John Keegan

Des l'ordre de mobilisation connu, on entendait des hommes se parler d'une étrange manière :
" Tu es de quel jour ? et avant que l'autre ait pu répondre " Moi je suis du premier" ( sous entendu : " Essaie de faire mieux").
" Je suis du neuvième " ( " Pas de pot, tu vas tout rater, ce sera déjà fini").
" Moi, je suis du troisième donc je n'aurai pas à attendre trop longtemps."
" Moi, je suis du onzième" ( " Tu n'iras jamais jusqu'à Berlin, toi, tu arriveras trop tard").

Douglas Haig, commandant en chef des armées anglaises, est un adepte des pratiques spirituelles et de la religion fondamentaliste.

Jeune officier, il assista à des séances au cours desquelles un medium le mettait en contact avec Napoléon.

Devenu commandant en chef, un aumonier presbytérien le conforte dans sa certitude d'être en relation directe avec Dieu et d'avoir un rôle majeur à jouer sur le plan divin pour le monde.

Par compte, il ne montre aucun souci pour la souffrance humaine.

Tout ce que ce siècle, a connu de pire, comme les famines organisées à l'encontre des " ennemis du peuple", l'extermination raciale, la persécution des intellectuels et la haine idéologique de la culture, le massacre de minorités ethniques, la destruction de parlements et le règne de commissaires du peuple, de gauleiters et de chefs de guerre sur des millions de personnes privées de parole, tout cela provient du chaos engendré par la Grande Guerre.

Pour le seul mois de juin 1918, l'épidémie de " grippe espagnole " terrasse près d'un demi-million de soldats allemands dont la résistance , entamée par les carences alimentaires, est bien moindre que celle des troupes alliées mieux nourries.

De tous les cotés venaient des plaintes d'hommes blessés, des gémissements faibles, longs et sanglotants de mourants et des cris déchirants. Nous réalisâmes avec horreur que des dizaines d'hommes sérieusement blessés avaient rampé jusqu'aux cratères d'obus pour s'abriter, et que l'eau montant à présent autour deux et incapables de se mouvoir, ils étaient en train de se noyer lentement.

Nous ne pouvions rien faire pour les aider. Certains de mes hommes pleuraient doucement à mes côtés.

Témoignage du lieutenant Vaughan

Au cimetière de Langemarck, reposent les corps de 25 000 soldats-étudiants, ces jeunes étudiants et lycéens tel Ernst Jünger qui se sont massivement portés volontaires.

Les sculptures représentant une mère et un père pleurant la mort de leur fils symbolisent les dizaines de milliers de bourgeois allemands à qui le massacre des Innocents à Ypres, fit perdre l'illusion d'une guerre courte, glorieuse et économe en vies humaines.

Il est accepté partout que la nouvelle puissance de feu entraîne des taux de pertes élevés.

Mais les milieux militaires estiment que la détermination à accepter ces pertes est la clé de la victoire.

Près de trois semaines de bombardement, au court desquelles trois millions et demi d'obus ont été tirés, ont précédé l'attaque.

Les tunneliers ont creusé dix-neuf galeries de mines, remplies de 500 000 kilos d'explosifs. Peu avant l'aube de 7 juin 1917, les mines explosent :

le bruit assourdissant est entendu jusqu'en Angleterre.

Quand la guerre arriva, Churchill comprit tout de suite, et beaucoup de ceux dont il avait fait ses ennemis politiques pendant les années d'apaisement le comprirent aussi, qu'il était le seul homme en Grande-Bretagne qui pourrait la mener avec l'espoir d'une issue positive.

Sur sa tombe fut plus tard dressée une pierre tombale, portant simplement son nom.
Elle n'est aujourd'hui pas beaucoup visitée. Le véritable lieu de repos de Churchill est dans le cœur des hommes.

...il disait en privé, savourant son effet, qu'il était même prêt à dîner avec le diable si cela pouvait aider la cause de la Grande Bretagne. En public, il expliquait sa position en des termes plus nuancés : "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour aider la Russie".

Elle (la Grande Bretagne) devait concentrer les dépenses sur la Royal Navy, le seul instrument qui protégeât la véritable source de la position britannique dans le monde, sa puissance commerciale et industrielle. "Pourquoi devrions-nous sacrifier un jeu auquel nous sommes sûrs de gagner pour jouer au jeu auquel nous sommes sûrs de perdre ?".

La guerre est toujours limitée, non parce que L'homme en a décidé ainsi mais parce que la nature l'exige.

L'Allemagne avait aussi un programme nucléaire, mais s'était privée des talents nécessaires

Mais le triomphe de la guerre occidentale se révéla illusoire. Certes, elle s'était révélée irrésistible contre d'autres cultures militaires. Appliquée à elle-même, elle n'apporta que désastres et menace de catastrophe. La Première Guerre mondiale qui se déroula presque exclusivement entre États européens mit fin à la domination du monde par l'Europe et, par les souffrances qu'elle infligea aux populations qui y prirent part, elle altéra ce qu'il y avait de meilleur das leurs civilisations - l'espoir et le libéralisme - pour confier aux militaristes et aux totalitaires le soin de préparer l'avenir. Un avenir qui déboucha sur la Seconde Guerre mondiale, laquelle acheva la ruine que la Première avait commencée.

Churchill était une curiosité morale : un homme rompu aux usages du monde sans être mondain. C'est peut-être son indifférence aux appâts de la chair qui aiguisa sa sensibilité aux séductions du langage et aux charmes de l'histoire, qu'il concevait comme une geste médiévale.

Au final, la Première Guerre mondiale elle même est un mystère. Ses origines sont mystérieuses et son déroulement l'est tout autant.

Le général sir Alan Brooke, qui fut son chef d'état-major militaire pendant la quasi-totalité de la guerre, disait que le Premier ministre avait dix idées par jour, une bonne et neuf mauvaises, et que lui-même devait employer une bonne partie de son temps à l'en convaincre.

Extravagant dans son verbe et dictatorial dans ses manières, il s'aliéna les hommes capables en considérant qu'il était le seul à pouvoir prétendre à l'autorité.

Au final, la Première Guerre mondiale elle même est un mystère.