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Citations de Jonathan Littell (232)


Depuis les débuts de l'histoire humaine, la guerre a toujours été perçue comme le plus grand mal. Or nous, nous avions inventé quelque chose à côté de quoi la guerre en venait à sembler propre et pure, quelque chose à quoi beaucoup cherchaient à échapper en se réfugiant dans les certitudes de la guerre et du front. Même les boucheries démentielles de la Grande Guerre, qu'avaient vécue nos père ou certains de nos officiers plus âgés, paraissaient presque propres et justes à côté de ce que nous avions amené au monde. Je trouvais cela extraordinaire.
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Il y aurait certainement des erreurs, certainement des victimes innocentes, mais cela, hélas, c'était la guerre ; lorsqu'on bombarde une ville, des civils meurent aussi. Que cela nous serait à l'occasion pénible, que notre sensibilité et notre délicatesse d'hommes et d'Allemands en souffriraient parfois, il le savait ; nous devrions triompher de nous-mêmes ; et il ne pouvait que nous rapporter une parole du Führer, qu'il avait entendue de sa propre bouche : Les chefs doivent à l'Allemagne le sacrifice de leurs doutes. Merci et Heil Hitler.
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Ceux qui tuent sont des hommes, comme ceux qui sont tués, c'est cela qui est terrible.
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Elle me téléphona le matin, juste avant de prendre le train. Sa voix était douce, tendre, chaude. La conversation fut brève, je ne faisais pas réellement attention à ce qu'elle disait, j'écoutais cette voix, accroché au combiné, perdu dans ma détresse. "On peut se revoir, disait-elle. Tu peux venir chez nous." - "On verra", répondit l'autre qui parlait par ma bouche. J'étais de nouveau pris de haut-le-coeur, je crus que j'allais vomir, j'avalai convulsivement ma salive en respirant par le nez et parvins à me retenir. Puis elle raccrocha et je fus de nouveau seul.
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la boule de feu mourut, et je fus plongé dans l'obscurité, une ténèbre épaisse, asphyxiante. Se débattre était vain ; je hurlais, mais aucun son ne sortait de mes poumons écrasés. Je savais que je n'étais pas mort, car la mort elle-même ne pouvait être aussi noire ; c'était bien pire que la mort, un cloaque, un marécage opaque ; et l'éternité ne semblait qu'un instant en regard du temps que j'y passais.
Enfin, la sentence fut levée : lentement, la noirceur sans fin du monde se défit.
(...)
La porte s'ouvrit et une femme apparut, vêtue de blanc ; mais avec elle une couleur fit irruption dans ce monde, une forme rouge, vive comme le sang sur la neige, et cela m'affligea au-delà de toute mesure, et j'éclatai en sanglots. "Pourquoi pleurez-vous ?" dit-elle d'une voix mélodieuse, et ses doigts pâles et frais me caressèrent la joue.
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Je repoussai une mèche qui lui était tombée sur la paupière. Il ouvrit les yeux et me fixa, mais ses yeux étaient vides de toute reconnaissance. Il était arrivé dans cet endroit privé, fermé, d'où l'on ne remonte jamais à la surface, mais d'où il n'avait pas encore sombré non plus. Comme une bête, son corps se débattait avec ce qui lui arrivait, et les sons, c'était cela aussi, des sons de bête.
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Jonathan Littell
Les Bienveillantes

Le soir tombait. Un givre épais recouvrait tout : les branches tordues des arbres, les fils et les poteaux des clôtures, l'herbe drue, la terre des champs presque nus. C'était comme un monde d'horribles formes blanches, angoissantes, féeriques, un univers cristallin d'où la vie semblait bannie. Je regardais les montagnes : le vaste mur bleu barrait l'horizon, gardien d'un autre monde, caché celui-là. Le soleil, du côté de l'Abkhazie sans doute, tombait derrière les crêtes, mais sa lumière venait encore effleurer les sommets, posant sur la neige de somptueuses et délicates lueurs roses, jaunes, orange, fuchsia, qui couraient délicatement d'un pic à l'autre. C'était d'une beauté cruelle, à vous ravir le souffle, presque humaine mais en même temps au-delà de tout souci humain. Petit à petit, là-bas derrière, la mer engloutissait le soleil, et les couleurs s'éteignaient une à une, laissant la neige bleue, puis d'un gris-blanc qui luisait tranquillement dans la nuit. Les arbres incrustés de givre apparaissaient dans les cônes de nos phares comme des créatures en plein mouvement. J'aurais pu me croire passé de l'autre côté, dans ce pays que connaissent bien les enfants, d'où l'on ne revient pas.

Les Bienveillantes - éd. folio p. 481
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Les hommes ne contrôlent rien, ne dominent rien, ils sont tous des enfants et même des jouets, mis là pour le plaisir des femmes, un plaisir insatiable et d'autant plus souverain que les hommes croient contrôler les choses, croient dominer les femmes, alors qu'en réalité les femmes les absorbent, ruinent leur domination et dissolvent leur contrôle, pour en fin de compte prendre d'eux bien plus qu'ils ne peuvent donner. Les hommes croient en toute honnêteté que les femmes sont vulnérables, et que cette vulnérabilité, il faut soit en profiter, soit la protéger, tandis que les femmes se rient, avec tolérance et amour ou bien avec mépris, de la vulnérabilité infantile et infinie des hommes, de leur fragilité, cette friabilité si proche de la perte de contrôle permanente, cet effondrement perpétuellement menaçant, cette vacuité incarnée dans une si forte chair. C'est bien pour cela, sans aucun doute, que les femmes tuent si rarement.
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Il avait toujours l'air de savoir ce qu'il faisait, même quand il ne faisait rien.
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Longtemps, on reste sur cette terre comme une chenille, dans l’attente du papillon splendide et diaphane que l’on porte en soi. Et puis, le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu’en faire ?
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Longtemps, on reste sur cette terre comme une chenille, dans l’attente du papillon splendide et diaphane que l’on porte en soi. Et puis, le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu’en faire ?
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Et puis les choses se sont calmées, Ils ont vite arrêté de fusiller les gens, ils ne se fatiguaient même plus à les mettre en prison.
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J'étais triste, mais sans trop savoir pourquoi. Je ressentais d'un coup tout le poids du passé, de la douleur de la vie et de la mémoire inaltérable.
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J'avais été fortement impressionné par cet érotisme impossible, voué à finir écrasé sous les bottes ferrées des gardes. [...] mais peut-être aussi sa vérité cachée, indiquant sournoisement et obstinément que tout amour vrai est inéluctablement tourné vers la mort, et ne tient pas compte, dans son désir, de la misère des corps.
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- Ce que vous disiez sur... les morts. C'était vrai ? [...]
- Tout ce que j'ai dit est vrai.
- Les femmes, les enfants aussi ?
- Oui
[...] lorsqu'elle me regarda de nouveau, ses yeux étaient emplis de larmes : "C'est triste", dit-elle [...]
Elle réfléchit avant de parler : "Vous savez que nous allons payer pour tout ça. [...] même si nous ne perdons pas la guerre, nous allons payer. Il faudra payer".
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Tu n'écoutes pas la BBC ? Ils savent, eux. Tout le monde sait, sauf les bons Allemands qui ne veulent rien savoir !
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[...] le garde SS ne devient pas violent ou sadique parce qu'il pense que le détenu n'est pas un être humain ; au contraire, sa rage croît et tourne au sadisme lorsqu'il s'aperçoit que le détenu, loin d'être un sous-homme comme on le lui a appris, est justement, après tout, un homme, comme lui au fond [...]
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Ainsi, pour un Allemand, être un bon Allemand signifie obéir aux lois et donc au Führer : de moralité, il ne peut y en avoir d'autre, car ne saurait la fonder.
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Aussi brutalisés et accoutumés fussent-ils, aucun de nos hommes ne pouvaient tuer une femme juive sans songer à sa femme, sa soeur ou sa mère, ne pouvait tuer un enfant juif sans voir ses propres enfants devant lui dans la fosse. Leurs réactions, leur violence, leur alcoolisme, les dépressions nerveuses, les suicides, ma propre tristesse, tout cela démontrait que l'autre existe, existe en tant qu'autre, en tant qu'humain, et qu'aucune volonté, aucune idéologie, aucune quantité de bêtise et d'alcool ne peut rompre ce lien, tenu mais indestructible. Cela est un fait, et non une opinion.
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Depuis les débuts de l'histoire humaine, la guerre a toujours été perçue comme le plus grand mal. Or nous, nous avions inventé quelque chose à quoi beaucoup déjà cherchaient à échapper en se réfugiant dans les certitudes élémentaires de la guerre et du front.
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