence recouvrait l'île. Le vent, la mer, les oiseaux se taisaient soudainement comme s'ils voulaient unir leur réprobation au chagrin des humains, comme s'ils voulaient dire au ciel que les larmes d'un enfant, la mort d'un enfant étaient indignes de sa puissance.
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La vie avait toujours été trop rude pour que les hommes pussent s'attarder sur leurs amours contrariées.
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C’est méchant, un ours. C’est sournois et cruel. Le pire animal de la terre. Il fait souffrir pour son plaisir. Il tue avec lenteur. Il se délecte de la vue du sang. L’ours, avec sa démarche cahotante et sa grosse trogne dodelinante, dégage une apparence de bonhomie. Et même ses gestes patauds, qui réjouissent les enfants innocents, donnent une impression d’incomparable maladresse. Mais l’ours est un animal fourbe : qui s’y fie est perdu. Quand il attaque, ses mouvements ont une précision d’horloger. Jamais il ne faut le quitter du regard. En effet, l’ours peut sembler affairé ailleurs et ne vous prêter aucune attention. Mais tous ceux qui ont eu affaire à lui savent que, dès qu’on a le dos tourné, crac ! Il abat ses griffes en traître.
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Antoine, après avoir suçoté sa truite avec méfiance, la recracha dans son assiette et demanda, dégoûté :
- Mais qu'est-ce que c'est que ça ?
- Du poisson d'eau douce, Antoine.
- Infect. Un poisson qui ne vit pas dans la mer est un renégat.
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Il y avait des moments de paix et d'harmonie si intenses qu'ils faisaient oublier les peines subies et celles à subir, qui persuadaient Basile et ses matelots de l'infinie beauté de la vie et rendaient tolérables les navrants ciomportemens humains. Sur la longue houle qui se dessinait joliment dans la lumière chaude du soleil, l'isolement, si souvent angoissant quand les tempêtes décomposaient les paysages, était ressenti, en cette matinée, comme un privilège. Seul le corps d'une femme très aimée pouvait, à la rigueur, provoquer ce sentiment voluptueux de séparation d'avec la réalité . Le bonheur ressenti par les hommes di Deo Gratias leur imposait le silence
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