Citations de Joffrine Donnadieu (38)
Être pute à Paris plutôt qu’à Toul, c’est déjà une réussite.
Le rire de France rebondit de fauteuil en fauteuil comme une balle de tennis qui vient s'échouer sur ses genoux.
D'aussi loin que je me souvienne le silence, fait partie de ma vie. Mes parents m'ont appris à parler le silence. Celui de mon père était empli de violence et de colère, celui de ma mère transpirait les regrets et la tristesse. Au milieu, j'ai trouvé le mien, sauvage et frontal. Il s'impose de lui-même.
Odette est un tournesol, elle suit le soleil. Sentir les rayons sur sa peau est son unique plaisir.
Je ne suis vraie que lorsque je me tiens sur le plateau ou que je m'y projette. Le reste du temps, je me mens et je mens aux autres.
Seuls les coiffeurs, les opticiens, les boulangers, les auto-écoles et les pharmacies survivent ici. Les boutiques de vêtements et de lingerie, les papeteries et les restaurants gastronomiques déposent le bilan au bout de trois mois. Parfois un local vide sert de permanence à un parti politique le temps des élections. Dans la vieille ville, les volets restent clos comme dans une cité fantôme. Les vieux sortent seulement pour les besoins du chien. Les jeunes se planquent dans des maisons en ruine.
"Je joue pour ne pas me frapper jusqu'au sang. Je joue pour ne pas hurler. Je joue pour donner une forme à ma rage. Je joue pour disparaitre, pour m'oublier, pour me trouver."
Romy fatigue.Ne t’arrête pas,Ne t’arrête pas.
Elle se donne des ordres du matin au soir:
« Mange, vomis, apprends, lis, nage, cours, remercie, souris, sois polie, punis -toi, fais plaisir, sois gentille, , pas D’ Histoires. Merciiiii.
Je joue pour ne pas me frapper jusqu'au sang. Je joue pour ne pas hurler. Je joue pour donner une forme à ma rage. Je joue pour disparaitre, pour m'oublier, pour me trouver.
Philippe rejoint les hommes qui en sont déjà au deuxième verre. Parmi eux, une seule femme surnommée tendrement Tati Ricard. Elle commence l'apéritif à l'heure du goûter. Son rire enroué de vieille fumeuse est reconnaissable entre tous. Elle n'attend personne pour se resservir, sa bouteille à portée de main. Au troisième verre, elle entonne "Au pays de Candy" avec des guirlandes sur la tête.
Je joue pour ne pas me buter.
Je joue pour ne pas commettre un meurtre.
Je joue pour ne pas me frapper jusqu'au sang.
Je joue pour ne pas hurler.
Je joue pour donner une forme à ma rage.
Je joue pour trouver une vérité.
Je joue pour ne plus avoir de sexe.
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Philippe et Hélène s'étreignent longuement. Romy reste à l'écart, elle attend son tour pour saluer son père. Elle sourit. Quiconque trouverait la scène émouvante. Rien à redire sur les retrouvaient. Les trois comédiens jouent à la perfection.
Le tonnerre gronde dans mon ventre. Je suis une louve. Je vis la nuit. Je cours, je fuis, je vois des choses que personne ne voit. Je suis une espère rare, je chasse, je marque mon territoire, je hurle à la mort, je panse moi-même mes blessures, j'attaque, je suis carnassière.
Page 63
Je joue comme je fais l'amour, avec la même intensité, la même urgence. J'épouse un texte à la façon d'un corps pour ne faire plus qu'un. Si j'y arrive mon visage recouvre alors toute sa pureté, toute son innocence d'une fillette. Les vagues dans mon ventre se soulèvent, je jouis. Là, je sais que j'ai tout donné. (p98)
Je fume trop, mange peu, bois, cours. Le reste du temps, j’entre en transe pour jouer Sabrina comme si je m’injectais chaque réplique en intraveineuse.
Elle essayerait de faire bonne impression. Je lui en voudrais d'être cette petite chose qui m'a transmis le gène de l'asservissement. Il est inscrit profondément dans mon caryotype, une anomalie greffée à je ne sais quel chromosome. Le chromosome de l'esclavage, de la débâcle, de la gêne, de la honte qui oblige mes lèvres à articuler le mot merci à tout-va, avec le sourire et une légère inclination de la tête.
Romy est prisonnière de sa liberté. Ses choix sont contraignants, mais la rendent maîtresse de sa vie et responsable de son futur, si futur il doit y avoir. Aucune attache, pas de boîte postale, qui qui l'attende : Dans cette instabilité constante, elle retrouve un équilibre.
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Romy ne répond pas.Elle ne sort jamais en groupe . Personne ne l’invite. Elle dérange .
Je me suis perdue dans tant de bras, à la recherche de cette part manquante sans savoir la désigner. Maintenant qu’elle est là, je n’en veux pas, ni de cette angoisse de ne pas être aimée, de la peur d’être abandonnée, du creux béant dans ma poitrine provoqué par son absence, de la crainte d’une trahison, des mensonges.
D'aussi loin que je me souvienne, le silence fait partie de ma vie. Mes parents m ont appris à parler le silence. Celui de mon père était empli de violence et de colère, celui de ma mère transpirait les regrets et la tristesse. Au milieu, j'ai trouvé le mien, sauvage et frontal. Il s'impose de lui-même.