Joffrey Lebourg

Chacun avait ses qualités et ses défauts. Louane, exubérante et délurée, d'une loyauté sans pareille, mais aussi têtue et imprudente. Seth, charmeur et provocateur mais en mal de réelles amitiés. Liam, doux et rassurant mais timide et mal à l'aise en société. Un mystère qui ne laissait pas la jeune Arboréenne insensible, d'ailleurs. Et puis Amber, qui... n'était plus là !

« Son cœur se réchauffa à l'idée que peu importe les périls du continent dévasté, certains disent même « maudit » sur lesquels ils poseraient bientôt le pied, elle pourrait compter sur le soutien de ses amis. Pour le reste... Advienne que pourra, et qui vivra verra ! »

La Perfection est une bénédiction que possèdent les humains naissant avec du pouvoir magique en eux. Elle imite certaines caractéristiques des Elfes, des fées ou des nymphes par exemple (sans surprise, ce sont eux qui ont nommé "Perfection" un processus amenant un humain à leur ressembler). Notamment le fait de ne plus avoir besoin d'uriner ou de déféquer, la magie s'en chargeant par des moyens encore inconnus. Un Parfait sera aussi totalement glabre en dehors du visage et produira peu d'odeurs corporelles.

Les premiers barbares arrivaient à portée d'épée de Liam, en dépit des projectiles enfoncés dans leurs cuisses et leurs bras, quand Snorri eut fini son glyphe. C'était une croix, un peu stylisée pour figurer un oiseau. Aussitôt, une ombre en forme de chouette et bordée de caractères mystiques s'étendit tout autour d'eux. Pour les compagnons, c'était un simple voile. Pour les Nøledans, l'obscurité la plus absolue, de celles qui cessent de vous faire espérer que la lumière reviendra un jour.

« Je ne veux pas te combattre... Tu fais ton devoir en protégeant ce levier mais je ne suis pas une pilleuse de temple. Mes amis et moi sommes des héros choisis par les dieux pour sauver notre monde ! »

- Je ne veux pas vous manquer de respect mais... N'est-ce pas trop difficile de gérer tout ça sans homme ? fit Cordélia.
- Je le redoutais au début mais, en fait, pas trop ! Tant mieux car je tiens à mon célibat. Les époux, c'est charmant, mais les chiens sont tellement plus fidèles !
- Le mariage est soit une corne d'abondance, soit une abondance de cornes ! renchérit Amber. Personnellement, depuis que j'ai l'âge de fréquenter les garçons, je suis les conseils de mon père : "pas touche, tu ne sais pas où ça a traîné"...

- Agnès ? s'exclama Cordélia. Que faites-vous ici ?
- Une minute ! intervint Seth. Est-ce la Agnès Cunningham, avec son partenaire canin ? (Il siffla.) Vous ne m'avez jamais confié que avoir des amis si renommés !
- C'est bien moi, en effet. Ou ce qu'il en reste, fit la guerrière en s'arrêtant près d'eux. Ravie de vous revoir, les filles. J'en déduis que vous avez trouvé les trois compagnons prédits par le Destin.
- Ô joie ! soupira Amber avec une mine volontairement affectée. Et non : seuls les deux grands à l'air niais sont dans le groupe. Snorri est juste de passage.
- Ne les dénigre pas, lui recommanda Agnès. Les meilleures équipes sont celles qui sont le plus diversifiées. La somme de vos idiosyncrasies vous permettra de parer à toutes les situations.
- Tu ne m'apprends rien : mon père conseille des héros depuis des siècles et ne se fait jamais prier pour raconter ses souvenirs de voyage. Même si elle reste théorique, j'ai donc une certaine expérience. Et je maintiens : si je cherche la "syncrasie", nous savons déjà qui sont les "idiots".
- C'est cette réponse qui est idiote ! la réprimanda vertement Cordélia.
Tous ses compagnons furent sidérés de la voir hausser le ton ainsi contre son mentor (la jeune fille elle-même fut surprise de sa réaction). Mais la plus choquée fut, évidemment, Amber. Elle jeta à l'apprentie héroïne un regard incrédule où se mêlaient aussi un regret de l'avoir irritée, une petite vexation... et une ombre de colère.

- Être en politique et s'appeler Santhune, c'est déjà tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes... ricana Seth.

- Un sort, c'est rapide à dire et l'effet est bref. L'incantation et le rituel nécessitent plus de temps mais durent des jours, voire des mois entiers.
- N'en connais-tu aucun qui puisse nous garantir chance et succès ?
- Pas besoin : il suffit d'y croire. De croire en nous. De croire en toi.
C'était sincère. Et Cordélia avait conscience que tous ses compagnons partageaient la même foi en "l'élue". Alors que la principale concernée n'avait aucune confiance en elle...

- Eh, oh ! protesta Louane. Ne veux-tu pas te reposer un peu ? Nous sommes sur une superbe île ensoleillée pour seulement quelques heures, profitons-en ! Tiens-tu à te "rattraper" après ta décontraction d'hier soir ?
- Oui. À mes yeux, j'ai été faible et indolente. Il ne faut pas perdre davantage de temps. Et aussi, concernant la veille.... Si l'un d'entre vous y fait de nouveau la moindre allusion, je l'écorche vif avec un rasoir rouillé ! Vu ?
Sur Louane et Cordélia, elle ne l'aurait pas fait. Sur les garçons... Ils tâchèrent de se convaincre que non.

À la fois fière et fragile, rebelle et compatissante, Cordélia pardonnait vite la plupart des choses et se souciait plus souvent de l'intérêt des autres (surtout des innocents) que du sien.

Même dans les plus noires ténèbres, tu auras toujours ta lumière intérieure pour te guider. Celle de ton cœur. Si tu crois en elle, son rayonnement dissipera toutes les ombres.

Volant sans aucun bruit, contrairement aux espèces obligées de battre des ailes, les lungs peuvent discuter librement avec leurs passagers ; elle n'eut pas à prier Salamandre de lui donner la réplique et devisa avec elle des heures durant. Elles parlèrent de tout et de rien, se racontèrent leurs vies, des anecdotes, mais la rouquine ne laissa pas échapper l'occasion de collecter moult informations sur la société japonaise, les rapports entre humains et yôkai, les lungs et leurs liens avec les dragons des autres continents...

Plus jeune, elle s'était égarée à plusieurs reprises dans la forêt et avait vite appris les bases : ne pas paniquer, ne pas bouger si quelqu'un est à sa recherche (ce qui ne s'appliquait donc pas ici) ou tenter de se repérer en prenant de la hauteur pour retrouver son chemin si ce n'est pas le cas. Là encore, c'était impossible. Alors, insidieusement, la peur commença à croître en elle. Son esprit logique le lui criait et elle ne pouvait plus le nier : elle était perdue, au cœur d'ombres se resserrant autour d'elle comme si elles étaient vivantes Perdue et surtout seule, au beau milieu des ténèbres.
Sans espoir d'en ressortir un jour.

Quand six xochitonals arrivèrent par trois couloirs latéraux, les adolescentes commencèrent à se poser des questions sur leurs capacités intellectuelles et leur aptitude à tendre des pièges.
- Pourtant, ils ont été créés afin de servir de sentinelles ! bougonna Manon. Si un garde était malin, ça se saurait !

- Et qu'en disent les jumeaux ?
- Ce que disent tous les enfants de onze ans à cette heure : "Ron... Zzzzz..." Un joli bruit, qui évite aux gens de dire des bêtises.
- Tu ne leur en as pas parlé hier. Et tu ne les as pas réveillés avant de partir.
- Eh non ! De toute façon, je n'aurais toléré aucune contradiction ! Je suis assez grande pour m'occuper de moi toute seule. Allez, nous embarquons ! Mon bon Chac, libère ton jaguar intérieur et sors tes muscles ! Taïaut !
Les filles ne purent s'empêcher de rire en voyant son enthousiasme, ainsi que le rictus à moitié amusé et à moitié gêné qu'afficha l'ancien guerrier.

- Je ne sais plus combien de personnes, depuis mon départ, ont affirmé que j'étais destinée à de grandes choses. Je vais finir par y croire, même si je ne le désire pas. Et surtout : je ne veux pas y penser.

Cette histoire est née d'un échec. L'Homme a failli. Malgré ses efforts, à la suite d'une prise de conscience tardive, l'état de notre Terre a continué de se dégrader. L'ultimatum imposé par les Gardiens, à savoir l'an 2050, fut atteint sans que cette tendance s'inverse. Ainsi, les esprits protecteurs de l'Équilibre naturel durent agir, conformément au plan S qu'ils avaient établi au tournant de l'an 2000. S comme "sauvegarde de l'environnement", mais pas celle de l'humanité, quoiqu'ils eussent aimé ne pas en arriver là.
Dans les faits, quatre-vingt dix pour cent de la population humaine fut annihilée par magie et toutes les marques de modernité furent rasées, sauf certains éléments spécifiques.

« La valeur de quelqu'un ne se mesure pas à ses muscles, à son aptitude magique ou à ses exploits mais à sa vaillance et à son cœur. »

- La valeur de quelqu'un ne se mesure pas à ses muscles, à son aptitude magique ou à ses exploits mais à sa vaillance et à son cœur. Or le courage est relatif : je ne suis pas brave, car je ne prends pas beaucoup de risques. Mon âge, ma quasi-immortalité et mes pouvoirs me permettent de maîtriser toutes les situations du début à la fin. Les rares fois où je n'ai pas le contrôle, je suis assez démunie. Être courageuse, c'est se lancer sans filet dans quelque chose qui t'échappe totalement. C'est ce que tu as fait, en quittant seule Vertemuraille. Quant au cœur... La bonté, la générosité, l'empathie, la pitié sont ses manifestations. Je crains là encore de ne pas en être beaucoup pourvue ! Toi, si. Aie confiance en moi. Je peux te l'assurer : tu es déjà parfaite.